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C5
N° RG 21/04319
N° Portalis DBVM-V-B7F-LCKF
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Cécile GABION
La CAF DE L’ISERE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 27 AVRIL 2023
Appel d’une décision (N° RG 16/01030)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 06 janvier 2021
suivant déclaration d’appel du 11 octobre 2021
APPELANT :
Monsieur [C] [I]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Laure ARNAUD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
La CAF DE L’ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante en la personne de M. [D] [M], régulièrement muni d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 février 2023,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, en présence de Mme Laëtitia CHAUVEAU, juriste assistant et de Mme [K] [L], stagiaire en école d’avocat ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
La caisse d’allocations familiales de l’Isère a notifié à M. [C] [I], par courrier du 23 avril 2015, une suspension des droits aux prestations familiales à la suite d’un rapport d’enquête du 2 avril 2015 qui faisait suite à un signalement selon lequel Mme [W] [I] et les enfants du couple seraient au Liban depuis 2009, voire 2007, le rapport concluant finalement à une résidence à l’étranger de la mère et des enfants depuis septembre 2001.
Par courrier du 9 novembre 2015, la CAF de l’Isère a notifié un indu de 28.755,39 euros au titre du complément familial perçu de janvier 2012 à mars 2015, d’allocations de rentrée scolaire perçues en août 2012, 2013 et 2014, d’allocations familiales perçues de janvier 2012 à mars 2015 et d’une aide personnalisée au logement perçue de janvier 2012 à avril 2015. Le courrier notifiait également un passage en commission des fraudes.
Par courrier du 4 janvier 2016, la CAF de l’Isère a notifié à M. [I] que la commission des fraudes avait retenu une intention frauduleuse, le solde de la dette due et un remboursement attendu de 400 euros par mois, ainsi que le dépôt d’une plainte pénale.
La commission de recours amiable de la CAF a rejeté un recours de M. [I] le 9 mai 2016.
Le tribunal correctionnel de Grenoble a, le 6 novembre 2017, à la suite d’une opposition à un précédent jugement du 13 mars 2017, condamné M. [I] pour déclaration fausse ou incomplète à la CAF de l’Isère entre janvier 2012 et mars 2015 concernant la situation géographique de son épouse et de ses enfants, prononcé une amende de 5.000 euros avec sursis et condamné le prévenu à payer à la CAF de l’Isère les sommes de 28.755,38 euros en réparation du préjudice matériel et 100 euros en réparation du préjudice moral, outre 500 euros sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par arrêt du 12 mars 2019, la Cour d’appel de Grenoble a infirmé cette décision, renvoyé M. [I] des fins de la poursuite et débouté la CAF de ses demandes.
Par décision du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours de M. [I] contestant l’indu d’allocation personnalisée logement qui lui était réclamé.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble saisi par M. [I] d’un recours contre la CAF de l’Isère a décidé, par jugement du 6 janvier 2021, de :
– déclarer le recours recevable,
– débouter M. [I] de ses demandes,
– condamner M. [I] à rembourser 15.490,01 euros à la CAF,
– condamner le requérant aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Par déclaration du 15 février 2021, M. [I] a relevé appel de cette décision.
Après une radiation de l’affaire intervenue le 14 septembre 2021, faute de conclusions de l’appelant dans les délais fixés, l’affaire a été réinscrite au rôle de la cour à la suite de conclusions reçues le 11 octobre 2021.
Par conclusions n° 2, communiquées le 29 novembre 2022 et reprises oralement à l’audience devant la cour, M. [I] demande :
– que son recours soit déclaré recevable,
– l’infirmation du jugement,
– l’annulation de la procédure de contrôle,
– l’annulation de l’indu,
– subsidiairement la réduction de l’indu à 10.817,51 euros correspondant aux prestations perçues entre novembre 2013 et novembre 2015,
– le débouté des demandes de la CAF,
– la condamnation de la CAF aux dépens des deux instances et à lui verser 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions, déposées le 20 octobre 2022 et reprises oralement à l’audience devant la cour, la CAF de l’Isère demande :
– la confirmation partielle du jugement en ce qu’il a condamné au paiement de 15.490,01 euros,
– l’infirmation en ce que le tribunal a retenu une prescription biennale et la condamnation au paiement d’une somme complémentaire de 8.496,97 euros pour un indu total de 23.986,98 euros,
– le débouté des demandes de M. [I],
– la condamnation de M. [I] aux dépens des deux instances et à lui verser 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
Sur la signature du rapport d’enquête et la qualité de l’enquêteur
1. – Selon l’article L. 114-10 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2016, « Les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l’attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve du contraire. »
2. – M. [I] reproche à la caisse de ne pas justifier du serment, de l’agrément et de la délégation de pouvoir de M. [O] [V], agent ayant mené le contrôle, alors qu’il s’agit de garanties substantielles.
Dans la mesure où la CAF de l’Isère justifie de l’agrément de M. [O] [V] au 28 juillet 2005 par décision du 7 décembre 2005 du directeur de la Caisse nationale des allocations familiales, de son serment le 6 janvier 2005 devant le Tribunal d’instance de Grenoble, et d’une attestation du 14 décembre 2004 sur le fait qu’il est contrôleur depuis janvier 2005, ce moyen doit être rejeté.
3. – M. [I] reproche également à la caisse le fait que son rapport d’enquête ne soit pas signé, qu’il n’ait eu aucun moyen de s’assurer de l’identité de l’auteur des contrôles, l’identité de l’agent mentionné figurant en qualité de contrôleur stagiaire et de contrôleur stagiaire. Il reproche au tribunal de ne pas s’être prononcé sur ce point. Il estime que la signature manuscrite est un impératif de fond et que la caisse ne justifie pas que les conditions relatives à la valeur probante d’une signature électronique sont réunies, que le rapport est donc inexistant pour défaut d’authentification.
La caisse considère, pour sa part, que le rapport est signé valablement, que la signature électronique est fiable jusqu’à preuve contraire, que le nom et le prénom de l’agent contrôleur figurent bien sur le document, qu’aucun élément n’est de nature à remettre en cause la fiabilité du rapport, et que tous les documents justifiant de la qualité de M. [V] ont été produits. Par ailleurs, la caisse relève au visa des articles 112, 114 et 117 du code de procédure civile que le défaut de signature ne constitue pas une formalité substantielle d’ordre public susceptible d’entraîner la nullité de l’acte et que l’appelant ne fait valoir aucun grief.
En l’espèce, il convient de constater que le rapport du 2 avril 2015 versé au débat ne comporte pas de signature manuscrite, mais que l’identité du rédacteur est bien mentionnée. Le fait qu’il soit qualifié de stagiaire et de tuteur n’est pas significatif, dès lors qu’il est bien justifié que M. [V] était habilité pour mener le contrôle. M. [I] ne peut, en outre, prétendre qu’il n’était pas en capacité d’identifier le contrôleur puisqu’il l’a rencontré lors d’un entretien à son domicile le 11 février 2015, et a correspondu avec lui par des mails à l’adresse de [Courriel 9] le mentionnant comme contrôleur des situations individuelles du service Contrôles. Enfin, M. [I] se prévaut de dispositions qui n’imposent pas la signature du rapport ni ne prévoient comme sanction à un défaut de signature la nullité ou l’absence de force probante du rapport.
Pour toutes ces raisons, ce moyen ne peut donc pas être retenu.
Sur l’information relative au droit de communication
4. – Selon l’article L. 114-21 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 22 décembre 2007 au 23 décembre 2018, « L’organisme ayant usé du droit de communication en application de l’article L. 114-19 est tenu d’informer la personne physique ou morale à l’encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d’une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l’origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s’est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »
5. – M. [I] reproche à la caisse de ne pas lui avoir permis de discuter contradictoirement des éléments recueillis par l’enquêteur, de ne pas l’avoir informé de l’exercice du droit de communication ni du contenu des documents obtenus, alors que l’indu lui a été notifié sur la base des éléments recueillis. Il relève que la notification d’indu ne fait pas état des démarches réalisées, et que le rapport d’enquête ne lui a été transmis qu’au cours de la procédure. Il souligne enfin, en réponse à l’argument de la caisse selon laquelle le seul exercice du droit de communication exercé l’aurait été auprès d’une école [8] de [Localité 6] pour une période antérieure à 2012, que le rapport fait état de nombreux organismes sollicités et que tous les éléments recueillis ont bien conduit à l’indu notifié.
6. – La caisse fait valoir que le contrôleur a informé l’assuré de la faculté de mise en ‘uvre du droit de communication, que le rapport lui a été transmis à sa demande à l’occasion de sa contestation, et que le droit de communication n’a été exercé qu’envers l’école [8] pour une période antérieure à 2012, n’a pas fondé l’indu contesté, et qu’enfin M. [R] avait forcément connaissance de l’absence de scolarisation de ses enfants en France et n’a donc pas été privé de ses garanties.
7. – Il convient de relever que le rapport de l’enquêteur mentionne que ce dernier a informé l’assuré oralement de la faculté pour la CAF de mettre en ‘uvre le droit de communication prévu par l’article L. 114-19 dans le cadre du contrôle, et de son droit d’obtenir communication des documents obtenus de tiers si le contrôle aboutissait à un recouvrement ou à la suppression de prestations.
M. [I] ne justifie pas d’une demande de transmission des éléments susceptibles de lui faire grief avant la mise en recouvrement de l’indu.
Par ailleurs, le rapport mentionne des vérifications par consultation du fichier Rncps de la MGEN, du fichier Eopps de la Carsat, du fichier Aida du Pôle emploi et du fichier DPAE de l’URSSAF, étant noté que ces consultations n’ont pas apporté d’éléments contradictoires ; du fichier Ficoba, dont il n’est présenté aucune conséquence ; ainsi que la consultation de bulletins de salaire, d’avis d’imposition et de relevés de compte bancaire, outre divers documents d’identité, factures et quittances de loyer, lors de l’entretien avec l’assuré.
L’enquêteur retranscrit en outre le processus du contrôle, qui a impliqué une large discussion contradictoire avec l’assuré afin qu’il puisse se justifier : en effet, à la suite de l’entretien qui a révélé la résidence à l’étranger des enfants et de l’épouse de M. [I], différents courriels ont été échangés au sujet de la scolarité des enfants et notamment au sujet d’une inscription dans l’école [8] de [Localité 6], que l’enquêteur a contacté par courriel pour découvrir que seule l’une des enfants y avait été inscrite entre septembre et octobre 2001 avant un départ au Liban, ce qui a conduit M. [V] à demander des précisions à M. [I], qui s’est expliqué sur un départ des enfants au Liban en 2001 et non en 2012 comme il l’avait d’abord prétendu, à la suite de ce qu’il a qualifié d’incompréhension.
M. [I] n’a donc pas été privé de ses droits, a été informé de la possibilité d’un usage de droit de communication, puis des éléments recueillis, a pu participer contradictoirement à l’enquête du contrôleur, et a pu obtenir la copie du rapport et des éléments réunis lorsqu’il en a fait la demande. Le contrôle n’était donc pas vicié et ce moyen doit également être rejeté.
Sur la résidence des enfants à l’étranger
8. – Il n’est pas contesté que les enfants de M. [I] résident à titre principal au Liban depuis 2001, avec leur mère, en sachant que le troisième enfant y est né en 2005.
9. – L’article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2006 au 1er janvier 2016, prévoyait que « Toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas bénéficiaires, à titre personnel, d’une ou plusieurs prestations familiales, de l’allocation de logement sociale ou de l’aide personnalisée au logement. »
L’article R. 512-1 du même code, dans sa version en vigueur du 18 mars 2007 au 1er janvier 2016, précisait que « Pour l’application de l’article L. 512-1, est considéré comme résidant en France tout enfant qui vit de façon permanente en France métropolitaine.
Est également réputé résider en France l’enfant qui, tout en conservant ses attaches familiales sur le territoire métropolitain où il vivait jusque-là de façon permanente, accomplit, hors de ce territoire :
1°) soit un ou plusieurs séjours provisoires dont la durée n’excède pas trois mois au cours de l’année civile ;
2°) soit un séjour de plus longue durée lorsqu’il est justifié, dans les conditions prévues par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé, du ministre chargé de la sécurité sociale, du ministre chargé de l’agriculture, du ministre chargé du budget, du ministre chargé de l’éducation nationale et du ministre chargé des universités, que le séjour est nécessaire pour lui permettre soit de poursuivre ses études, soit d’apprendre une langue étrangère, soit de parfaire sa formation professionnelle ;
3°) soit un ou plusieurs séjours de durée au plus égale à celle de l’année scolaire lorsqu’il est établi, dans les conditions prévues à l’arrêté mentionné au 2° ci-dessus, que la famille a sa résidence principale en France dans une zone frontalière, que l’enfant fréquente dans le pays voisin à proximité de la frontière un établissement de soins ou un établissement d’enseignement et qu’il rejoint sa famille à intervalles rapprochés. »
10. – M. [I] fait valoir qu’il a pris soin de se renseigner auprès de la CAF et du consulat français au Liban, qui lui ont confirmé son droit à bénéficier des prestations familiales dans la mesure où il résidait en France, y était fiscalement rattaché, et que sa famille le rejoignait en période de vacances scolaires, ce qui lui semblait cohérent avec les dispositions de l’article R. 512-1 cité ci-dessus. Il ajoute qu’aucun des dossiers de demande de prestations ne sollicitait d’information sur le lieu de résidence ou de scolarisation des enfants à sa charge, qu’il n’a pas menti à la caisse et a transmis tous les documents et informations demandés.
11. – La caisse relève que les enfants étaient scolarisés dans une école française au Liban, et que les conditions d’applications des exceptions prévues par l’article R. 512-1 du code de la sécurité sociale n’étaient pas réunies.
12. – En l’espèce, M. [I] ne se prévaut pas spécialement des dispositions de l’article R. 512-1 permettant de considérer comme réputés domiciliés en France des enfants séjournant à l’étranger parce que cela est nécessaire à la poursuite de leurs études ou à l’apprentissage d’une langue étrangère.
Aucun élément n’est apporté pour justifier des retours des enfants en France, notamment pendant une partie des vacances scolaires d’été, et comme cela a été déclaré par M. [I] lors du contrôle.
Il est justifié d’une scolarité des enfants à la Mission [7] pour Mlle [J] [I] entre 2001 et 2012, pour MM. [G] et [F] [I] entre 2002-2015 et 2008-2015, enfin d’une inscription de Mlle [J] [I] en Faculté de Médecine à [Localité 5] de 2012 à 2015.
Dans ces conditions , il convient de considérer qu’en application des dispositions susvisées, M. [I] ne pouvait pas bénéficier des prestations familiales au titre de ses trois enfants qui résidaient au Liban.
Sur la prescription du recouvrement des indus
13. – M. [I] demande, à titre subsidiaire, que le montant de l’indu soit réduit par application de la prescription biennale prévue par l’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale, en affirmant n’avoir effectué aucune man’uvre frauduleuse ni aucune fausse déclaration intentionnelle. Il se prévaut d’une relaxe au plan pénal prononcée par la présente cour d’appel en sa chambre des appels correctionnels.
Il calcule à un montant de 10.817,51 euros le montant des prestations versées dans les deux années ayant précédé novembre 2015, date de la notification de l’indu, et reproche au tribunal d’avoir déclaré faire application de la prescription biennale tout en retenant des indus à compter de mars 2013. Il distingue enfin la définition de la fraude selon les termes de l’article L. 553-1 et des causes de pénalité visées par l’article L. 114-17.
14. – La caisse fait valoir que M. [I] et son épouse ont effectué de fausses déclarations sur une période de dix ans, notamment lors de la déclaration de grossesse du 23 décembre 2004 ne mentionnant pas de résidence à l’étranger, ou de la mention d’enfants résidant en France en août 2006 et août 2007, ou encore d’un mensonge à l’enquêteur au début du contrôle en prétendant que les enfants avaient été scolarisés à [Localité 6] en 2012, alors qu’une seule enfant y avait été scolarisée quelques semaines en 2001.
Selon la CAF, le nombre d’omissions et de fausses déclarations fonde la qualification d’intention frauduleuse, et l’arrêt de relaxe en appel était fondé sur l’absence d’acte de commission au cours de la période visée par la poursuite au titre de l’article 441-6 du code pénal, et non pas sur les omissions déclaratives qui peuvent bien être retenues au regard des dispositions du code de la sécurité sociale.
15. – L’article L. 553-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 28 décembre 2009 au 1er janvier 2016, disposait que « L’action de l’allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable à l’action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration. »
L’article L. 114-17 du Code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 23 décembre 2011 au 1er janvier 2016, prévoyait que « Peuvent faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l’organisme concerné :
1° L’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;
2° L’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations
(‘)
Les faits pouvant donner lieu au prononcé d’une pénalité se prescrivent selon les règles définies à l’article 2224 du Code civil (Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer). L’action en recouvrement de la pénalité se prescrit par deux ans à compter de la date d’envoi de la notification de la pénalité par le directeur de l’organisme concerné. ».
16. – L’absence d’information de la caisse au sujet de la domiciliation habituelle des enfants en dehors de la France n’est pas contestée, et sont versés au débat un formulaire d’examen prénatal du 20 décembre 2004 mentionnant une adresse de Mme [I] à [Localité 6], une demande de complément libre choix d’activité du 1er septembre 2005 avec la même adresse pour Mme [I], des contrôles annuels pour cette prestation les 20 août 2006 et 31 août 2007 de M. [I] mentionnant une absence de modification de la situation de sa conjointe.
La longueur de l’omission de déclaration de la domiciliation des enfants et de leur mère au Liban, et la durée de la perception des prestations familiales en France au titre d’enfants dont il n’est nullement établi qu’ils soient revenus en France même pour des vacances, ne permet pas de considérer que M. [I] était de bonne foi. Il ne justifie pas davantage avoir été mal renseigné par la caisse ou le Consulat de France, ou avoir pu se méprendre sur les dispositions de l’article R. 512-1 du code de la sécurité sociale.
Par ailleurs, la présente chambre de la cour d’appel n’est pas tenue par une décision de relaxe au plan pénal, la chambre des appels correctionnels n’ayant pas contredit l’existence d’une fraude susceptible de reporter le délai de prescription puisque sa décision est fondée sur le fait que le délit poursuivi était un délit de commission et non d’omission, et que, d’une part, les fausses déclarations faites entre 2004 et 2009 l’avaient été en dehors de la période de la prévention fixée par le ministère public, et que, d’autre part, les fausses déclarations lors du contrôle n’avaient pas été faites pour obtenir les prestations indues puisqu’elles n’en avaient pas été la cause.
C’est donc à tort que les premiers juges ont retenu une prescription biennale dans leur motivation.
La CAF justifie d’un état des droits indûment perçus, en date du 6 janvier 2016, qui retient :
– 15.251,97 euros au titre d’allocations familiales entre janvier 2012 et mars 2015,
– 6.503,61 euros au titre de complément familial entre janvier 2012 et mars 2015,
– 2.231,40 euros d’allocation de rentrée scolaire entre aout 2012 et aout 2014,
– 4.768,41 euros d’APL.
Le total représente une somme de 28.755,39 euros, de laquelle doit être déduit le montant de 4.768,41 euros d’APL (qui a été maintenu par la juridiction administrative), soit une somme de 23.986,98 euros d’indu qui devra être remboursée à la CAF.
Les sommes réclamées par la caisse, à compter de janvier 2012 et donc dans la période de 5 ans ayant précédé la notification de l’indu, doivent être retenues et le jugement sera infirmé sur le montant de la condamnation.
17. – Le jugement sera confirmé pour le reste, et M. [I] sera condamné aux dépens de l’instance en appel.
L’équité et la situation des parties justifient que la CAF de l’Isère ne conserve pas l’intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et M. [I] sera condamné à lui payer une indemnité de 1.500 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Par ces motifs, la cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi :
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 6 janvier 2021, sauf en ce qui concerne la condamnation de M. [C] [I] à rembourser à la CAF de l’Isère une somme de 15.490,01 euros correspondant au solde de l’indu de prestations familiales, de complément familial et d’allocation de rentrée scolaire,
Et statuant à nouveau,
Condamne M. [C] [I] à rembourser à la Caisse d’allocations familiales de l’Isère une somme de 23.986,98 euros correspondant au solde de l’indu d’allocations familiales, de complément familial et d’allocation de rentrée scolaire au titre de la période de janvier 2012 à mars 2015,
Y ajoutant,
Condamne M. [C] [I] aux dépens de la procédure d’appel,
Condamne M. [C] [I] à payer à la Caisse d’allocations familiales de l’Isère la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président