RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03054 –
N° Portalis DBVH-V-B7F-IETV
ET – NR
TRIBUNAL DE PROXIMITE DE CARPENTRAS
25 mai 2021
RG :11-21-0000
S.A. SANTANDER CONSUMER BANQUE
C/
[U]
Grosse délivrée
le 02/02/2023
à Me Florent ESCOFFIER
à Me Aline GONZALEZ
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 02 FEVRIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de proximité de CARPENTRAS en date du 25 Mai 2021, N°11-21-0000
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 02 Février 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A. SANTANDER CONSUMER BANQUE
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Fabien DUCOS-ADER de la SELARL DUCOS-ADER / OLHAGARAY & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
Représentée par Me Florent ESCOFFIER, Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉ :
Monsieur [C] [U]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Maxime MARTINEZ, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représenté par Me Aline GONZALEZ, Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 02 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon offre préalable de prêt acceptée le 24 août 2018, la société Santander Consumer Banque a consenti à M. [C] [U] un crédit affecté à l’achat d’un véhicule type T650 de marque Bavaria. Le capital emprunté s’est élevé à la somme de 55 000 euros, remboursable en 156 mensualités de 556,20 euros avec assurance.
Le véhicule a été livré à M. [U] le 26 août 2018.
A partir du mois de novembre 2018, le paiement des échéances du prêt n’a plus été honoré par M. [U].
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 septembre 2019, la société Santander Consumer Banque l’a mis en demeure de procéder au règlement de la somme de 5 045,80 euros au titre de l’arriéré des échéances impayées.
Sans régularisation de la part de M.[U], elle a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 octobre 2019.
Par acte du 5 novembre 2020, la SA Santander Consumer Banque a fait assigner M. [C] [U] devant le juge des contentieux de la protection de Carpentras afin d’obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de la somme de 63 265,12 euros, assortie des intérêts au taux conventionnel outre capitalisation des intérêts.
Par jugement contradictoire du 25 mai 2021, le tribunal de proximité d’Orange, a :
– débouté la SA Santander Consumer Banque de toutes ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– condamné la SA Santander Consumer Banque aux dépens,
– rejeté la demande de M. [C] [U] sur le fondement de l’article 700 du CPC.
Par déclaration du 6 juillet 2021, la SA Santander Consumer Banque a interjeté appel de cette décision.
Par message RPVA intitulé « constitution d’avocat », du 10 octobre 2021 M.[C] [U] constituait avocat en la personne de Maître Gonzalez avocat au barreau de Nîmes.
Aucun message RPVA ne mentionnait le dépôt de conclusions au fond ni leur réception par le greffe.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 5 septembre 2022 et l’audience de plaidoirie a été fixée à la date du 19 septembre 2022.
Maître Martinez a contesté à l’audience l’absence de conclusions invoquant avoir transmis ses conclusions très rapidement à son postulant et a sollicité la possibilité de renvoyer l’affaire afin de pouvoir le contacter son postulant .
L’appelante par la voix de son conseil s’y est opposée.
L’affaire a été mise en délibérée au 3 novembre 2022.
Par courriers des 3 et 6 octobre 2022 Maître Martinez représentant M.[U] a transmis la réception par le greffe de la 1ere chambre de la constitution de M.[U] par l’intermédiaire de Maître Gonzalez son postulant et à laquelle il était joint les conclusions au fond d’intimé.
Il a ainsi sollicité la réouverture des débats aux fins de présenter ses observations et à défaut qu’il y soit fait droit, demande à la cour de constater la caducité de l’appel pour dépôt de conclusions tardives de l’appelant.
Par arrêt du 13 octobre 2022 la cour a ordonné la réouverture des débats à l’audience de plaidoiries du 5 décembre 2022 et a invité les parties à présenter avant l’audience leurs observations sur la recevabilité des écritures de l’intimé et la constatation de la caducité de l’appel.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2022, la SA Santander consumer banque demande à la cour de réformer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
-la déclarer recevable et bien fondée,
– condamner M. [U] à lui payer la somme de 63 265,12 selon décompte en date du 2 janvier 2020 augmentée des intérêts au taux contractuel jusqu’à la date du règlement effectif des sommes dues,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. [U] à payer à la société Santander Consumer Banque une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [U] aux entiers dépens.
Elle fait valoir en résumé qu’en application de l’article 914 du code de procédure civile l’intimé n’est plus recevable à invoquer devant la cour la caducité de l’appel.
Elle demande subsidiairement à la cour de constater que la communication des écritures de M.[U] a posé difficulté y compris au greffe et qu’elle ne s’est pas désintéressée de la procédure ayant rencontré un problème de dysfonctionnement informatique occasionné par la réception des conclusions d’intimé antérieurement au dépôt des conclusions d’appelant .
Au fond, elle expose que le contrat de crédit est valide et qu’elle rapporte la preuve de la signature électronique de M.[U]. Elle est ainsi bien fondée à solliciter en application des articles 1103, 1104 et 1367 du code civil la condamnation de M. [U] au paiement du solde du prêt.
Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2022, M.[C] [U] demande à la cour, à titre principal de constater la caducité de la déclaration d’appel et à titre subsidiaire, de confirmer le jugement dont appel, ainsi que de condamner en tout état de cause, l’appelante à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Il soutient que la banque avait jusqu’au 8 novembre 2021 pour déposer ses conclusions d’appelant ce qu’elle n’a pas fait à peine de caducité.
Sur le fond, il prétend que la banque ne rapporte pas la preuve d’un contrat signé de sa main dés lorsqu’elle n’a pas fourni les fichiers de preuves de la transaction émanant du tiers de confiance et n’établit pas la réalité du contrat.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur les écritures de M.[U]
Comme relevé dans l’arrêt du 3 novembre 2022 après vérification par le greffe, le message RPVA de constitution de l’intimé le 10 octobre 2021 contenait en annexes non seulement la constitution de Maître Gonzalez mais également les écritures au fond rédigées par Maître Martinez avocat plaidant de M.[U]. Elles ont ainsi été déposées avant les écritures de l’appelant et par message de constitution.
Elles sont donc recevables de sorte que celles déposées postérieurement à la réouverture des débats le sont également.
2- Sur la demande de caducité de l’appel
Aux termes de l’article 914 alinéa 2 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour la caducité ou l’irrecevabilité des conclusions à moins que la cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement à la clôture de l’instruction.
Il en résulte en l’espèce que seul le conseiller de la mise était compétent pour statuer sur la demande de caducité de l’appel à l’exclusion de la cour et que faute pour M [U] d’avoir saisi celui-ci de cette question avant la clôture de l’instruction, cette demande est irrecevable.
3- Sur le fond
– Sur la validité de la signature électronique
Pour débouter le prêteur de l’ensemble de ses demandes, le premier juge a estimé que le prêteur ne justifiait pas d’une signature électronique sécurisée ni de l’identité du signataire et du lien entre la signature électronique et le signataire.
L’appelante fait grief au premier juge d’avoir écarté sa demande en paiement alors qu’elle justifie de l’usage d’un procédé fiable d’utilisation garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l’acte auquel la signature s’attache.
En application de l’article 1366 du code civil, la signature électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
L’article 1367 du même code prévoit que la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de l’acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte. Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie.
L’article 1er du décret n°2017-1417 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique dispose par ailleurs, que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée.
Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement UE n°910/2014 du 23 juillet 2014 et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux critères de l’article 28 de ce règlement.
En cause d’appel la banque verse aux débats la convention de preuve du service de contractualisation par voie électronique, l’enveloppe de preuve établi par la société Docu Sign France ainsi que le fichier de preuve Protect et Sign. Elle produit également une attestation de conformité d’archivage de la DCD Arkinéo attestant que l’archive dont les caractéristiques sont mentionnées, est bien conservées par ses soins au sein de son Système d’Archivage Electronique à vocation probatoire signée par M. [U].
Elle produit également l’enveloppe de preuve du service Protect et Sign émise par la société Docu Sign, prestataire de service de certification électronique ainsi que l’attestation de conformité de l’archive établie par la société Arkhineo qui garantissent la fiabilité du procédé de signature électronique et l’intégrité de l’acte signé.
Le prêteur justifie également d’un avis d’imposition pour les revenus 2017 au nom de M.[C] [U], une facture d’achat du véhicule au nom de M.[C] [U] et un engagement du vendeur de régulariser au nom de M.[C] [U] le CPI, qui permettent de s’assurer de l’identité du signataire.
La fiabilité du procédé électronique utilisé et justifié, est présumée au regard des dispositions légales rappelées ci-dessus. Il appartient donc à M.[C] [U] de rapporter la preuve contraire qu’il ne serait pas le signataire de l’acte dont se prévaut la banque, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.
Il s’en déduit que le contrat de prêt électronique signé le 24 août 2018 a la même force probante qu’un écrit sur support papier et qu’il a engagé M.[C] [U].
C’est donc à tort que le premier juge a estimé que la signature n’était pas justifiée et que la preuve de la teneur du contrat liant les parties n’était pas rapportée.
Le jugement déféré doit en conséquence être infirmé dans ses dispositions ayant débouté le prêteur de son action en paiement.
– Sur la demande en paiement du solde du prêt
Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat souscrit, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil est fixée suivant un barème déterminé par décret.
En l’espèce, pour justifier du principe et du montant de sa créance, la société Santander Consumer Banque verse aux débats l’offre préalable de prêt signée électroniquement le 24 août 2018 et un tableau d’amortissement, la facture du véhicule objet du prêt, la demande de versement des fonds signée datée du 26 août 2018 avec l’attestation du vendeur de la livraison au 26 août 2018 du véhicule, l’historique des versements, la mise en demeure préalable à la déchéance du terme du 6 septembre 2019 et la lettre de déchéance du terme du délivrées huissiers de justice, enfin le décompte de la créance arrêté au 2 janvier 2020.
Par suite de la déchéance du terme prononcée, l’intégralité des sommes dues est devenue immédiatement exigible et la banque est fondée à solliciter le paiement des sommes suivantes :
– 5 045,80 euros au titre des échéances échues impayées à la date de déchéance du terme,
– 52 479,45 euros au titre du capital restant dû,
– 1 531,47 euros au titre des intérêts échus,
– 4 198,36 euros au titre de l’indemnité légale.
M.[C] [U] sera ainsi condamné à payer à la SA Santander consumer banque la somme de 59 056,72 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,27% à compter du 3 janvier 2020 outre la somme de 4 198,36 euros au titre de l’indemnité légale augmentée des intérêts au taux légal.
La décision de première instance sera ainsi infirmée en ce qu’elle a débouté l’appelante de ses demandes.
– Sur la capitalisation des intérêts
En application des dispositions de l’article L 312-38 du code de la consommation aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux mentionnés aux articles L 312-39 et L 312-40 du même code ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur.
La banque sera dès lors déboutée de sa demande de ce chef.
4- Sur les demandes accessoires
Partie perdante, M.[C] [U] supportera la charge des dépens de première instance et d’appel et sera nécessairement débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais irrépétibles exposés par elle à l’occasion de la présente instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M.[C] [U] à payer à la SA Santander consumer banque la somme de 59 056,72 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,27% à compter du 3 janvier 2020, outre la somme de 4 198,36 euros au titre de l’indemnité légale augmentée des intérêts au taux légal ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M.[C] [U] supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,