Certification électronique : 14 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02297

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Certification électronique : 14 février 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02297

14/02/2023

ARRÊT N°83

N° RG 21/02297 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFV7

IMM AC

Décision déférée du 08 Mars 2021 – Juge des contentieux de la protection de MONTAUBAN ( )

Madame LECLERCQ

[F] [N]

C/

S.A. CA CONSUMER FINANCE (TESSI)

Infirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUATORZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [F] [N]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Charlotte LEVI de la SELARL LEVI – EGEA – LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMEE

S.A. CA CONSUMER FINANCE (TESSI) agissant poursuistes et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siége.

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseillère, chargée du rapport et F.PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles . Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

F. PENAVAYRE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

Monsieur [F] [N] a souscrit au mois de décembre 2018 un crédit à la consommation auprès de Cofidis pour financer l’achat de panneaux photovoltaïques d’un montant de 22.150 € remboursable en 66 échéances du 10 décembre 2018 au 10 mai 2014 au taux de 5.699 %.

Par exploit en date du 1er avril 2020, la société Consumer Finance a fait assigner M.[F] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Montauban afin de solliciter le montant des sommes restant dues au titre d’un prêt Sofinco n° 81600145943 d’un montant de 22.150 € remboursable en 66 mensualités au TEG de 5,850 %.

Par jugement du 8 mars 2021, le juge des contentieux de la protection a débouté M.[F] [N] de ses demandes et l’a condamné à payer à la société Consumer Finance la somme de 25.450,01 € avec intérêts au taux contractuel de 5,699 % par an à compter du 21 janvier 2020 sur la somme dc 23.231.19 € outre la somme de 350 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 13 avril 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de M.[F] [N] demandant, au visa des articles 1365 à 1368 et 1373 du code civil de :

– Réformer la décision entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de

dommages et intérêts pour résistance abusive.

– Déclarer inopposable l’offre de contrat de crédit prêt personnel, dont se prévaut CA Consumer Finance en date du 18 octobre 2018 à Monsieur [F] [N].

– Débouter CA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– Condamner CA Consumer Finance à verser une indemnité de 3.500 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner CA Consumer Finance aux dépens de première instance et d’appel.

Vu les conclusions notifiées le 15 février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la SA Consumer Finance demandant à la cour de 1366 et 1367, 1373 du Code civil et l’article 288-1 du Code de procédure civile, L.311-11 et suivants du Code de la consommation, 1103 et 1104 du Code civil,

– Juger que Monsieur [F] [N] est le signataire du contrat de

crédit du 18 octobre 2018

– Constater que la Société CA Consumer Finance a débloqué les fonds sur le compte bancaire de Monsieur [F] [N]

Constater que Monsieur [F] [N] a manqué à ses obligations contractuelles

En conséquence :

– Confirmer le jugement en date du 8 mars 2021 en ce qu’il a :

– Condamner Monsieur [F] [N] à payer à la SA Ca Consumer Finance la somme principale de 25 450,01 € ,

avec intérêts au taux contractuel de 5,699% par an qui courront à compter du 21 janvier 2020 sur la somme de 23 231,19 € ;

– Condamner Monsieur [F] [N] à payer à la SA Ca Consumer Finance la somme de 350 euros sur le fondement

de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner Monsieur [F] [N] aux dépens ;

– Débouter Monsieur [F] [N] de toutes ses demandes, fins et

prétentions

– Condamner Monsieur [F] [N] à verser à la société CA Consumer Finance la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile dans le cadre de

la présente procédure d’appel.

– Condamner Monsieur [F] [N] aux entiers dépens.

Motifs 

A l’appui de sa demande d’infirmation de la décision qui l’a condamné au profit de la société Consumer Finance, M.[N] soutient qu’il n’a pas signé le contrat de prêt personnel du 18 octobre 2018 qui fonde la demande de la banque, et qu’il a été victime d’une escroquerie de la part d’une personne se présentant comme [S] [I] intervenant pour le compte de ‘Rachat Market, une marque de Consumer Finance’, qui a frauduleusement souscrit le prêt litigieux en son nom et bénéficié des fonds prêtés.

Il expose avoir été démarché téléphoniquement par cette personne qui lui a proposé de racheter le contrat conclu avec Cofidis, lui avoir transmis ses documents d’identité et les pièces relatives à ses revenus, avoir signé de sa main sur un support papier un contrat de ‘ rachat de crédit ‘ pour la somme de 22.150 € à l’en tête de Rachat Market, puis, la somme de 22.150 € ayant été créditée sur son compte Société Générale et dans l’ignorance de ce qu’elle avait été versée en exécution du prêt Consumer Finance souscrit frauduleusement en son nom par [S][I], avoir effectué deux virements au profit d’un compte désigné par ce dernier qui lui avait transmis un RIB à cette fin. Il précise qu’il pensait, par cette opération rembourser la société Cofidis, avant de constater ultérieurement que tel n’avait pas été le cas puisque Cofidis continuait à prélever les mensualités du crédit initial et que son compte Société général était en outre débité de nouvelles mensualités d’un montant de 432, 36 €.

La société Consumer Finance soutient que la signature électronique bénéficie d’une présomption de fiabilité et que M.[N] ne rapporte pas la preuve contraire d’une absence de fiabilité dont il supporte la charge.

La cour constate à titre liminaire à l’examen des pièces produites que M.[N] justifie bien des échanges intervenus par courriels avec M. [S] [I], intervenant sous l’adresse électronique [Courriel 6] pour le compte de Rachat Market, l’ensemble de ces courriels présentant sous la signature de l’intéressé le logo Rachat Market et les informations suivantes:

Rachat Market est une marque de CA Consumer Finance, SA au capital de 554.482 422 €, intermédiaire d’assurance inscrit à l’Orias ( …) Ce courrier vous est transmis par CA Consumer Finance.

Or, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, rien ne permet de retenir que Rachat Market est bien une marque de Consumer Finance, ce que cette dernière ne soutient pas, ni que Consumer Finance a bien engagé des pourparlers avec M.[N] pour le rachat de son crédit Cofidis, ce que Consumer Finance, qui se borne à soutenir que M.[N] s’est engagé dans le cadre d’un prêt personnel n°81600145943 signé électroniquement le 18 octobre 2018, ne soutient pas non plus.

M. [N] démontre bien avoir le 27 octobre 2018 apposé sa signature manuscrite sur un contrat de ‘ rachat de crédit ‘ à l’en tête Rachat Market – prêteur CA Consumer Finance, portant également le n°81600145943 pour le même montant de 22.150 €.

Il établit également avoir effectué le 30 et le 31 octobre sur l’invitation de Rachat Market et grâce à un RIB portant le logo Cofidis transmis par cette dernière, deux virements pour un montant total de 10.000 € et 12.141, 71 € à partir de son compte Société Générale au profit d’un compte [XXXXXXXXXX02].

Il convient donc d’examiner si, comme l’a retenu le premier juge, M.[N] s’ést bien engagé à deux reprises par des contrats portant le même n° et pour un même montant de 22.150 €, le premier de ces contrats ayant été signé électroniquement au profit de Consumer Finance et le second, de sa main, au profit de Rachat Market ou si, comme le soutient M.[N], le contrat de prêt daté du 18 octobre 2018, invoqué par Consumer Finance au soutien de sa demande de remboursement, n’a pas été signé par lui et ne lui est donc pas opposable.

A cette fin, il ya lieu de faire application de l’article 287 du code de procédure civile qui dispose que « Si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres. Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électroniques, le juge vérifie si les conditions, mises par les articles 1366 et 1367 du code civil à la validité de l’écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites.»

L’article 1366 du code civil susvisé prévoit que « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ».

L’article 1367 précise que « la signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie celui qui l’appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l’authenticité à l’acte.

Lorsqu’elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

Le décret n°2017-1416 du 30 mars 2017 dispose en son article 1er que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée.

Est une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement UE du 23 juillet 2014 et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électonique qualifié répondant aux exigences de l’article 29 dudit réglement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement.

Enfin, l’article 26 ‘ Exigences relatives à une signature électronique avancée ‘ du réglement UE 910-2014 dispose que ‘une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes:

a) être liée au signataire de manière univoque;

b) permettre d’identifier le signataire;

c) avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif; et

d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable’.

Dès lors, lorsque le prêteur se prévaut à l’encontre de celui qui dénie sa signature, de la présomption de fiabilité attachée à la signature électronique en application de l’article 1367 du code civil, il appartient au juge de vérifier si la signature électronique est bien qualifiée, ce qui suppose en premier lieu qu’elle réponde aux exigences d’une signature avancée au sens du règlement UE susvisé et par conséquent qu’elle est liée au signataire de manière univoque et permette de l’identifier. A défaut, la signature invoquée ne constitue pas une preuve de l’engagement de celui auquel on l’oppose.

En l’espèce, la banque verse aux débats (sa pièce n°8) copie de l’enveloppe électronique contenant le fichier de preuve, créé par la société DocuSign en sa qualité de prestataire de services de certification électronique (PSCE) pour les besoins de CA Consumer Finance, attestant de la signature électronique du document ‘en ligne service’ par le signataire ‘[N] [F] ([Courriel 7])’.

Il y est précisé que le signataire s’est identifié en saisissant un code qui lui a été transmis par CA Consumer Finance, que ce code a été parallèlement fourni au service Protect et sign par la banque lors de l’initialisation de la transaction et que le service Protect et sign a vérifié l’égalité entre les codes saisi par l’utilisateur et le code transmis par la banque.

Il est indiqué en outre que le signataire s’est connecté depuis l’adresse IP 194.99.106.9.

La cour observe néanmoins qu’alors que M.[N] a, dans le cadre de l’instance devant le juge des contentieux de la protection, fait sommation à Consumer Finance d’indiquer sur quel support (boîte mail, téléphone portable) et à quelle adresse électronique ou numéro de téléphone le code d’identification avait été envoyé, il n’a pas été déféré à cette demande si bien qu’il n’est pas démontré que M.[N] a reçu ce code et non une tierce personne.

Il est tout aussi inopérant pour la CA Consumer Finance d’invoquer l’adresse IP à partir de laquelle s’est connectée le signataire puisque rien ne permet non plus de rattacher cette adresse IP à M.[F] [N].

Enfin, aucun des éléments débattus ne permet de rattacher l’adresse [Courriel 7] à M.[N], qui n’ en a jamais fait état dans les documents qu’il a communiqués, si bien que s’il résulte du fichier de preuve transmis par CA Consumer Finance que ‘ [Courriel 7] a bien signé le document’, rien n’établit que M.[F] [N] soit à l’origine de cette signature.

La banque ne démontre donc pas que la signature éléctronique invoquée est liée à M.[N] de manière univoque et permet de l’identifier. Pas davantage n’est rapportée la démonstration de ce que cette signature a été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif; et qu’elle est liée aux données associées de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable, exigences résultant des c) et d) de l’article 28 du réglement UE susvisés.

Dès lors que n’a pu être identifiée la personne dont émane la signature litigieuse, le contrat de prêt invoqué par la société Consumer Finance ne démontre pas l’engagement de M.[N].

L’existence d’un prêt suppose la démonstration du versement des fonds, mais aussi l’engagement de celui qui les reçoit à les rembourser.

En l’espèce, la banque établit bien la remise des fonds mais non l’engagement de M.[N] à les lui rembourser et il résulte des éléments débattus que M.[N], qui a été trompé sur l’origine des fonds, n’en a pas profité compte tenu des manoeuvres dont il a été victime.

La société Consumer Finance n’établit donc pas sa qualité de créancière, ni au titre de intérêts, ni au titre du capital et doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

Partie perdante, la société Consumer Finance supportera les dépens de première instance et d’appel et devra indemniser M.[N] des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer pour faire valoir ses droits.

Par ces motifs:

– Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

– Déboute la SA Consumer Finance de l’ensemble de ses demandes,

– Condamne la SA Consumer Finance aux dépens de première instance et d’appel.

– Condamne la SA Consumer Finance à payer à M.[N] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La Présidente

.

 


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