08/09/2023
ARRÊT N°2023/338
N° RG 21/05083 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ORBP
SB/LT
Décision déférée du 18 Novembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/01151)
P. MONNET DE LORBEAU
Sectionb industrie
S.A.S. AC100
C/
[V] [L]
S.A.R.L. 2M CONSTRUCTION
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 8 septembre 2023
à Me LAJARTHE, Me VILLARD, Me COHEN
Ccc à Pôle Emploi
le 8 septembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. AC100
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Elisabeth LAJARTHE de la SELARL DBA, avocat au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Sabrina CUYNAT-BOUMELLIL de la SELARL CSCB, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIM »S
Monsieur [V] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Cécile VILLARD, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.R.L. 2M CONSTRUCTION
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Simon COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM », présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM », présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société AC100 , entreprise de travail temporaire, a mis M. [V] [L] à disposition de la société 2M Construction en qualité de grutier dans le cadre de missions d’interim du 1er février 2018 au 29 septembre 2018 régi par la convention collective nationale des établissements de travail temporaire et personnels intérimaires.
La relation contractuelle s’est poursuivie avec la société 2M Construction en octobre 2018.
M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 22 juillet 2019 pour demander la requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section industrie, par jugement du 18 novembre 2021, a:
– requalifié les contrats de M. [L] en contrat à durée indéterminée
– condamné in solidum les sociétés 2M Construction et AC100 à payer à M. [L] les sommes suivantes :
.2 153,71 euros bruts à titre d’indemnité de requalification,
.2 15,71 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
.2 153,71 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
.215,37 euros à titre d’indemnité de congés payés correspondante
.500,00 euros au titre du préjudice pour ne pas avoir remis le bulletin de paye du mois d’octobre,
.3 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonné à la société 2M Construction de remettre à M. [L] son bulletin de paye du mois d’octobre,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné in solidum les sociétés 2M Construction et AC100 aux dépens.
***
Par déclaration du 24 décembre 2021, la Sas AC100 a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 décembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 septembre 2022, la Sas AC100 demande à la cour de :
– réformer le jugement des conseils des prud’hommes en ce qu’il :
* a requalifié les contrats de M. [L] à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
* l’a condamné in solidum avec la société 2M Construction à payer à M. [L] les sommes
suivantes :
2.153,71 bruts à titre d’indemnité de requalification
2.153,71 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2 153,71 bruts au titre de l’indemnité de préavis
500,00euros au titre du préjudice pour ne pas avoir remis le bulletin de paye du mois d’octobre
215,37euros au titre des congés payés afférents
3000,00euros au titre de l’ article 700 du code de procédure civile.
* a débouté les parties du surplus de leurs demandes,
* l’a déboutée de sa demande tendant à juger que M. [L] ne peut formuler de demandes financières subséquentes à la requalification légale en contrat à durée indéterminée que contre la société 2M Construction,
* l’a déboutée de sa demande tendant à être relevée et garantie par la société 2M Construction de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge et ce à quelque titre et sur quelque fondement que ce soit suite à requalification,
* l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [L] ou à défaut de la société 2M Construction à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
* l’a condamné in solidum avec la société 2M Construction aux dépens.
Et, statuant à nouveau :
Sur la requalification,
– juger que la relation de travail qui s’est poursuivie à l’expiration du dernier contrat de mission temporaire de M. [L] doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée exclusivement à l’encontre de la société 2M Construction,
– juger en conséquence que M. [L] ne peut formuler de demandes financières subséquentes à cette requalification légale que contre la société 2M Construction.
À défaut,
– juger que M. [L] ne peut solliciter à son encontre la requalification du contrat au visa de l’article L 1251-40 du code du travail,
– juger que M. [L] ne rapporte pas la preuve au regard du nombre peu important de contrats et de la durée de 8 mois de ses missions que ces dernières étaient destinées à pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise,
– juger que dans ces conditions, il ne peut être opposé à l’entreprise de travail temporaire le non-respect des délais de carence,
– juger que le non-respect des délais de carence n’entraîne pas en soi la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire,
– débouter M. [L] de l’intégralité de ses demandes, moyens et arguments à l’encontre de la société AC100 s’agissant de la requalification et des demandes financières subséquentes.
Subsidiairement,
– juger que M. [L] ne peut formuler aucune demande au titre de l’indemnité de requalification à son encontre car cette indemnité ne peut être mise qu’à la charge de l’entreprise utilisatrice,
– juger que M. [L] n’est pas fondé à solliciter une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière alors qu’il sollicite dans le même temps une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [L] de cette demande tant à son encontre que de l’entreprise utilisatrice
– juger que M. [L] ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice s’agissant de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut en tout état de cause pas dépasser un mois de salaire au regard de son ancienneté,
– débouter M. [L] de cette demande à l’encontre des défenderesses ou à défaut la réduire à de plus justes proportions,
– condamner la société 2M Construction à relever et garantir intégralement ou dans les plus larges proportions la concluante de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge et ce à quelque titre et sur quelque fondement que ce soit suite à requalification.
Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions en matière de durée du travail,
– constater que M. [L] ne formule plus aucune demande à son encontre à ce titre.
A défaut,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a écarté la demande de M. [L] à ce titre, faute de préjudice et dit qu’aucune faute ne pouvait être reprochée à ce titre à son encontre.
– juger que la société 2M Construction est seule responsable des conditions d’exécution du travail et notamment relativement à la durée du travail,
– débouter la société 2M Construction de sa demande tendant à être relevée et garantie intégralement par la concluante.
À titre subsidiaire,
– condamner la société 2M Construction à relever et garantir intégralement la concluante de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge sur ce fondement.
Sur la demande de communication du bulletin de salaire du mois d’octobre 2018,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté M. [L] de ses demandes à ce titre,
– juger que cette demande ne peut être formulée qu’à l’encontre de la société 2M Construction,
– débouter M. [L] de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la société AC100 in solidum avec la société 2M Construction,
– débouter la société 2M Construction de sa demande tendant à être relevée et garantie de toutes condamnations mises à sa charge intégralement par la société AC100.
À titre subsidiaire,
– condamner la société 2M Construction à relever et garantir intégralement la concluante de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge sur ce fondement.
Sur la demande au titre du travail dissimulé,
– constater que M. [L] [V] ne formule aucune demande à son encontre de la société AC100 à ce titre.
A défaut,
– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté purement et simplement M. [L] de ses prétentions à ce titre,
– juger que la demande ne peut être formulée qu’à l’encontre de la société 2 M Construction dans la mesure où la société AC100 n’avait plus aucun lien contractuel avec M. [L] au mois d’octobre 2018.
À titre infiniment subsidiaire,
– condamner la société 2M Construction à relever et garantir intégralement la concluante de toute condamnation susceptible d’être mise à sa charge sur ce fondement.
En tout état de cause,
– juger que M. [L] n’a pas sollicité la confirmation de la décision entreprise au titre de la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a contrario a sollicité la réformation de la décision à ce titre,
– réformer la décision de première instance en ce qu’elle a accordé une somme de 3000 euros
au titre de l’article 700 du code de procédure civile à M. [L],
– débouter M. [L] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de la concluante in solidum avec la société 2M Construction en cause d’appel.
À défaut,
– juger que la société 2M Construction devra la relever et la garantir de toute condamnation mise à sa charge au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– condamner M. [L] ou à défaut la société 2M Construction à payer à la société AC 100 la somme de 2500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens,
– juger que la société 2M Construction ne prouve aucune faute de nature contractuelle de la société AC100 de nature à justifier qu’elle la relève et garantisse des condamnations qui seraient mises à sa charge,
– débouter la 2M Construction et M. [L] de l’intégralité de leur demandes, moyens, prétentions, appels incidents contraires aux présentes écritures.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 juin 2022, M. [L] [V] demande à la cour de :
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
– requalifié ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– condamné la société 2M Construction à lui payer la somme de 2153, 71 euros bruts à titre d’indemnité de requalification,
– condamné in solidum les sociétés 2M Construction et AC100 à lui payer les sommes suivantes:
2153,17 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2157,71 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis
500 euros au titre du préjudice pour ne pas avoir remis le bulletin de paie du mois d’octobre
237 euros au titre des congés payés afférents
Le réformer en ce qu’il a condamné in solidum la société AC 100 à lui payer l’indemnité de requalification,
– réformer le jugement s’agissant du rejet de ses autres demandes,
– condamner in solidum les sociétés 2M Construction et AC100 à lui verser la somme de 2.153,71 euros bruts au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier,
– juger que les sociétés 2M Construction et AC100 n’ont pas respecté les dispositions afférentes à l’organisation du temps de travail,
– condamner la société 2M Construction à lui verser la somme de 10.000,00 euros au titre du préjudice subi,
– juger que la société 2M Construction s’est rendue coupable de travail dissimulé ,
– condamner la société 2M Construction à lui verser la somme de 13.663,26 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
En tout état de cause,
– condamner in solidum les sociétés 2M Construction et AC100 à lui verser la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2022, la société 2M Construction demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la relation de travail devait être requalifiée en relation de travail à durée indéterminée,
– débouter M. [L] de sa demande de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [L] de :
* l’indemnité au titre du licenciement irrégulier car il ne peut cumuler les indemnités pour licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,
* sa demande de dommages et intérêts du non-respect de la législation sur l’organisation du travail,
* sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
– réformer le jugement en ce qu’il a jugé que la société AC100 n’avait pas engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d’elle.
– par conséquent, condamner la société AC100 à la relever et la garantir de l’ensemble des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société AC100 de sa demande tendant à être relevée et garantie des condamnations mises à sa charge par la société 2M Construction,
– condamner la société AC 100 à lui payer la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance.
***
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 24 février 2023.
***
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification des contrats de travail temporaire
Le travail temporaire se concrétise par un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice et un contrat de mission entre l’entreprise de travai temporaire et le salarié temporaire.
Selon l’article L1251-5 du code du travail, le contrat de mission ne peut avoir pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
De plus, un délai de carence est imposé par l’article L1251-36 à l’expiration d’un délai de mission, dont le calcul est établi en fonction de la durée de la mission.
Selon l’article L1251-37 du code du travail la convention ou l’acord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable.
En vertu de l’article L1251-37-1 du même code, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche , le délai de carence n’est pas applicable lorsque le contrat de mission est conclu:
– pour le remplacement d’un salarié absent,
– pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité
– pour pourvoir un poste à caractère saisonnier
– pour le remplacement d’une des personnes mentionnées à l’article L1251’6 , 4° et 5°
– lorsque le salarié est à l’initiative d’une rupture anticipée du contrat
– lorsque le salarié refuse le renouvellement de son contrat de mission pour la durée du contrat non renouvelé.
En l’espèce M.[L] a été mis à disposition de la société 2M Construction par la société d’interim société AC100 au moyen de 35 contrats de mission successivement conclus entre le 1er février 2018 et le 28 septembre 2018, tous motivés par un surcroît d’activité. La société AC100 conclut à sa mise hors de cause, opposant que ses obligations contractuelles envers le salarié se rapportent au formalisme du contrat et non au fond, n’ayant pas à vérifier la réalité des motifs du recours au travail temporaire qui est de la responsabilité de l’entreprise utilisatrice 2M Construction en application de l’article L 1251-41 du code du travail.
Les 35 contrats de mission que le salarié verse aux débats ont pour motif un accroissement temporaire d’activité, sans aucun délai de carence entre chaque mission.
Alors que la réalité de ce motif est contestée par le salarié , la société utilisatrice 2M Construction ne fournit aucune explication ni élément probant de nature à établir l’existence d’un accroissement d’activité au cours de la période d’emploi de M.[L]. L’entreprise utilisatrice succombe ainsi dans l’administration de la preuve qui lui incombe de la réalité de ce motif.
Au surplus, le motif tiré d’un accroissement temporaire d’activité ne correspond pas à l’une des hypothèses dispensant du respect d’un délai de carence.
Il en résulte que l’emploi du salarié dans le cadre de missions d’interim successives était destiné à pourvoir durablement à l’activité normale de l’entreprise utilisatrice.
En l’état de cette méconnaissance des dispositions précitées encadrant le recours au travail en interim, M.[L] est fondé à solliciter la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et à faire valoir les droits en résultant auprès de la société utilisatrice 2M Construction.
Il sera donc fait droit à la demande d’indemnité de requalification en application de l’article L1245-1 à hauteur de 2153,71 euros , somme au paiement de laquelle la société utilisatrice 2M Construction sera condamnée. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné in solidum la société d’interim AC 100 au paiement de cette indemnité qui incombe exclusivement à la société utilisatrice en vertu de l’article L1251-41.
La rupture sans motif du contrat requalifié en contrat à durée indéterminée et sans respect de la procédure de licenciement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié qui bénéficiait d’une ancienneté inférieure à deux ans, soit 8 mois, a subi un préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement et de la perte injustifiée de son emploi, il est justifié de lui allouer en application de l’article L1235-3 dans sa rédaction applicable au litige la somme de 2 153,71 euros à titre de dommages et intérêts- par infirmation du jugement qui a alloué la somme de 2 15,71 euros – outre une indemnité compensatrice de préavis de 2 153,71 euros et l’indemnité de congés payés correspondante de 215,37 euros , sommes au paiement desquelles est condamnée la société 2M Construction, par confirmation du jugement déféré.
Les dommages et intérêts alloués à un salarié pour défaut de cause réelle et sérieuse de licenciement en application de l’article L.1235-3 du code du travail réparent également les irrégularités de la procédure de licenciement de sorte que M.[L] sera débouté de sa demande distincte de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
Le salarié ne démontre pas que la société d’interim AC 100 a agi de concert avec la société utilisatrice et de manière frauduleuse en vue de contourner les dispositions légales relatives aux conditions de recours au travail interimaire. Le jugement est donc infirmé en ses dispositions ayant condamné la société AC 100 in solidum au paiement des sommes dues en conséquence de la requalification, qui incombent exclusivement à la société utilisatrice.
Sur le temps de travail
Le salarié justifie par la production de ses bulletins de salaire et relevés horaires qu’il a signés conjointement avec le représentant de la société utilisatrice, avoir excédé la durée légale maximale de travail de 48h hebdomadaire en travaillant 62,50 heures entre le 23 avril et le 29 avril 2018, de même 54 heures entre le 8 et le 14 octobre 2018.
Il justifie également d’un dépassement de la durée journalière de travail de 10h à 15 reprises , notamment les 25 janvier,8 février,13 mars, 10 et 11 avril, du 16 au 20 avril, et du 23 au 27 avril 2018.
Il soutient , sur la base de ses bulletins de salaire et des relevés d’heures qu’il produit sur la période du 1er décembre 2017 au 28 septembre 2018 qu’il a dépassé le contingent annuel d’heures supplémentaires à raison du nombre d’heures supplémentaires effectuées.
La cour constate toutefois que le nombre d’heures supplémentaires mentionné sur les bulletins de salaire correspond aux relevés d’heures produits aux débats, et que le nombre total d’heures supplémentaires effectuées n’atteint pas 220 heures sur l’année civile, le décompte mentionné dans les écritures du salarié intégrant des heures supplémentaires tant sur l’année 2017 que sur l’année 2018.
Il demeure que le dépassement conséquent et réitéré de la durée légale maximale hebdomadaire et journalière de travail a occasionné un préjudice certain au salarié qui exerçait une fonction de grutier, et était exposé à ce titre à des risques spécifiques et accrus par la fatigue.
Le non -respect par la société 2M Construction de la durée légale de travail et du droit au repos caractérise un manquement à l’obligation de sécurité par la société utilisatrice justifiant sa condamnation à payer au salarié la somme de 5000 euros de dommages et intérêts, à l’exclusion de toute condamnation de la société d’interim qui démontre avoir appelé la société 2M Construction au strict respect des dispositions légales relatives à la durée du travail par un courrier recommandé du 2 mai 2018 .
La société AC100 qui ne démontre pas un manquement de la société AC 100 à ses obligations contractuelles à son égard sera déboutée de sa demande tendant à être garantie par celle-ci des condamnations prononcées à son encontre.
Sur le travail dissimulé
M.[L] affirme avoir travaillé pour la société 2M Construction au mois d’octobre 2018 sans établissement de contrat de travail ni remise de bulletin de paye.
De fait la société 2M Construction ne conteste pas la réalité de l’activité salariée de M.[L]
à son service en octobre 2018 mais soutient que la poursuite de cette activité s’inscrivait dans le cadre du contrat commercial conclu avec la société d’interim le 3 novembre 2017. Il se déduit du courriel du 24 octobre 2018 que lui a adressé la société d’interim, l’accord de cette dernière pour établir un contrat de mission pour le salarié , mais aussi la demande de règlement des factures en attente à hauteur de 25 197,81 euros ‘Une fois le paiement de ces factures payées, il faudra simplement me communiquer le nombre d’heures que va effectuer M.[L] dans le mois afin que je fasse une facture Proformat pour le mois d’octobre . Une fois les 2 règlements effectués, ma direction me débloquera le contrat de M.[L] pour le mois d’octobre.’
Au vu de ces échanges entre les sociétés utilisatrice et société d’interim et du retard apporté à l’établissement du contrat de mission par la société d’interim dans le contexte des relations commerciales tendues susévoqué , la cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi par la société utilisatrice ne peut être retenu.
M.[L] sera donc débouté de sa demande en ce sens, par confirmation du jugement.
Sur la remise du bulletin de salaire
Au vu du développement qui précède , la société AC100 qui a mis le salarié à disposition de la société utilisatrice en octobre 2018 sera condamnée à remettre au salarié le bulletin de salaire du mois d’octobre 2018 . L’absence de remise en temps utile de ce bulletin de salaire a empêché le salarié de faire valoir pleinement ses droits auprès de Pôle emploi . La société AC 100 sera donc condamnée à verser la somme de 500 euros au salarié à titre de dommages et intérêts.
Le jugement est infirmé en ses dispositions ayant condamné in solidum la société 2M Construction à la remise du bulletin et au paiement de cette indemnité.
Sur les demandes annexes
La société 2 M Construction, partie principalement perdante, supportera les entiers dépens d’appel.
M.[L] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La SARL 2 M Construction sera tenue de lui payer la somme complémentaire de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile en cause d’appel, le jugement étant confirmé en qu’il a condamné cette société au paiement de 3000 euros au titre des frais de première instance.
Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions ayant condamné la société AC 100 in solidum au paiement des frais et dépens de première instance.
La SARL 2 M Construction et la société AC 100 sont déboutées de leur demande formée au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant condamné la SARL 2 M Construction à payer à M.[V] [L] :
.2 153,71 euros bruts à titre d’indemnité de requalification,
.2 153,71 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis,
.215,37 euros à titre d’indemnité de congés payés correspondante
.500 euros au titre du préjudice pour ne pas avoir remis le bulletin de paye du mois d’octobre,
.3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Confirme le jugement déféré en ses dispositions ayant débouté M.[V] [L] de sa demande au titre du travail dissimulé
L’infirme pour le surplus
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant
Condamne la SAS C100 à remettre à M.[V] [L] le bulletin de salaire du mois de d’octobre 2018
Condamne la SAS C100 à payer à M.[V] [L] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts
Condamne la SARL 2 M Construction à payer à M.[V] [L] :
– 2 153,71 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 5 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail et du droit au repos
Rejette le surplus des demandes formées par M.[V] [L] et la SARL 2 M Construction à l’encontre de la SAS AC 100
Dit n’y avoir lieu à allouer à M.[V] [L] une indemnité de congés payés de 215,37 euros
Déboute la SAS AC 100 de sa demande tendant à être garantie des condamnations prononcées à son encontre par la SARL 2 M Construction
Déboute les SAS AC 100Condamne in solidum et SARL 2 M Construction de leurs demandes au titre des frais et dépens
Condamne la SARL 2 M Construction et la SAS AC100 aux entiers dépens d’appel
Condamne in solidum la SARL 2 M Construction et la SAS AC100 à payer à M.[V] [L] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière de chambre.
LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE
C. DELVER S. BLUM »
.