ARRÊT N° /2023
PH
DU 09 NOVEMBRE 2023
N° RG 22/01859 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FA2J
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT DIE DES VOSGES
21/00004
07 juillet 2022
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.A.R.L. ALLO TAXI KIMVA prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Stéphane GIURANNA de la SELARL GIURANNA & IOGNA-PRAT, avocat au barreau d’EPINAL substitué par Me BEDET, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉ :
Monsieur [I] [U]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Florian HARQUET, avocat au barreau d’EPINAL
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/007694 du 30/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président : WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : BRUNEAU Dominique,
STANEK Stéphane,
Greffier lors des débats : RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 06 Juillet 2023 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 09 Novembre 2023 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 09 Novembre 2023, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [I] [U] a été engagé sous contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité, par la société SARL ALLO TAXI KIMVA pour la période du 01 octobre 2018 au 21 décembre 2018, en qualité de chauffeur.
Le contrat de travail prévoyait un temps de travail à hauteur de 15 heures par semaine.
Par avenant du 20 décembre 2018, le contrat de travail du salarié a été renouvelé pour une nouvelle période déterminée jusqu’au 30 juin 2019, pour accroissement temporaire d’activité, dans les mêmes conditions de temps de travail.
Par avenant du 29 janvier 2019, le temps de travail du salarié a été modifié et porté à hauteur de 24 heures par semaine à compter du 01 février 2019.
Par avenant du 25 juin 2019, le contrat de travail a été renouvelé une deuxième fois pour une nouvelle période déterminée jusqu’au 13 décembre 2019, avec un temps de travail fixé à hauteur de 15 heures par semaine.
Par requête du 08 mars 2021, Monsieur [I] [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges, aux fins :
– de requalification de son contrat de travail à temps partiel du 01 octobre 2018 et ses avenants successifs en contrat de travail à temps complet,
– de requalification de son contrat de travail à temps partiel du 01 octobre 2018 et ses avenants successifs en contrat à durée indéterminée,
– de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à lui payer diverses sommes.
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges rendu le 07 juillet 2022, lequel a :
– constaté que Monsieur [I] [U] a renoncé à sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– déclaré recevable la demande présentée par Monsieur [I] [U] au titre du non-respect de la coupure journalière,
– condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait du non-respect de la coupure journalière,
– requalifié le contrat à durée déterminée conclu le 01 octobre 2018 entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA et ses avenants subséquents, en contrat à temps complet,
– en conséquence, condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] les sommes suivantes :
– 7 853,69 euros au titre des rappels de salaire,
– 785,37 euros d’indemnité de congés payés y afférents,
– déclaré recevable la demande aux fins de requalification du contrat de travail conclu entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– requalifié le contrat de travail conclu entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] un montant de 1 525,80 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée,
– déclaré irrecevables car prescrites les demandes formées par Monsieur [I] [U] au titre de l’indemnité au titre du travail dissimulé,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– dit que les sommes allouées à Monsieur [I] [U] porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– constaté l’exécution provisoire s’agissant de la somme de 6 663,84 euros représentant le rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps complet seulement,
– rejeté la demande d’exécution provisoire pour le surplus,
– condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA aux dépens,
– condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] la somme de 1 800,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société SARL ALLO TAXI KIMVA de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.
Vu l’appel formé par la société SARL ALLO TAXI KIMVA le 04 août 2022,
Vu l’appel incident formé par Monsieur [I] [U] le 20 décembre 2022,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société SARL ALLO TAXI KIMVA déposées sur le RPVA le 20 mars 2023, et celles de Monsieur [I] [U] déposées sur le RPVA le 31 mai 2023,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 07 juin 2023 2023,
La société SARL ALLO TAXI KIMVA demande :
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré recevable la demande présentée par Monsieur [I] [U] au titre du non-respect de la coupure journalière,
– l’a condamnée à verser à Monsieur [I] [U] la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts,
– requalifié le contrat à durée déterminée conclu le 01 octobre 2018 entre Monsieur [I] [U] et elle-même, et ses avenants subséquents, en contrat à temps complet,
– en conséquence, l’a condamnée à verser à Monsieur [I] [U] les sommes suivantes :
– 7 853,69 euros au titre des rappels de salaire,
– 785,37 euros d’indemnité de congés payés y afférents,
– déclaré recevable la demande aux fins de requalification du contrat de travail conclu le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– requalifié le contrat de travail conclu le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– condamné la société à verser à Monsieur [I] [U] un montant de 1 525,80 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée,
– dit que les sommes allouées à Monsieur [I] [U] porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
– ordonné la capitalisation des intérêts,
– constaté l’exécution provisoire s’agissant de la somme de 6 663,84 euros
– condamné la société aux dépens,
– condamné la société à verser à Monsieur [I] [U] la somme de 1 800,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– de confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
En conséquence :
– de dire et juger l’appel incident de Monsieur [I] [U] irrecevable en ce qu’il formule une prétention nouvelle et en tout état de cause mal fondé,
– de débouter Monsieur [I] [U] de l’intégralité de ses demandes,
– de condamner Monsieur [I] [U] aux entiers frais et dépens,
– de condamner Monsieur [I] [U] à lui payer une somme de 5 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [I] [U] demande :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré recevable la demande présentée par Monsieur [I] [U] au titre du non-respect de la coupure journalière,
– requalifié le contrat à durée déterminée conclu le 01 octobre 2018 entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA et ses avenants subséquents, en contrat à temps complet,
– en conséquence, condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] les sommes suivantes :
– 7 853,69 euros au titre des rappels de salaire,
– 785,37 euros d’indemnité de congés payés y afférents,
– déclaré recevable la demande aux fins de requalification du contrat de travail conclu entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– requalifié le contrat de travail conclu entre Monsieur [I] [U] et la société SARL ALLO TAXI KIMVA le 01 octobre 2018, et ses avenants subséquents, en contrat de travail à durée indéterminée,
– condamné la société SARL ALLO TAXI KIMVA à verser à Monsieur [I] [U] un montant de 1 525,80 euros à titre d’indemnité de requalification du contrat en contrat à durée indéterminée,
– condamnée la société à lui payer 1800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– déclaré irrecevables car prescrites les demandes formées par Monsieur [I] [U] au titre de l’indemnité au titre du travail dissimulé,
– limité à la somme de 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts la condamnation prononcée à l’encontre de la société SARL ALLO TAXI KIMVA pour non-respect de la coupure journalière,
Statuant à nouveau,
– de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à lui verser la somme de 1 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la coupure journalière,
– de dire et juger que pendant la période de formation qui s’est déroulée du 16 septembre 2019 au 6 décembre 2019 la société SARL ALLO TAXI KIMVA était tenue de payer le salaire dû à Monsieur [I] [U],
– en conséquence, de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à lui payer les sommes suivantes :
– 4 574,40 euros à titre de rappel de salaire du 16 septembre au 13 décembre 2019,
– 457,44 euros de congés payés afférents,
– subsidiairement, de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à lui payer la somme de 5 200,00 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail imputable à l’employeur,
– de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à lui payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé d’un montant de 9 154,80 euros,
– de dire et juger qu’en application de l’article 1231-7 du code civil, les sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts à compter de la date de convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation de la juridiction, ou subsidiairement, à compter de la date de prononcé du jugement par la juridiction,
– de dire et juger qu’en application de l’article 1343-2 du code civil les intérêts dus au mois pendant une année entière seront capitalisés par anatocisme,
– de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA à payer à Monsieur [I] [U] la somme de 3 000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société SARL ALLO TAXI KIMVA aux éventuels dépens lesquels comprendront l’intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution du jugement par voie d’huissier et en particulier tous les droits de recouvrement ou d’encaissement à la charge du créancier en application des dispositions des articles 10 à 12 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret n°2001-212 du 08 mars 2001 portant fixation du tarif des huissiers en matière civile.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 20 mars 2023, et en ce qui concerne le salarié le 31 mai 2023.
Sur la demande au titre de la coupure journalière
La société ALLO TAXI KIMVA estime que M. [I] [U] est prescrit en sa demande, le contrat de travail, qui indiquait ses plages de travail, ayant été conclu le 1er octobre 2018.
Elle ajoute qu’il ne justifie ni de l’existence ni de l’ampleur d’un préjudice subi.
M. [I] [U] considère que sa demande n’est pas prescrite, la prescription ne courant qu’à compter de la fin du contrat dont l’exécution est successive, le non-respect de la coupure journalière s’étant poursuivi pendant la durée du contrat.
Il ajoute que les coupures journalières variaient d’un jour à l’autre.
Il indique que le carnet des courses qu’il a effectuées permet d’établir qu’au cours d’une même journée, il existait plus d’un interruption d’activité, ou une interruption d’activité supérieure à 2 heures. Il fait valoir que pendant toute la durée du contrat il s’est trouvé dans l’impossibilité d’organiser sa vie personnelle ce qui constitue un préjudice incontestable.
– sur la prescription
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
La demande de M. [I] [U] se fonde, non sur les termes du contrat de travail, mais son exécution ; celle-ci n’ayant pris fin que le 13 décembre 2019, M. [I] [U] n’était pas prescrit lorsqu’il a saisi le conseil des prud’hommes le 08 mars 2021, soit dans les deux ans de son terme.
La fin de non-recevoir sera donc rejetée, le jugement étant confirmé.
– au fond
Aux termes de l’article L3123-30 du code du travail, à défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-23, l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures.
Les coupures journalières, soit supérieure à 1 par jour, soit de plus de 2 heures, ne sont pas contestées par l’employeur ; il ne conteste pas non plus que ce fonctionnement a concerné toute la durée d’exécution du contrat.
Il en résulte un préjudice exposé par l’intimé.
En l’absence d’autres éléments d’appréciation, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société ALLO TAXI KIMVAà payer à M. [I] [U] 1000 euros à ce titre.
Sur la demande de requalification du contrat de travail en temps plein
M. [I] [U] fait valoir que si le contrat de travail du 1er octobre 2018 prévoit une répartition des horaires de travail journaliers répartis sur la semaine, le contrat précise que ceux-ci sont donnés à titre indicatif et sans que cette information présente un caractère contractuel. Il ajoute qu’aucun des trois avenants n’a repris les mentions obligatoires de l’article L3123-6 du code du travail.
L’intimé précise que le carnet de courses qu’il a tenu mentionne le détail des courses qu’il a été amené à faire, et que l’employeur le faisait travailler en fonction des besoins de l’entreprise.
Il souligne que les fiches horaires produites par l’employeur, qu’il ne valide pas dans leur totalité, témoignent de l’absence de constance dans la durée de travail.
M. [I] [U] considère que dès lors il devait se tenir constamment à la disposition de son employeur.
La société ALLO TAXI KIMVAfait valoir que le contrat en son article 9 précise la répartition des horaires journaliers sur la semaine ; que l’avenant n°1 reprend des conditions similaires ; qu’il en est de même pour l’avenant n°3.
Elle indique produire des attestations de salariés, employés au même poste que M. [I] [U] , qui confirment être parfaitement informés de leur emploi du temps.
La société ALLO TAXI KIMVA souligne des contradictions entre les heures de travail invoquées par le salarié et son propre carnet.
Motivation
Aux termes de l’article L3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
Il mentionne:
1o La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;
2o Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;
3o Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié;
4o Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
A défaut notamment de mention de la répartition du travail entre les semaines du mois, ou sur la durée et la répartition du temps de travail, le contrat de travail est présumé à temps complet, à compter de la première irrégularité.
En l’espèce, il résulte des conclusions respectives des parties que le deuxième avenant ne comporte pas ces mentions.
L’avenant ayant été conclu le 29 janvier 2019, le contrat est présumé à temps plein à compter de cette date.
La société ALLO TAXI KIMVA fait valoir des attestations de salariés, sans renvoyer à des numéros de pièces.
Son bordereau de communication de pièces mentionne deux attestations, en pièces 8 et 14.
L’attestation de M. [Y] [D] (pièce 8) ne mentionne pas que les horaires de travail étaient communiqués à l’avance.
Mme [Z] [L] (pièce 14) indique notamment : « (‘) J’avais un planning régulier avec parfois des courses ajoutées suite à un surcroît d’activité mais sans aucune obligation. (…) »
Cette seule pièce 14 n’établit pas que M. [I] [U] était prévenu à l’avance de son emploi du temps.
Dans ces conditions, le contrat de travail est réputé à temps plein depuis le 29 janvier 2019, date de signature de l’avenant.
S’agissant de la période antérieure, le contrat de travail (pièce 1 de M. [I] [U]) prévoit en son article 9, une répartition de la durée de travail, par jour, du lundi au samedi, puis stipule que « Les horaires journaliers seront communiqués à M. [U] [I] sept (7) jours à l’avance, au moyen d’un planning écrit. A titre indicatif et sans que cette information présente un caractère contractuel, ces horaires, au moment de l’embauche, seront les suivants : [suivent les horaires par jour de la semaine] »
La répartition des heures de travail dans la semaine n’étant qu’indicative, selon le contrat de travail lui-même, il appartient à l’employeur de démontrer que les horaires de travail ont été communiqués à M. [I] [U] avec le préavis contractuel de 7 jours.
La société ALLO TAXI KIMVA ne renvoie pas à d’autres éléments de preuve que les deux attestations mentionnées supra (pièces 8 et 14), qui n’établissent pas la communication de l’emploi du temps avec un préavis suffisant.
M. [I] [U] était de ce fait à la disposition permanente de son employeur.
Le contrat de travail sera en conséquence requalifié en contrat à temps plein dès sa date de conclusion, soit le 1er octobre 2018.
M. [I] [U] demande la confirmation du jugement sur les condamnations financières au titre de la requalification du contrat de travail.
La société ALLO TAXI KIMVAne conclut pas sur ce point.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur la demande de rappel de salaire pour la période de formation
M. [I] [U] indique avoir suivi une formation de conducteur de taxi, à la demande de son employeur, du 16 septembre 2019 au 13 décembre 2019, et que la société ALLO TAXI KIMVA l’a placé en congé sans solde durant cette période.
La société ALLO TAXI KIMVA fait valoir que cette formation résulte de la seule initiative de M. [I] [U], et était financée par Pôle Emploi.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article L. 6321-2 du code du travail, toute action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération.
L’article L. 6321-6 du même code dispose que les actions de formation autres que celles mentionnées à l’article L. 6321-2 constituent également un temps de travail effectif et donnent lieu pendant leur déroulement au maintien par l’entreprise de la rémunération, à l’exception:
1o Des actions de formation déterminées par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche qui peuvent se dérouler, en tout ou partie, hors du temps de travail, selon le cas, soit dans une limite horaire par salarié, soit dans une limite correspondant à un pourcentage du forfait pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année, fixées par ledit accord. L’accord peut également prévoir les contreparties mises en ‘uvre par l’employeur pour compenser les charges induites par la garde d’enfant pour les salariés qui suivent des formations se déroulant en dehors du temps de travail;
2o En l’absence d’accord collectif et avec l’accord du salarié, des actions de formation qui peuvent se dérouler, en tout ou partie, hors du temps de travail, dans la limite de trente heures par an et par salarié. Pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année, cette limite est fixée à 2 % du forfait.
L’accord du salarié est formalisé et peut être dénoncé.
En l’espèce, M. [I] [U] produit en pièce 16 une attestation d’inscription en formation de conducteur de taxi, pour la période du 16 septembre 2019 au 06 décembre 2019, et en pièces 17 des feuilles d’émargement.
La société ALLO TAXI KIMVA ne démontre pas que la rémunération de M. [I] [U] devait faire l’objet d’une prise en charge par Pôle Emploi.
Il convient également de rappeler que le contrat de travail, par avenant du 25 juin 2019 (pièce 5 de M. [I] [U]) prenait fin le 13 décembre 2019 , et de souligner que la société ALLO TAXI KIMVA ne démontre pas que le contrat de travail, qui implique pour l’employeur le paiement du salaire, aurait été rompu avant le terme prévu.
Compte tenu de ces éléments, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire de M. [I] [U], dont les calculs, exposés en page 13 des écritures de ce dernier, ne sont pas contestés à titre subsidiaire par l’appelante.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée
La société ALLO TAXI KIMVA estime que la demande de requalification est prescrite, et qu’elle est infondée, faisant valoir deux conventions de transport de prélèvement, un justificatif d’augmentation du chiffre d’affaires, l’acquisition d’une licence de taxi et un appel d’offre de la SNCF, justifiant de l’accroissement temporaire d’activité.
M. [I] [U] estime que son action est recevable, ayant été engagée moins de deux ans après le terme du dernier contrat de travail.
Il conteste le motif de surcroît d’activité indiqué dans le contrat et chacun des avenants, et soutient que son embauche visait à pourvoir à un emploi permanent.
Motivation
– sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l’article L1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans.
En cas d’action fondée sur le motif du recours au CDD, c’est le terme du contrat qui constitue le point de départ de la prescription ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat.
En l’espèce, le terme du dernier contrat était fixé au 13 décembre 2019.
M. [I] [U] ayant saisi le conseil des prud’hommes le 08 mars 2021, soit dans le délai de deux ans précité, son action est recevable.
– sur le fond
Aux termes des dispositions de l’article L. 1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants:
1o Remplacement d’un salarié en cas:
a) D’absence;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur;
c) De suspension de son contrat de travail;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe;
e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer;
2o Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise;
3o Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. Lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie est émis par l’employeur;
4o Remplacement d’un chef d’entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d’une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l’activité de l’entreprise à titre professionnel et habituel ou d’un associé non salarié d’une société civile professionnelle, d’une société civile de moyens, d’une société d’exercice libéral ou de toute autre personne morale exerçant une profession libérale;
5o Remplacement du chef d’une exploitation agricole ou d’une entreprise mentionnée aux 1o à 4o de l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d’un aide familial, d’un associé d’exploitation, ou de leur conjoint mentionné à l’article L. 722-10 du même code dès lors qu’il participe effectivement à l’activité de l’exploitation agricole ou de l’entreprise;
6o Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit et qu’il définit:
a) Les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d’apporter une réponse adaptée;
b) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini bénéficient de garanties relatives à l’aide au reclassement, à la validation des acquis de l’expérience, à la priorité de réembauche et à l’accès à la formation professionnelle continue et peuvent, au cours du délai de prévenance, mobiliser les moyens disponibles pour organiser la suite de leur parcours professionnel;
c) Les conditions dans lesquelles les salariés sous contrat à durée déterminée à objet défini ont priorité d’accès aux emplois en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.
En l’espèce, la société ALLO TAXI KIMVA renvoie, pour justifier le motif d’accroissement d’activité, à :
– deux avenants de convention de prélèvement de laboratoire
– « un justificatif d’augmentation du chiffre d’affaires sur la période 2018/2019 »
– la licence de taxi de Mme [E] [V] acquise en septembre 2018, la société ALLO TAXI KIMVA indiquant que Mme [V] a été placée en arrêt de travail dès le 24 novembre 2018.
– un appel d’offre de la SNCF pour la période du 1er février 2019 au 31 décembre 2021.
Le « justificatif » évoqué par la société ALLO TAXI KIMVA n’est pas précisé ; elle ne fournit aucun numéro de pièce ; en pièce 13 du bordereau de communication de pièces figure une « attestation de présentation des comptes ».
Il s’agit deux attestations de l’expert comptable de l’appelante, indiquant notamment le chiffre d’affaires sur la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2019, et sur la période du 1er avril 2017 au 31 mars 2018.
Il ressort de ces deux documents que le chiffre d’affaires passe de 124 197 euros en 2017-2018 à 137 816 euros en 2018-2019.
Ces documents, qui ne précisent pas l’évolution du chiffre d’affaires sur la période précédant l’embauche de M. [I] [U], ne sont pas suffisamment précis pour établir l’accroissement temporaire d’activité motivant le CDD, qui doit être distinct d’une augmentation du chiffre d’affaires liée à la progression de l’activité normale de l’entreprise, et de son développement.
Comme le fait remarquer dans ses conclusions M. [I] [U], la convention de transport de prélèvements de laboratoire (pièce 11 de l’appelante) prolonge, du 20 février au 20 mai 2019, puis au 21 novembre 2019, la convention initiale, expressément visée, du 19 octobre 2018, qui est postérieure à son embauche (1er octobre 2018).
Intervenant postérieurement à l’embauche de M. [I] [U], ces conventions ne peuvent donc justifier son embauche par le premier CDD ; s’agissant des avenants, ces conventions ne constituent plus un accroissement d’activité, mais une poursuite de l’activité, déjà effective lorsque M. [I] [U] travaillait pour la société ALLO TAXI KIMVA.
Comme le fait remarquer M. [I] [U], l’acquisition de la licence de taxi de Mme [E] [V] (pièce 9 de la société ALLO TAXI) « est de nature à générer une augmentation structurelle de l’activité et non pas un surcroît temporaire d’activité » (page 16 de ses écritures).
L’ « appel d’offre SNCF » correspond à la pièce 10 de la société ALLO TAXI, soit un contrat de transport léger de personnel, pour la période du 1er février 2019 au 31 décembre 2021.
Ce contrat, postérieur à l’embauche de M. [I] [U], ne peut dès lors justifier le CDD pour accroissement temporaire d’activité.
A défaut de justification du motif de recours au CDD, celui-ci sera requalifié en contrat à durée indéterminée (CDI) ; le jugement sera confirmé sur ce point.
Il sera également confirmé quant à l’indemnité de requalification, la société ALLO TAXI KIMVA ne contestant pas à titre subsidiaire ce point.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
M. [I] [U] estime que sa demande n’est pas prescrite, et la fonde sur le fait que l’employeur aurait mentionné sur ses bulletins de salaire un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
La société ALLO TAXI KIMVAestime que la demande est prescrite et non fondée.
Motivation
Aux termes des dispositions de l’article L8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’article L1471-1 du même code dispose que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
En l’espèce, le contrat de travail a pris fin le 13 décembre 2019.
M. [I] [U] a saisi le conseil des prud’hommes plus de 12 mois après cette date ; sa demande est donc prescrite ; le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la demande relative aux intérêts
En l’absence de nouvelles sommes à caractère indemnitaire accordées par le présent arrêt, la demande est sans objet.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement sera confirmé sur ces points.
Succombant à l’instance, la société ALLO TAXI KIMVA sera condamnée à payer à M. [I] [U] 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également condamnée aux dépens.
Les dispositions de l’article L111-8 du Code des procédures civiles d’exécution fixent la répartition des frais d’exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur, et prévoient dans certaines hypothèses le recours au juge de l’exécution; il n’appartient donc pas au juge du fond de statuer sur la demande, au demeurant prématurée, de condamnation aux éventuels frais d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Dié-des-Vosges le 07 juillet 2022, en ce qu’il a débouté M. [I] [U] de sa demande de rappel de salaire pour sa période de formation ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau dans ces limites,
Condamne la société ALLO TAXI KIMVA à payer à M. [I] [U] :
– 4 574,40 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 16 septembre 2019 au 13 décembre 2019,
– 457,44 euros au titre des congés payés afférents ;
Y ajoutant,
Condamne la société ALLO TAXI KIMVA à payer à M. [I] [U] 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société ALLO TAXI KIMVA aux dépens d’appel.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE
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