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Cession d’actions : 13 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17693

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Cession d’actions : 13 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17693

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 13 MAI 2022

N° 2022/188

Rôle N° RG 18/17693 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDJ5N

[A] [V]

C/

SAS EUROFEU SERVICES

Copie exécutoire délivrée le :

13 MAI 2022

à :

Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 10 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° f15/01490.

APPELANT

Monsieur [A] [V], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Elisabeth AUDOUARD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS EUROFEU SERVICES, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Henri TRUMER, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiler, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [A] [V] a été engagé en qualité de VRP exclusif à compter du 1er février 1989 par la société PARFEU.

Plusieurs avenants à son contrat de travail ont été signés les 2 mars 1998, 18 janvier 2010, 19 décembre 2011 et 1er avril 2012.

L’avenant au contrat de travail de Monsieur [V] en date du 18 décembre 2011, mentionne dans son article XIV une clause d’interdiction de concurrence.

Suivant protocole de cession d’actions en date du 3 avril 2012, les société PARFEU MRPT SAS, AMCI PROTECTION SAS et DELTA INCENDIE appartenant à la même famille ont cédé l’intégralité des actions composant leur capital social à la société AER HOLDING dont le groupe EUROFEU est leader sur le marché français dans la fabrication et distribution de matériel de protection incendie.

Par une note commune de service du 1er janvier 2013, les sociétés PARFEU, AMCI et DELTA INCENDIE ont informé leurs salariés de modifications dans la date de paiement du salaire, les dates de fin de facturation, le calcul des commissionnements sur le chiffre d’affaire facturé et les conséquences en cas de retard de règlement par les clients.

Par courrier recommandé avec accusé réception en date du 30 décembre 2013, Monsieur [A] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

La société PARFEU lui a répondu par courrier du 6 janvier 2014, contestant l’ensemble des griefs formulés par le salarié.

Monsieur [V] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Marseille aux fins de voir requalifier sa prise d’acte de rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de solliciter les indemnités y afférentes.

La SAS EUROFEU SERVICES est intervenue aux droits de la SARL PARFEU.

Par jugement en date du 10 juin 2016, le Conseil de Prud’hommes a :

-débouté Monsieur [V] de l’ensemble de ses demandes,

-dit que la prise d’acte n’était pas fondé sur des griefs suffisamment graves et qu’il s’agissait d’une démission,

-fixé l’indemnité de brusque rupture sollicitée par la société EUROFEU SERVICES à titre reconventionnel, à la somme de 10.000 euros, correspondant à la compensation de 3 mois de préavis,

-dit que la clause de non concurrence n’était pas valable car le secteur géographique n’a pas été clairement défini,

-condamné Monsieur [V] à payer à son employeur une indemnité de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Monsieur [A] [V] a relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions déposées et soutenues à l’audience de plaidoirie de la Cour d’appel du 17 février 2022, il demande à la cour de :

-Réformer le jugement du jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 10 juin 2016 en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de la rupture était une démission et fixé à 10.000 euros l’indemnité de brusque rupture correspondant à la compensation du préavis

-Confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la clause de non concurrence n’était pas valable,

-Dire que la prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-Condamner la société EUROFEU SERVICES à lui payer :

-10.000 euros d’indemnité de préavis,

-1.000 euros d’indémnité de congés payés sur préavis,

-17.500 euros au titre d’indemnité de licenciement,

-Condamner la société EUROFEU à lui verser une somme de 90.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, si la prise d’acte était analysée en démission, dire que la rupture n’était pas brusque et qu’aucune réparation n’est due,

-débouter la SAS EUROFEU SERVICES de l’ensemble de ses demandes,

-la condamner à lui payer une somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Suivant conclusions déposées et soutenues à l’audience du 17 février 2022, la SAS EUROFEU SERVICES demande à la cour de:

-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 10 juin 2016 en ce qu’il a dit que la prise d’acte de Monsieur [V] n’était pas fondée sur des griefs suffisamment graves et s’analysait en une démission,

-infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé à 10.000 euros l’indemnité de brusque rupture correspondant à la compensation du préavis,

-statuant à nouveau, condamner Monsieur [V] à lui payer la somme de 13.449,63 euros au titre de l’indemnité compensatrice lui restant due à titre de compensation du préavis non effectué,

-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et financier subi,

-statuant à nouveau, condamner Monsieur [V] à lui payer la somme de 36.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et financier subi du fait de la brusque rupture de son contrat de travail,

-infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de la violation de l’obligation de loyauté,

-statuant à nouveau, condamner Monsieur [V] à lui payer une somme de 108.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son obligation de loyauté,

-infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que l’engagement de non concurrence inséré à l’article XIV de l’avenant au contrat de travail de Monsieur [V] en date du 18 décembre 2011 était inopposable et l’a débouté de sa demande de remboursement au titre de la clause de non concurrence, outre les charges patronales y afférentes,

-statuant à nouveau, dire que l’engagement de non concurrence inséré à l’article XIV de l’avenant au contrat de travail de Monsieur [V] en date du 18 décembre 2011 lui était opposable et le condamner à lui rembourser 7.660,08 euros, perçus au titre de la clause de non concurrence, outre la somme de 4528,17 euros au titre des charges patronales y afférentes,

-le condamner à lui payer la somme de 93.797,61 euros au titre de la clause pénale conformément aux dispositions de l’article XIV de l’avenant au contrat de travail de Monsieur [V] en date du 18 décembre 2011,

-ordonner la capitalisation des intérêts,

-condamner Monsieur [V] lui payer la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et eux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Monsieur [A] [V] soutient que la société PARFEU devenue EUROFEU SERVICES a commis des manquements graves dans l’exécution de son contrat de travail justifiant qu’il prenne acte de la rupture à ses torts exclusifs produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il invoque à ce titre, le fait que son contrat de travail ne soit pas appliqué par son employeur sur deux points principaux : la date de paiement du salaire et le calcul de sa commission. Il rappelle que l’employeur a régularisé le paiement des cotisations de la prévoyance au bout de 9 mois, reconnaissant qu’il devait les prendre en charge. Il expose que, depuis la note de service du 1er janvier 2013 sur l’uniformisation des procédures de paie, il relève régulièrement des erreurs en sa défaveur dans le calcul des commissionnements sur son bulletin de salaire, l’obligeant à contrôler systématiquement les factures, certaines erreurs dans les retard de facturation mécontentant ses clients, et il indique ne pas avoir été entendu par la Direction, malgré ses réclamations.

La société EUROFEU SERVICES venant aux droits de la société PARFEU fait valoir que Monsieur [V] a en réalité pris acte de la rupture de son contrat de travail le 30 décembre 2013 pour rejoindre la société concurrente PROSUD, créée par un ancien collègue, et qu’il a été embauché par cette dernière société suivant contrat du 2 janvier 2014, en qualité de technico-commercial, en détournant une partie de son portefeuille client. Dans ce contexte, elle soutient que la prise d’acte de la rupture du salarié s’analyse en une démission, étant précisé que les manquements allégués dans le courrier du 30 décembre 2013 concernent l’application d’une note de service éditée le 1er janvier 2013, soit plus d’un an auparavant. Elle précise avoir répondu de manière circonstanciée aux réclamations de Monsieur [V] s’agissant de la date de la paie, de la prévoyance et des commissionnements et que le défaut de paiement portant sur des sommes très modestes, rectifié à bref délai, n’est pas suffisamment grave pour justifier une rupture à ses torts.

***

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue qui ne résultent pas uniquement de l’écrit par lequel il prend acte de la rupture et qui doivent constituer des manquements suffisamment graves de l’employeur à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

En l’espèce, Monsieur [V] a pris acte de la rupture du contrat de travail par courrier du 30 décembre 2013 invoquant plusieurs manquements de la société PARFEU dans l’exécution de son contrat.

En premier lieu, il expose que son employeur a modifié unilatéralement la date de paiement de son salaire.

Il ressort du contrat de travail initial conclu le 1er février 1989 que le salaire de Monsieur [V] est versé le 25 du mois suivant la période travaillée. Cependant, les sociétés PARFEU, AMCI et DELTA ont adressé le 1er janvier 2013 une note de service commune à l’ensemble des salariés, précisant que, dans un souci d’harmonisation des procédures de paie, les VRP seraient désormais réglés le dernier jour ouvré du mois de paie.

La cour constate d’une part, qu’il s’agit d’un changement qui n’est pas propre au seul contrat de travail de Monsieur [V] et d’autre part, que ce décalage dans la date de paie n’a pas pour effet de pénaliser le salarié puisqu’il sera désormais payé 25 jours plus tôt. Il ne produit en outre aucun courrier de réclamation adressé à son employeur concernant ce point.

En second lieu, Monsieur [V] indique que son employeur a mis 9 mois à régulariser la prise en charge des cotisations prévoyance auprès du groupe MALAKOFF pour les VRP.

La société PARFEU a reconnu son erreur à ce titre. Toutefois, il convient de relever qu’elle porte sur une somme modeste (soit une moyenne de 11,77 euros/mois ) au regard du salaire moyen de l’intéressé en 2013 (4.483,21 euros/mois).

En troisième lieu, Monsieur [V] dénonce la non application de son contrat de travail s’agissant du calcul de ses commissions et des erreurs de calcul en sa défaveur à ce titre.

Il invoque la note de service du 1er janvier 2013 qui précise que le chiffre d’affaire pris en compte pour le calcul des commissions des VRP sera le chiffre d’affaires facturé et non plus le chiffre d’affaire commandé et livré.

Cependant, il y a lieu de noter que ce mode de calcul est conforme à l’avenant du contrat de travail signé le 2 mars 1998 par Monsieur [V] qui indique que ‘le droit à la commission et à la prime d’objectifs’ s’entend pour une production du chiffre d’affaire payé.

Le salarié n’apporte pas en conséquence la preuve d’une non application du contrat de travail qu’il a signé.

Il a été mentionné dans la note du 1er janvier 2013 que, chaque mois, le détail ligne à ligne du chiffre d’affaires facturé (avec n° de client, n° de facture, article, quantité , total HT etc…) était mis à disposition du salarié avant la paie, afin de vérifier le montant des commissions.

Si par courrier du 3 avril 2013, Monsieur [V] a attiré l’attention de sa direction sur le fait qu’il existait des erreurs dans le montant des chiffres d’affaires retenus pour le calcul de ses commissions en avril 2013, puis en mai 2013, et a demandé des précisions par courrier du 3 juillet 2013, la cour constate que l’employeur lui a répondu immédiatement et de manière circonstanciée. Les seules erreurs, reconnues par l’employeur en raison de bugs informatiques, portaient sur des sommes modiques (141 euros et 100 euros) régularisées respectivement en mai et juillet 2013.

Monsieur [V] écrit encore, suivant courrier du 1er septembre 2013 adressé à son employeur et dans sa lettre de rupture du 30 décembre 2013 que son listing client n’est pas à jour ce qui l’oblige à tout pointer et qu’il existe de nouvelles erreurs.

Il n’apporte toutefois aucun élément probant susceptible d’étayer ses dires.

En revanche, dans son courrier du 19 octobre 2013 adressé à Monsieur [P], Directeur de Région, l’appelant invoque son projet d’installation dans les Hautes Alpes en raison de l’état de santé de son épouse qui a cessé son activité professionnelle et afin de prendre une nouvelle orientation professionnelle à titre personnel, projet dont il s’est entretenu avec sa direction suivant entrevue du 26 septembre, envisageant de quitter l’entreprise pour la fin de l’année 2013.

A ce titre, l’employeur produit également le procès verbal d’huissier du 8 décembre 2014 établit lors d’une visite autorisée par la justice auprès de la société PROSUD dont le Président est Monsieur [Y] [I] et dont le registre du personnel mentionne une embauche de Monsieur [A] [V] en qualité de technico-commercial dès le 2 janvier 2014 avec un fixe et variable de 3.565,89 euros net.

L’employeur verse aux débats le témoignage écrit de Monsieur [A] [L], chargé d’affaires auprès de la société PARFEU qui indique que ‘tout au long de la période 2012/2103, Monsieur [I] n’a pas cessé de dénigrer le groupe EUROFEU auprès des colaborateurs PARFEU afin de ramener vers lui un maximum de commerciaux et techniciens PARFEU avec leurs fichiers clients respectifs. Messieurs [Z], [G], [V], [F] et moi même avons aussi participé au capital de PROSUD avec la promesse de Monsieur [I] d’obtenir rapidement des dividendes confortables’.

Il s’ensuit que le départ de Monsieur [V] de la société le 30 décembre 2013 s’inscrit dans le contexte d’une embauche réalisée immédiatement après la prise d’acte, par une société concurrente lui proposant une rémunération plus interessante.

Ainsi, si Monsieur [V] établit une modification de sa date de paie sans impact défavorable pour lui et des erreurs de son employeur quant aux paiement des cotisations de la Prévoyance et au montant de certaines commissions versées, force est de constater que ces erreurs ont eu des conséquences financières minimes et ont été rectifiées à bref délai, de sorte qu’elles ne constituent pas des manquements suffisamment graves de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Dans ces conditions, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’une démission.

Il y a lieu en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a débouté Monsieur [V] de ses demandes en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêt pour brusque rupture

Estimant que Monsieur [V] a rompu brutalement son contrat de travail sans respecter le délai de préavis contractuellement prévu, la société EUROFEU SERVICES venant aux droits de la société PARFEU sollicite le paiement d’une indemnité pour brusque rupture égale à trois mois de salaire conformément à l’article XII du contrat de travail et à l’article 12 de la convention collective applicable, soit la somme de 13.449,63 euros. Elle sollicite en outre réparation de son préjudice commercial et financier à hauteur de 36.000 euros correspondant à la marge de la société sur le chiffre d’affaire qu’aurait réalisé le salarié sur 3 mois, pour s’être vu priver de la force de travail d’un technico-commercial aguerri et expérimenté du jour au lendemain.

Monsieur [V] indique que les manquements de l’employeur de nature à justifier une prise d’acte peuvent autoriser le salarié à cesser immédiatement l’exécution de son contrat de travail ; qu’en tout état de cause, la société ne justifie d’aucun préjudice du fait de l’arrêt des relations contractuelles dans la mesure où il a pris soin de laisser son rétro planning etil fait valoir qu’au vu des pourparlers engagés pour mettre fin au contrat de travail fin 2013, l’annonce de la rupture avait été faite à son employeur en septembre, renouvelée en octobre 2013, de sorte que la rupture n’a pas été brutale. S’agissant du préjudice économique et financier, il soutient que celui ci n’est pas démontré.

***

Aux termes des dispositions de l’article XII du contrat de travail conclu le 1er février 1989 entre Monsieur [A] [V] et la société PARFEU, aux droits de laquelle vient la société EUROFEU SERVICES, ‘Le présent contrat étant établi pour une durée indéterminée, il pourra prendre fin à la volonté de l’une ou de l’autre des parties, en observant, hors le cas d’une faute grave ou de force majeure, le préavis prévu à l’article 291 du livre 1 du code du travail, (…) Soit 3 mois si la rupture intervient au delà de la deuxième année’.

Cette disposition est reprise par l’article 12 de l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975 étendu par arrêté du 26 juillet 1977 et élargi par arrêté du 11 juillet 1989.

Il est constant que Monsieur [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée du 30 décembre 2013 adressée à son employeur, sans préavis.

Si certains manquements de l’employeur sont de natures à justifier une prise d’acte autorisant une cessation immédiate de l’exécution du contrat de travail, tel n’est pas le cas en l’espèce, les erreurs constatées sur les commissions ne présentant pas un caractère de gravité suffisant.

Monsieur [V] est dès lors contractuellement redevable au profit de son employeur d’une indemnité de brusque rupture égale à trois mois de salaire en compensation du préavis non effectué, soit, au vu du salaire mensuel moyen de l’année 2013, d’une somme de 13.449,63 euros (4.483,21 x 3).

S’agissant du préjudice économique résultant de la brusque rupture, il convient de noter que l’employeur ne conteste pas avoir eu une entrevue avec Monsieur [V] le 26 septembre 2013 au cours de laquelle le salarié lui a fait part de sa volonté de quitter la société, souhaitant négocier son départ. Cette information a été renouvelée suivant courrier recommandé du 19 octobre 2013 par lequel il a notamment évoqué un départ de l’entreprise pour la fin de l’année 2013 afin d’utiliser le premier trimestre 2014 à la mise en place de son futur projet professionnel.

L’employeur était par conséquent déjà informé de la volonté de départ de son salarié avant l’envoi du courrier du 30 décembre 2013.

En outre, la société EUROFEU SERVICES invoque un préjudice économique et financier éventuel basé sur des éléments putatifs et qui ne peut être retenu.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a rejeté la demande de dommages et intérêts d’un montant de 36.000 euros sollicités par la socité EUROFEU à ce titre.

Sur la clause de non concurrence

Invoquant la clause de non concurrence figurant au contrat de travail et le débauchage du salarié par une société concurrente PROSUD exerçant la même activité (sécurité incendie) dans le même secteur, la société EUROFEU SERVICES sollicite la condamnation de Monsieur [V] à lui verser d’une part, la somme de 7.660,08 euros correspondant aux sommes indûment perçues par le salarié en contrepartie de son engagement de non concurrence, outre la somme de 4.528,17 euros au titre des charges patronales afférentes, et d’autre part, une somme de 93.797,61 euros au titre de la clause pénale figurant à la clause de non concurrence en cas de violation de l’interdiction.

Monsieur [V] demande confirmation de la décision du conseil de prud’hommes de Marseille qui a déclaré la clause de non concurrence non valable au motif que le secteur géographique dans lequel elle s’exerçait n’était pas clairement défini et conclut au rejet de l’intégralité des demandes financières formées par son ancien employeur à son encontre, en application de cette clause.

***

L’avenant au contrat de travail de Monsieur [V] en date du 19 décembre 2011 comporte une clause de non concurrence ainsi libellée :

‘Au cas où le présent contrat prendrait fin pour une cause quelconque le représentant s’interdit d’exercer toute ou partie des fonctions définies dans les articles ci-avant dans le secteur qui sera le sien à l’époque de la rupture et, dans les départements limitrophes et ce pendant une durée de 1 an, que ce soit tant pour son propre compte, que pour toute maison fabricant, vendant, louant ou représentant des matériels, produits et articles d’usage ou de constructions similaires à ceux vendus, loués et représentés par la SAS PARFEU.

Il est bien entendu que cette interdiction s’applique à toute entreprise qui aurait une activité dans les secteurs visés ci-dessus, alors même que son siège social ou son principal établissement serait situé hors du secteur en cause, et, donnera lieu à versement d’une indemnité compensatrice légale. (…)

Pendant l’exécution de l’interdiction, l’employeur versera au représentant une contre partie pécuniaire mensuelle spéciale dont le montant sera égal à 2/3 de mois si la durée en est supérieure à 1 an et à 1/3 de mois, si la durée en est inférieure à 1 an ; ce montant sera réduit de moitié en cas de rupture de contrat de représentation consécutive à une démission’.

Pour d’être valable, une clause de non concurrence doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise, tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, être précisément délimitée dans le temps et dans l’espace et comporter une contrepartie financière versée par l’employeur.

En l’espèce, pour affirmer que la clause de non concurrence n’était pas valable, le conseil de prud’hommes a relevé que le secteur géographique dans lequel s’exerçait cette clause n’était pas suffisamment déterminé, faisant référence à l’annexe 1.1 du contrat de travail du 1er février 1989 signé par Monsieur [V] qui précise uniquement ‘secteur : SARL MPI’ sans apporter de précision sur le lieu d’exercice.

Cependant, la clause de non concurrence figurant à l’avenant au contrat de travail du 19 décembre 2011 indique que le représentant s’interdit d’exercer une activité similaire ‘dans le secteur qui sera le sien à l’époque de la rupture et, dans les départements limitrophes’, ce qui constitue une délimitation du secteur géographique.

La cour relève que Monsieur [V] ne peut ignorer le secteur géographique dans lequel il exerce au moment de la rupture, ainsi que les départements limitrophes qui l’entourent.

A ce titre, l’employeur indique que le salarié exerçait sur le ressort d'[Localité 2] à l’époque de la rupture, soit au mois de décembre 2013, ce que ne conteste pas Monsieur [V].

La société EUROFEU SERVICES lui a en outre rappelé par courrier du 14 janvier 2014 que l’interdiction d’exercer dans des entreprises concurrentes portait sur l’ensemble des départements confiés en dernier lieu, à savoir le département 13 et les départements limitrophes (30-84-83).

En conséquence, il convient d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ce point et de dire que la clause de non concurrrence, justifiée par des intérêts légitimes, sur un secteur d’activité spécifique, délimitée dans le temps et dans l’espace et comportant une contrepartie financière est valable et opposable à Monsieur [V].

La société EUROFEU SERVICES établit que Monsieur [V] a quitté la société le 30 décembre 2013 pour se faire embaucher dès le 2 janvier 2014 par la SARL PROSUD, société concurrente exerçant dans le même secteur d’activité (protection incendie) et dans le même secteur géographique (cf le procès-verbal de constat d’huissier en date du 8 décembre 2014 constatant son embauche sur le registre du personnel de la société PROSUD au 2 janvier 2014 en qualité de technicien commercial pour le département 13).

Il s’ensuit qu’il n’a pas respecté les termes de la clause de non concurrence lui interdisant d’exercer les mêmes fonctions dans une entreprise concurrente dans le délai d’un an à compter de la rupture.

Il doit en conséquence être condamné à rembourser les sommes versées par son employeur au titre de la contrepartie de la clause, soit la somme totale de 7.660,08 euros , dont le montant est justifié par la société EUROFEU SERVICES par les bulletins de paie des mois de janvier, février et mars 2014.

En revanche, les charges patronales afférentes au versement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, n’ayant pas été versées à Monsieur [V], ce dernier n’a pas à les rembourser à son ancien employeur au titre d’un’trop perçu’.

S’agissant de la clause pénale, il est spécifié dans le corps de la clause de non concurrence que ‘toute infraction aux dispositions relatives à l’interdiction de concurrence expose le collaborateur au paiement d’une indemnité forfaitaire égale à la rémunération perçue par lui pendant les 24 derniers mois d’activité ou pendant la durée de l’emploi si celle-ci est inférieure, sans préjudice pour l’employeur de faire cesser la concurrence par tout moyen appropriés’.

Il est admis que le montant de cette clause pénale peut être réduit par le juge en application des dispositions de l’article 1152 du code civil (devenues 1231-5 du code civil) s’il présente un caractère manifestement excessif au regard du préjudice subi par la société EUROFEU SERVICES.

Au regard de la baisse du chiffre d’affaire enregistrée par la société EUROFEU SERVICES sur l’année 2014 du fait du départ de plusieurs salariés vers la société PROSUD dont Monsieur [V] ne peut être le seul responsable, il convient de considérer la clause pénale comme étant manifestement excessive, dans la mesure où il n’est pas établi que le préjudice allégué résulte directement d’une faute de Monsieur [V].

En conséquence, la cour limite le montant de la clause pénale à la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi par le non respect de la clause de concurrence.

Sur l’obligation de loyauté

La société EUROFEU SERVICES sollicite la condamnation de son ancien salarié à lui verser la somme de 108.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la violation de son obligation de loyauté. Elle soutient que Monsieur [V], qui était salarié de la société PARFEU devenue EUROFEU SERVICES depuis 22 ans, a usé de déloyauté, pour partir de manière préméditée vers la société concurrente PROSUD en détournant la clientèle, ce qui lui a causé un préjudice important en terme de chiffre d’affaire.

Monsieur [V] expose qu’il s’agit d’une demande extravagante, l’employeur ne rapportant la preuve ni de la violation alléguée, ni du quantum réclamé.

***

Il est admis que tout salarié reste soumis à une obligation de loyauté envers son employeur jusqu’à l’expiration du contrat de travail, y compris pendant les périodes de suspension du contrat de travail et l’exécution du préavis.

Si les actes de concurrence déloyale postérieurs à la rupture du contrat de travail relèvent de la compétence des juridictions commerciales, les actes commis pendant l’exécution du contrat de travail et violant l’obligation de loyauté à laquelle est soumis tout salarié, ou les actes commis après la rupture du contrat de travail mais alors que le salarié restais soumis à une clause de non-concurrence relèvent de la compétence des juridictions prud’homales au regard de l’article L 1411 du code du travail qui énonce que le conseil des prud’hommes règle les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les employés qu’ils emploient.

Il s’ensuit que les juridictions prud’homales ne sont compétentes que pour connaître des actes commis par le salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail ou durant l’application de la clause de non-concurrence.

En l’espèce, si la société EUROFEU SERVICES apporte la preuve de ce que Monsieur [V] a été embauché par la société concurrente PROSUD immédiatement après avoir rompu son contrat de travail et verse aux débats plusieurs attestations d’anciens collègues (Messieurs [K] et [X]), le courrier d’un responsable d’agence (Monsieur [W] [M]) ainsi qu’un mail d’un ancien client (Madame [J] de la société RSUD MEDICAL) témoignant de ce que l’appelant a effectué la vérification d’anciens parcs d’extincteurs initialement confiés à EUROFEU SERVICES pour le compte de la société PROSUD, elle n’apporte pas d’éléments susceptibles de démontrer que Monsieur [V] aurait lui même débauché certains clients de son portefeuille VRP en leur demandant de le suivre.

A ce titre, l’employeur ne verse aucun courrier, aucune attestation, ni aucun autre élément établissant que Monsieur [V] aurait commis des actes de démarchage auprès de ses clients habituels pour que ceux ci viennent le rejoindre auprès de la société PROSUD.

L’attestation de Monsieur [L] qui indique ‘tout au long de 2012/2013, Monsieur [I] n’a pas cessé de dénigrer le groupe EUROFEU/PARFEU afin de ramener vers lui un maximum de commerciaux et techniciens PARFEU avec leurs fichiers clients respectifs’ est trop générale et n’apporte aucune précision quant aux agissements de Monsieur [V], le nom et le nombre de clients qui auraient été ‘apportés’ à la société PROSUD.

Dès lors, l’employeur ne démontre pas le manquement à l’obligation de loyauté alléguée et la demande de dommages et intérêts formée à ce titre sera rejetée.

Sur les intérêts et leur capitalisation

Les sommes allouées à la société EUROFEU SERVICES, de nature indemnitaire, porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts, sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles et de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le salarié, qui succombe à titre principal, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [A] [V] s’analysait en une démission, rejeté les demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et financier subi pour brusque rupture et rejeté la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté du salarié,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit la clause de non concurrence non valable et rejeté les demandes formées par la société EUROFEU SERVICES en application de cette clause, ainsi que sur le montant alloué à la société EUROFEU SERVICES en compensation du préavis non effectué,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne Monsieur [A] [V] à payer à la société EUROFEU SERVICES :

-la somme de 13.449,63 euros pour brusque rupture en compensation du préavis non effectué,

-la somme de 7.660,08 euros en remboursement des sommes perçues en contrepartie de la clause de non concurrence,

-la somme de 10.000 euros au titre de la clause pénale pour violation de la clause de non concurrence,

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Y ajoutant :

Dit que les sommes allouées à la société EUROFEU SERVICES porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts, sous réserve qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière,

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [V] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

[U] [N] faisant fonction

 


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