CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07369
CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/07369

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/

FB/FP-D

Rôle N° RG 19/07369 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEG76

[Y] [I]-[P]

C/

SARL DS RECYCLAGE

Copie exécutoire délivrée

le :

08 SEPTEMBRE 2022

à :

Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

Me Cédric CABANES, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARLES en date du 25 Avril 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00174.

APPELANTE

Madame [Y] [I]-[P]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/008709 du 09/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]

représentée par Me François MAIRIN, avocat au barreau de TARASCON

INTIMEE

SARL DS RECYCLAGE Prise en la personne de son représentant légal

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cédric CABANES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Laurence BASTIAS, avocat au barreau D’AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Septembre 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [I]-[P] (la salariée) a été engagée par la SARL DS Recyclage (la société) par contrat à durée déterminée à temps complet au motif d’un accroissement temporaire d’activité, du 20 juillet au 19 octobre 2015 en qualité d’employée administrative, statut employé, niveau II, échelon 1, coefficient 170, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1740, 25 euros pour 169 heures, comprenant 4 heures supplémentaires majorées. Par avenant du 15 octobre 2015 le contrat a été prorogé jusqu’au 19 janvier 2016.

A l’issue la salariée a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée le 20 janvier 2016 aux mêmes fonctions et classification, moyennant un salaire brut de 1768,68 euros pour 169 heures comprenant 17,33 heures supplémentaires majorées.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des industries métallurgiques des Bouches du Rhône et Alpes de Hautes Provence.

A compter du 21 novembre 2016 et jusqu’à la rupture du contrat de travail, la salariée a été placée à plusieurs reprises et sur de longues périodes en arrêt maladie ainsi qu’en congés maternité .

Le 10 janvier 2017 la société lui a notifié un avertissement en ces termes :

‘Le 02 Janvier 2017 vous êtes venu travailler à 7H30, et vous avez dans un premier temps proféré des insultes auprès de Madame [H] [B], envers la Secrétaire de Direction, Madame [E] [J], qui de plus est sa mère, ce qui a beaucoup touché Madame [H] [B], ainsi que Madame [E] [J], et vous êtes ensuite rentrée chez vous. Nous avons reçu peu après un arrêt maladie, en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse.

Depuis, des messages envoyés à Madame [H] [B] font état d’autres insultes envers le

personnel. De plus, profitant de votre absence, certains Clients sont venus se plaindre de votre attitude peu respectueuse envers eux.

Nous vous rappelons de plus, que votre contrat de travail, dans son Article l, fait bien mention que vous êtes chargée de toutes les tâches administratives et comptables de la Société, ainsi que les tâches de secrétariat, et ce sans aucune exclusivité.

Ces faits qui constituent une faute contractuelle, et font subir à I’Entreprise des conséquences

financières importantes, nous amènent donc à vous notifier ici un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel. Si de tels incidents se renouvelaient, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave. Nous souhaitons donc vivement que vous fassiez le nécessaire pour un redressement rapide et durable’.

Par courriers du 1er mars et du 7 mars 2017 la salariée a dénoncé à son employeur des agissements de harcèlement moral.

La salariée a saisi le 21 juillet 2017 le conseil de Prud’hommes d’Arles d’une demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, d’indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, de délivrance sous astreinte des bulletins de paie, d’annulation de l’avertissement du 10 janvier 2017, de dommages et intérêts subséquents, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de dommages et intérêts pour harcèlement moral outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la mise à la charge de l’employeur des dépens.

Par jugement du 25 avril 2019 le conseil de prud’hommes d’Arles a :

– débouté Madame [Y] [I]-[P] de l’intégralité de ses demandes.

– condamné Madame [Y] [I]-[P] à payer à la SARL DS Recyclage la somme d’un euro symbolique en réparation du préjudice subi.

– débouté la SARL DS Recyclage de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par lettre du 21 mai 2019 la société a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave qu’elle a contesté en saisissant le conseil de Prud’hommes d’Arles qui a par jugement du 9 juillet 2020, devenu définitif, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société à des indemnités de rupture.

La salariée a interjeté appel du jugement du 25 avril 2019 par acte du 2 mai 2019 énonçant :

Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués

Appel total porte sur le fait que le Conseil de Prud’hommes d’Arles, section commerce a :

– Débouté Madame [Y] [I]-[P] de l’intégralité de ses demandes.

– Condamné Madame [Y] [I]-[P] à payer à la SARL DS Recyclage la somme d’un euro symbolique en réparation du préjudice subi.

– Débouté la SARL Recyclage de sa demande au titre de l’article 700 du CPC. Madame [Y] [I]-[P] formule les prétentions suivantes qui seront accueillies par la Cour:

Recevoir l’appel de Madame [Y] [I]-[P] comme étant régulier en la forme et juste au fond;

Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau:

Vu les dispositions des articles L1245-1, L 1245-2,

L1242-2 et L1242-12 du Code du Travail;

Prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée signé par les parties le 20 juillet 2015 et de l’avenant du 15 octobre 2015.

En conséquence, condamner la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 1.768,68 € à titre d’indemnité de requalification.

Vu l’article L8221-5 du code du travail:

Constater que Madame [Y] [I]-[P] s’est trouvée dans une situation de travail dissimulé vis à vis de son employeur, la SARL DS Recyclage, eu égard à l’absence de délivrance de bulletins de paie et paiement de cotisations réglées sur divers montants réglés par chèque.

En conséquence, condamner la SARL DS Recyclage:

– A délivrer des bulletins de paie correspondant aux règlements nets effectués, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir;

– Au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages en réparation du préjudice subi, au visa de l’article L1222-1 du code du travail;

Vu les dispositions des articles L1331-1 et L1332-2 du Code du Travail,

Prononcer l’annulation de l’avertissement du 10 janvier 2017.

En conséquence, condamner la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Vu les dispositions de l’article L 1222-1 du Code du Travail,

Condamner la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la concluante du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Vu les dispositions des articles L1152-1 et suivants du Code du travail;

Dire et juger que la concluante a été victime de harcèlement moral.

Condamner la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la concluante du fait du harcèlement moral.

Débouter la SARL DS Recyclage de sa demande reconventionnelle comme étant dénuée de tout fondement;

Condamner la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SARL DS Recyclage aux entiers dépens.’

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 mars 2021 Mme [I]-[P], appelante, demande de :

INFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau:

Vu les dispositions des articles L1245-1, L 1245-2, L1242-2 et L1242-12 du Code du Travail

PRONONCER la requalification du contrat de travail à durée déterminée signé par les parties le 20 juillet 2015 et de l’avenant du 15 octobre 2015.

En conséquence, CONDAMNER la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 1.768,68 € à titre d’indemnité de requalification.

Vu l’article L8221-5 du code du travail:

CONSTATER que Madame [Y] [I]-[P] s’est trouvée dans une situation de travail dissimulé vis à vis de son employeur, la SARL DS Recyclage, eu égard à l’absence de délivrance de bulletins de paie et paiement de cotisations réglées sur divers montants réglés par chèque.

En conséquence, CONDAMNER la SARL DS Recyclage:

– A délivrer des bulletins de paie correspondant aux règlements nets effectués, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;

– Au paiement de la somme de 1.000 € à titre de dommages en réparation du préjudice subi, au visa de l’article L1222-1 du code du travail;

Vu les dispositions des articles L1331-1 et L1332-2 du Code du Travail,

PRONONCER l’annulation de l’avertissement du 10 janvier 2017.

En conséquence, CONDAMNER la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Vu les dispositions de l’article L 1222-1 du Code du Travail,

CONDAMNER la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par 1a concluante du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Vu les dispositions des articles Ll152-1 et suivants du Code du travail;

DIRE ET JUGER que la concluante a été victime de harcèlement moral.

CONDAMNER la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par la concluante du fait du harcèlement moral.

DEBOUTER la SARL DS Recyclage de sa demande reconventionnelle comme étant dénuée de tout fondement;

CONDAMNER la SARL DS Recyclage au paiement de la somme de 2.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la SARL DS Recyclage aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2021 la SARL DS Recyclage, intimée, demande de :

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’ Arles le 16 novembre 2018 en ce qu’il déboute Madame [I]-[P] de l’ensemble de ses demandes.

CONDAMNER Madame [I]-[P] au paiement de la somme de 5 000 € en réparation du préjudice moral subi.

CONDAMNER Madame [I]-[P] au paiement de la somme de 3 000 E au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2022.

SUR CE

Sur la requalification du contrat à durée indéterminée et l’indemnité de requalification

La salariée demande de requalifier le contrat à durée déterminée du 20 juillet 2015 au 19 janvier 2016 en contrat à durée indéterminée et de lui allouer une indemnité de requalification de 1768,68 euros.

La société oppose une fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action en requalification.

1° sur la prescription

L’article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, dispose s’agissant de l’exécution du contrat de travail :

‘ Toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exécuter son droit’.

Le délai de prescription applicable à l’action en requalification en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours énoncé au contrat court à compter du terme du contrat à durée déterminée ou, en cas de contrats à durée déterminée successifs, à compter du terme du dernier contrat.

En l’espèce la société demande de dire la demande en requalification prescrite et donc irrecevable, en ce que la salariée dont le contrat à durée déterminée a été conclu le 20 juillet 2015 a saisi le conseil de Prud’hommes le 27 juillet 2017, soit plus de deux ans après le point de départ du délai de prescription qui courait à compter de la date de conclusion du contrat.

La salariée soutient que la demande est recevable en ce qu’elle disposait d’un délai de deux ans, non pas à compter de la conclusion du contrat à durée déterminée mais de son terme dès lors que l’absence de réalité de l’accroissement temporaire d’activité énoncé au contrat ne pouvait être connu dès sa conclusion.

La cour relève que la salariée a fondé son action en requalification en contrat à durée indéterminée sur un motif d’accroissement d’activité injustifié.

Il s’ensuit que l’action soumise au délai de prescription de deux ans, a couru à compter du 19 janvier 2016 et jusqu’au 19 janvier 2018.

Le salarié ayant introduit sa demande le 21 juillet 2017, celle-ci n’est pas prescrite et la société se trouve donc mal fondée en sa fin de non-recevoir.

En conséquence et en confirmant le jugement déféré qui a statué au fond ce dont il résulte qu’il a implicitement dit la demande recevable, la cour dit que la demande en requalification en contrat à durée indéterminée est recevable.

2° Sur le fond

Selon l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L.1242-2 du même code prévoit qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère, parmi lesquels figure l’accroissement temporaire d’activité.

Il résulte de l’article L.1245-1 du code du travail qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des principes précités.

En cas de litige sur le motif du recours énoncé dans le contrat à durée déterminée, il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.

En l’espèce la salariée fait valoir à l’appui de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée que le motif énoncé, à savoir l’accroissement temporaire d’activité, n’est pas fondé.

La société se limite à relever qu’un contrat à durée indéterminée a été conclu à la suite du contrat à durée déterminée de sorte que la salariée n’a subi aucun préjudice et que l’indemnisation d’un préjudice suppose la démonstration de celui-ci .

Ainsi force est de constater que la société ne produit aucun élément de nature à démontrer la réalité du motif d’accroissement temporaire d’activité énoncé dans le contrat à durée déterminée.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour prononce la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

3° Sur l’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité mise à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

S’agissant du montant de l’indemnité de requalification, il ne peut être inférieur au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction, étant précisé que le salaire s’entend de tous les éléments de la rémunération perçue par le salarié.

En l’espèce le dernier salaire perçu par la salariée s’établit en l’état des bulletins de salaire produits, à la somme de 1 768,68 euros.

Dès lors et compte tenu des circonstances de l’espèce telles qu’elles résultent des pièces produites aux débats, il y a lieu de lui allouer la somme de 1768,68 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 1 768,68 euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur les demandes au titre du travail dissimulé

L’article L.1222-1 du code du travail dispose que ‘le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur pour exécution déloyale du contrat de travail suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En application des articles L8221-5 2° et L8223-1 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie ou de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli et celui-ci ouvre droit pour le salarié à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois le travail dissimulé n’est caractérisé que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des pourboires sur les bulletins de paie.

Le pourboire est une gratification remise par les clients de l’employeur.

Ces pourboires entrent dans l’assiette de calcul des cotisations sociales de l’employeur sauf si ceux-ci sont directement perçus par les salariés ou répartis entre eux selon des modalités ignorées par l’employeur.

En l’espèce la salariée demande la délivrance sous astreinte de bulletins de salaire rectifiés et la condamnation de l’employeur à une somme de 1000 euros de dommages et intérêts en se fondant sur l’article L.1222-1 du code du code du travail, pour le préjudice résultant de la pratique de travail dissimulé de la société en ce que celle-ci lui a remis six chèques ‘correspondant à des paiements de primes ou autres’ qui n’apparaissent pas sur ses fiches de paie.

Elle fait valoir qu’à supposer que ces sommes correspondent à des pourboires, ce que la société ne démontre pas, cette dernière devait faire figurer cet accessoire de salaire, géré par l’employeur, sur les bulletins de salaire et payer les cotisations afférentes de sorte que cette abstention caractérise le travail dissimulé.

La salariée produit de six chèques de la société à l’ordre de la salariée pour des montants de 757,84 euros le 18 décembre 2015, 397,23 euros le 9 janvier 2016, 153,52 euros le 20 août 2016, 90,35 euros le 4 juillet 2016, 80,60 euros le 4 août 2016 et 89,69 euros le 6 décembre 2016 et a annoté à la main sur la copie du chèque du 18 décembre 2015 ‘757,84€ dont 500€ de prime de Noël 2015 , soit 257,84€ de pourboires’, et sur celle du chèque du 9 janvier 2016 : ‘397,23 € dont 200 € de prime exceptionnelle pour idée novatrice sur organisation du travail, soit 197,23 € de pourboires’.

La société s’oppose à la demande en faisant valoir que ces sommes correspondent aux pourboires laissés par la clientèle aux salariés sous forme de surplus de ferraille et métaux que ces derniers ont le droit de collecter et de revendre à leur employeur qui les répertorient sur des ‘bons ferrailles-métaux’ édités par la société.

Elle soutient ainsi que ce système transparent, qui n’est pas centralisé ni réparti par elle-même, dont bénéficient les salariés en revendant eux-même les métaux laissés par les clients, ne peut s’analyser en travail dissimulé.

Elle ajoute que cette pratique ne cause aucun préjudice aux salariés et qu’au surplus la salarié qui a elle-même signé le chèque du 20 août 2016 ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.

La société verse aux débats :

– les attestations de salariés et stagiaires, M. [A], opérateur achat fer et métaux, Mme [T], employée administrative, Mme [C] secrétaire administrative en stage ANPE, M. [Z], stagiaire ANPE, dont il résulte que l’employeur les autorisait à partager et à encaisser les pourboires fer et métaux que leur laissaient les clients ainsi que celle de Mme [L], en formation trois semaines en 2016, qui affirme avoir constaté que plusieurs clients ont donné des métaux en cadeau à la salariée qui se les faisait payer en fin de mois ;

– des documents intitulés dans son bordereau de communication de pièces ‘bons métaux-ferrailles encaissés par Mme [I]-[P]’, à l’entête de la société sous l’appellation ‘Statistiques tiers’ au nom de la salariée répertoriant par nature de matériaux avec leur poids et leur tarification, les sommes versés correspondant aux montants des chèques, à un euro près représentant, selon l’employeur, la déduction du coût du chèque émis.

La cour constate d’abord que la prétention de la salariée s’analyse en une demande indemnitaire pour exécution déloyale du contrat de travail reposant sur un manquement constitué par le travail dissimulé allégué.

Après analyse des pièces du dossier la cour relève ensuite que la société justifie de l’usage d’une pratique consistant à faire bénéficier les salariés de sommes résultant de la revente par eux-même des matériaux remis par des tiers à la relation de travail, ce qui reçoit la qualification de pourboires.

Il résulte des propres pièces de la salariée que celle-ci admet que les chèques litigieux

correspondaient au moins en partie à cette pratique.

Pour le surplus qu’elle n’explicite d’ailleurs pas dans ses écritures, ses pièces se réfèrent à une prime de Noël et une prime ‘exceptionnelle pour idée novatrice sur organisation du travail’ sans qu’aucun élément ne l’étaye et ce qui est contredit par les pièces justificatives produites par la société des montants versés au titre de la revente de métaux.

Il s’ensuit que seul est établi l’absence de déclaration et de soumission aux cotisations sociales des pourboires dont l’employeur, non seulement connaissait les modalités de perception mais contribuait à leur obtention.

Toutefois la cour dit que le seul constat de l’absence de mention sur les bulletins de paie des sommes reçues au titre des pourboires et payées par chèque traçable, ne caractérise pas l’élément intentionnel du travail dissimulé.

Force est de constater que la salariée ne rapporte pas la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé.

Ainsi le manquement n’est pas établi.

Au surplus sur le préjudice la salariée ne produit aucun élément de nature à établir l’étendue ni même l’existence du préjudice dont elle réclame l’indemnisation.

En conséquence, la cour dit que les demandes de dommages et intérêts et de remise sous astreinte des bulletins de paie rectifiés ne sont pas fondées de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il les a rejetées.

Sur la demande d’annulation de l’avertissement et de dommages et intérêts subséquents

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

Aux termes des articles L 1333-1 et L 1333-2 du code du travail, le juge du contrat de travail peut, au vu des éléments que doit fournir l’employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce la salariée demande l’annulation de l’avertissement qui lui a été notifié le 10 janvier 2017 et qui repose sur les faits suivants:

– avoir proféré des insultes le 2 janvier 2017 envers Mme [E], secrétaire de direction et ce, auprès de la fille de celle-ci Melle [H] avant de quitter l’entreprise sans autorisation

– avoir adressé à Melle [H] des messages insultant à l’encontre du personnel

– une attitude peu respectueuse avec des clients ayant donné lieu à des plaintes de ceux-ci.

Elle sollicite le versement de la somme de 1 500 euros de dommages et intérêts pour le préjudice en résultant.

La société conteste les demandes en soutenant que la sanction est justifiée.

Celle-ci produit les pièces suivantes :

– l’attestation de M. [F], salarié opérateur manutentionnaire récupérateur de métaux qui déclare ‘avoir déjà dû mettre en travers de notre secrétaire (Mme [I]-[P] [Y]) entre un client et elle-même du fait de la façon qu’elle l’avait injurié. De plus jour après jour des clients de différents âges venait se plaindre de son comportement, l’entendant insulté nos collègues de travail de fils de pute, de batard et autre insulte’;

– l’attestation de Mme [L], en formation durant trois semaines en 2016, selon laquelle

‘Tout au long de la période Melle [I] [P] [Y] était déjà en froid avec son patron’;

– l’attestation de Melle [H] dont il résulte que selon elle ‘ses parents et collègues de travail ont été bien trop gentil avec elle’, celle-ci ayant ‘profité de leur gentillesse’, ne cherchant par n’importe quel moyen qu’à obtenir de l’argent, allant ‘même aller jusqu’à insulter des enfants en leur souhaitant la mort’;

– un courrier de M. [U] du 2 août 2017 se disant ex-compagnon de la salariée, par lequel

il indique ‘Je tenais à vous informer que mon ex compagne ….m’a dit avant notre séparation qu’elle allait vous faire payer et vous faire chier jusqu’au bout. Je sais que vous ne lui avez rien fait au contraire vous avez toujours été présents pour elle contrairement à tous les mensonges qu’elle profère à votre égard, c’est une personne instable et hystérique si tant est qu’elle n’a pas ce qu’elle veut, elle peut devenir mauvaise, j’en ai fait les frais à plusieurs reprises’;

– un procès-verbal de constat d’huissier du 29 mars 2017 retraçant ses opérations de constat des échanges SMS stockés sur les téléphones utilisés par Mme [E] et Melle [H]

La salariée demande d’écarter ce procès-verbal de constat en ce qu’il constitue un moyen de preuve illicite dès lors que ces messages, qui n’ont pas été échangés avec l’employeur, sont intervenus dans un cadre privé. Toutefois la cour dit que la production de SMS constitue un mode de preuve admissible dès lors que ces messages ne résultent pas d’un enregistrement opéré à l’insu de son auteur.

A l’analyse des éléments ainsi produits, la cour relève d’abord qu’aucun ne démontre les faits du 2 janvier 2017 énoncés dans la lettre d’avertissement ni ceux reposant sur une attitude irrespectueuse envers les clients au vu du manque de précision de la seule attestation de M. [F] tant sur les événements qu’il rapporte que sur la date à laquelle il aurait opéré ces constats.

La cour relève ensuite du constat d’huissier du 29 mars 2017 que :

– la salarié a adressé à Melle [H] le 4 janvier 2017 le message suivant : ‘ Voiture sans papiers c’était niet, des prix ‘! Non demande au patron…j’ai secoué qui je devais secouer et basta… parcontre dis leur tous bien merci, que grâce à eux j’ai perdu ma place, que je leur souhaite de crever comme de la merde ds la misère et leur gamin la bouche pleine de terre .. Que ma rage n’a aucune limite…et que tout se paie un jour….Je te souhaite bien du courage.. Bsx’

– il résulte des échanges entre la salariée et Mme [H] le 3 mars 2017, soit postérieurement à l’avertissement, que cette dernière fait référence à un message antérieurement reçu de la salariée et visant sa mère Mme [E] ‘oui j’ai été choqué que ma mère doive allé niké sa grosse mère la pute’auquel la salariée répond ‘Je ne sais même pas de quoi tu parles’ ce qui avait pourtant donné lieu à des échanges entre la salariée et Mme [E] le 2 janvier 2017, également retranscrits dans le constat, où cette dernière l’interpellait en lui indiquant ‘[Y] je viens d’avoir [V] au téléphone qui vient de me passer ton message d’aller nicker ma mère la pute. Je te remercie du message je pense être ta patronne et non ta copine la prochaine fois dis mois les choses en face ce sera plus simple que de passer par les autres ça confirme bien ton agressivité envers tout le monde’ auquel la salariée avait répondu sans élever de contestation ‘Vous essayez de me niquer la gueule depuis un moment…je suis pas idiote.. Vous n’avez rien à me reprocher…ma grossesse vous emmerde .. Soit… en attendant moi jamais je ne vous ai niqué la gueule moi ….et vous me traitez comme de la merde le moment où j’ai besoin de soutien…vous êtes ignobles… Non effectivement vous n’êtes rien pour moi, on m’avait prévenu…mais je suis trop conne…mon agressivité LOL c’est la monnaie de votre pièce’.

Il s’ensuit que ces éléments établissent que la salariée a bien adressé à plusieurs reprises à Melle [H] des messages contenant des propos insultants à l’encontre de membres de l’entreprise.

La cour dit en conséquence que les faits reposant sur des messages d’insultes sont établis et que l’avertissement est justifié de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation de l’avertissement prononcé par lettre du 10 janvier 2017 et de dommages et intérêts subséquents.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

Tout contrat de travail comporte une obligation de loyauté qui impose à l’employeur d’exécuter le contrat de bonne foi.

La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.

En l’espèce la salariée réclame la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de l’employeur, en ce que celui-ci a fait obstacle à la transmission auprès de la CPAM et de la caisse PRO BTP des documents nécessaires à la perception des indemnités journalières et du complément de salaire.

Pour corroborer la déloyauté qu’elle lui impute, elle fait également état dans ses écritures sans toutefois l’invoquer clairement comme manquement fondant sa prétention, de l’attitude de l’employeur qui s’est immiscé dans sa vie privée.

Elle produit :

– son courrier LRAR dont la date n’est pas mentionnée par lequel la salariée met en demeure l’employeur de lui régler ses ‘indemnités journalières complémentaires dues du dit contrat ‘Prévoyance. Famille. Obsèques auxquelles j’ai droit et dont vous m’êtes redevable depuis le 10 janvier 2017″ en lui rappelant que ces mêmes indemnités complémentaires afférentes à son absence pour maladie du mois de décembre 2016 lui ont été payées avec retard avec un premier versement le 10 janvier et le second le 24 janvier 2017;

– un mail du 23 janvier 2017 de la CPAM au cabinet comptable de la société lui signalant que les différentes attestations adressées concernant sa salariée, en arrêt depuis le 21 novembre 2016, d’abord en congé pathologique de grossesse puis en arrêt maladie, portent deux numéro Siret différents ce qui empêche le traitement de son dossier et l’invitant à lui transmettre une attestation rectificative rapidement ;

– le courrier recommandé que lui a adressé la société le 15 septembre 2017 en réponse à son propre courrier du 29 août 2017 (non produit) ayant trait à des griefs réciproquement invoqués et par lequel l’employeur indique ‘Vous m’accusez de proférer des insultes, accusations et diffamations à votre encontre, alors je vais ce jour m’immiscer dans votre vie privée pour de bon puisque jusque là je m’étais abstenu …’ et relate des épisodes violents, de séparations/réconciliations avec son compagnon M. [U] ;

– l’attestation de Mme [D], voisine de la salariée, qui affirme avoir constaté depuis plusieurs mois ‘un acharnement de coup de klaxon’ le midi et le soir et la présence concomitante de deux véhicules conduits par le personnel de DS Recyclage qui en outre s’arrêtaient devant et derrière le logement de la salariée, la conductrice ciblant celui-ci avec un téléphone portable.

La société conteste tout manquement à son obligation de transmission de l’attestation de salaire et invoque une confusion de la CPAM entre le numéro siret du siège social et de l’établissement de [Localité 2], ce qui a été immédiatement rectifié par le cabinet comptable. Elle fait par ailleurs valoir que la salariée ne démontre aucun préjudice.

La société verse aux débats les arrêts de travail de la salariée, les mails et pièces échangés par le cabinet comptable et la CPAM ainsi que les accusés de dépôt des attestations de salaire et se réfère à un avis à tiers détenteur concernant la salariée pour affirmer que celle-ci ne cherche qu’à ‘battre monnaie’.

A l’analyse des éléments versés aux débats la cour relève que :

– aucun élément n’étaye la réclamation avec mise en demeure de la salariée dans son courrier recommandé concernant le complément de salaire et/ou la prévoyance qu’elle ne reprend pas dans ses écritures;

– la société justifie qu’elle a régulièrement adressé les attestations de salaire dans les jours qui suivent les arrêts et prolongations d’arrêt de travail et qu’elle a adressé le 23 janvier les attestations rectificatives, soit le jour même de la réclamation de la CPAM de sorte que n’est pas établi de manquement de l’employeur à son obligation de transmission des attestations de salaire et que le seul constat d’une erreur de siret par le cabinet comptable n’est pas de nature à caractériser une exécution déloyale du contrat de travail;

– seul le propre courrier de l’employeur contient des éléments relatifs à la vie privée de la salariée mais traduit plus généralement des relations excédant la sphère professionnelle qui ont été entretenus par les parties comme en témoigne d’ailleurs les échanges retranscrits dans le procès-verbal de constat d’huissier.

Au surplus sur le préjudice, la salarié ne produit aucun élément de nature à en établir l’étendue ni même l’existence.

En conséquence, la cour dit qu’aucun manquement n’étant établi, la demande n’est pas fondée de sorte que le jugement déféré est confirmé en ce qu’il l’a rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur rédaction applicable, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible notamment; en cas de litige reposant sur des faits de harcèlement moral, le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l’existence d’un harcèlement; il incombe ensuite à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement; le juge forme alors sa conviction.

Par ailleurs l’article L.1152-4 du code du travail dispose que ‘L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral’

Les obligations issues respectivement des articles L.1152-1 et L.1152-4 sont distinctes et le manquement à l’une ou l’autre de ces obligations légale, cause un préjudice indemnisable.

Pour justifier du respect de ses obligations, l’employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral , a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.

En l’espèce la salariée sollicite le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d’un harcèlement moral.

A l’examen des développements figurant dans ses écritures, la salariée invoque au soutien de sa prétention :

– son courrier recommandé de dénonciation d’agissement de harcèlement moral et de discrimination à raison de sa grossesse du 1er mars 2017 par lequel elle fait état de :

– un isolement et une mise à l’écart depuis l’annonce de sa grossesse en ce qu’elle n’a plus été invitée aux événements familiaux, aux sorties d’entreprise, aux déjeuners du midi ainsi qu’une réaction ayant consisté à lui dire ‘Mais [Y] tu vas fouttre dans la merde avec ta grossesse, tu as des droits maintenant. On a pris une vieille pour pas qu’elle tombe enceinte et tu es enceinte’;

– une convocation le 11 octobre par Mme [E] pour lui reprocher que des clients s’étaient plaints d’elle sans lui en donner les noms l’empêchant donc de se défendre alors que son poste l’amène à refuser des chargements de véhicule qui ne sont pas en règle;

– une décrédibilisation constante par un des employés, M. [R], sur ordre de l’employeur, consistant à accepter les chargements qu’elle avait refusé en la faisant passer pour la ‘méchante’;

– avoir demandé à M. [R] de ne plus adresser la parole;

– lui avoir ‘ordonné de fermer les yeux sur l’absence de procédures administratives obligatoires’;

– une surcharge de travail pour avoir autorisé les absence de complaisance et les retards de sa belle-fille Melle [H];

– des reproches tenant au fait qu’elle était moins impliquée et quittait son travail à l’heure depuis qu’elle avait une famille et qu’elle a refusé de travailler le samedi 10 décembre en remplacement de Melle [H] eu égard au manque de respect dans la manière dont Mme [E] l’avait décidé;

– ne pas avoir été conviée au repas d’entreprise de fin d’année 2016 et ne pas avoir perçu de prime de Noël ;

– l’annonce par Melle [H] le 2 janvier 2017 qu’elle ne devait plus rester dans son bureau ni s’adresser aux clients mais travailler dans le bureau de Mme [E];

– la transmission tardive des attestations de salaire à la CPAM comportant en outre des erreurs ayant retardé son indemnisation ainsi que les retards de paiement du complément de salaire versé par la caisse PRO BTP à l’employeur subrogé;

– ne pas avoir envoyé comme elle le sollicitait par courrier du 31 janvier 2017 la liste des chèques émis à son nom depuis son entrée dans l’entreprise pour les besoins de sa déclaration d’impôts ;

– son courrier recommandé du 7 mars 2017 par lequel la salariée renouvelle sa dénonciation en indiquant ‘Je viens par la présente vous informer du harcèlement et de la pression morale subie par votre employée et belle-fille, Mlle [H] [B].

Le 03 Mars 2017, à la réception de ma Lettre Recommandée avec Accusé de Réception du 02 Mars 2017, où je vous signale le harcèlement professionnel et la discrimination sûbis au sein de votre entreprise depuis l’annonce de ma grossesse; j’ai reçu des sms de Mlle [H] contenants diverses allégations et propos rabaissants, blessants et diffamatoires, n’hésitant pas à utiliser mon enfant pour me blesser.

Egalement des accusations d’insultes à votre personnel, basée sur « une partie » de conversation privée antérieure, qui a été sortie de son contexte et dont le sens a été détourné.

Je ne suis en aucun cas responsable des conséquences des actes de Mlle [H] qui détourne mes propos dans le but de me nuire. Mlle [H] ira jusqu’à me dire d’aller me faire interner.

Je vous demande de faire cesser ces agissements dans les plus brefs délais, qui en plus de m’affecter profondément portent préjudice à ma santé et au bon déroulement de ma grossesse. Art 222-33-2-2 Code Pénal’;

– des SMS insultants de Melle [H] consécutifs à son courrier du 1er mars 2017 (pièce 12) et qui énoncent (SMS du 3 mars 2017 identiques à ceux qui ont fait l’objet du constat d’huissier) :

-‘ On a reçu ton courrier t trop drôle tu clash les gens qui son derrière toi qui t’aide à déménagé a 2 reprise qui prenne ton fils des que tu te bats avec ton mec et ke tu déprime un peu, celle qui ta fait 50 € de courses d que madame été en galère parc kel loue une maison au black et kel a plus d’argent, au final sa m’étonne pas ke ton fils ai eu envie de mourir avec une mère menteuse et istero kom toi, t pas stable et tu le seras jamé, osez dire ke tu faisait mon travail alors que tu es parti parc ke les patrons voulé ke tu prenne ma place et moi la tienne parc ke plein de clients nous ont dit que tu es lunatique et méchante, tu as répercuter tout les problème ke tu avé chez toi sur ton travail et tu la perdu tte seule ton travail…remet toi en question et arrête un peu de mentir pr avoir de l’argent le père de ta fille avé bien raison ya ke l’arent ds ta vi’

– ‘Je crois ke tu as oublié sa…et le reste alors kon ta sorti de la merde à chaque fois, pr ta voiture, pour tout t mec, pour ton fils, pour t courses, pour t chiens et les reste….pour se ki é des déjeuner après tout se ke ta mangé sur notre compte c pas 6€ de croissant chez ramdam par semaine ki à du te foulé et les fringues ke tu m’a donné c parc kavan tété bien foutu et mintnan kta plus aucune forme fallé bien ke tu t’en debarrasse…dixt je ne t rien demander….bref je crois ke t ds un monde parallèle et si tu ve savoir oui j’ai été choqué que ma mère doive allé niké sa grosse mère la pute alors kel a tjr été la pr toi, bref arrête le psy fé toi interné direct’

– son licenciement injustifié pour faute grave notifié consécutivement au jugement ici déféré pour lequel elle produit le jugement du conseil de Prud’hommes du 9 juillet 2020, dont la société n’a pas interjeté appel, ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle conclut en indiquant que ces faits sont à l’origine de la dégradation de son état de santé et produit un certificat établi par Mme [M], psychologue du travail et des organisations, le 10 mars 2017 par lequel celle-ci certifie recevoir la salariée dans son cabinet depuis le mois de février 2017 et affirme que celle-ci ‘subit des pressions psychologiques de la part de son employeur, l’entreprise DS Recyclage. Elle est victime de discrimination sur le lieu de travail du fait de sa maternité. En effet, son employeur lui a interdit en date du 2 janvier 2017 de reprendre son poste de travail initial après une période de maladie et de congés. Les conséquences pour Mme [I]-[P] sont un affect dépressif, des crises d’angoisses et des manifestations physiologiques. Mme [I]-[P] m’informe que depuis qu’elle a notifié par courrier recommandé avec accusé réception à son employeur ces comportements inadaptés, elle a reçu en retour des sms agressifs, blessants et diffamatoires de la part de Mademoiselle [H] employée de l’entreprise DS Recyclage. De ce fait, les crises de Mme [I]-[P] ont augmenté’.

La cour relève qu’à l’appui de sa demande de dommages et intérêts, la salariée invoque à la fois des agissements de harcèlement moral et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en ce qu’il n’a pas prévenu ni ne l’a protégée des agissements de harcèlement moral.

Après analyse des pièces du dossier, la cour constate d’abord la matérialité de deux dénonciations successivement adressées le 1er et le 7 mars 2017 par la salariée à l’employeur pour l’alerter d’agissements de harcèlement moral par lui-même et certains de ses collaborateurs.

La cour relève ensuite que sur les faits ainsi invoqués au titre du harcèlement dans ces courriers du 1er et 7 mars 2017, la salariée ne produit aucun élément visant ceux-ci et de nature à en établir la matérialité, excepté s’agissant de ceux reposant sur :

– une transmission tardive des attestations de salaire à la CPAM comportant en outre des erreurs ayant retardé son indemnisation

– les sms insultants de Melle [H] qu’elle invoque également comme fait autonome.

S’agissant des faits reposant sur les attestations de salaire, comme il été dit ci-dessus seule une erreur portant sur le numéro siret de la société sur les attestations correspondant au mois de décembre 2016 est matériellement établie.

S’agissant des sms de Melle [H], leur matérialité résulte de leur production dont le contenu établit leur caractère outrageant et insultant.

S’agissant du licenciement, la cour, qui doit prendre en considération l’ensemble des faits invoqués quelque soit la date de leur commission dès lors que le contrat n’est pas rompu à cette date, relève qu’est établi le fait reposant sur la décision de licencier la salariée pour faute grave.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la salariée établit la matérialité de trois faits précis, qui pris dans leur ensemble, sont de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’ils auraient pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles notamment d’altérer sa santé physique ou morale.

Sur l’erreur de n° siret dans les deux attestations de salaire du mois de décembre 2016, la société justifie par des éléments objectifs que celle-ci, ponctuelle, commise par le cabinet comptable a été immédiatement corrigée par les mails adressés le jour même à la CPAM de sorte que ce fait ne constitue pas un harcèlement moral.

En revanche sur les sms adressés par Melle [H], la société se borne à dire qu’ils étaient justifiés par la propre teneur des sms que lui avait antérieurement adressé la salariée et qu’ils correspondaient à un désaccord entre deux anciennes amies dont il a d’ailleurs produit l’intégralité des échanges dans le procès-verbal d’huissier.

Ce faisant et quant bien même la salariée avait elle-même recouru à des messages insultants pour lesquels elle a été sanctionnée, l’employeur ne justifie pas par des éléments objectifs que ces sms adressés par une salariée de l’entreprise sont étrangers à un harcèlement moral.

Quant au licenciement pour faute grave, la société se limite à dire qu’il a été requalifié faute de preuve, ce qui à l’évidence écarte tout démonstration par des éléments objectifs que celui-ci est étranger à un harcèlement moral.

En conséquence la société ne prouver pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.

Par ailleurs l’employeur n’allègue ni ne justifie par aucun moyen de mesures de prévention ni qu’ensuite de la réception des courriers du 1er et du 7 mars 2017 il ait mis en oeuvre de quelconques mesures.

En conséquence la salariée est fondée en sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Au vu des éléments qu’elle produit, en particulier le certificat établi par Mme [M], psychologue, dont il ne peut être retenu que les constats rapportés sur l’état psychologique de la salariée qui seuls ressortent de sa compétence, la cour alloue la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société à verser à la salariée la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formée par la société

Les demandes pécuniaires de l’employeur liées à l’exécution d’un contrat de travail sont subordonnées à la démonstration d’une faute lourde du salarié. La faute lourde, qui est ainsi seule susceptible d’engager la responsabilité du salarié, est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, ce qui implique une volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de faits caractérisant une faute dans l’intention de lui nuire, ce qui ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

En l’espèce la société réclame le paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant d’un abus par la salariée de son droit d’expression en ce que celle-ci lui a adressé des courriers mensongers et calomnieux, a proféré des insultes à l’égard de clients et de membres du personnel ainsi que des propos violents et menaçants à leur encontre, ce qui a porté atteinte à l’honneur, la réputation et l’image de la société .

La salariée conteste tout comportement fautif dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Or comme il a été précédemment examiné, la société a sanctionné les propos de la salariée à l’encontre de membres du personnel par un avertissement, de sorte que non seulement ils ne peuvent pas être constitutifs d’une faute lourde mais ils ont déjà été sanctionnés.

Par ailleurs comme il a été précédemment dit, aucun fait à l’encontre de la clientèle n’est établi.

Enfin la société se réfère au courrier de la salariée du 16 septembre 2017 par lequel celle-ci l’informait de sa grossesse et indiquait :

‘Je vous informe également que j’ai pris connaissance des calomnies, ragôts et autres diffamations que vous avez rapporté à mon Banquier, Mr [X], Directeur de mon agence bancaire et également un des banquiers de votre entreprise, vous vous êtes une fois de plus immiscer dans ma vie privée et avez fait en sorte que ma relation cordiale et de confiance avec mon banquier s’amenuise.

Je vous demande encore une fois si après avoir diffamé et calomnié auprès de mon ex conjoint, ce qui aura eu pour conséquence la demande d’une injonction d’éloignement de Mr pour la sécurité de mes enfants et moi même, si vous souhaitez réellement que j’ai de gros problèmes.

De plus, après vous avoir signalé les coups de klaxons insistants en passant devant mon domicile, votre employé Mr [R] [S] en a pris la relève, klaxonnant le matin guère avant 7h30.

Cet acharnement est insupportable.

Je vous demande donc, par la présente, et pour la 4ème fois de cesser de calomnier dans le but de me nuire, de vous imiscer dans ma vie privée et de contenir vos employés’.

En dépit de la teneur agressive du courrier, la cour ne dispose d’aucun élément sur les faits ainsi subjectivement relatés, de sorte que ce seul courrier n’est pas de nature à caractériser une faute lourde.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société ne démontre pas que la salariée a commis une faute lourde susceptible d’engager sa responsabilité.

En outre sur son préjudice, la société ne produit aucun élément de nature à justifier de l’étendue ni même de la réalité du préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 5 000 euros.

En conséquence et en infirmant le jugement déféré, la cour dit que la demande de la société n’est pas fondée et la rejette.

Sur les dispositions accessoires

La cour infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour infirme également le jugement déféré en ce qu’en rejetant l’intégralité des demandes de la salariée, il a rejeté sa demande tendant à mettre les dépens à la charge de la société.

La société, qui succombe au principal, est condamnée aux dépens d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile il est équitable que l’employeur contribue aux frais irrépétibles que la salariée a exposé. La société sera en conséquence condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros pour les frais de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de Mme [I]-[P] en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d’indemnité de requalification,

– rejeté la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral de Mme [I]-[P],

– rejeté les demandes de Mme [I]-[P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de mise à la charge des dépens à la SARL DS Recyclage,

– condamné Mme [I]-[P] à verser un euro de dommages et intérêts à la SARL DS Recyclage pour préjudice moral,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Prononce la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

Condamne la SARL DS Recyclage à verser à Mme [I]-[P] la somme de 1 768,68 euros à titre d’indemnité de requalification,

Condamne la SARL DS Recyclage à verser à Mme [I]-[P] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la SARL DS Recyclage,

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL DS Recyclage à verser à Mme [I]-[P] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel,

Condamne la SARL DS Recyclage à supporter les dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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