CDD pour accroissement d’activité : décision du 9 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01496
CDD pour accroissement d’activité : décision du 9 mai 2023 Cour d’appel de Metz RG n° 20/01496

Arrêt n°23/00302

09 Mai 2023

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N° RG 20/01496 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FKN2

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

22 Juillet 2020

F17/00531

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

neuf mai deux mille vingt trois

APPELANTE :

S.A.R.L. SUP INTERIM 35 Représentée par son représentant légal

[Adresse 4]

Représentée par Me Agnès BIVER-PATE, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Franck KLEIN, avocat plaidant au barreau d’EPINAL

INTIMÉS :

M. [R] [N]

[Adresse 1]

Représenté par Me Patrick-hugo GOBERT, avocat au barreau de METZ

Me [W] [A] es qualités d’administrateur judiciaire de la SARL MALHERBE PRESTINDUS, pour ce domicilié audit siège

[Adresse 2]

Représenté par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD, avocat au barreau de METZ

Me [I] [F] Es qualité d’administrateur judiciaire de la SARL MALHERBE PRESTINDUS

[Adresse 6]

Représenté par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD, avocat au barreau de METZ

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 8], association déclarée prise en la personne de sa Directrice nationale, Mme [Y] [B]

APPELEE EN INTERVENTION FORCEE

[Adresse 5]

Représentée par Me Adrien PERROT, avocat au barreau de NANCY

Syndicat CGT

[Adresse 3]

Non représenté

S.A.R.L. MALHERBE PRESTINDUS Prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié audit siège

[Adresse 7]

Représentée par Me Alexandra DUQUESNE-THEOBALD, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE, Greffier

ARRÊT :

Réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [R] [N] a été recruté par la société DEFI INTER 57 devenue SARL Sup Intérim 35, en qualité de pontier au sol en date du 21 mai 2013 dans le cadre d’un contrat de travail temporaire, et a été mis à disposition de la société Géodis BM Lorraine, entreprise utilisatrice, en sa qualité de prestataire logistique et transport de la société Asco Métal.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale du transport routier de marchandises du 21 décembre 1950.

Par jugement du 22 mai 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a placé la société Asco Métal en redressement judiciaire. Cette dernière a été reprise par la société Asco Industrie qui a alors confié ses contrats de transport et de logistique à la SARL Malherbe Prestindus.

Le contrat de travail de M. [N] a été transféré auprès de la SARL Malherbe Prestindus pour laquelle il a continué à effectuer des missions à compter du 2 juin 2014.

M. [N] a conclu, sans interruption, jusqu’au 18 février 2017, plusieurs dizaines de contrats de mission successifs avec la société Geodis BM Lorraine puis avec la SARL Malherbe Prestindus, lesquels étaient motivés par un accroissement temporaire d’activité, ou par le remplacement d’un salarié absent ou dont le contrat était suspendu.

Par jugement rendu par le tribunal de commerce de Caen en date du 20 décembre 2017, il a été ordonné l’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus avec une période d’observation de 6 mois. Par jugement prononcé le 21 novembre 2018, la SARL Malherbe Prestindus a été placée en redressement judiciaire.

Par acte introductif d’instance enregistré au greffe le 19 mai 2017, M. [N] et l’organisation syndicale Confédération Générale du Travail (CGT) de Malherbe Prestindus ont saisi le conseil de prud’hommes de Metz, section activités diverses, aux fins de requalification des contrats de missions temporaire en contrat à durée indéterminée à temps plein. Ils sollicitent en outre, aux termes de leurs dernières conclusions, de :

Déclarer le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence, condamner in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 à payer à M. [N] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, les dites sommes étant fixées au passif de la SARL Malherbe Prestindus :

. 1 434 euros net au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 3 585 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

. 358,50 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Fixer la créance de M. [N] au passif de la SARL Malherbe Prestindus pour la somme de 5 377,50 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

Condamner in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 à payer à M. [N] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, les dites sommes étant fixées au passif de la SARL Malherbe Prestindus :

. 21 510 euros net au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 10 755 euros net au titre de l’indemnité pour inexécution fautive du contrat de travail ;

Condamner in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 à payer à la CGT de la SARL Malherbe Prestindus la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, la dite somme étant fixée au passif de la SARL Malherbe Prestindus.

Condamner in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 à payer la somme de 1 500 euros à chaque demandeur au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; la dite somme étant fixée au passif de la SARL Malherbe Prestindus ;

Condamner in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 aux entiers frais et dépens de l’instance ; la dite somme étant fixée au passif de la SARL Malherbe Prestindus ;

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SARL Malherbe Prestindus, Me [A] en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société et Me [F] en sa qualité de mandataire judiciaire, demandaient au conseil de prud’hommes de :

A TITRE PRINCIPAL,

Déclarer irrecevable l’intervention du syndicat CGT ;

Débouter M. [N] de son action en requalification en tant que dirigée à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Réduire à de plus justes proportions l’intégralité des réclamations salariales et indemnitaires de M. [N] ;

Condamner la SARL Sup Intérim 35 à garantir la SARL Malherbe Prestindus du chef de toute condamnation qui pourrait intervenir à son encontre ;

Condamner tout succombant à verser à la SARL Malherbe Prestindus une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En réplique, la SARL Sup Intérim 35 demandait au conseil de prud’hommes de :

A TITRE PRINCIPAL,

Déclarer irrecevable l’intervention du syndicat CGT ;

Dire qu’il n’existe pas de motif justifiant la requalification des contrats de mission auprès de la SARL Sup Intérim 35, en conséquence la mettre hors de cause ;

Débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes ;

A TITRE SUBSIDIAIRE,

Ramener les dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

Débouter M. [N] de sa demande pour inexécution fautive du contrat.

SUBSIDIAIREMENT SUR LA DEMANDE EN GARANTIE,

Rejeter la demande formée contre elle par la SARL Sup Intérim 35 ;

En cas de responsabilité retenue à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35, condamner la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 in solidum, à l’exception de l’indemnité de requalification ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Condamner M. [N] à verser à la SARL Sup Intérim 35 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [N] aux entiers dépens de l’instance ;

Condamner la SARL Malherbe Prestindus à verser à la SARL Sup Intérim 35 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’AGS-CGEA de [Localité 8] rappelait les limites légales et réglementaires de sa garantie et demandait au conseil :

A TITRE PRINCIPAL,

Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’action de la CGT de la SARL Malherbe Prestindus,

Dire et juger que les éventuelles condamnations prononcées au profit de la CGT de la SARL Malherbe Prestindus ne seront pas garanties par le CGEA de [Localité 8] ;

Constater que la SARL Sup Intérim 35 est in bonis ;

Mettre hors de cause le CGEA de [Localité 8] s’agissant des éventuelles condamnations prononcées au profit de M. [N] à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35 ;

Débouter M. [N] de sa demande de requalification des contrats de travail temporaire ;

SUBSIDIAIREMENT,

Limiter à un mois de salaire l’indemnité de requalification ;

Limiter à six mois de salaire l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Débouter M. [N] de sa demande d’indemnité pour inexécution fautive du contrat ;

Statuer ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

La SARL Malherbe Prestindus a été placée en liquidation judiciaire par jugement prononcé le 6 novembre 2019, soit postérieurement à l’audience du 30 octobre 2019 où l’affaire a été retenue à l’audience du conseil de prud’hommes et mise en délibéré.

Par jugement du 22 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Metz, section activités diverses, a statué ainsi qu’il suit :

Déclare irrecevables les demandes de la CGT ;

Déclare les demandes de M. [N] recevables et partiellement fondées ;

Requalifie les contrats de mission conclus entre M. [N] et la SARL Malherbe Prestindus en contrats à durée indéterminée à temps complet ;

Déclare le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse ;

Rejette la demande de condamnation en garantie de la SARL Malherbe Prestindus à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35 ;

Retient la co-responsabilité à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35 et de la SARL Malherbe Prestindus ;

En conséquence, condamne la SARL Sup Intérim 35, en la personne de son représentant légal, et la SARL Malherbe Prestindus, en la personne de son représentant légal, in solidum à verser à M. [N] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande et exécution provisoire :

. 1 792,50 euros brut au titre de l’indemnité de requalification ;

. 1 792,50 euros brut au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 3 585 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

. 358,50 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

. 10 755 euros net au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Déboute M. [N] du surplus de ses demandes ;

Condamne in solidum la SARL Malherbe Prestindus, en la personne de son représentant légal, et la SARL Sup Intérim 35, en la personne de son représentant légal, à payer la somme de 1 500 euros à M. [N] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL Malherbe Prestindus, en la personne de son représentant légal, et la SARL Sup Intérim 35, en la personne de son représentant légal, de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixe les créances de M. [N] pour 50% au passif de la SARL Malherbe Prestindus, en redressement judiciaire, représentés par Me [A] et Me [F] es qualités d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire ;

Dit que l’AGS n’est tenue que dans la limite de sa garantie fixée aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail ;

Condamne in solidum la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35, en la personne de leur représentant légal, aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par déclaration formée par voie électronique le 24 août 2020, la SARL Sup Intérim 35 a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 24 juillet 2020 au vu de l’émargement de l’accusé de réception postal.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2022, la SARL Sup Intérim 35 demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré irrecevable l’intervention de la CGT et rejeté la demande de condamnation en garantie de la SARL Malherbe Prestindus à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35 ;

Infirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau,débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes et la SARL Malherbe Prestindus de ses demandes de condamnation in solidum et de l’appel en garantie ;

En conséquence,

. Condamner M. [N] à verser à la SARL Sup Intérim 35 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner la SARL Malherbe Prestindus à verser à la SARL Sup Intérim 35 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamner M. [N] aux entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, la SARL Sup Intérim 35 fait état de ce que :

la section CGT de la SARL Malherbe Prestindus n’a pas la personnalité juridique, et que subsidiairement elle ne démontre pas avoir déposé les statuts du syndicat en mairie ;

l’action en requalification ne peut pas être intentée contre l’entreprise de travail temporaire, de sorte que l’indemnité de requalification n’est pas due par l’entreprise de travail temporaire ;

l’entente illicite avec l’entreprise utilisatrice n’est pas démontrée ;

le non-respect du délai de carence est imputable à l’entreprise utilisatrice ;

les contrats de mission ont bien été reçus par M. [N] même s’il ne les a pas signés ;

M. [N] fait preuve de mauvaise foi en ce que c’est lui qui ne voulait pas changer d’entreprise utilisatrice ;

l’entreprise de travail temporaire peut seulement être condamnée à des dommages et intérêts en cas de requalification et non au paiement des indemnités de rupture ;

subsidiairement, M. [N] ne démontre pas son préjudice s’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

il n’existe pas d’inexécution fautive du contrat de travail, et M. [N] ne justifie pas d’un préjudice distinct, soulevant les mêmes moyens que pour les conséquences de la requalification et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

la garantie sollicitée par la SARL Malherbe Prestindus est une notion différente de la condamnation « in solidum » qui ne peut s’appliquer que lorsque l’entreprise de travail temporaire a manqué à ses obligations propres.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique 31 janvier 2022, M. [R] [N] demande à la cour de :

CONFIRMER LE JUGEMENT en ce qu’il a :

. requalifié la relation contractuelle entre M. [N] et la SARL Malherbe Prestindus en contrat à durée indéterminée à temps complet ;

. déclaré que cette requalification devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. déclaré que M. [N] devait se voir allouer une indemnité de requalification ;

. déclaré les sociétés Sup Intérim 35 et Malherbe Prestindus co-responsables des préjudices subis par M. [N] et débitrices in solidum de leur réparation ;

. condamné la SARL Sup Intérim 35 à payer à M. [N] les sommes allouées à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

. condamné la SARL Sup Intérim 35 à indemniser M. [N] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. fixé les créances salariales et indemnitaires de M. [N] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus pour les montants alloués au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

. statué sur le principe et les modalités d’exécution de la garantie à laquelle est tenue l’Unedic délégation AGS (CGEA de [Localité 8]) ;

. débouté la SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 de leurs prétentions ;

. condamné in solidum la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus à payer à SAL la somme de 1 500 euros en compensation de ses frais irrépétibles de première instance, outre les dépens de première instance ;

INFIRMER le jugement entrepris :

En ce qu’il a condamné la SARL Sup Intérim 35 in solidum avec la SARL Malherbe Prestindus à payer à M. [N] une indemnité de requalification ;

Quant au quantum de l’indemnité de requalification qui a été allouée à M. [N] :

Quant au quantum des dommages et intérêts alloués à M. [N] au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En ce qu’il a débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

ET STATUANT A NOUVEAU sur ces points :

Fixer à 5 377,50 euros le montant de l’indemnité de requalification à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus ;

Condamner la SARL Sup Intérim 35 à payer à M. [N] la somme de 21 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Fixer à 21 500 euros la créance de M. [N] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner la SARL Sup Intérim 35 à payer à M. [N] la somme de 10 755 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail ;

Fixer à 10 755 euros la créance de M. [N] à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail ;

Y AJOUTANT :

Condamner in solidum la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros en compensation de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamner in solidum la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus aux frais et dépens d’appel.

M. [N] explique que :

la mise à disposition de M. [N] était destinée à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ;

la preuve de la légitimité matérielle et juridique du recours au travail temporaire incombe à l’entreprise utilisatrice ;

la condamnation solidaire de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de travail temporaire doit être prononcée s’il est démontré que l’entreprise de travail temporaire a contribué même en partie à la situation illégale justifiant la requalification, ce qui est le cas en l’espèce, la SARL Sup Intérim 35 ayant fait preuve de passivité fautive pendant 4 ans ce qui traduit une entente illicite avec la SARL Malherbe Prestindus, entreprise utilisatrice ;

compte tenu du transfert du contrat de travail de M. [N] intervenu entre la société Géodis BM Lorraine et la SARL Malherbe Prestindus, cette dernière est tenue à l’égard des salariés des obligations qui incombaient à l’ancien employeur ;

l’absence de signature des contrats de mission par M. [N] justifie la requalification en CDI des contrats de mission, s’agissant d’une condition de validité de la mission temporaire ;

l’entreprise de travail temporaire est tenue au paiement de l’indemnité de requalification dont le montant doit tenir compte de la durée exceptionnellement longue de la relation de travail litigieuse ;

le préjudice subi par M. [N] du fait de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement est caractérisé par son maintien pendant une longue période en situation d’emploi précaire, fragilisant sa situation socio-économique et financière et le faisant refuser des contrats à durée indéterminée avec d’autres entreprises ;

l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice ont gravement manqué à leur obligation d’exécution de bonne foi et avec loyauté du contrat de travail en le maintenant en intérim en dépit de l’emploi qu’il occupait durablement, en ne respectant pas les délais de carence entre deux missions, et en privilégiant des raisons économiques au détriment de M. [N] et d’autres salariés.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, Maître [I] [F], en sa qualité de mandataire de la SARL Malherbe Prestindus, Maître [W] [A], es qualité d’administrateur judiciaire, et la SARL Malherbe Prestindus, société en liquidation judiciaire demandent à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz le 22 juillet 2020 en ce qu’il a déclaré irrecevable l’intervention de la CGT et débouté M. [N] du surplus de ses demandes ;

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions, et statuant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL,

. Débouter M. [N] de son action en requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus en liquidation judiciaire, représentée par Maître [I] [F], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus ;

. Débouter M. [N] de l’intégralité de ses autres demandes à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, si la cour faisait droit à la demande de requalification des contrats de M. [N] en contrat à durée indéterminée avec la SARL Malherbe Prestindus,

. Prononcer la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée avec la SARL Malherbe Prestindus qu’à compter du 26 mai 2014 ;

. Réduire à de plus justes proportions les demandes salariales et indemnitaires de M. [N] ;

. Condamner la SARL Sup Intérim 35 à garantir la SARL Malherbe Prestindus en liquidation judiciaire, représentée par Maître [I] [F], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, du chef de toute condamnation qui pourrait intervenir à son encontre ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

. Condamner M. [N] à verser à la SARL Malherbe Prestindus en liquidation judiciaire, représentée par Maître [I] [F], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, la somme de 2 000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

. Prononcer la mise hors de cause de Maître [W] [A] es qualité d’administrateur judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

Maître [I] [F], en sa qualité de mandataire de la SARL Malherbe Prestindus, Maître [W] [A], en sa qualité d’administrateur judiciaire, et la SARL Malherbe Prestindus, société en liquidation judiciaire, indiquent au soutien de leur prétentions que :

l’accroissement d’activité et le remplacement de salariés absents sont des motifs légaux de recours aux contrats de mission ;

la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée n’est pas prévue en cas de manquement au délai de carence s’agissant de l’entreprise utilisatrice ;

subsidiairement, la requalification ne peut prendre effet qu’à la date du transfert du contrat de travail, soit au 26 mai 2014 ;

la condamnation in solidum de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de travail temporaire n’est possible que si les manquements ont été commis conjointement par les deux entreprises, ce qui est le cas en l’espèce, la SARL Sup Intérim 35 ne pouvant ignorer le manquement aux règles de droit compte tenu du nombre important de contrats de mission conclus avec M. [N] ;

l’action en requalification n’est possible qu’à l’égard de l’entreprise utilisatrice, mais pas à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire ;

subsidiairement sur l’inexécution fautive du contrat de travail, M. [N] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui indemnisé par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

subsidiairement sur le recours en garantie, la SARL Sup Intérim 35 a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de la SARL Malherbe Prestindus, entreprise utilisatrice, en omettant de faire signer par M. [N] les contrats de mission et en ne respectant pas le délai de carence.

Par conclusions datées du 16 février 2021, l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

Requalifié les contrats de mission conclus entre M. [N] et la SARL Malherbe Prestindus en contrats à durée indéterminée à temps complet ;

Déclaré le licenciement de M. [N] sans cause réelle et sérieuse ;

Condamné solidairement la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus à verser à M. [N] les sommes suivantes :

. 1 792,50 euros brut au titre de l’indemnité de requalification ;

. 1 792,50 euros brut au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 3 585 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

. 358,50 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

. 10 755 euros net au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT A NOUVEAU,

Débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes ;

Dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

Après avoir rappelé les limites et plafonds légaux et réglementaires de sa garantie, l’AGS-CGEA de [Localité 8] précise que :

la SARL Sup Intérim 35 est in boni de sorte que l’AGS-CGEA de [Localité 8] n’a pas à la garantir ;

la CGT n’est pas représentée à hauteur d’appel et n’a pas interjeté appel de la décision d’irrecevabilité de ses demandes ;

elle s’en remet aux prétentions de la SARL Sup Intérim 35 et de la SARL Malherbe Prestindus sur la requalification des contrats de mission en CDI ;

s’agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [N] ne justifie pas d’un préjudice particulier, de sorte que l’indemnité doit être limitée au montant des six mois de salaires perçus avant la rupture ;

les dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail font doublon avec l’indemnité de requalification.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Le syndicat CGT de la SARL Malherbe Prestindus n’ayant pas interjeté appel du jugement de première instance et n’étant pas représenté à hauteur d’appel, il est réputé s’approprier les motifs du jugement entrepris, en application du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile.

Aucun appel n’ayant été formé sur les dispositions du jugement entrepris relatives à l’irrecevabilité des demandes de la CGT, il convient de constater que ces dispositions sont définitives.

Sur la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et l’indemnité de requalification :

M. [R] [N] demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a requalifié ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée à temps complet, invoquant les dispositions des articles L 1251-1, L 1251-5, L 1251-6, L 1251-40 et L 1251-36 du code du travail et précisant que sa mise à disposition de la société Géodis BM Lorraine puis de la SARL Malherbe Prestindus entre le 21 mai 2013 et le 18 février 2017 était destinée à pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice. Il ajoute que la simple absence de signature des contrats de mission justifie la requalification, qu’il appartient à l’entreprise utilisatrice de démontrer la légitimité matérielle et juridique du recours au travail temporaire, et que l’entente illicite entre la SARL Malherbe Prestindus, entreprise utilisatrice, et la SARL Sup Intérim 35, entreprise de travail temporaire, résulte de l’inaction de cette dernière pendant 4 ans, en ce qu’elle n’a pas interpellé l’entreprise utilisatrice au sujet de la mise à disposition de M. [R] [N] sur une durée aussi longue.

M. [R] [N] ajoute que la SARL Sup Intérim 35 n’a pas respecté les délais de carence, et que la SARL Malherbe Prestindus, en application des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail, est tenue aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur suite au transfert intervenu en mai 2014.

La SARL Sup Intérim 35 s’oppose à cette demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, soutenant que l’action en requalification ne peut pas être intentée contre l’entreprise de travail temporaire, de sorte que l’indemnité de requalification n’est pas due par l’entreprise de travail temporaire. Elle précise que la preuve de la réalité du motif de recours au travail temporaire incombe à l’entreprise utilisatrice, et qu’elle n’a pas manqué à ses obligations propres, le non-respect du délai de carence étant imputable à l’entreprise utilisatrice, les contrats de mission ayant bien été reçus par M. [N] qui a signé l’exemplaire employeur, et le salarié faisant preuve de mauvaise foi en ce qu’il ne voulait pas changer d’entreprise utilisatrice. Elle ajoute enfin que l’entente illicite avec l’entreprise utilisatrice n’est pas démontrée, et que la garantie sollicitée par la SARL Malherbe Prestindus est une notion différente de la condamnation « in solidum » qui ne peut s’appliquer que lorsque l’entreprise de travail temporaire a manqué à ses obligations propres.

Me [I] [F], en sa qualité de liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, s’oppose également à la demande de requalification, expliquant que l’accroissement d’activité et le remplacement de salariés absents sont des motifs légaux de recours aux contrats de mission, que la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée n’est pas prévue en cas de manquement au délai de carence s’agissant de l’entreprise utilisatrice. Subsidiairement, elle précise que la requalification ne peut prendre effet qu’à la date du transfert du contrat de travail, soit au 26 mai 2014, et que la condamnation in solidum de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de travail temporaire doit être prononcée compte tenu des manquements conjoints des deux entreprises, la SARL Sup Intérim 35 ne pouvant ignorer le manquement aux règles de droit compte tenu du nombre important de contrats de mission conclus avec M. [N].

L’AGS-CGEA de [Localité 8] s’en remet aux prétentions et moyens de la SARL Sup Intérim 35 et de la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, sur la demande de requalification.

*****

L’article L 1251-5 du code du travail prévoit que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

Aux termes de l’article L 1251-6 du même code, le recours à un salarié temporaire n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas limités dont font partie le remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail et l’accroissement temporaire d’activité.

En outre, selon l’article L 1251-40 du code du travail dans sa version applicable au litige, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L 1251-30 et L 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Enfin en application des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise, et le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification.

Il est constant en l’espèce que l’entreprise utilisatrice a été Geodis BM Lorraine du 21 mai 2013 à mai 2014, puis la société Malherbe Prestindis de juin 2014 au 18 février 2017.

L’examen des contrats de mission de M. [R] [N] et du tableau récapitulatif des contrats de mission temporaire de M. [R] [N] montre qu’entre le 21 mai 2013 et le 18 février 2017, M. [R] [N] a bénéficié de 96 contrats de mission (répartis sur 41 mois) aux termes desquels il était mis à disposition de la société Géodis BM Lorraine jusqu’au 9 mai 2014 puis de la SARL Malherbe Prestindus à compter du 26 mai 2014.

Les contrats de missions étaient motivés par un accroissement temporaire d’activité ou par le remplacement de salariés absents ou dont le contrat était suspendus.

S’il s’agit de motifs légaux de recours au travail temporaire, il est constant qu’il appartient à l’entreprise utilisatrice d’en justifier la réalité en cas de contestation.

En l’espèce, Me [I] [F], en sa qualité de liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, ne verse aucun élément permettant de constater qu’elle avait bien une activité cyclique justifiant de l’existence d’un accroissement temporaire d’activité, la mention des noms des chantiers n’étant pas suffisante pour en établir l’existence.

En outre, les missions étaient fréquemment conclues pour une courte durée (exemple : 5 jours) mais renouvelées de façon répétée et à bref intervalle, et M. [R] [N] était affecté pour chacune de ces missions, sur le même emploi de pontier, avec la même rémunération quelle que soit la mission (9,80 euros brut de l’heure depuis novembre 2014, date de la dernière augmentation annuelle).

L’ensemble de ces éléments démontre que l’entreprise utilisatrice recourait au travail temporaire afin de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, de sorte que la SARL Malherbe Prestindus a méconnu les dispositions précitées de l’article L 1251-5, et il doit être fait droit à la demande de requalification des contrats de mission intérim en contrat à durée indéterminée, formée par M. [R] [N] à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus sur le fondement de l’article L 1251-40 du code du travail.

Compte tenu du caractère ininterrompu des missions depuis le 21 mai 2013 et jusqu’au 18 février 2017, hormis pour le temps des congés, il convient de dire que cette requalification prendra effet au premier jour de la première mission, soit à la date du 21 mai 2013.

Le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.

Aux termes de l’article L 1251-41 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d’un mois suivant sa saisine. Si le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

La demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée formée par M. [R] [N] étant accordée, il convient d’allouer à M. [R] [N] une indemnité de requalification qu’il y a lieu de fixer à la somme de 1792,50 euros (salaire mensuel moyen sur les 12 derniers mois), compte tenu du montant du salaire de M. [R] [N] et de la durée de la relation de travail litigieuse, dont la charge sera supportée par la seule entreprise utilisatrice.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a également condamné la SARL Sup Intérim 35, in solidum avec la SARL Malherbe Prestindus, au paiement de cette indemnité.

Le montant de la créance de M. [R] [N] à ce titre doit être fixé à cette somme de 1792,50 euros brut qui sera inscrit sur le relevé des créances de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

Sur les autres demandes financières :

La relation de travail s’étant achevée entre M. [R] [N] et la SARL Malherbe Prestindus le 18 février 2017 à l’issue de la dernière mission intérim, il convient de considérer que le contrat de travail à durée indéterminée liant les parties suite à la requalification des contrats de mission s’est achevé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu de l’absence de toute procédure de rupture du contrat de travail engagée par la SARL Malherbe Prestindus.

. sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Selon l’article 5bis de la convention collective applicable à la relation de travail, l’ouvrier justifiant d’au moins 3 ans d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit à une indemnité de congédiement à raison de 2/10ème de mois par année de présence sur la base moyenne des salaires que l’intéressé a ou aurait perçus au cours des 3 derniers mois.

M. [R] [N] sollicite à ce titre le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement de 1792,50 euros, sans que la SARL Malherbe Prestindus, représentée par son liquidateur, ou l’entreprise de travail temporaire, ne vienne en contester le montant.

La rupture de la relation de travail s’analysant comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de faire droit à cette demande.

Le montant de la créance de M. [R] [N] à ce titre doit être fixé à cette somme de 1792,50 euros qui sera inscrite sur le relevé des créances de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

Le jugement entrepris sera modifié en ce sens.

. sur l’indemnité de préavis

En application des articles L 1234-5 et L 1234-1 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, en cas de licenciement non motivé par une faute grave, le salarié a droit (‘) s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

En l’espèce, M. [R] [N] disposant d’une ancienneté de 3 ans et 8 mois, soit supérieure à 2 années, et la rupture du contrat de travail s’analysant comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il est en droit de percevoir une indemnité de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme totale de 3 585 euros (1 792,50 euros x 2).

En conséquence, la décision des premiers juges sera infirmée dans le sens où le montant de la créance de M. [R] [N] à ce titre doit être fixé à cette somme de 3 585 euros brut, à laquelle s’ajoute celle de 358,50 euros brut pour les congés payés y afférents, qui sera inscrit sur le relevé des créances de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

. sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes des dispositions de l’article 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si la réintégration n’est pas demandée, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois, si le salarié a plus de deux ans d’ancienneté.

Au-delà de ce minimum de six mois, le salarié doit justifier de la réalité de son préjudice.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la SARL Malherbe Prestindus avait un effectif de plus de 11 salariés, et il résulte des éléments qui précèdent que M. [R] [N] avait une ancienneté de plus de deux ans au sein de la SARL Malherbe Prestindus.

Sur les 6 derniers mois pleins au cours desquels il a travaillé pour la SARL Malherbe Prestindus, soit d’août 2016 à janvier 2017, M. [R] [N] a perçu la somme totale de 8217,78 euros brut.

Le licenciement de M. [R] [N] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le salarié justifie qu’il s’est trouvé au chômage pendant plusieurs périodes à compter de décembre 2017 et que plus récemment il a travaillé en intérim en octobre et novembre 2020.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, de l’ancienneté de M. [R] [N] dans la société, et du fait qu’il s’est trouvé au chômage dans les mois qui ont suivi sa perte de travail, il convient de fixer le préjudice subi par M. [R] [N] à la somme de 10 000 euros.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce chef de demande et le montant de la créance de M. [R] [N] à ce titre doit être fixé à cette somme de 10 000 euros qui sera inscrit sur le relevé des créances de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

Sur les demandes formées à l’encontre de la SARL Sup Intérim 35, entreprise de travail temporaire :

M. [R] [N] sollicite la condamnation in solidum de la SARL Sup Intérim 35 au paiement des conséquences de la requalification au motif que l’entreprise de travail temporaire a contribué par le non respect du délai de carence et sa passivité à la situation illégale justifiant la requalification. Il ajoute que l’absence de signature des contrats de mission par le salarié affecte la validité de ces contrats et constitue un manquement de la part de la SARL Sup Intérim 35 à ses obligations.

Me [I] [F], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, fonde quant à elle son appel en garantie contre la SARL Sup Intérim 35 sur le fait que la SARL Sup Intérim 35 ne pouvait pas ignorer le manquement aux règles de droit compte tenu du nombre important de contrats de mission conclus avec M. [R] [N].

La SARL Sup Intérim 35 conteste l’existence d’une entente illicite entre elle et l’entreprise utilisatrice, précise que M. [R] [N] fait preuve de mauvaise foi en ce qu’il était demandeur de rester travailler au profit de la même entreprise utilisatrice et ne voulait pas en changer, et ajoute que les contrats de mission ont bien été reçus par le salarié. Elle conclut en précisant que le non-respect du délai de carence n’est imputable qu’à l’entreprise utilisatrice et qu’elle ne peut être condamnée qu’au paiement de dommages et intérêts en cas de requalification et non au paiement aux des indemnités de rupture.

*****

Les dispositions de l’article L 1251-40 du code du travail, dans sa version antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions notamment de l’article L 1251-5 du même code, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles tout opération de prêt de main-d »uvre est interdite n’ont pas été respectées.

S’agissant de la signature par M. [R] [N] des contrats de mission, il incombe à l’entreprise de travail temporaire, en application de l’article L 1251-16 du code du travail d’établir un contrat écrit pour chaque mission, impliquant que soit apposée la signature du salarié considérée comme une prescription d’ordre public.

Si les exemplaires des contrats de mission produits par le salarié montrent l’absence de signature de la part de l’intérimaire à l’emplacement qui lui est réservé, les exemplaires versés aux débats par la SARL Sup Intérim 35, correspondant selon ses dires à l’exemplaire retourné à l’entreprise de travail temporaire, portent la trace de la signature de M. [R] [N], ce que celui-ci ne conteste pas.

Dès lors ce manquement n’est pas établi en l’espèce.

En ce qui concerne le respect du délai de carence par l’entreprise de travail temporaire, il résulte des articles L 1251-36 et L 1251-37 du code du travail, dans leur version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ses textes, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité.

En l’espèce, la SARL Sup Intérim 35 a conclu avec M. [R] [N] plusieurs contrats de mission au motif d’un accroissement temporaire d’activité, au cours d’une période de plus de trois ans, et ce sans respecter le délai de carence, ce que l’entreprise de travail temporaire ne conteste pas par ailleurs (exemples : contrat n°100865 allant du 2 au 13 juin 2014, renouvellement compris, auquel succède un contrat n°100917 commençant le 16 juin 2014 ; contrat n°105456 allant du 1er au 19 février 2016, renouvellement compris, auquel succède un contrat n°105589 commençant le 22 février 2016).

Pour expliquer ce manquement, la SARL Sup Intérim 35 indique que M. [R] [N] a refusé toute autre mission auprès d’une autre entreprise utilisatrice. Cependant, elle ne justifie ni de propositions de sa part à M. [R] [N] de missions au sein d’une autre entreprise utilisatrice, ni du refus de M. [R] [N] de ces éventuelles autres offres, le fait pour celui-ci d’avoir ouvert une autre activité professionnelle étant sans incidence par ailleurs sur le respect du délai de carence par l’entreprise utilisatrice, et le respect du délai de carence s’imposant à elle quand bien même l’entreprise utilisatrice solliciterait le maintien du même salarié, ou le salarié s’opposerait à l’application de ce délai.

Ainsi, en ne respectant pas le délai de carence à de nombreuses reprises pendant la relation de travail, la SARL Sup Intérim 35 a manqué à une de ses obligations qui lui étaient propres, de sorte que sa responsabilité contractuelle est engagée et qu’elle doit être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice aux conséquences financières de la requalification de la relation de travail et de sa rupture.

La SARL Sup Intérim 35 étant appelée en garantie par la SARL Malherbe Prestindus, représentée par son mandataire liquidateur, il convient de fixer la part contributive de chaque société.

Au regard des manquements respectifs imputables à chacune d’entre elles, les deux sociétés utilisatrice et de travail temporaire seront condamnées in solidum, et s’agissant de leurs rapports entre elles à hauteur de 75% en ce qui concerne la SARL Malherbe Prestindus, et de 25% pour ce qui est de la SARL Sup Intérim 35, étant toutefois rappelé que seule l’entreprise utilisatrice est débitrice de l’indemnité de requalification, conformément à l’article L 1251-41 du code du travail, et que la créance de M. [R] [N] à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus ne pourra faire l’objet que d’une fixation, compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de celle-ci.

Sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail

M. [R] [N] sollicite la condamnation de la SARL Sup Intérim 35 à lui payer 10 755 euros de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail. Il demande également la fixation de sa créance à ce titre et pour ce montant à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus, en liquidation judiciaire.

Il indique que l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice ont gravement manqué à leur obligation d’exécution de bonne foi et avec loyauté du contrat de travail en le maintenant en intérim en dépit de l’emploi qu’il occupait durablement, en ne respectant pas les délais de carence entre deux missions, et en privilégiant des raisons économiques au détriment de M. [N] et d’autres salariés.

Me [I] [F], en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Malherbe Prestindus, et la SARL Sup Intérim 35 s’opposent à cette demande, indiquant que M.[R] [N] ne justifie pas de motifs et d’un préjudice distincts de ceux invoqués à l’appui de la requalification de la relation de travail et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, les manquements invoqués par M. [R] [N] justifient la requalification et sont pris en compte dans l’estimation du montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M. [R] [N] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de ceux déjà réparés par l’indemnité de requalification et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte qu’il convient de rejeter cette prétention qui n’est pas justifiée.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la garantie de l’AGS-CGEA de [Localité 8]

La garantie de l’AGS-CGEA de [Localité 8] s’appliquera sur les sommes fixées à la charge de la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 et suivants du code du travail.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à préciser que pour la SARL Malherbe Prestindus placée en liquidation judiciaire, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus les dépens de l’instance ainsi que la créance de M. [R] [N] à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

La SARL Malherbe Prestindus et la SARL Sup Intérim 35 succombant à l’instance, la SARL Sup Intérim 35 sera condamnée aux dépens, celle-ci étant tenue in solidum avec la SARL Malherbe Prestindus pour laquelle les dépens d’appel seront fixés au passif de la procédure collective.

Il est inéquitable par ailleurs de laisser à M. [R] [N] la charge de ses frais non compris dans les dépens. La SARL Sup Intérim 35 sera condamnée à verser à M. [R] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, étant précisé que la SARL Malherbe Prestindus est tenue in solidum avec la SARL Sup Intérim 35 au paiement de cette somme mais que la créance de M. [R] [N] à son égard sur ce point sera fixée au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par décision réputée contradictoire, en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :

Requalifié en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de missions d’intérim ;

Déclaré le licenciement de M. [R] [N] sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Malherbe Prestindus les créances suivantes de M. [R] [N] :

.1 792,50 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 3 585 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 358,50 euros brut pour les congés payés y afférents ;

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que pour ces sommes la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus, représentée par son mandataire liquidateur, sont tenues in solidum ;

Condamne en conséquence la SARL Sup Intérim 35, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [R] [N] les sommes suivantes :

. 1 792,50 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

. 3 585 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 358,50 euros brut pour les congés payés y afférents ;

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe la contribution de chaque société dans leurs rapports entre elles à 75% à la charge de la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, et à 25% à la charge de la SARL Sup Intérim 35 ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus la créance de M. [R] [N] au titre de l’indemnité de requalification à la somme de 1792,50 euros ;

Dit que la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, sont tenues in solidum aux dépens d’appel et de première instance ;

Dit que la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, sont tenues in solidum au paiement à M. [R] [N] de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Dit que la SARL Sup Intérim 35 et la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, sont tenues in solidum au paiement à M. [R] [N] de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SARL Sup Intérim 35 aux dépens d’appel et de première instance ;

Condamne la SARL Sup Intérim 35 à verser à M. [R] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Condamne la SARL Sup Intérim 35 à verser à M. [R] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus les dépens de première instance et d’appel ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus la créance de M. [R] [N] à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Malherbe Prestindus la créance de M. [R] [N] à la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Dit que l’Unedic- AGS CGEA de [Localité 8] est tenue à garantir les créances de M.[R] [N] à l’encontre de la SARL Malherbe Prestindus, placée en liquidation judiciaire, dans les termes des articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles.

La Greffière, La Présidente,

 


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