COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 38C
1re chambre 2e section
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 21 MARS 2023
N° RG 22/01528 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VB5X
AFFAIRE :
S.A. BOURSORAMA
C/
Mme [P] [R] épouse [N]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Saint Germain en Laye
N° RG : 11 20 01236
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 21/03/23
à :
Me Guillaume NICOLAS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. BOURSORAMA
Ayant son siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Guillaume NICOLAS de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255 – N° du dossier 200620 –
Représentant : Maître Guillaume METZ de la SCP PIRIOU METZ NICOLAS, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 255
APPELANTE
****************
Madame [P] [R] épouse [N]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Assignée par Procès-Verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Janvier 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte électronique du 2 janvier 2017, la société Boursorama a consenti à Mme [T] [R], épouse [N], l’ouverture d’un compte bancaire n°[XXXXXXXXXX01], assorti d’une carte bancaire visa premier avec débit différé.
Se prévalant d’un découvert persistant sur le compte à vue de Mme [R], la société Boursorama l’a mise en demeure de régulariser la situation par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2019.
Par acte de commissaire de justice délivré le 4 novembre 2020, la société Boursorama a assigné Mme [R] devant le devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye aux fins de :
– constater la déchéance du terme prononcée et la dire régulière,
A titre subsidiaire,
– prononcer la résolution judiciaire des contrats pour manquements graves de l’emprunteur à son obligation principale de remboursement,
En conséquence,
– condamner la défenderesse à lui payer la somme de 23 252,30 euros au titre du solde débiteur du compte-chèques n°[XXXXXXXXXX01], avec intérêts de droit à compter du 13 juillet 2019, date de la mise en demeure, et ce jusqu’à parfait paiement,
– condamner la défenderesse à lui payer la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
Par jugement réputé contradictoire du 31 août 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye a :
– débouté la société Boursorama de sa demande de résolution judiciaire des contrats pour manquements graves de l’emprunteur à son obligation principale de remboursement,
– débouté la société Boursorama de sa demande de condamnation au paiement dirigée contre Mme [R] au titre du solde débiteur du compte-chèques n°[XXXXXXXXXX01],
– débouté la société Boursorama de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Boursorama aux dépens,
– rappelé que le jugement était exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 16 mars 2022, la société Boursorama a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 26 avril 2022, elle demande à la cour de :
– la recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondée,
– réformer la décision entreprise en ce qu’elle :
– l’a déboutée de sa demande de résolution judiciaire des contrats pour manquements graves de l’emprunteur à son obligation principale de remboursement,
– l’a déboutée de sa demande de condamnation au paiement dirigée contre Mme [R] au titre du solde débiteur du compte-chèques n°[XXXXXXXXXX01],
– l’a déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’a condamnée aux dépens,
Et statuant à nouveau,
– la dire et juger recevable et bien fondée en sa demande,
– constater la déchéance du terme qu’elle a prononcée et la dire régulière,
A titre subsidiaire,
– prononcer la résolution judiciaire des contrats pour manquements graves de l’emprunteur à son obligation principale de remboursement,
En conséquence,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 23 252,30 euros au titre du solde débiteur du compte-chèques n°[XXXXXXXXXX01], avec intérêts de droit à compter du 13 juillet 2019, date de la mise en demeure, et ce jusqu’à parfait paiement,
– condamner Mme [R] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [R] aux entiers dépens d’instance et d’appel.
Mme [R] n’a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 28 avril 2022, la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante lui ont été signifiées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 1er décembre 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la signature électronique du contrat d’ouverture de compte Boursorama
La société Boursorama, appelante, fait grief au premier juge d’avoir retenu qu’elle ne produisait aucun document sur les conditions de signature du contrat, hormis un document intitulé » fichier de preuve Protect&sign » indiquant viser en tant que prestataire de service de certification électronique, le consentement du signataire ayant apposé sa signature électronique sur les documents contenus dans un fichier de preuve.
Elle reproche au premier juge d’avoir retenu que les documents produits ne contenaient aucun des éléments de nature à s’assurer de la réunion des différentes exigences imposées par les articles 3 et 26 du règlement européen 910/2014 pour les aspects concernant le signataire, celui-ci ne disposant d’aucun outil personnel de signature électronique et a relevé que la date de signature mentionnée sur la demande d’ouverture de compte (à savoir le » 02/01/2017 à /2h/0 « ) différait de celle mentionnée dans le » fichier de preuve Protect&sign » (à savoir le » 31 mars 2016 à 14:19:02 CEST »), l’ensemble de ces éléments ne permettant pas d’établir que le procédé mis en ‘uvre pour une signature électronique.
Il a ainsi reproché au premier juge d’avoir retenu que l’appelante ne rapportait pas suffisamment la preuve que Mme [R] était bien la signataire du contrat d’ouverture de compte-chèques n°[XXXXXXXXXX01] et de l’avoir déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Devant la Cour l’appelante indique qu’ à l’ouverture du compte le 02/01/2017, ont été annexés les justificatifs d’identité, domiciliation et de solvabilité de Mme [R].
Elle produit en outre devant la Cour un fichier de preuve daté du 02/01/2017 à 12 h 14 comprenant notamment la requête de signature à la date du02/01/2017 à 12 h 10, soit celle figurant sur le dossier d’ouverture de compte.
Elle verse également aux débats l’enveloppe de preuve créée par la Société Opentrust en sa qualité de prestataire de service de certification électronique pour les besoins de la société Boursorama également du 02/01/2017 à 12 h 14.
Pour compléter l’information de la Cour, l’appelante verse un avis juridique du 17/12/2020 établissant tant pour la convention de compte que pour le prêt personnel démontrant, la fiabilité de la solution de signature électronique qualifiée mise en ‘uvre par la concluante et un guide juridique sur la preuve électronique
Elle verse aux débats les attestations de qualification au sens du décret 2010-112 du 02/02/2010 de la Société Opentrust, de la Société Docusign France et les certificats Afnor délivrés à la Société Mediacert Archiving en qualité de tiers archiveur.
Elle déduit de l’ensemble de ces éléments qu’elle rapporte la preuve de la régularité du procédé de signature électronique qualifiée mise en ‘uvre pour les besoins de la souscription des ouvertures de compte ou de crédit à la consommation par ses clients et sollicite l’infirmation de la décision déférée sur ce point.
Sur ce,
Selon l’article 1366 du code civil, pris dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat en litige, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’article 1367 du même code énonce que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. (…) Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.»
En application de l’article 1 du décret 2017-1416 du 28 septembre 2017, qui se substitue au décret n° 2001-272 du 30 mars 2001, la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée, au sens du règlement européen eIDAS du 23 juillet 2014.
En l’espèce, la société Boursorama verse :
-les justificatifs d’identité, domiciliation et de solvabilité de Mme [R] à l’ouverture du compte le 02/01/2017.
– un fichier de preuve daté du 31/03/2016 ainsi qu’une enveloppe de preuve datée du 02/01/2017 à 12 h 14 établie par la société Opentrust indiquant notamment : Le présent document est une enveloppe électronique contenant le fichier de preuve créé par la société DocuSign en sa qualité de prestataire de services de certification électronique pour les besoins du client Boursorama. Ce fichier de preuve permet d’attester de la signature électronique du document de type ‘signature en ligne’ par le signataire : [R] [T] .
La présente enveloppe est signée et horodatée électroniquement par DocuSign.
Aux termes de ce document, cet organisme de certification atteste de la signature électronique du document ‘Contrat.pdf’ signé par Mme [R] [T].
Ensuite, le document détaille le fichier de preuve et son contenu et notamment « la transaction numéro 1 » qui est la signature du contrat. Ainsi, à titre de synthèse (2.2.1) , la société DocuSign indique que dans le cadre de la transaction référencée, réalisée via le service Protect&Sign, DocuSign atteste que le signataire identifié comme Mme [T] [R] et dont l’adresse émail est [adresse mail] a procédé à la signature électronique des documents présentés, à la demande du client la société Boursorama.
En ce qui concerne l’authentification du signataire, il est bien précisé que le signataire s’est authentifié sur la page de consentement en saisissant le code qui lui a été transmis automatiquement par le Service Protect@Sign par SMS au numéro de téléphone [ numéro de portable]. Le service Protect@Sign a ensuite vérifié l’égalité entre le code saisi par l’utilisateur et le code transmis.
Ainsi, la société Boursorama démontre que le contrat a bien été signé de façon électronique, via un code transmis par SMS sur le numéro de téléphone de Mme [T] [R] qui, pour signer électroniquement, a reproduit ce code sur son ordinateur, réalisant ainsi une signature électronique par un mode sécurisé attesté par une société de services de certification électronique.
D’ailleurs, en annexe technique, cet organisme indique que le fichier de traçabilité nommé proof-metadata.xml contient les données techniques résultant du traitement des opérations effectuées pour l’ensemble des transactions constitutives du fichier de preuve. Son contenu au format XML est destiné à être consulté par un expert en informatique dans le cadre d’un éventuel audit.
La société Boursorama verse également aux débats les éléments d’identité et de solvabilité envoyés par Mme [T] [R]: justificatifs d’identité, domiciliation et de solvabilité de Mme [R] à l’ouverture du compte le 02/01/2017.
La société Boursorama apporte la preuve de la signature du contrat par Mme [T] [R], par voie électronique selon un mode sécurisé. Aucun élément des faits du litige ne permet de considérer que l’identité et la signature de l’emprunteur auraient été usurpées, ce d’autant que Mme [T] [R] ne conteste pas avoir utilisé son compte Boursorama. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté la société Boursorama de ses demandes.
Sur le montant de la créance
La société Boursorama produit :
– la convention d’ouverture de compte-chèques n° [XXXXXXXXXX01] du 2 janvier 2017
– des relevés du compte-chèques n° [XXXXXXXXXX01]
– les informations Banque de France
– une lettre de mise en demeure par R.A.R. au titre du compte-chèques n° [XXXXXXXXXX01] du 28/06/2019
En application des articles L 311-47 et L 311-48 du code de la consommation, lorsque le solde du compte débiteur demeure débiteur au delà de trois mois, le prêteur qui n’a pas clôturé le compte ni proposé d’opération de crédit se peut réclamer au débiteur les sommes correspondant aux intérêts et frais applicables au titre du découvert.
Il ressort des pièces produites qu’à partir du 03/12/2018, Mme [R] a cessé de faire fonctionner avec la réciprocité voulue son compte.
Aucune disposition n’a été prise pour régulariser sa situation. La société Boursorama s’est trouvée contrainte de mettre un terme à sa relation en procédant à la clôture juridique du compte-chèques par lettre recommandée avec A.R. en date du 13/07/2019.
Les manquements de l’emprunteur à son obligation contractuelle principale de remboursement, ont donné lieu à une déclaration d’incident en Banque de France dont il est justifié aux débats,
Le compte-chèques n° [XXXXXXXXXX01] de Mme [R] laisse apparaître un solde débiteur de 23.252,30 euros.
Dès lors que le compte bancaire de Mme [R] s’est trouvé débiteur constamment à compter du 3 décembre 2018, il convient en conséquence de relever que la somme de 23.252,30 euros doit être expurgée des agios et frais susceptibles d’avoir été décomptés à partir de cette date.
Mme [R] sera donc condamnée à verser à la société Boursorama la somme de 23.252,30 euros expurgée de tous frais et agios, outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 4 novembre 2020.
Sur les dépens et l’indemnité procédurale
Mme [R] succombant, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, les dispositions de la décision déférée relatives aux dépens étant infirmées.
En équité, Mme [R] sera condamnée au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS.
La cour,
Statuant par défaut et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [T] [R], épouse [N] à verser à la société Boursorama la somme de 23.252,30 euros au titre du solde de son compte courant, outre les intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2020,
Condamne Mme [T] [R], épouse [N] à verser à la société Boursorama la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [T] [R], épouse [N] aux dépens de première instance et d’appel.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,