La clause de non concurrence stipulée à une cession d’action n’empêche pas le cédant de devenir salarié d’un concurrent. Interdire au cédant d’« entreprendre » une activité dans le même domaine (interdiction figurant dans la clause de non-concurrence du contrat de cession) ne saurait s’interpréter, faute d’élargissement rédactionnel de la clause litigieuse à une embauche salariée.
Ainsi, le cédant, en se faisant recruter, deux mois après son départ de l’Agefi, par la société Infopro Digital, n’a pas commis de manquement à son engagement au titre de la clause de non-concurrence stipulée au contrat de cession d’actions.
Par ailleurs, la clause était limitée dans le temps avec une durée de validité de 4 ans à compter de la cession. Elle était également limitée géographiquement au territoire français et aux pays francophones limitrophes qui sont la zone d’activité de l’Agefi. Son périmètre fonctionnel était bien limité aux « activités de la Société à savoir des activités de presse professionnelle, de production audiovisuelle et d’organisation d’événements dédiés à la gestion d’actifs » et ne concernait donc que trois activités en lien direct avec la gestion d’actifs qui est l’activité principale de la société cédée.
Tant la durée que le périmètre de la clause qu’il soit fonctionnel ou géographique n’apparaissent pas disproportionnés au regard de l’enjeu qui consiste pour l’Agefi à intégrer la société acquise et à en assurer la pérennisation commerciale, sans pour autant interdire au cédant de travailler dans des activités autres que les trois seules qui lui étaient interdites.
En tant qu’entrepreneur expérimenté, si le cédant avait considéré cette clause comme trop contraignante, aurait pu la négocier afin de la restreindre, ce qu’il ne démontre pas avoir fait.
Pour rappel, l’article 1188 du code civil dispose que « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. ».
L’article 1189 du même code dispose, pour sa part, que : « Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci. ».
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE
JUGEMENT PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE LE 26 Octobre 2021 5e CHAMBRE
DEMANDEUR
SA AGENCE ECONOMIQUE ET […]
comparant par Me B C 8 10 BOULEVARD DU MONTPARNASSE 75015 PARIS et par Me BERTRAND LISSARRAGUE 2 TER RUE DE FONTENAY LEXAVOUE PARIS VERSAILLES 78000 VERSAILLES
DEFENDEUR
M. D Y […]
comparant par la SCP HUVELIN et Associés […] et par Me F G 38 ruc M Mermoz 75008 PARIS
LE TRIBUNAL AYANT LE 23 Juillet 2021 ORDONNE LA CLOTURE DES DEBATS POUR LE JUGEMENT ÊTRE PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GRÈFFE LE 26 Octobre 2021. APRÈS EN AVOIR DELIBEÈRE.
FAITS
La SA Agence économique et financière, ci-après « l’Agefi », est spécialisée dans l’édition de revues au format papier ou numérique dans le domaine de la finance.
Monsieur D X a créé la société Indinvest le 7 septembre 2011 spécialisée dans l’information des professionnels de la finance.
L’Agefi a racheté à la société Holaf Invest, holding personnelle de Monsieur X, la totalité des actions de la société Indinvest au titre d’un contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017. Ce même jour, la décision a été prise de dissoudre de manière anticipée cette société et Indinvest a alors fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de l’Agefi. Au titre du contrat de cession, Monsieur X a souscrit un engagement de non-concurrence pendant une durée de quatre ans.
Le 25 novembre 2017, Monsieur X a été embauché par l’Agefi en tant que directeur général adjoint et était tenu d’une clause de non-concurrence au titre de son contrat de travail.
Le 18 juin 2019, Monsieur X a signé une rupture conventionnelle avec l’Agefi. L’indemnité de rupture conventionnelle a été fixée à 38 291,79 € et, au total, l’Agefi a versé à Monsieur X la somme de 74 063,09 €, ce dernier quittant l’Agefi le 26 juillet 2019.
L’Agefi, ayant appris que Monsieur X avait été recruté, deux mois après son départ de l’Agefi, par la société Infopro Digital, agissant dans le même secteur d’activité, a mis en demeure Monsieur X par courrier recommandé du 9 octobre 2019 de cesser toute activité avec Infopro Digital, mettant cette dernière en copie de son courrier.
PROCEDURE
C’est dans ces circonstances que l’Agefi a saisi en référé le président de ce tribunal pour qu’il soit fait interdiction à Monsieur X de poursuivre son activité au sein d’Infopro Digital.
Par une ordonnance de référé du 13 décembre 2019, statuant sur la compétence, le juge des référés s’est déclaré incompétent et l’Agefi a alors interjeté appel de cette décision devant la cour d’appel de Versailles et, le 17 décembre 2020, la cour a infirmé l’ordonnance précitée, indiquant que le juge des référés de ce tribunal était compétent pour connaître du litige et renvoyant, en conséquence, l’affaire et les parties devant ce juge.
Par une ordonnance de référé en date du 11 mars 2021, le juge des référés de ce tribunal s’est déclaré compétent. Toutefois, ayant considéré n’y avoir lieu à référé sur les demandes de l’Agefi, l’affaire a été renvoyée, pour une audience au fond devant le tribunal de céans, le 9 avril 2021.
Par conclusions n°2 déposées à l’audience du 2 juillet 2021, l’Agefi a demandé au tribunal de :
vu l’article 1217 du code civil,
vu l’article 1221 du code civil,
vu l’article 1231 et suivants du code civil,
– ordonner que la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017 est opposable à Monsieur X ;
– ordonner à Monsieur Y, au regard du non-respect par Monsieur X de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017, de cesser son activité professionnelle au sein d’Infopro Digital, jusqu’au 23 novembre 2021 inclus, sous astreinte de 2 500 € par jour de retard ;
– ordonner à Monsieur X de respecter la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017, jusqu’au 23 novembre 2021 inclus, en lui interdisant de faire concurrence à l’Agefi de quelque manière que ce Soit ;
– condamner Monsieur X, au regard du non-respect par Monsieur X de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017, de payer à l’ Agefi la somme de 326 209,70 € à titre de dommages-intérêts
ordonner à Monsieur X paiement de la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner Monsieur X aux entiers dépens.
Par conclusions cn défense et reconventionnelles et conclusions récapitulatives et reconventionnelles déposées respectivement aux audiences des 7 mai et 2 juillet 2021, Monsieur X a demandé au tribunal de :
vu l’article L. 1411-1 du code du travail,
à titre principal,
« déclarer la clause de non-concurrence du contrat de cession inopposable à Monsieur X ;
- – ordonner la nullité de la clause de non-concurrence ;
– constater l’absence de violation de la clause de non-concurrence du contrat de cession ;
« débouter l’Agefi de l’intégralité de ses demandes d’exécution forcée de la clause de non- concurrence ou de dommages et intérêts ;
à titre reconventionnel,
« condamner l’Agefi à verser à Monsieur X, 50 000 € au titre des préjudices subis du fait des actes de dénigrement à son égard ;
« condamner l’Agefi à verser à Monsieur X, 20 000 € au titre des préjudices subis du fait du caractère abusif de la procédure et de l’atteinte à l’image de Monsieur X
en tout état de cause,
» – débouter l’Agefi de l’ensemble de ses demandes ;
« condamner l’Agefi à payer à Monsieur X 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
« condamner l’ Agefi aux entiers dépens.
Lors de l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire du 23 juillet 2021 les parties ayant réitéré oralement leurs dernières conclusions, sans ajout ni retrait, le juge a clos les débats et mis le jugement en délibéré pour être prononcé par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021 conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
MOYENS DES PARTIES ET MOTIFS DE LA DECISION Sur la demande principale
L’Agefi soutient :
- – que la clause de non-concurrence présente à l’article 11 du contrat est valable car elle est expressément limitée à une durée de quatre ans ;
– que la durée de quatre ans est proportionnée puisqu’il s’agit du temps nécessaire pour bien intégrer Indinvest dans l’Agefi, et que cela correspond aux durées des clauses de non- concurrence insérées usuellement dans les contrats de cession ;
- – que la clause est limitée au territoire français et aux pays limitrophes, l’obligation de non- concurrence à laquelle Monsieur X est soumis n’est donc pas sans limite, elle ne s’applique que sur un territoire donné ;
- – que la clause est justifiée et proportionnée au regard de l’objet du contrat, une telle clause est protectrice des intérêts de l’ Agefi sans impacter trop lourdement les intérêts de Monsieur X ;
- – que le périmètre de cette interdiction est assez réduit puisqu’il ne concerne que trois secteurs d’activités déterminés en relation avec la gestion d’actifs ;
- – que la rédaction claire et précise de la clause ne peut soulever aucune contestation sérieuse, à cet égard, la clause de non-concurrence porte tant sur des activités exercées sous une forme entreprenariale que salariée ;
« que Monsieur X a été recruté au sein d’Infopro Digital depuis l’été 2019 en tant que directeur du pôle finance ;
- – que, toutefois, ce recrutement n’a été rendu public et l’ Agefi n’en a eu connaissance, que le 26 septembre 2019 lors de la nouvelle édition du Salon Patrimonia, soit seulement deux jours après le paiement de prix différé n°2 par l’ Agefi à Monsieur X relatif à la cession d’Indinvest ;
que Monsieur Z a donc délibérément attendu le versement de la somme de 326 209,70 € avant d’annoncer son nouveau poste, de peur que l’Agefi s’y oppose et demande le respect de la clause de non-concurrence qu’il avait souscrite ;
que la violation par Monsieur X de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017 est une inexécution causant nécessairement un préjudice à l’Agefi, qui sera notamment réparé par des dommages et intérêts, au titre des articles 1217 et 1231-2 du code civil ;
que le préjudice de l’Agefi comprend la somme de 326 209,70 € qui a été versée le 25 septembre 2019 à Monsieur X dans le cadre du contrat de cession d’actions en date du 24 novembre 2017, ce versement correspondant au solde dû au titre de l’acquisition de la société de Monsieur X, Indinvest ;
que le non-respect de cette obligation porte irrémédiablement atteinte aux intérêts de l’Agef, il est donc essentiel pour l’Agefi de poursuivre l’exécution en nature de cette obligation de non-concurrence prise par Monsieur Y ;
qu’entre 2017 et 2019, en tant que directeur général adjoint de l’Agefi, Monsieur X a eu accès à des informations confidentielles et stratégiques sur l’Agelfi et, ayant rejoint Infopro Digital seulement deux mois après avoir quitté l’Ageli, les informations en sa possession sont récentes et à fort potentiel ;
que, deuxièmement, l’Agefi est un acteur historique qui organise plus de trente évènements par an pour les professionnels de la finance et que sa base de clients et plus généralement de contacts dans cc domaine (fournisseurs, sponsors, exposants, visiteurs) est donc conséquente ;
qu’en tant que directeur général adjoint de l’Agefi, Monsieur A a cu des contacts réguliers avec l’ensemble de ces intervenants et il est aujourd’hui en mesure de solliciter ces contacts afin de développer l’activité d’Infopro Digital, notamment dans le cadre de ses propres évènements professionnels ;
qu’il est essentiel d’empêcher la mise en œuvre par Monsieur X de nouvelles éditions de ces événements avec Infopro Digital, en violation de sa clause de non-concurrence, et de fait de lui permettre de renforcer la stratégie et les relations professionnelles grâce à ses connaissances et au détriment de l’Agefi ;
que, troisièmement, la violation de son engagement de non-concurrence par Monsieur X cause nécessairement un préjudice à l’Ageli, préjudice susceptible de s’aggraver tant que cette situation perdure ;
que l’exécution forcée de l’obligation de non-concurrence assortie d’une astreinte forte est donc la seule mesure pouvant restaurer la force obligatoire de la clause de non-concurrence mise à mal par l’exercice d’une activité interdite par contrat.
Monsieur X réplique :
que la clause de non-concurrence lui interdit d’exercer toutes activités de presse professionnelle, de production audiovisuelle et d’organisation d’évènements dédiés à la gestion d’actifs, pendant une durée de 4 ans, et sur neuf pays ;
que la clause est rédigée en termes excessivement généraux quant aux activités proscrites, de sorte qu’elle aboutit à interdire à Monsieur X l’exercice en France et dans une partie de l’Europe toute activité correspondant à sa qualification et à ses connaissances, dans le domaine de la gestion d’actifs ;
que l’application de cette clause paraît donc susceptible de contraindre Monsieur X à exercer son activité professionnelle sur un autre continent, ou à envisager une reconversion professionnelle ;
- – que le tribunal ne pourra que déclarer la clause de non-concurrence inopposable à Monsieur X, en raison de sa nullité, car disproportionnée par rapport aux intérêts légitimes qu’elle protège, et débouter l’Agefi de l’ensemble de ses demandes ;
– que le 18 juin 2019, Monsieur X a quitté son poste de directeur général adjoint et a signé, avec l’Agefi, une convention de rupture, aux termes de laquelle il est notamment précisé que l’Agefi renonce à la clause de non-concurrence ;
– que l’Agefi a ainsi laissé la liberté à Monsieur X d’exercer sous quelques formes que ce soit une activité concurrente à celle de l’Agefi ;
– qu’or, la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail a un champ d’application bien plus large que la clause de non-concurrence prévue au contrat de cession et donc la renonciation de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail engendre de facto renonciation à la clause de non-concurrence prévue au contrat de cession ;
« que l’Agefi maintient ses allégations et continue à se fonder exclusivement sur les évènements qui se sont déroulés durant la période où Monsieur X était salarié de l’Agefi ;
que la clause de non-concurrence interdit à Monsieur X « d’entreprendre » toutes « Activités » telles que définies au contrat de cession ;
– que le terme « entreprendre » ne peut en aucun cas être assimilé à un recrutement, ou une embauche, mais en réalité à une création d’entreprise ;
- – que les parties ont donc expressément entendu exclure toute activité salariée de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de cession ;
« que bien que la société Indinvest n’existe plus, l’Agefi estime que la clause de non- concurrence interdirait à Monsieur X d’exercer les « Activités », à savoir la presse professionnelle, la production audiovisuelle et l’organisation d’évènements dédiés à la gestion d’actifs ;
que cependant, Infopro est d’abord un groupe d’information et de services professionnels qui intervient dans six secteurs d’activité différents ;
– que Monsieur X est en charge de deux salons professionnels, à destination d’un public très large qui n’ont pas d’équivalent chez l’Agefi ;
– que l’activité qu’exerçait Monsieur X au sein d’Infopro est différente de celle de l’Agefi et d’Indinvest, qu’elle ne rentre pas dans les activités interdites par la clause de non- concurrence, et que cette dernière n’a, en conséquence, pas été violée ;
– que subsidiairement, l’Agefi croit pouvoir obtenir le montant de 326 209,70 € sans aucune démonstration en raison du seul fait que la violation de la clause de non-concurrence justificrait son droit à indemnisation.
Sur ce, le tribunal motive ainsi sa décision :
Sur l’opposabilité de la clause
La clause litigieuse est limitée dans le temps avec une durée de validité de 4 ans à compter de la cession. Elle est également limitée géographiquement au territoire français et aux pays francophones limitrophes qui sont la zone d’activité de l’Agefi. Son périmètre fonctionnel est défini à l’article 1 du contrat de cession : « les activités de la Société à savoir des activités de presse professionnelle, de production audiovisuelle et d’organisation d’événements dédiés à la gestion d’actifs » et ne concerne donc que trois activités en lien direct avec la gestion d’actifs qui est l’activité principale de la société cédée.
Tant la durée que le périmètre de la clause qu’il soit fonctionnel ou géographique n’apparaissent pas disproportionnés au regard de l’enjeu qui consiste pour l’Agefi à intégrer la société acquise et à en assurer la pérennisation commerciale, sans pour autant interdire à Monsieur X de travailler dans des activités autres que les trois seules qui lui sont interdites.
En tant qu’entrepreneur expérimenté, Monsieur X, s’il avait considéré cette clause comme trop contraignante, aurait pu la négocier afin de la restreindre, ce qu’il ne démontre pas avoir fait.
En conséquence, le tribunal dira la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017 opposable à Monsieur A.
Sur le respect de la clause
L’article 1188 du code civil dispose que :
« Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes.
Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. ».
L’article 1189 du même code dispose, pour sa part, que :
« Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier.
Lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci. ».
Le contrat de cession stipule à son article 11 « Clause de non-concurrence et non-démarchage »
que :
« Monsieur D X s’engage, à compter de la Date de Réalisation et jusqu’au quatrième (4° ) anniversaire de la Date de Réalisation, à ne pas :
(1) entreprendre, – directement – ou – indirectement, – personnellement – ou – par l’intermédiaire d’autres personnes ou entités en France, dans tous pays limitrophes, toutes Activités ; […]».
Par ailleurs, et concomitamment, Monsieur X, lorsqu’il est devenu directeur général adjoint salarié d’Agefi, s’est engagé dans son contrat de travail à une clause de non-concurrence rédigée ainsi :
« 7.1 Considérant la nature de vos fonctions, des informations, des éléments stratégiques de nature économique, commerciale ou technique auxquelles vous avez accès et des liens privilégiés avec la clientèle, la Société se doit de préserver ses intérêts techniques et commerciaux.
Dans ce contexte, les parties ont convenu expressément, d’un commun accord, de l’application d’une clause de non-concurrence en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause que ce soit, et quelle que soit la partie qui en a pris l’initiative.
Dans ce cas, vous vous interdisez expressément, dès le jour de la cessation de vos fonctions :
— d’entrer au service d’une entreprise ayant une activité concurrente à celle de la Société ou d’entrer au service d’une personne fabricant ou vendant des produits pouvant concurrencer ceux de la Société,
— d’exercer sous quelques formes que ce soit une activité concurrente à celle de la Société, – de vous intéresser directement ou indirectement, notamment par personnes ou capitaux interposés et sous quelque forme que ce soit, à une entreprise de cet ordre,
— de créer pour votre compte personnel ou pour celui d’un tiers, directement ou indirectement, toute entreprise ayant un objet ou une activité identique ou similaire à la Société,
— de débaucher, directement ou indirectement, tout salarié ou dirigeant de la Société et/ou sociétés appartenant au même groupe que la Société. […] ».
Ainsi Monsieur X s’est doublement engagé, d’une part, au titre d’une clause de non concurrence en tant que cédant des actions de sa société à Agefi et, d’autre part, d’une autre clause en tant que salarié d’Agefi.
Le 18 juin 2019, l’Agefi et Monsieur X ont signé une rupture conventionnelle de contrat de travail et l’Agefi a levé la clause de non-concurrence prévue à ce dernier contrat.
Dans ce contexte de coexistence de deux clauses qui sont censés couvrir des situations différentes, le cas dans lequel Monsieur X se fait engager par une société concurrente d’Agefi ressort naturellement de l’engagement de non-concurrence du contrat de travail qui lui interdisait « d’entrer au service d’une entreprise ayant une activité concurrente à celle de la Société ou d’entrer au service d’une personne fabricant ou vendant des produits pouvant concurrencer ceux de la Société », clause dont il a été délivré par l’Agefi.
Dès lors, compte tenu de l’existence de cette clause de non-concurrence dans le contrat de travail couvrant l’embauche par une société tierce, le verbe « entreprendre » figurant dans la clause de non-concurrence du contrat de cession ne saurait s’interpréter, sauf à faire double emploi avec la clause précitée et faute d’élargissement rédactionnel de la clause litigieuse à une embauche salariée, que dans son sens strict, à savoir le fait de créer une activité concurrente avec la dimension entreprencuriale que le verbe utilisé induit.
Ainsi, Monsieur X en se faisant recruter, deux mois après son départ de l’Agefi, par la société Infopro Digital, n’a pas commis de manquement à son engagement au titre de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017.
En conséquence, le tribunal déboutera l’Agefi de sa demande de condamnation de Monsieur X au titre du non-respect de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017.
Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement
Monsieur X soutient :
- – que, par son courrier en date du 9 octobre 2019, l’Agefi a ouvertement, et devant le nouvel employeur de Monsieur X, invoqué la prétendue violation par ce dernier de la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de cession d’actions ;
– que l’Agefi n’apporte aucune preuve de cette violation mais pourtant, cela semble suffire à l’Agefi pour placer Monsieur X dans une situation extrêmement délicate vis-à-vis de son nouvel employeur en copie de ce courrier et les dires de l’Agefi ne font que jeter le discrédit sur la personne, l’honneur, et la moralité de Monsieur X, qui n’a pu s’expliquer qu’une fois le dommage subi ;
– que Monsieur X subit indubitablement un préjudice réputationnel du fait des propos dénigrants et injustifiés tenus par l’Agefi, un préjudice moral lié à l’idée de pouvoir se faire licencier à tout moment par son nouvel employeur en raison des accusations de l’Agefi ct un préjudice économique lié aux frais exposés pour la présente instance, qui n’aurait jamais eu lieu si l’Agefi n’avait pas dénigré à tort Monsieur X.
L’Agefi réplique :
« qu’elle était contrainte d’informer Infopro Digital de la violation de la clause de non- concurrence par Monsieur X dans le but de défendre efficacement ses droits face à un concurrent et de se ménager la possibilité d’une éventuelle action en justice contre Infopro Digital ;
« que les échanges entre l’Agefi et Infopro Digital ne contiennent que des informations factuelles faisant état d’un probable litige entre l’Agefi et Infopro Digital, en relatant les évènements ayant conduit à la situation actuelle ;
« quel’Agefi a procédé de manière transparente en informant Monsieur X de la transmission d’une copie de la mise en demeure à Infopro Digital, ce qui suffit à démontrer sa bonne foi et l’absence d’intention de nuire ;
« que l’Agefi n’est pas responsable des réactions qu’a pu avoir eu Infopro Digital à l’égard de Monsieur X au titre de leur relation de travail, dans laquelle elle ne souhaite pas s’immiscer et qui, par nature, échappe à son contrôle ;
- – que la définition juridique du dénigrement n’est manifestement pas remplie ;
- – que le caractère public du dénigrement et la finalité commerciale font défaut ;
que le dénigrement est exclu compte tenu des relations contractuelles en cours entre Monsieur Y et l’Agefi et de la règle du non-cumu] des responsabilités délictuelles et contractuelles.
Sur ce, le tribunal motive ainsi sa décision :
L’Agefi, par son courrier du 9 octobre 2019 à Monsieur X, a invoqué la violation par ce- dernier de la clause de non-concurrence en mettant en copie son nouvel employeur alors que ce dernier était tiers à ce litige. Monsieur X considère qu’il s’agit de dénigrement à son encontre.
Le dénigrement consiste en des agissements qui tendent à jeter le discrédit sur un concurrent ou sur les produits fabriqués par ce dernier. Or ici, il n’y a point de concurrence entre Monsieur X et l’ Agefi et la communication de cette dernière s’est limitée à l’employeur de Monsieur X. Le dénigrement n’est donc pas constitué en l’espèce.
Par ailleurs, Monsieur X ne démontre pas le préjudice qui lui aurait causé cette communication à son employeur.
En conséquence, le tribunal déboutera Monsieur X de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Pour faire reconnaître ses droits, Monsieur X a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge, le tribunal condamnera l’Agefi à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande.
Sur les dépens
Par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens seront mis à la charge de l’Agefi qui succombe.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement par un jugement contradictoire et en premier ressort :
« dit la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017 opposable à Monsieur D X ;
« déboute la SA Agence économique et financière de sa demande de condamnation de Monsieur D X au titre du non-respect de la clause de non-concurrence stipulée à l’article 11 du contrat de cession d’actions du 24 novembre 2017 ;
« déboute Monsieur D X de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement ;
« condamne la SA Agence économique et financière à payer à Monsieur D X la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamne la SA Agence économique et financière aux dépens.
Liquide les dépens du Greffe à la somme de 70,91 euros, dont TVA 11,82 euros.
Délibéré par M. M-N O, M. I J, Mme K L, (M. O étant juge chargé d’instruire l’affaire).
Le présent jugement est mis à disposition au greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième
alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La minute du jugement est signée par M. M-N O, Président du délibéré et Mme Sophie GRINGORE, Greffier.
Le Greffier Le Président du délibéré
Signé électroniquement par M. M-N O, juge Signé électroniquement par Mme Sophie GRINGORE, greffier