Your cart is currently empty!
Le réalisateur est le maître d’oeuvre de l’adaptation, du style et du découpage,|[lequel] dirige et coordonne en collaboration avec les responsables des équipes artistiques et techniques les opérations d’étude, de préparation et de réalisation d’une oeuvre dans le respect des contraintes de production dont il a été informé.
Le réalisateur qui travaille le dimanche a le droit, en application de l’article 8.3 de la convention collective des films d’animation, d’une majoration de 25% qui se cumule avec la majoration pour heure supplémentaire.
Par ailleurs, compte tenu de l’absence de respect par l’employeur de la remise du CDDU dans le délai légal et de cette remise près d’un mois après que les deux salariés aient réclamé cette remise à leur avocat dont il communiquait le nom, l’employeur est mal fondé à invoquer un refus délibéré du salarié de signer son contrat (requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée).
__________________________________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 11
ARRET DU 12 AVRIL 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00971 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBMAI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/05770
APPELANT
Monsieur F D E
[…]
[…]
Représenté par Me Perrine PINCHAUX, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 86
INTIMEE
S.A.S. TANT MIEUX PROD
[…]
[…]
Représentée par Me Stéphanie J, avocat au barreau de PARIS, toque : G0299
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Mathilde SARRON ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Tant Mieux Prod a pour activité la production d”uvres audiovisuelles ; souhaitant adapter sous la forme d’une série d’animation composée d’épisodes de 52 minutes l’ouvrage « Tobie Lolness » écrit par Timothée Fombelle publié aux éditions Gallimard, elle a proposé à un couple de techniciens de l’animation F D-E et C X, dite K de leur confier la co- création et la co-réalisation de l’univers graphique d’un teaser dont la date de livraison avait initialement été fixée au 17 août 2016, la SAS Tant Mieux Prod ayant été sélectionnée pour le «Cartoon Forum», marché du film d’animation dédié aux professionnels qui devait se dérouler la semaine du 14 septembre 2016.
Deux contrats d’usage ont été établis, l’un pour Mme X pour 15 jours et l’autre pour 16 jours concernant M. F D E en tant que réalisateurs portant sur la période du mois de juin 2016 avec une rémunération au taux journalier brut de 182,89 euros et une embauche à la catégorie III A-cadre de la convention collective de la production de films d’animation et ses avenants. L’horaire mentionné sur ces deux contrats était de 35 heures hebdomadaires.Ils n’ont cependant pas été signés.
La convention collective des films d’animation était applicable.
Le teaser sera finalement livré dans sa version définitive selon la SAS Tant Mieux Prod dans la nuit du 14 au 15 septembre avant la présentation du projet par la SAS Tant Mieux Prod le 15 septembre 2016 à 15h à Toulouse.
Soutenant que la relation contractuelle avec la SAS Tant Mieux Prod doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée et réclamant des rappels de salaires, le paiement d’heures supplémentaires et diverses indemnités de rupture, M. D E a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 26 juillet 2018, lequel par jugement rendu le 06 janvier 2020 a statué comme suit :
– Condamne la SAS Tant Mieux Prod à verser à M. F D E les sommes suivantes:
* 5.176,50 euros au titre des heures supplémentaires (sans repositionnement)
* 517,65 euros au titre de l’indemnité de congés payés,
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, jusqu’au jour du paiement.
Rappelle qu’en vertu de l’article R1454-28 du Code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
* 750 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, – Déboute M. F D E du surplus de ses demandes,
– Déboute la société Tant Mieux Prod de ses demandes reconventionnelles,
– Condamne la société Tant Mieux Prod au paiement des entiers dépens.
Par déclaration en date du 31 janvier 2020, M. F D E a interjeté appel du jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes, notifié par lettre du greffe adressée aux parties le 10 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 octobre 2021, M. F D E demande à la cour de :
– le recevoir en son appel et ses conclusions ;
– d’infirmer partiellement le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris et statuant à nouveau de :
– fixer son salaire journalier à la somme de 240 euros soit la somme mensuelle de 5 199 euros ;
– de dire que la rupture de la relation de travail avec la SAS Tant Mieux Prod s’analyse en un licenciement abusif
En conséquence :
– de condamner la société Tant Mieux Prod à lui régler les sommes de :
Au titre de l’exécution du contrat de travail :
– 4.161 euros plus congés payés afférents : 416 euros à titre de rappel de salaire
(repositionnement au taux journalier sollicité)
– 450 euros à titre de rappel de salaire ( majoration à 25 % pour les 7,5 dimanches travaillés, avec repositionnement (240 euros / jour) et subsidiairement sans repositionnement (183 euros / jour) la somme de 343 euros plus congés payés afférents soit : avec repositionnement (240 euros / jour) : 45 euros et subsidiairement sans repositionnement (183 euros / jour) : 34,30euros
– 6.638,50 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 14.07.2016 et le 14.09.2016 (avec repositionnement à 240 euros / jour) et subsidiairement sans repositionnement (183 euros / jour) la somme de 5 176,50 euros plus congés payés afférents soit avec repositionnement à 240 euros / jour la somme de 663,85 euros et subsidiairement sans repositionnement (183 euros / jour) la somme de 517,65 euros
– 31 194 euros à titre d ‘indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (article L 8223-1 du code du travail) et subsidiairement sans repositionnement la somme de 23 790 euros
Au titre de la rupture :
– 20.796 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive (4 mois) :
– 5.199 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement (articles L 1226-15 al 4 du Code du travail) : – 15.597 euros au titre de l’ indemnité compensatrice de préavis (trois mois) et subsidiairement sans repositionnement la somme de 13 359 euros plus congés payés sur préavis soit 1 559,70 euros et subsidiairement sans repositionnement :1 335,9 euros
En tout état de cause, il demande :
– d’ordonner la remise des documents conformes ( bulletins de paie de juin 2016, juillet 2016, août 2016 et septembre 2016, attestation pôle emploi ou AME, solde de tout compte, certificat de travail
);
– 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– le rejet des demandes reconventionnelles de la société Tant Mieux Prod à hauteur de 70.000 euros et de la somme de 3.500 euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile
– de condamner cette dernière aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 juin 2020, la société Tant Mieux Prod demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu le 6 janvier 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il l’ a condamnée à verser à M. D E un rappel d’heures supplémentaires
– d’infirmer le jugement rendu le 6 janvier 2020 en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. D E les sommes suivantes :
– 5 176 ,50 euros au titre des heures supplémentaires (sans repositionnement)
– 517,65 euros au titre de l’indemnité de congés payés
et statuant à nouveau, de débouter M. D E de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et en tout état de cause de :
– rejeter les demandes formées par M. D E au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– de condamner M. D E à verser à Tant Mieux Prod 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Me Stéphanie J, Ldeis, Avocats AARPI, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2021 et l’affaire a été fixée à l’audience du 1er février 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fixation du salaire journalier
M. F D E soutient que la SAS Tant Mieux Prod s’était engagée dès les contacts de 2015, à lui verser ainsi qu’à Mme X un salaire journalier bien au dessus du minima conventionnel ; il invoque un mail d’G H, producteur exécutif de la SAS Tant Mieux Prod en date du 7 décembre 2015 disant « on va partir sur un trailer d’1.30 de toutes les façons quitte à faire un teaser à partir de cette 1.30 (…) Par contre j’aurais besoin de savoir pour chacun des postes énoncé (sic) plus bas le nombre de jours de travail car avec le planning il est difficile d’être exact. Et sur vos salaires à vosu(sic) aussi vous auriez une idée ou je prends le tarif de base + 20 ou 30%» (pièce 3) et encore pièce 31 un mail de Mme I J , productrice en date du 18 juillet 2016 relatant que Manu lui avait dit «qu’il vous avait proposé 180 jour chacun pour juin et 3000 euros chacun pour les premières recherches graphiques . C’est une base sur laquelle discuter (…)» (pièce 31) ; il fait en outre état du mail de leur avocate en date du 10 août 2016 dans lequel elle rappelait que ses clients souhaitaient recevoir chacun un salaire journalier de 240 euros, en joignant un projet de CDD portant cette somme et soutient que lui et Mme X cumulaient plusieurs postes et fonctions techniques pour mener à bien le travail tant en terme de délai que de coût de production, le budget de la SAS Tant Mieux Prod qui se finançait étant serré, ce qui évitait de faire appel à d’autres techniciens.
Il fait donc valoir ne jamais avoir accepté le salaire de 183 euros/jour mais l’avoir subi en déclarant à Pôle emploi 25 jours travaillés fin août 2016. Il fait encore état de ce qu’en 2016, il justifiait ainsi que Mme X de 10 ans d’expérience dans le milieu de l’animation et invoque leur participation à de grosses productions comme Ernest et Y, Z, le Petit Prince … etc ( témoignages réguliers de MM A et Noël – pièces 54 et 58).
La SAS Tant Mieux Prod qui demande de confirmer le jugement qui a fixé le salaire journalier de M. F D E à 183 euros brut rétorque :
– que les premiers échanges de 2015 étaient intervenus alors qu’elle espérait pouvoir réaliser le teaser dans le cadre d’une convention de développement avec un diffuseur qui aurait pris en charge une partie des dépenses, ce qu’elle n’a pas obtenu et que c’est sur ses deniers propres, grâce à un emprunt, qu’elle a dû financer le teaser, ce qui changeait les conditions financières.
– qu’elle n’a jamais reçu le mail du 10 août 2016 de Me B (pièce 12 de M. F D E), que si elle l’avait reçu, elle aurait réagi et répondu, qu’il s’agit d’un courriel forwardé et non du courriel original et que cette pièce est plus que contestable
– que dans leur courriel du 15 septembre 2016, M. F D E et Mame X écrivaient «dans l’optique où vous nous considériez réellement comme vos réalisateurs/auteurs graphiques : nous acceptons les 183 euros sur 50 jours et nous vous offrons les 35 jours cumulés de travail ainsi que les jours pour finir le teaser et le nouveau plan ajouté.Si et seulement si nous poursuivons l’aventure en tant que réalisateurs sur la série Tobie Lolness»
– que M. F D E a d’ailleurs déclaré à Pôle Emploi 25 jours travaillés en août sur la base de 183 euros bruts
– qu’il n’a jamais été convenu entre les parties que le salaire journalier serait de 240 euros bruts et que M. D E n’apporte pas la preuve que le salaire journalier de 183 euros bruts a été contesté par lui ou son conseil et que ce n’est que fin août 2016 quand les relations se sont dégradées en raison des résultats du travail fourni et que des améliorations ont été demandées, qu’il a conditionné par l’intermédiaire de son conseil, la signature du contrat à son engagement et celui de Mme X comme réalisateur de la série.
– que M. F D E n’a jamais exercé plusieurs tâches, que c’est le minimum de la convention collective de l’animation applicable à l’époque soit 182,86 euros qui a été proposé , qu’en effet, la SAS Tant Mieux Prod avait engagé en fonction du planning élaboré par M. F D E et Mme X, toute une équipe avec les techniciens choisis par eux et qui ensuite ont demandé l’engagement de trois autres techniciens en renfort dont M. Canitrot (pièce 19 adverse)
Il ressort des pièces versées aux débats que si les consorts K X et F D E avaient rencontré depuis décembre 2015 (pièces 2 et 3 de l’appelant) la SAS Tant Mieux Prod au sujet d’un projet de production d’une adaptation de l’ouvrage écrit par M. Timothée de Fombelle publié aux éditions Gallimard, en réalité, la SAS Tant Mieux Prod ne savait pas à cette date si la négociation avec Gallimard aboutirait, de même qu’elle ignorait comment le projet pourrait être financé et que finalement, n’obtenant aucun financement pour le projet de réalisation, elle devra le financer elle-même à l’aide d’un emprunt qu’elle a contracté .
Il n’est pas contesté que M. F D E a été payé de l’intégralité de son salaire de base pour les jours travaillés au taux horaire de 183 euros bruts, et il n’est pas soutenu ni établi que ce taux soit inférieur au taux minimal journalier applicable en 2016 pour un réalisateur /réalisatrice qui est le taux le plus élevé du secteur Réalisation niveau/catégorie I de la convention collective applicable étant observé que la convention collective ne distingue pas entre réalisateur senior ou junior, le salaire minimal journalier étant fixé au même taux.
En tant que réalisateurs, M. F D E et Madame X dite K avaient la charge et la responsabilité selon la définition de la convention collective applicable d’être « maître d’oeuvre de l’adaptation, du style et du découpage,|[lequel] dirige et coordonne en collaboration avec les responsables des équipes artistiques et techniques les opérations d’étude, de préparation et de réalisation d’une ‘uvre dans le respect des contraintes de production dont il a été informé» ;
M. F D E n’apporte aucun élément probant de ce que la SAS Tant Mieux Prod leur aurait confié en plus d’autres tâches justifiant un dépassement du taux minimal journalier d’un réalisateur.
La cour relève que M. F D E a travaillé à compter du mois de juin et que s’il est établi par le mail qui lui a été adressé le 18 juillet 2016 par I J, la productrice, que Manu (producteur) lui (ainsi qu’à Mme X K) avait proposé «180 jour», il n’est justifié d’aucune réaction ou protestation au reçu de ce mail et alors même qu’il est établi (pièce 13 de l’appelant) que le 11 juillet 2016 les contrats comportant le taux horaire de 182,66 euros bruts avaient été adressés par la SAS Tant Mieux Prod à l’avocat désigné par les salariés.
Aucun accord pour un taux journalier de 240 euros n’a jamais été accepté par la SAS Tant Mieux Prod et il n’est pas même justifié que des discussions se soient engagées à partir de ce montant entre le mois d’août et la remise du teaser le 15 septembre soit près d’un mois après la date du 17 août qui avait initialement été prévue selon le planning qui avait été établi par M. F D E et Madame X dite K.
Il s’ensuit que la cour retient que le minimal conventionnel étant respecté, il y a lieu de rejeter la demande de M. F D E de voir retenir le taux journalier de 240 euros et de confirmer le jugement du conseil des prud’hommes qui a fixé le taux journalier à 183 euros.
Sur la demande de majoration pour les dimanches travaillés et les heures supplémentaires
Il ne peut sérieusement être contesté, eu égard aux plannings versés aux débats qui ont été adressés à la SAS Tant Mieux Prod par M. F D E et Mme X dite K que ces derniers ont travaillé le dimanche, ainsi que cela résulte de l’attestation régulière de M. Francis Canitrot (pièce 43 de l’appelant), lui-même salarié de la SAS Tant Mieux Prod et des échanges de courriels avec les producteurs, des enregistrements de fichiers vidéo, des échanges de textos (pièces 47.1 à 47.35 de l’appelant).
Aux termes de l’article 8.3 de la convention collective applicable les heures travaillées le dimanche sont majorées de 25% qui se cumule avec la majoration pour heure supplémentaire ; eu égard aux pièces produites, il y a lieu d’accueillir la demande de M. F D E pour 7,5 dimanches et de lui allouer la somme de 343euros au titre de cette majoration plus 34,30 euros pour congés payés afférents.
M. F D E soutient avoir effectué des heures supplémentaires en raison des contraintes de délai et du budget serré imposé par la production.
L’article L 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu’au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ;
En l’espèce, M. F D E fournit le décompte des heures supplémentaires dont il demande le paiement (pièces 47.1 à 47.35), lequel précise les jours, les plages horaires de ces heures. Il produit des éléments permettant à l’employeur de répondre.
La SAS Tant Mieux Prod, quant à elle, demande le rejet des prétentions de l’appelant en soutenant que les heures supplémentaires n’étaient pas nécessaires, qu’en fait M. F D E et Madame X dite K ont commis des erreurs dans la gestion de leur mission, qu’ils ne l’ont pas informée des difficultés qu’ils rencontraient avant de la placer devant le fait accompli, que les travaux prévus n’ont pas été livrés avec la qualité requise pour la date initiale planifiée, qu’ils se sont sont trouvés dépassés par leur tâche sans en informer leur employeur, ce qui est fautif et qu’elle n’a jamais demandé d’heures supplémentaires, qu’elle a au contraire accepté d’engager M. Canitrot de sorte qu’ils ne peuvent prétendre au paiement d’heures supplémentaires.
Elle soutient encore que ces derniers s’étaient également vus confier des travaux de création graphique qui ont fait l’objet d’un contrat de commande de droit d’auteur qui ne concerne pas la présente procédure et que parmi les pièces produites par les appelants pour justifier leur demande d’heures supplémentaires, plusieurs (pièce 34 de l’appelant) ont en réalité trait aux opérations de création de sorte qu’elles ne justifient pas les heures supplémentaires alléguées.
La pièce 34 dont fait état la SAS Tant Mieux Prod concernant la variation du visage de Tobie qui ressort effectivement de la création graphique est constitué de mails du 12 juillet 2016, date non concernée par les heures supplémentaires réclamées.
Eu égard aux pièces communiquées par les parties, la cour retient que la preuve est manifestement et indiscutablement rapportée de la réalisations des heures supplémentaires réclamées rendues nécessaires par les délais de la production et les améliorations demandées par la SAS Tant Mieux Prod, sans que soit rapportée objectivement la preuve de négligences fautives de la part des salariés appelants.
Il s’ensuit que le jugement sera confirmé dans son quantum correctement calculé au regard du taux horaire journalier de 183 euros et des majorations légales applicables au-delà de l’horaire légal de 35h soit 5.176,50 euros plus 517,65 euros pour congés payés afférents.
Sur la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
La SAS Tant Mieux Prod ne s’est pas soustraite à ses obligations de déclaration de M. F D E, elle a établi des bulletins de salaire et la preuve n’est pas rapportée qu’elle ait intentionnellement voulu se soustraire à l’une des obligations incombant à l’employeur visées par l’article L 8221-5 du code du travail. Il y a lieu de rejeter la demande d’indemnité et de confirmer de ce chef le Conseil des Prud’hommes.
Sur les demandes de dommages intérêts pour rupture abusive, non respect de la procédure de licenciement et indemnité de préavis
M. F D E et Mme X dite K soutiennent que n’ayant pas signé de CDD, ayant commencé à travailler dès le 06 juin 2016, n’ayant reçu un CDDU que plus d’un mois (le 11 juillet 2016) après avoir commencé à travailler et n’ayant pas été licenciés, ils sont fondés à solliciter des dommages intérêts et un préavis ; ils font valoir qu’ils étaient fondés à ne pas signer le contrat que la SAS Tant Mieux Prod a envoyé le 11 juillet au taux journalier de 183 euros puisqu’il ne respectait pas les pourparlers de décembre 2015 (pièce 3, mail d’G H).
La SAS Tant Mieux Prod demande la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté M. F D E de ses demandes relatives à la requalification du CDD d’usage en CDI, à la qualification de la rupture en rupture abusive ainsi que de ses différentes demandes de dommages intérêts et de préavis. Elle fait valoir que l’embauche relève de l’article L 1242.2.3° du code du travail et de la convention collective de l’animation, que le contrat a pris fin à la remise du teaser initialement prévue le 17 août 2016 et que le contrat ne s’est trouvé prolongé jusqu’au 14 septembre 2016, qu’en raison du fait qu’il n’était pas achevé le 17 août et seulement pour les jours nécessaires à son achèvement. ; elle soutient qu’il ressort des échanges que les contrats de travail de que M. F D E et Madame X dite K n’ont pas été signés seulement car :
– ils ont refusé de donner directement leurs conditions financières à la SAS Tant Mieux Prod en voulant que la discussion intervienne uniquement par l’intermédiaire de leur avocat
– que la négociation englobait à la fois le contrat de travail et le contrat de cession des droits et qu’elle s’est déroulée pendant l’été ce qui a rendu les échanges compliqués
– puis que les délais initialement prévus (17 août) n’étant pas respectés, des tensions sont apparues et que par l’intermédiaire de leur conseil puis directement après la remise du teaser le 14 septembre, les consorts N-X K ont conditionné la signature du contrat de travail à leur engagement en tant que réalisateurs de la série
– leur refus de signer le contrat s’analyse en un refus délibéré de signer avec une intention frauduleuse dans la perspective de faire prévaloir une requalification du contrat en CDI
– la jurisprudence de la cour de cassation retient qu’un CDD ne peut être requalifié en CDI lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.
Il est constant que le CDD d’usage auquel a entendu recourir la SAS Tant Mieux Prod, comme l’y autorisait son secteur d’activité, n’est qu’une variété de CDD ; selon l’article L 1242-12 du code du travail « le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit» et selon les termes de l’article L 1242-13 du code du travail, le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.
Il ressort de la chronologie des faits que ce n’est que le 11 juillet 2016 que l’employeur a transmis les contrats de travail alors qu’il ressort de la pièce 7 de l’appelant (mail du 15 juin 2016 de M. F D E et Mme X dite K à H G pour la SAS Tant Mieux Prod) que les salariés indiquaient « (…) Il est urgent qu’une première proposition de contrats/salaire soit faite par vous afin que nous puissions faire, ou pas une contre proposition» ;
La SAS Tant Mieux Prod n’a pas respecté ses obligations d’employeur en matière de CDDU et il y a lieu de requalifier la relation de travail entre les parties en contrat à durée indéterminée à compter du 6 juin 2016 selon les pièces 8.1 et 8.2 de l’appelant adressant le 29 juin 2016 à la SAS Tant Mieux Prod les jours travaillés en juin pour lui-même et Mme K X.
Compte tenu de l’absence de respect par l’employeur de la remise du CDDU dans le délai légal et de cette remise près d’un mois après que les deux salariés aient réclamé le 15 juin 2016 cette remise à leur avocat dont il communiquait le nom, la SAS Tant Mieux Prod est mal fondée à invoquer un refus délibéré des salariés de signer les contrats et il y a lieu de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
S’il est constant que la relation de travail s’est terminée le 14/15 septembre 2016 avec la remise de la version définitive du teaser, compte tenu de la requalification de cette relation en contrat à durée indéterminée, la rupture est nécessairement jugée abusive.
Il s’ensuit que le salarié a droit conformément à l’article 21.1 de la convention collective applicable à un préavis de trois mois de salaire puisqu’il était cadre soit la somme de 13.359 euros ainsi que demandé plus 1.335,90 euros pour congés payés afférents.
La relation de travail étant requalifiée en contrat à durée indéterminée, la rupture est intervenue sans procédure de licenciement au mépris des règles d’assistance du salarié, il y a lieu d’allouer au salarié la somme de 4.453 euros représentant un mois de salaire.
La rupture de la relation de travail a été jugée abusive au regard des faits de la cause. En application de l’article L 1235-5 alinéa 2 du code du travail M. F D E invoque le fait qu’il savait devoir effectuer 507 heures avant fin novembre 2016 pour renouveler son statut d’intermittent et que de fait, à la fin de la relation de travail avec la SAS Tant Mieux Prod il ne lui restait qu’un mois ½ (15 septembre au 1er novembre 2016) pour travailler 23 jours auprès d’un autre employeur et conserver son statut et qu’il n’a pas pu retrouver du travail en si peu de temps, s’étant pleinement investi sur le projet «Tobie Lolness» , que ces 23 jours ont pourtant été effectués puisque la SAS Tant Mieux Prod les a déclarés en décembre 2018, et lui ont été réglés début 2019) et qu’il n’a pas pu renouveler son statut d’intermittent, ce qui l’a contraint en mai 2017 à demander le RSA.
La SAS Tant Mieux Prod conclut au rejet de la demande de M. F D E en paiement de la somme de 20.796 euros bruts à titre de dommages intérêts comme correspondant à son préjudice. Elle fait valoir qu’elle avait de fait déclaré 50 jours au titre du teaser et qu’afin de pouvoir valider son statut d’intermittent du spectacle, M. F D E avait donc 10 mois à compter d’octobre 2016 pour travailler l’équivalent de 23 jours, qu’il avait donc toute possibilité de rechercher d’autres missions pour accomplir les heures nécessaires au renouvellement de son statut et qu’il ne peut sérieusement en imputer la responsabilité à la SAS Tant Mieux Prod.
Il n’est pas contesté ni rapporté la preuve contraire par la SAS Tant Mieux Prod que les 23 jours de travail au-delà des 50 déclarés par la SAS Tant Mieux Prod et effectués entre le 17 août 2016 et le 14 septembre 2016 n’ont été payés que début 2019 et que les déclarations des jours travaillés à Pôle emploi n’ont été faites qu’en août, septembre et octobre 2016 ainsi qu’en décembre 2018 pour les 23 jours manquants.
La SAS Tant Mieux Prod a manifestement tardé à exécuter ses obligations d’employeur et a de ce fait retardé les possibilités d’indemnisation de M. F D E même si le fait qu’il n’ait pas immédiatement retrouvé un emploi ne lui est pas directement imputable.
Après prise en considération de l’ensemble de ces faits, la cour a les éléments utiles, nécessaires et suffisants pour allouer à M. F D E la somme de 3.000 euros à titre de dommages intérêts au titre de la rupture abusive du contrat.
Sur les autres demandes des parties
Il y a lieu d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, d’un solde de tout compte d’ une attestation pôle emploi ainsi que d”un certificat de travail conformes à la présente décision.
Il convient d’allouer la somme de 2.000 euros à M. F D E en application de 700 du code de procédure civile et de dire que la SAS Tant Mieux Prod supportera la charge de ses propres frais irrépétibles
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Tant Mieux Prod à lui payer la somme de 5.176,50 euros au titre des heures supplémentaires effectuées plus 517,65 euros au titre des congés payés afférents et a rejeté la demande d’indemnité pour travail dissimulé.
L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :
CONDAMNE la SAS Tant Mieux Prod à payer à M. F D E les sommes suivantes :
-343 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la majoration pour travail le dimanche plus 34,30 euros pour congés payés afférents.
-13.359 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis plus 1.335,90 euros pour congés payés afférents
-4.453 euros à titre d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement ;
-3.000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive.
ORDONNE la remise par l’employeur d’un bulletin de salaire récapitulatif, du solde de tout compte, d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail conformes à la présente décision.
DEBOUTE la SAS Tant Mieux Prod de ses prétentions.
REJETTE toutes autres demandes des parties.
CONDAMNE la SAS Tant Mieux Prod aux dépens et à payer à M. F D E la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
La greffière, La présidente.