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Cession d’actions : 12 octobre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-14.565

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Cession d’actions : 12 octobre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-14.565

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 octobre 2022

Rejet

M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 580 F-D

Pourvoi n° V 20-14.565

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 OCTOBRE 2022

La société Felicity International, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 6], société de droit étranger, a formé le pourvoi n° V 20-14.565 contre l’arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l’opposant :

1°/ au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, domicilié immeuble de [7], [Adresse 5], [Localité 1], agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques,

2°/ au directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 2], [Localité 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Felicity International, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, et du directeur général des finances publiques, après débats en l’audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2020), la société de droit luxembourgeois Felicity International (la société Felicity), est propriétaire d’un bien immobilier à Cap-d’Ail. Après avoir été mise en demeure par l’administration fiscale, elle a pris l’engagement de lui communiquer les éléments d’information prévus à l’article 990 E, 3°, du code général des impôts, afin d’être exonérée de la taxe de 3 % sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des entités juridiques qui ont leur siège dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ou dans un Etat ayant conclu avec la France un traité leur permettant de bénéficier du même traitement que les entités qui ont leur siège en France.

2. Considérant que les éléments fournis par la société Felicity étaient insuffisants et incomplets, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification de la taxe de 3 % sur les immeubles détenus en France au titre des années 2009 à 2012.

3. Après mise en recouvrement des droits et pénalités, et rejet implicite de sa réclamation contentieuse, la société a assigné l’administration fiscale en décharge de l’imposition réclamée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Felicity fait grief à l’arrêt de la débouter de ses demandes,
alors :

« 1°/ que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a énoncé que “c’est à la société requérant le bénéfice de l’exonération fiscale de démontrer par tout moyen la réalité de la détention des titres en cause par les personnes qu’elle a désignées”, et qu’il “appartient à la société Felicity de démontrer la détention réelle des titres en cause par les personnes qu’elle a désignées dans ses déclarations n° 2746 dans le cadre de son engagement et la vraisemblance des conditions économiques dans lesquelles les nouveaux associés ont pu entrer en possession de telles valeurs économiques, notamment en justifiant des flux financiers correspondants” ; qu’en se déterminant ainsi, cependant qu’en l’absence de disposition législative attribuant au contribuable la charge exclusive de prouver le bénéfice de l’exonération de taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales prévue à l’article 990 E du code général des impôts, le juge de l’impôt devait se fonder sur les résultats de l’instruction, en tenant compte à la fois des éléments fournis par le contribuable et de ceux avancés par l’administration fiscale, ce dont il se déduisait que la charge de la preuve ne pouvait exclusivement peser sur la société Felicity, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 990 D et 990 E du code général des impôts ;

2°/ que pour bénéficier, sur le fondement du d) du 3° de l’article 990 E du code général des impôts, de l’exonération de taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales prévue à l’article 990 D du code général des impôts, le contribuable peut établir par tous moyens l’identité et l’adresse des actionnaires ou associés et autres membres détenant plus de 1 % des actions, parts ou autres droits, ainsi que le nombre des actions, parts ou droits détenus par chacun d’eux ; qu’en se bornant, pour conclure que la société Felicity n’établissait ni l’identité de ses actionnaires entre 2009 et 2012 ni le nombre d’actions détenus par chacun d’eux, à examiner la valeur probante de chacun des documents produits par la société Felicity pris isolément, sans rechercher si, envisagés globalement comme un faisceau cohérent et convergent d’éléments de preuve, ces documents, qui comprenaient en particulier les contrats du 10 avril 2008, enregistrés auprès d’un notaire moscovite et revêtu de l’apostille, par lesquels M. [L] et M. [J] ont acquis les titres de la société Felicity, n’établissaient pas que M. [L] et M. [J] étaient bien actionnaires de la société entre 2009 et 2011 et que M. [L] et la fondation de droit néerlandais Stichting Interfin étaient bien actionnaires de la société en 2012, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 990 D et 990 E du code général des impôts ;

3°/ qu’il résulte des dispositions des articles 990 D et 990 E du code général des impôts que la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales est une imposition annuelle, de sorte que le bénéfice de l’exonération prévue au d) du 3° de l’article 990 E du code général des impôts est subordonné à la preuve, non pas de la chaîne de détention complète et exhaustive depuis la création d’une société, mais seulement à la preuve, pour chacune des années au titre desquelles l’exonération est revendiquée, de l’identité et de l’adresse des actionnaires ou associés et autres membres détenant plus de 1 % des actions, parts ou autres droits, ainsi que du nombre des actions, parts ou droits détenus par chacun d’eux ; pour juger que la société Felicity n’établissait ni l’identité de ses actionnaires entre 2009 et 2012 ni le nombre d’actions détenus par chacun d’eux, la cour d’appel a énoncé, d’une part, que la société Felicity n’avait transmis aucun justificatif des cessions de titres intervenues les 29 juin 2004 et 3 avril 2006 qui sont évoquées dans les actes sous seing privé des 10 avril 2008, 15 février 2011 et 21 février 2011, de sorte que la chaîne de détention complexe mise en place par les bénéficiaires économiques de la société est interrompue et demeure opaque, et, d’autre part, que la société Felicity avait choisi de ne pas faire publier les multiples changements intervenus dans son actionnariat entre 2004 et 2011 ; qu’en imposant ainsi à la société Felicity d’administrer la preuve de la composition de son actionnariat pour des années antérieures à la période 2009-2012 qui était seule en litige, la cour d’appel a méconnu le caractère annuel de la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales, violant ainsi les articles 990 D et 990 E du code général des impôts ;

4°/ que s’il appartient au juge français d’accueillir les modes de preuve de la loi du for, c’est néanmoins sans préjudice du droit pour les parties de se prévaloir également des règles de preuve du lieu étranger de l’acte ; qu’en outre, il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d’en rechercher, soit d’office, soit à la demande d’une partie qui l’invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu’il ressort de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoise et de l’article 6 du règlement grand-ducal du 23 janvier 2003, dans sa rédaction issue du règlement grand-ducal du 22 avril 2009, que les services du registre de commerce et des sociétés luxembourgeois sont autorisés à publier exclusivement les actes dont le dépôt ou la publication au registre de commerce et des sociétés est ordonné par la loi, actes parmi lesquels ne figurent ni les actes emportant transfert de propriété des titres d’une société ni les procès-verbaux des assemblées générales au cours desquelles sont approuvés les changements dans la composition du capital d’une société ; que pour juger que la société Felicity n’établissait ni l’identité de ses actionnaires entre 2009 et 2012 ni le nombre d’actions détenus par chacun d’eux, la cour d’appel a énoncé que “contrairement à ce que la société Felicity prétend, les sociétés luxembourgeoises ont la possibilité de faire publier dans Legilux leurs statuts modificatifs avec la composition de leur nouvel actionnariat et la répartition des parts entre associés”, et que peuvent également être publiés au registre de commerce et des sociétés luxembourgeois les procès-verbaux des assemblées générales au cours desquelles sont approuvés les changements intervenus dans la composition du capital d’une société, ce dont elle a conclu que l’absence de publication des cessions d’actions intervenues depuis 2008 ne résultait pas de son propre choix, de sorte qu’un montage purement artificiel avait été à juste titre suspecté ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a dénaturé la loi luxembourgeoise, violant ainsi l’article 3 du code civil ;

5°/ qu’en jugeant que “contrairement à ce que la société Felicity prétend, les sociétés luxembourgeoises ont la possibilité de faire publier dans Legilux leurs statuts modificatifs avec la composition de leur nouvel actionnariat et la répartition des parts entre associés”, et que peuvent également être publiés au registre de commerce et des sociétés luxembourgeois les procès-verbaux des assemblées générales au cours desquelles sont approuvés les changements intervenus dans la composition du capital d’une société, ce dont elle a conclu que l’absence de publication des cessions d’actions intervenues depuis 2008 ne résultait pas de son propre choix, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il ne ressortait pas de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoise et de l’article 6 du règlement grand-ducal du 23 janvier 2003, dans sa rédaction issue du règlement grand-ducal du 22 avril 2009, que les services du registre de commerce et des sociétés luxembourgeois sont autorisés à publier exclusivement les actes dont le dépôt ou la publication au registre de commerce et des sociétés est ordonné par la loi, actes parmi lesquels ne figurent ni les actes emportant transfert de propriété des titres d’une société ni les procès-verbaux des assemblées générales au cours desquelles sont approuvés les changements dans la composition du capital d’une société, et s’il ne s’en déduisait pas qu’aucune conséquence juridique ne pouvait être tirée de l’absence de publication de ces actes, s’agissant de la preuve de l’identité de ses actionnaires ou d’un prétendu montage artificiel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 3 du code civil et des articles 990 D et 990 E du code général des impôts ;

6°/ que la société Felicity faisait valoir que le fort endettement de la société Felicity avait eu pour effet de diminuer à zéro la valeur de ses actions, de sorte que ces actions avaient été cédées au prix symbolique d’un euro par action ; qu’en énonçant “que le paiement, même s’il était avéré, d’un prix symbolique correspondant aux actes de cession n’est pas pertinent pour établir la réalité de l’actionnariat déclaré, lorsque le bien immobilier en cause a été inscrit à l’actif du bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2012 pour un montant brut de vingt-quatre millions d’euros ; qu’aucun élément n’est versé qui viendrait véritablement diminuer la valeur vénale du bien immobilier ou des parts sociales ; que des ventes réalisées à un prix symbolique ne reflètent pas la réalité de la valeur marchande de ce type de bien et des parts sociales de la société Felicity dont le ‘fort endettement’ n’est pas démontré”, sans rechercher, comme elle y était invitée, s’il ne ressortait pas des bilans des années 2008 à 2011 publiés au registre de commerce et des sociétés luxembourgeois et produits par la société Felicity que la société supportait d’importantes dettes au cours des années 2008 et 2011, et s’il n’en résultait pas que cet endettement avait eu pour effet de diminuer fortement la valeur des actions de la société Felicity et, par suite, de justifier le prix symbolique d’un euro par action stipulé lors des cessions de 2008 et 2011, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 990 D et 990 E du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, après avoir énoncé que le régime d’exonération de la taxe de 3 % est un régime dérogatoire de droit commun subordonné, notamment, à la révélation de l’identité du ou des actionnaires et à l’indication des circonstances juridiques et financières ayant conduit la ou les personnes désignées à posséder les titres litigieux, l’arrêt relève que les documents relatifs aux cessions de titres aux termes desquels la société Felicity aurait été détenue, aux 1er janvier des années 2009, 2010 et 2011, par M. [L] et M. [J] puis, au 1er janvier 2012, par la fondation de droit néerlandais Stichting Interfin et M. [L], sont des actes sous seing privé qui ont été déposés auprès de l’étude d’un notaire à Moscou en Russie et non au Luxembourg et qu’en l’absence soit de justification soit d’enregistrement de tous les changements successifs intervenus, c’est à la société requérant le bénéfice de l’exonération fiscale de démontrer par tout moyen la réalité de la détention des titres en cause par les personnes qu’elle a désignées.

6. L’arrêt relève encore que les registres des actionnaires produits sont unilatéraux, que les procès-verbaux d’assemblées générales extraordinaires communiqués ne visent que les reports déficitaires de la société Felicity, dont la certification par un notaire au Luxembourg ne porte que sur la conformité des photocopies aux documents originaux qui ont été présentés et non sur la sincérité des informations qu’ils contiennent, que l’attestation certifiant l’identité des associés, émanant d’une société FBK Benoy Partner, est insuffisante à établir la propriété réelle des parts sociales, que le paiement, à le supposer avéré, d’un prix symbolique correspondant aux actes de cession n’est pas pertinent pour établir la réalité de l’actionnariat déclaré, dès lors que le bien immobilier en cause a été inscrit à l’actif du bilan de l’exercice clos au 31 décembre 2012 pour un montant brut de vingt-quatre millions d’euros, qu’aucun élément pertinent ne justifie la diminution de la valeur vénale du bien immobilier ou des parts sociales et que l’endettement allégué de la société Felicity n’est pas démontré.

7. De ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise par la sixième branche, a pu déduire que les éléments produits étaient insuffisants pour démontrer la détention réelle des titres en cause par les personnes que la société Felicity a désignées dans ses déclarations n° 2746 et la vraisemblance des conditions économiques dans lesquelles les nouveaux associés ont pu entrer en possession de ces parts sociales.

8. Par conséquent, le moyen, inopérant en ses troisième, quatrième et cinquième branches, qui attaquent des motifs surabondants, n’est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Felicity International aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Felicity International et la condamne à payer à la direction générale des finances publiques, la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.

 


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