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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre civile
ARRET DU 11 MAI 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/04699 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OXNF
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 08 octobre 2020 – Tribunal judiciaire de Perpignan
N° RG 18/01993
APPELANT :
Monsieur [P] [W]
né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Alexandre SALVIGNOL substituant Me Arnaud TRIBILLAC de la SCP TRIBILLAC – MAYNARD – BELLOT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
INTIME :
Monsieur [G] [E]
né le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représenté par Me Olivier REDON de la SCP DONNADIEU-BRIHI-REDON-CLARET-ARIES-ANDRE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, avocat postulant et plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 MARS 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
*
* *
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [G] [E] est signataire d’une reconnaissance de dette d’un montant de 50000€ en faveur de M. [P] [W] selon acte sous seing privé du 15 juin 2012.
M. [W] a saisi le tribunal d’instance de Perpignan par assignation du 27 avril 2016 et cette juridiction s’est déclarée incompétente par jugement du 13 avril 2018 au profit du tribunal de grande instance.
L’instance en paiement s’est poursuivie et par jugement du 08 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Perpignan a prononcé la nullité de la reconnaissance de dette pour absence de cause, ordonné la radiation de l’hypothèque conservatoire inscrite sur la parcelle appartenant à M. [E], sis à [Localité 7] cadastrée Section AC n°[Cadastre 4] et enregistrée sous le volume 2017 V2266 en exécution de l’ordonnance du juge de l’exécution en date du 10 août 2017, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamné M. [W] aux dépens.
Vu la déclaration d’appel du 28 octobre 2020 par M.[W].
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, au terme desquelles il demande d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, déclare régulière la reconnaissance de dette, condamner M. [E] à lui payer la somme de 50000€ avec intérêts au taux de 3% à compter de la mise en demeure du 27 janvier 2016, celle de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, débouter M. [E] de l’intégralité de ses demandes, rejeter la demande de mainlevée de l’hypothèque conservatoire, condamner M. [E] à lui payer la somme de 5000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 août 2022, au terme desquelles M. [E] demande de confirmer le jugement, de débouter M. [W] de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 5000€en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
Vu l’ordonnance de clôture du 20 février 2023.
MOTIFS
Est produite aux débats une reconnaissance de dette dactylographiée, manifestement mise en forme dans un office notarial, selon laquelle ‘la reconnaissance de dette objet des présentes, d’un montant en capital de CINQUANTE MILLE EUROS (50.000,00 EUR), somme qui a été remise par le créancier au débiteur directement, est consentie aux conditions particulières suivantes qui ont été négociées directement entre les parties’… Elle est datée de manière manuscrite du 15 juin 2012, à [Localité 8] et suivie de la signature que M. [G] [E], identifié comme débiteur à l’acte, ne dénie pas.
M. [W] indique qu’il avait accepté de se porter co-emprunteur d’un prêt de 50000€ en capital souscrit par M. [E], lequel s’est vu mettre cette somme à disposition sur son compte et qu’en contrepartie, M. [E] a ratifié cette reconnaissance de dette dont il poursuit le paiement. Ce prêt demeurant impayé, la banque Courtois a accepté une restructuration le 30 juin 2014 en intégrant les intérêts cumulés sur deux années, de telle sorte qu’il a accepté une nouvelle offre de prêt de 58000€en capital et de 72611,14€ avec intérêts de retard. Il précise avoir soldé de crédit à l’échéance d’août 2021.
Il critique la décision du premier juge en lui faisant grief de l’avoir débouté aux motifs de la reconnaissance de dette litigieuse était dépourvue de cause et qu’il ne prouverait pas le versement de fonds à M. [E] en occultant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle il incombe au souscripteur de la reconnaissance de dette de prouver le défaut de cause et que la validité de la reconnaissance de dette n’est pas subordonnée à la remise des fonds par le créancier au souscripteur.
Ainsi, c’est à M. [E] de s’expliquer sur les raisons pour lesquelles il a souscrit la reconnaissance de dette litigieuse. Pour M.[W], cette cause se trouve dans le règlement du crédit de 2012 et il souligne que M. [E] a déclaré cette somme de 50000€ dans la dossier de surendettement.
Quant à la validité de la reconnaissance de dette, il soutient l’existence d’une modération à l’exigence de mention manuscrite puisque si la signature électronique suffit à démontrer le caractère probant de la somme due, a fortiori la signature manuscrite de la personne qui s’engage établit la pleine validité de la reconnaissance de dette. A tout le moins, ce document constitue un commencement de preuve par écrit, complété par M. [E] qui a déclaré la créance dans le dossier de surendettement qu’il a déposé.
M. [E] conteste toute obligation envers M. [W] résultant d’une offre de prêt, projet qu’il n’a jamais signé et offre dont il n’est pas codébiteur ; il n’est justifié d’aucune restructuration du prêt initial en 2014 et le paiement de mensualités de 864,08€ n’avait pas vocation à rembourser l’offre de crédit de 2012.
Il reconnaît que lorsque la cause n’est pas exprimée dans l’acte, celle-ci est néanmoins présumée exister et qu’il incombe au souscripteur de prouver l’absence de remise des fonds par le bénéficiaire. Or, celle-ci n’est pas prouvée, tant par l’aveu qu’en fait M. [W] dans ses écritures que par le fait que les fonds devaient être versés sur un compte joint [W]-[E] qui laissait au premier le libre usage de ces fonds. La cause figurant dans l’acte étant fausse, il appartient alors à M. [W] de rapporter la preuve que sa créance repose sur une cause licite, ce qu’il ne fait pas.
Il fait encore valoir les vices de forme affectant l’instrumentum, la mention de la somme en toute lettre et en chiffres n’étant pas écrite de sa main ; que la jurisprudence invoquée par M.[W] n’autorise aucun tempérament à cette exigence puisqu’elle s’inscrit dans le cadre de la seule pratique de l’usage de la signature électronique ; le dépôt d’un dossier de surendettement ne vaut pas élément extrinsèque pertinent confirmatif de la connaissance par le débiteur, au moment de son engagement, de la nature et de l’étendue de la dette principale. Il n’a nullement reconnu la dette en déposant un tel dossier mais seulement présenté sa situation à la commission de surendettement dans le respect de l’exigence de transparence.
En cet état de moyens et d’arguments contraires, la cour se doit de constater que la cause de la reconnaissance de dette est expressément mentionnée dans celle-ci : il s’agit de la remise de la somme directement au débiteur par le créancier.
M. [E] est donc habile à soutenir que cette cause est fausse auquel cas l’obligation au paiement qu’argue M. [W] est sans effet par application des dispositions de l’article 1131 ancien du code civil, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la cause illicite envisagée à l’article 1108 ancien du code civil.
Contrairement à la lecture que fait M. [E] des écritures de M. [W] dont il tire un aveu judiciaire, la cour trouve la preuve de l’absence de remise de fonds dans les éléments produits par ce dernier :
– l’offre de prêt de juin 2012 n’est qu’une offre et M. [W] ne démontre pas qu’elle a acceptée par M. [E] qui y figure en qualité d’emprunteur, lui-même étant coemprunteur, la signature y figurant n’étant que celle du prêteur. La mention de cette offre selon laquelle ‘le montant du crédit sera versé au crédit du compte de l’emprunteur’ n’est en rien probante puisqu’il est avéré par le tableau d’amortissement que le compte de prélèvement du crédit est le 10268 02520 448863 003 00 ouvert depuis le 06/06/12, numéro qui, selon la pièce 7, est un compte joint ouvert aux noms de [E] [W], ce qui laisse à l’un comme à l’autre toute latitude pour disposer des fonds.
– au delà de l’absence de remise directe de fonds par M. [W] à M. [E] telle que la reconnaissance de dette le mentionne, les fonds étant au mieux remis par la banque Courtois, il est manifeste que M.[W] a accès au relevé des opérations portées au compte joint tel que la production de l’extrait mensuel au 31 août 2014 (cette pièce 7) le démontre. Il n’en produit que cet extrait dont il souhaite que la preuve en soit tirée que les deux versements de 24595,61€ et de 34480,90€ faits à partir du second crédit contracté par lui (prêt personnel de 58000€ du 30 juin 2014 remboursable en 94 mensualités de 864,08€) sont venus solder le prêt de juin 2012 en lieu et place de M. [E] qui aurait manqué à son obligation de règlement. Si cet extrait peut suffire en effet à prouver l’apurement du premier prêt par le second, il n’est pas possible d’en tirer la preuve que M. [E] était effectivement engagé au titre du premier prêt.
– la concomitance des dates entre le premier prêt et la reconnaissance de dette n’est pas démonstrative de quoi que soit, les parties restant manifestement mutiques envers la cour sur la nature exacte de leurs relations, un semblant d’explication ayant été donné au premier juge, non repris devant la cour.
– le courriel du directeur de l’agence entreprise de la banque Courtois en date du 03 octobre 2019 n’est en rien explicite de ce que cette personne transmettait à M. [W] sous la dénomination de ‘document qui fait le lien entre ton financement (non affecté) et le remboursement du prêt effectué conjointement avec Monsieur [E]’, alors que l’objet du mail intéresse une réponse à ‘sinistre client Courtois’. A défaut de savoir explicitement quelle était la demande de M. [W] et quel est ce document transmis, qui peut être l’offre de crédit non acceptée par M. [E], il n’est pas possible d’en tirer un quelconque enseignement quant à l’engagement de celui-ci.
– enfin, à considérer que le prêt de 2014 soit un prêt de restructuration comme l’indique M. [W], il est constant qu’il n’est qu’un crédit personnel à celui-ci, ce qui tend à démontrer qu’il était seul engagé envers la banque Courtois.
Dès lors, aucune démonstration n’est faite par M. [W] en présence d’une cause précisée dans la reconnaissance de dette que celle-ci est exacte et la cour est à même de retenir par voie subséquente au regard des éléments analysés qu’elle est fausse, peu important la déclaration de M. [E] à la commission de surendettement qui ne portait pas sur une dette de 50000€ envers M. [W] mais sur une dette de 50000€ envers la SCI [W].
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la reconnaissance de dette.
Selon l’article R.512-2 du code des procédures civiles d’exécution, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
L’hypothèque conservatoire sur la parcelle AC19 commune de [Localité 7] ayant été prise sur ordonnance du juge de l’exécution de Perpignan du 10 août 2017, il n’appartient qu’à ce juge d’en ordonner la mainlevée de telle sorte que le jugement sera infirmé sur ce chef de dispositif.
Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [P] [W] supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe
Infirme le jugement en ce qu’il a ordonné la radiation de l’hypothèque conservatoire inscrite sur la parcelle appartenant à M.[E], sous à [Localité 7] cadastrée Section AC n°[Cadastre 4] et enregistrée sous le volume 2017 V2266 en exécution de l’ordonnance du juge de l’exécution en date du 10 août 2017
statuant de ce chef
Rejette cette demande
Confirme le jugement pour le surplus
Y ajoutant,
condamne M. [P] [W] à payer à M. [G] [E] la somme de 3000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne M. [P] [W] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT