Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 02 MARS 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/10553 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ34
Décision déférée à la Cour : Jugement du 2 avril 2021 – Juge des contentieux de la protection de MELUN – RG n° 20/03539
APPELANTE
La société FRANFINANCE, société anonyme à conseil d’administration, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 719 807 406 00884
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉE
Madame [I] [J]
née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes d’une offre préalable signée électroniquement le 4 mars 2019, la société Franfinance a consenti à Mme [I] [J] un prêt personnel d’un montant de 10 000 euros remboursable en 48 mensualités de 153,01 euros chacune à compter du 20 avril 2019, au taux conventionnel de 3,24 %.
À la suite d’impayés, une mise en demeure a été adressée et la société Franfinance s’est prévalue de la déchéance du terme.
Saisi le 21 août 2020 par la société Franfinance d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteuse à la somme de 9 931,75 euros au titre du capital restant dû outre des intérêts et à 779,81 euros au titre de l’indemnité de 8 %, le tribunal judiciaire de Melun, par un jugement réputé contradictoire rendu le 2 avril 2021 auquel il convient de se reporter, a rejeté la demande en paiement ainsi que la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a principalement retenu que la banque ne rapportait ni la preuve de l’existence du contrat de crédit ni aucun commencement de preuve par écrit.
Par une déclaration en date du 4 juin 2021, la société Franfinance a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 6 septembre 2021, l’appelante demande à la cour :
– d’annuler le jugement rendu,
– à tout le moins de l’infirmer en toutes ses dispositions,
– de constater que la déchéance du terme a été prononcée, à défaut, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat,
– de condamner l’intimée à lui payer la somme de 10 711,56 euros en remboursement du crédit avec intérêts au taux contractuel de 3,83 %,
– à titre subsidiaire de la condamner à lui payer la somme de 9 685,50 euros avec intérêt au taux légal à compter du 25 mars 2019,
– en tout état de cause de la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante soutient aux visas des articles 287 et suivants du code de procédure civile que le juge ne pouvait soulever d’office une contestation de signature non soulevée par le contractant lui-même, que la signature soit manuscrite ou électronique. Elle prétend également qu’elle rapportait suffisamment la preuve du contrat de crédit par l’offre de crédit revêtue de la signature électronique de l’emprunteuse non contestée par elle. Elle soutient également l’existence de commencements de preuve par écrit constitués par les règlements effectués par l’emprunteuse en paiement des mensualités et corroborés par le tableau d’amortissement et l’absence de contestation de celle-ci. Elle affirme qu’elle détient une créance de 10 711,56 euros au titre du contrat de crédit. Enfin, elle demande subsidiairement la restitution de la somme de 9 685,50 euros au titre de la répétition de l’indu.
La déclaration d’appel a été signifiée suivant acte d’huissier remis le 19 juillet 2021 conformément aux dispositions de l’article 659 du code de procédure civile à Mme [J] qui n’a pas constitué avocat. Les conclusions lui ont été signifiées le 22 septembre 2021 sous les mêmes formes.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Le contrat ayant été signé le 4 mars 2019, c’est à juste titre que le premier juge a appliqué les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ainsi que les dispositions du code civil en leur version postérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
Sur la demande d’annulation du jugement
L’appelante soutient que si le juge peut soulever d’office tout moyen résultant de l’application des dispositions du code de la consommation comme l’y autorisent les dispositions de l’article R. 632-1 du code de la consommation, il ne peut en revanche soulever d’office tout moyen que le débiteur pourrait soulever et qui ne relève pas du strict champ d’application des dispositions du code de la consommation. Elle indique que le juge ne pouvait donc présupposer un fait qui n’est pas allégué par le défendeur non comparant, à savoir que celui-ci ne serait pas signataire de l’offre de crédit.
Selon les articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Selon l’article 12 du même code, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En application de l’article 472 du même code, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce, le premier juge a constaté l’absence de comparution de la défenderesse et a visé les dispositions de l’article 472 du code de procédure civile.
Le premier juge a estimé que la société Franfinance ne justifiait pas d’une signature électronique certifiée du contrat, qu’elle ne produisait pas de document officiel d’identité et n’apportait ainsi pas suffisamment la preuve de la conclusion d’un contrat avec Mme [J].
Ce faisant, il ne résulte pas de ces énonciations que le premier juge ait entendu opérer d’office une vérification de signature dans les termes de l’article 287 du code de procédure civile alors qu’il entre dans son office, particulièrement en l’absence de comparution du défendeur à une action en paiement, de vérifier que les conditions d’application des textes invoqués sont remplies et que les pièces produites sont suffisantes à fonder une condamnation, la signature d’un contrat fût-elle électronique, faisant partie intégrante des éléments soumis aux débats. C’est donc en procédant à une analyse des pièces soumises aux débats que le premier juge a rejeté la demande en paiement, sans excéder ses pouvoirs.
Le moyen tendant à l’annulation du jugement est donc infondé.
Sur la preuve de l’existence du contrat de crédit
L’appelante admet que l’offre de prêt qu’elle a consenti à Mme [J] est une offre de prêt électronique qui ne comporte pas de signature graphique de l’emprunteur.
En application de l’article 1353 du code civil en sa version applicable au litige, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Il incombe à chaque partie, par application de l’article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, l’appelante produit au soutien de ses prétentions, l’offre de crédit établie au nom de Mme [J] acceptée électroniquement, un dossier Parcours client -Trust and Sign de la société Netheos, la fiche de dialogue (ressources et charges), la fiche d’information et de conseil en assurance, la notice d’assurance, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, le résultat de la consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers effectuée le 25 mars 2019, le tableau d’amortissement du prêt, l’historique du prêt et un décompte de créance.
L’article 1366 du code civil dispose que : « L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’état, l’intégrité ».
L’article 1367 alinéa 2 du même code dispose que « lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garanti, dans des conditions fixées par décret en conseil d’État ».
L’article premier du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en ‘uvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement ».
En l’espèce, l’appelante produit aux débats le fichier de preuve concernant le contrat litigieux, créé par la société Netheos, prestataire de service de certification électronique pour le compte de Signature électronique de la société Franfinance.
Ce document retrace chronologiquement l’historique du parcours de la signature électronique avec la date et l’heure correspondant à chacune des opérations, ainsi que l’identification de Mme [J] par production de sa pièce d’identité. Il précise que Mme [J] a saisi un code secret d’identification reçu par SMS au numéro [XXXXXXXX01].
L’historique de compte communiqué atteste du déblocage des fonds au profit de Mme [J] le 25 mars 2019, puis du prélèvement sans contestation de deux échéances du crédit en avril et en mai 2019 par prélèvement sur le compte bancaire de Mme [J] avec des échéances demeurées impayées à compter du 20 juin 2019.
La société Franfinance communique également la copie de la carte d’identité de Mme [J], son avis d’imposition pour les revenus 2017, un avis de paiement de la CAF de mars 2019, une fiche de paye du mois de février 2019 et une quittance de loyer du mois de janvier 2019.
L’ensemble de ces éléments établit suffisamment l’obligation dont se prévaut l’appelante à l’appui de son action en paiement. C’est donc à tort que le premier juge a rejeté l’intégralité des demandes de la société Franfinance. Partant le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la recevabilité de l’action au regard du délai de forclusion
En application de l’article R. 312-35 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.
Au regard de la date de signature du contrat, l’action en paiement est déclarée recevable.
Sur la demande en paiement
À l’appui de sa demande, l’appelante se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 30 décembre 2019. Elle produit une lettre recommandée de mise en demeure préalable du 9 décembre 2019 exigeant le règlement sous quinze jours de la somme de 997,06 euros, sous peine de déchéance du terme du contrat puis d’une lettre recommandée en date du 22 janvier 2020 de notification de la déchéance du terme et de mise en demeure du règlement du solde du contrat.
Au vu des pièces produites, elle n’encourt aucune déchéance du droit aux intérêts.
C’est donc de manière légitime que la société Franfinance se prévaut de l’exigibilité des sommes dues.
Sa créance s’établit ainsi :
– sept mensualités échues impayées : 1 071,07 euros
– capital restant dû au 30 décembre 2019 : 8 853,58 euros
– intérêts de retard au 30 décembre 2019 : 7,10 euros
soit un total de 9 931,75 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 3,24 % à compter du 20 janvier 2020, date de la mise en demeure, sur la somme de 9 924,65 euros et au taux légal pour le surplus.
Le contrat prévoit en outre à la charge de l’emprunteur une indemnité d’exigibilité anticipée de 8 % du capital restant dû qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Il apparaît en l’espèce que la banque n’est que partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a utilisé une assiette inexacte pour sa fixation et en ce qu’elle apparaît excessive. Il convient d’y faire droit dans la seule limite de la somme de 100 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2020, date de la mise en demeure.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Dit n’y avoir lieu à annulation du jugement déféré ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau,
Condamne Mme [I] [J] à payer à la société Franfinance :
– la somme de 10 031,75 euros outre les intérêts au taux conventionnel de 3,24 % à compter du 20 janvier 2020, sur la somme de 9 924,65 euros et au taux légal pour le surplus ;
– la somme de 800 euros de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne Mme [I] [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil, conformément à l’article 699 du code de procédure civile pour ces derniers.
La greffière La présidente