COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU08 JUIN 2023
N° 2023/
GM/KV
Rôle N°20/10654
N° Portalis DBVB-V-B7E-BGPBN
[F] [D]
C/
Association PAJE
Copie exécutoire délivrée
le : 08/06/2023
à :
– Me Romain TAFINI, avocat au barreau de GRASSE
– Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nice en date du 06 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 19/00588.
APPELANT
Monsieur [F] [D], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Romain TAFINI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
Association PAJE, sise [Adresse 2]
représentée par Me Emmanuel PARDO, avocat au barreau de NICE,
et par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devantMadame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Juin 2023
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. [F] [D] a été engagé par l’association PAJE par contrat de travail à durée déterminée d’une durée de 12 mois, du 20 juillet 2017 au 19 juillet 2018 , en qualité de veilleur de nuit.
Son contrat de travail à durée déterminée a été renouvelé du 20 juillet 2018 jusqu’au 19 juillet 2019.
ll travaillait à temps complet.
Les relations contractuelles étaient soumises à convention collective nationale dite de l’animation du 28 juin 1988 .
Le salarié a fait l’objet de plusieurs avertissements écrits.
Au dernier état des relations contractuelles, il percevait une rémunération mensuelle brute de base a hauteur de 1 768, 32 euros par mois.
Par lettre recommandée du 19 novembre 2018, l’association Paje a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire avec mise a pied conservatoire.
Par lettre recommandée du 10 décembre 2018, l’employeur a notifié à M. [F] [D] une rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée pour faute grave.
Par requête enregistrée au greffe le 17 juin 2019, M. [F] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir dire que le recours au contrat de travail à durée déterminée était injustifié , que la rupture pour faute grave est dépourvue de tout fondement et en paiement de diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 6 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Nice a :
-dit que le recours au contrat à durée déterminée est justifiée,
-dit que le licenciement est parfaitement justifié en 1’état de fautes graves commises par M. [D] [F],
-débouté M. [F] [D] de l’ensemb1e de ses demandes tant principales que reconventionnelles,
-condamné M. [F] [D] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-mis les dépens à la charge de M. [F] [D]
Par déclaration du 3 novembre 2020, M. [F] [D] a formé un appel dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 novembre 2020, M. [F] [D] demande à la cour de :
-juger que le recours aux contrats de travail à durée déterminée est injustifié et que la relation contractuelle doit être requalifiée en une relation contractuelle à durée indéterminée,
-juger abusive, injustifiée, brutale, vexatoire la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée ,
-juger que l’association PAJE a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles,
en conséquence,
-condamner l’association PAJE au paiement de:
12 716,34 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,
2 000 euros de dommages-intérêts en réparations des manquements commis a ses obligations contractuelles durant l’exécution des contrats de travail à durée déterminée conclu,
1 816,62 euros nets au titre de l’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
2 906,59 euros bruts au titre de la prime de précarité soit,
1 573,96 euros au titre des rappels de salaire pour la période de mise à pied a titre conservatoire du 17 novembre 2018 au 10 décembre 2018,
157,39 euros bruts au titre des conges payés,
1 500 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire ,
2 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,
-mettre les entiers dépens de l’instance à la charge de l’association PAJE.
Sur la contestation de la rupture pour faute grave de son contrat de travail à durée déterminée, l’appelant conteste la réalité des faits fautifs qui lui sont reprochés.
Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un Contrat de travail à durée indéterminée, l’appelant soutient qu’ en cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée
Tel n’est pas le cas en l’espèce.En effet, contrairement à ce qui a été jugé par le conseil de prud’hommes de Nice, la crise migratoire n’a rien d’exceptionnel et dure depuis de très nombreuses années. Le fait que l’accueil des migrants n’est pas l’activité habituelle de l’association ne permet pas de facto de démontrer le caractère justifié du recours au contrat de travail à durée déterminée.
L’association continue depuis plusieurs années et donc bien après le départ de M. [D] d’accueillir de jeunes migrants.Cette activité n’avait donc pas de caractère exceptionnel justifiant le recours a un contrat plaçant un salarié en situation de précarité.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 23 février 2021 , l’association PAJE demande à la cour d’appel de :
-déclarer l’appel de M. [F] [D] infondé,
-confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
-dire que le licenciement de M. [D] est parfaitement justifié, en l’état de fautes graves commises par ce dernier,
-débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire,
-limiter l’indemnité de précarité due, au contrat initial de 12 mois et par là-même, la fixer à la somme de 21 483,80 / 10 = 2 148,38 euros,
-le condamner au paiement de la somme de 4 000 euros en vertu de l’article 700 du code de Procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Sur la validité du contrat de travail à durée déterminée, l’employeur fait valoir que :
– l’association PAJE a, pour activité principale, «de créer, sur le territoire français, des bases sportives, culturelles et sociales afin d’améliorer le cadre de vie des habitants, de favoriser le lien social, le lien intergénérationnel, et d’être un véritable vecteur de cohésion sociale par le développement physique et intellectuel de la personne et par la mise en place de médiation sociale sous toutes ses formes. Elle exerce des activités de formation dans ces domaines. Exercer toutes activités économique, sociales et solidaires rendues nécessaires par les buts et objectifs
de l’association, mener toutes actions d’information, de sensibilisation ou de formation concernant les enfants, adolescents et adultes en situation de vulnérabilité, qu’elle qu’en soit l’origine »,
-il assure, actuellement, une activité qui ne relève pas de son activité normale à savoir l’accueil des migrants en l’état de la crise migratoire que connaît, actuellement, la France et le bassin méditerranéen,
-en l’état de cette tâche non durable et qui ne relève pas de son activité normale, elle a donc été contrainte d’embaucher des salariés qui sont affectés à des lieux d’accueil,
– tel est précisément le cas de la villa Saint-Louis à [Localité 3],
-c’est dans le cadre de cette activité d’accueil de migrants, que M. [D] a été embauché.
Sur la faute grave du salarié à l’origine de la rupture de la relation contractuelle, l’association PAJE avance que les faits tels que décrits par les salariés présents lors de la réunion du 16 novembre 2018, constituent une faute grave. Il a commis des violences physiques et verbales et a prononcé des injures.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes liées à l’exécution du contrat du travail
1-Sur la demande de requalification du contrat de travail
Selon l’article L1242-2 2°du code du travail :Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.
En l’espèce, l’avenant au contrat de travail à durée déterminée mentionne, pour motif de recours, ‘un accroissement d’activité’.
Le salarié remet en cause la réalité de ce motif de recours et il appartient dés lors à l’employeur de rapporter cette preuve.
Il est en effet de principe qu’en cas de litige portant sur le motif du recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.
Par ailleurs, l’accroissement d’activité consiste en une tâche précise et par nature temporaire sans lien durable avec l’activité permanente de l’entreprise.
En l’espèce, pour tenter de prouver la réalité de l’accroissement temporaire d’activité, l’association PAJE indique qu’elle fait actuellement face à une nouvelle activité ne relevant pas de ses statuts et de son activité normale. Elle précise accueillir des migrants en l’état de la crise migratoire que connaît, actuellement, la France et le bassin méditerranéen.
Cependant, l’association PAJE ne corrobore pas suffisamment son affirmation par des pièces objectives qui démontreraient ce surcroît d’activité.
En outre, la cour relève que, contrairement à ce qu’affirme l’association PAJE, son objet n’est pas complètement étranger à l’accueil des migrants.
En effet, selon ses statuts, celle-ci a notamment pour objet de créer, sur le département des Alpes -Maritimes, des bases sportives, culturelles et sociales, afin d’améliorer le cadre de vie des habitants,’ de favoriser le lien social, le lien intergénérationnel, et d’être un véritable vecteur de cohésion sociale par le développement physique et intellectuel de la personne et par la mise en place de médiation sociale sous toutes ses formes.’
Cet objet est défini en des termes relativement généraux et il n’exclut pas l’accueil des migrants dans la mesure où cette mission relève aussi du lien social et de la cohésion sociale.
Les pièces produites par l’employeur ne permettent pas de dire que l’accueil des migrants par l’association ne relève pas des besoins de son activité normale et permanente.
La cour, infirmant le jugement et faisant droit à la demande de l’appelant, requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée.
2-Sur la demande d’indemnité de requalification
L’article L1245-2 du code du travail dispose :Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine.Lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
La cour ayant requalifié le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, le salarié est fondé à solliciter l’indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
La cour infirme le jugement et condamne l’employeur à payer au salarié la somme de 1816, 62 euros au titre de l’indemnité de requalification.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
1-Sur la demande tendant à voir déclarer abusive la rupture
La cour observe d’abord que même si le salarié lui a demandé de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, celui-ci continue à contester la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminé et ne sollicite pas la requalification de cette rupture en un licenciement.
Dés lors, la cour doit examiner la faute grave invoquée par l’employeur au soutien de la rupture anticipée pour faute grave qu’il a prononcée.
La lettre de licenciement du 10 décembre 2018 est rédigée ainsi : ‘Je fais suite a notre entretien tenu le lundi 03/12/2018 a 10 heures, avec M. [O], directeur de l’association, et Madame [R], responsable des Ressources Humaines, et vous informons de notre décision de rompre votre contrat de travail a durée déterminée pour les motifs graves suivants :
Lors de la réunion du 16 novembre 2018, en présence de plusieurs salariés et responsables de
l’association vous avez tenu des propos aussi mensongers que violents a l’égard du directeur
de l’association, Monsieur [O], notamment en le traitant de menteur et d’ homme
sans parole .
A cette occasion vous avez, également, proféré des insultes A l’égard du directeur, d’une part,
en le traitant de mythomane et de bougnoule et a l’égard de votre chef de service,Madame [W], d’autre part, en la traitant de bougnoule ;
Vous avez aussi, lors de cette réunion, non seulement agressé verbalement le directeur mais
I’avez aussi agressé physiquement en Ie bousculant et en l’agrippant violemment et ce afin
de faire pression sur sa personne ;
L’ensemble de ces comportements constituant, par ailleurs, une situation d’insubordination
portant préjudice a l’association.Au cours de |’entretien du 3/12/2018, nous avons évoqué les motifs de l’éventuelle rupture de votre contrat de travail mais vous n’avez pas souhaité émettre de commentaires.Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible.La rupture de votre contrat de travail prend donc effet immédiatement, sans indemnité.’
L’article L1243-1 du code du travail dispose :Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.Lorsqu’il est conclu en application du 6° de l’article L. 1242-2, le contrat de travail à durée déterminée peut, en outre, être rompu par l’une ou l’autre partie, pour un motif réel et sérieux, dix-huit mois après sa conclusion puis à la date anniversaire de sa conclusion.
L’article L1332-1 du même code ajoute : Aucune sanction ne peut être prise à l’encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui.
Il est de principe que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. De plus, la preuve du comportement du salarié incombe à l’employeur.
En l’espèce, le salarié contestant la faute grave reprochée par l’employeur lors de la notification de la rupture le 10 décembre 2018, la cour doit examiner si ce dernier en rapporte la preuve.
La lettre de rupture anticipée du contrat de travail fixe les griefs retenus contre le salarié en application de l’article L 1332-1 du code du travail.
Ainsi, pour examiner le bien-fondé de la rupture anticipée du contrat de travail, la cour doit uniquement se référer aux seuls griefs formulés par l’employeur dans la lettre de rupture du 16 novembre 2018.
La lettre de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée reproche au salarié son comportement lors d’une réunion du 16 novembre 2018 en ces termes : ‘ en présence de plusieurs salariés et responsables de l’association vous avez tenu des propos aussi mensongers que violent à l’égard du directeur de l’association, M. [O], notamment en le traitant de « menteur » et d’« homme sans parole, à cette occasion, vous avez, également, proféré des insultes à l’égard du directeur, d’une part, en le traitant de « mythomane » et de « bougnoule et à l’égard de votre chef de service, Mme [W] , d’autre part, en la traitant de bougnoule, Vous avez aussi , lors de cette réunion, non seulement agressé verbalement le directeur mais l’avez aussi agressé physiquement en le bousculant et en l’agrippant violemment et ce afin de faire pression sur sa personne ; l’ensemble de ces comportements constituant , par ailleurs, une situation d’insubordination portant préjudice à l’association’.
Pour étayer ces différents griefs, l’employeur produit tout d’abord plusieurs attestations précises et détaillées de salarié ayant assisté aux faits du 16 novembre 2018.
Dans son attestation du 17 novembre 2018, M. [B] [E], collègue du salarié, indique: ‘A 15H30, [F] sort de son entretien individuel en criant : Je ne suis pas une balance en rentrant en réunion il rajoute : Tu vas avoir des problèmes [B]. Il frappa le mur d’un coup de poing et dit : Vous ne me connaissez pas. A 16H45 lors de la réunion, [F] semblant être très énervé il a insulté à plusieurs reprises M. [O] [U] bougnoule, escroc, menteur. Il a aussi mis sa main sur l’épaule du directeur avec un air menaçant. Le directeur lui demanda de quitter les lieux [F] sortit en insultant le directeur et en le menaçant. En sortant [F] insulta le directeur jusqu’à aller à sa voiture (…)’.
Le salarié fait valoir que ce témoignage devrait être écarté des débats, parce que son auteur aurait commis deux fautes graves dénoncées par lui. Toutefois, ce n’est pas parce qu’il existe un contentieux entre ces deux personnes , dont les détails ne sont de toutes les façons pas connus, qu’il faudrait écarter cette attestation. Au demeurant, ce témoignage concorde avec les autres éléments de preuve et notamment les autres attestations.
Dans son attestation du 22 novembre 2018, M. [M] [Z] énonce : ‘Le 16 novembre 2018 lors de la réunion avec le directeur [F] était très énervé . [F] a insulté à plusieurs reprises le directeur : bougnoule menteur dictateur. [F] était dans la provocation [F] a tapé sur l’épaule du directeur (…)’
Dans son attestation du 24 janvier 2019, M. [S], veilleur de nuit, affirme : ‘Lors de la réunion avec le chef de service et le directeur le 16 novembre 2018 vers 16H45. J’ait été témoin de l’agression verbale et physique de M. [F] [D] envers le directeur (…) Je constate lors de cette réunion mon collègue était excité et pas dans son état habituel. Il a aussi insulté le directeur (…) De bougnoule et dictateur’.
Outre ces attestations précises, l’employeur produit également les procès-verbaux de plainte du directeur M. [O] et de la chef de service, lesquels corroborent le déroulement des faits tel que décrit par les témoins.
Dans son dépôt de plainte du 20 novembre 2018, la chef de service affirme notamment:'(…) À la fin de cet entretien individuel où il a été menaçant envers moi (…) Il a eu un comportement menaçant (…) À un moment donné il a traité le directeur de dictateur (…) Il a dit au directeur : de toutes les façons, tu n’est rien. Après il s’en est pris à moi, il m’a traité de raciste, il m’a intimidé (…) M. [F] [D] a tenté de me provoquer mais sans succès. Après, il s’en est pris au directeur en nous traitant de bougnoules. M. [D] [F] a poussé le directeur au niveau de l’épaule et il l’a agrippé au bras gauche (…) Je tiens à vous préciser qu’il n’y a pas eu de violences de la part du directeur (…)’.
Le dépôt de plainte du 16 novembre 2018, du directeur de l’association PAJE, confirme les récits précédents. Il indique notamment : ‘lors de cette réunion, M. [D] s’est montré très insultant vis-à-vis de sa chef de service (…)’.
Ces pièces précises et objectives établissent les violences verbales et à caractère raciste du salarié à l’égard de son directeur ainsi que le contact physique intimidant qu’il a eu avec ce dernier. En outre, il est démontré que c’est le salarié qui est à l’origine de ce climat agressif et très tendu . Ce dernier a tenté de provoquer son directeur.
La réaction du salarié est allée bien au delà du simple usage de sa liberté d’expression suite à l’entretien qu’il a eu avec le directeur.
Les faits reprochés rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et sont constitutifs d’une faute grave.
Ils justifiaient le prononcé par l’employeur de la rupture anticipée pour faute grave sans qu’il soit nécessaire d’examiner le passif disciplinaire du salarié, au demeurant non évoqué dans la lettre de rupture.
La cour, confirmant le jugement et y ajoutant, dit que la rupture était justifiée en l’état des fautes graves commises par M. [F] [D].
2-Sur les demandes financières en lien avec une rupture injustifiée
La cour, qui a considéré que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée n’était pas injustifiée, ne peut que rejeter les demandes du salarié en lien avec une rupture injustifiée : les demandes de dommages-intérêts pour rupture anticipée injustifiée, de prime de précarité, de paiement des salaires non perçus durant la période de mise à pied conservatoire.
Le jugement est confirmé.
3-Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire
En l’espèce, le salarié ne justifie pas de circonstances vexatoires ayant entouré la rupture du contrat de travail qui pourraient justifier une indemnisation complémentaire.
Confirmant le jugement, la cour rejette la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire.
4-Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
L’article L1222-1 du code du travail dispose : Le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Le salarié affirme que l’employeur lui a imposé d’exercer la mission de chauffeur et d’aller chercher des mineurs auprès de la police aux frontières. Ce dernier, qui ne le conteste pas sérieusement, a commis un manquement . En effet, le contrat de travail prévoyait pourtant que M [F] [D] était engagé en qualité de veilleur de nuit, ce qui est complètement différent.
L’employeur ne conteste pas davantage que le lieu de travail du salarié n’était pas équipé de lumières ni de chauffage alors même que ce dernier a travaillé durant deux années complètes pour lui.
Enfin, l’association PAJE n’établit nullement qu’elle a permis au salarié de bénéficier des temps de pause prévus par l’article 1.2 du règlement intérieur.
Après analyse des pièces parcellaires produites sur le préjudice ayant résulté de ces manquements, la cour condamne l’employeur à payer au salarié la somme de 800 euros de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code procédure civile, l’association PAJE sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 000 euros.
L’association PAJE est déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
-confirme le jugement en ce qu’il :
dit que la rupture était justifiée en l’état des fautes graves commises par M. [F] [D],
rejette les demandes de M. [F] [D] des de dommages-intérêts pour rupture anticipée injustifiée, de prime de précarité, de paiement des salaires non perçus durant la période de mise à pied conservatoire,
rejette la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire,
-infirme le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
-requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée,
-condamne l’association PAJE à payer à M. [F] [D] :
1816, 62 euros au titre de l’indemnité de requalification,
800 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,
y ajoutant,
-condamne l’association PAJE à payer à M. [F] [D] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamne l’association PAJE aux entiers dépens,
-rejette le surplus des demandes.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an susdits.
LE GREFFIER LE PRESIDENT