CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02643
CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/02643

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°347

N° RG 19/02643 et 19/02647 joints –

N° Portalis DBVL-V-B7D-PWWO

M. [M] [G]

C/

– SA KUHN-HUARD

– SA SYNERGIE

Jonction et infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 31 Mars 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [N] [S], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [M] [G]

né le 12 juin 1975 à [Localité 6] (50)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Florine GALLOUEDEC substituant à l’audience Me Elsa DIETENBECK de la SCP HUCHET – DIETENBECK, Avocats au Barreau de RENNES

INTIMÉES :

La SA KUHN-HUARD prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Noëlie GOURDON, Avocat au Barreau de RENNES substituant à l’audience Me Bertrand SALMON de la SELARL CVS, Avocat au Barreau de NANTES

…/…

La SA SYNERGIE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 5]

Ayant Me Grégory NAUD de la SELARL AVOXA NANTES, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Sur la période du 4 juillet 2011 au 13 juillet 2016, M. [M] [G] a été mis à la disposition de la SA KUHN-HUARD, en qualité de monteur, dans le cadre de plusieurs contrats d’intérim conclus avec l’entreprise de travail temporaire SA SYNERGIE, les relations contractuelles étant régies par la Convention collective nationale du travail temporaire et des personnels intérimaires pour la SA SYNERGIE et la Convention collective nationale de la métallurgie pour la SA KUHN-HUARD.

En novembre 2016, M. [M] [G] a refusé une nouvelle mission d’intérim au sein de cette même entreprise pour suivre une formation avec CAP EMPLOI.

Le 5 janvier 2017, M. [M] [G] a adressé un courrier à la direction des ressources humaines de la SA KUHN-HUARD et a demandé une requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée.

Le 3 février 2017, la SA KUHN-HUARD a refusé de donner suite à sa demande.

Le 23 janvier 2018, M. [M] [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes aux fins de :

‘ Requalifier les contrats de missions temporaires en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat de mission du 4 juillet 2011,

‘ Constater le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Fixer le salaire de référence à 3.058,35 €,

‘ Condamner les SA KUHN-HUARD et SA SYNERGIE in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, au paiement des sommes suivantes :

– 3.196,72 € à titre d’indemnité de requalification,

– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.058,25 € à titre d’indemnité légale de licenciernent,

– 6.116,70 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 611,67 € au titre des congés payés sur préavis,

– 50.156,93 € à titre de rappel de salaire,

– 5.015,69 € au titre des congés payés afférents,

– 5.000 € à titre d’indemnité pour mauvaise foi de l’entreprise,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Enjoindre à la SA KUHN-HUARD de justifier du montant des primes de participation et d’intéressement dues à compter du 4 juillet 2011,

‘ Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le 5 décembre 2017, faisant droit à l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la SA KHUN-HUARD, le bureau de conciliation du Conseil de Prud’hommes de Rennes a ordonné le renvoi de l’affaire devant le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes de Nantes pour y être jugé.

La cour est saisie de deux appels régulièrement formés le 19 avril 2019 par M. [M] [G] contre le jugement du 15 mars 2019 notifié le 23 mars 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que la demande de M. [M] [G] de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’encontre de la SA KUHN-HUARD est infondée,

‘ Débouté M. [M] [G] de la totalité de ses demandes,

‘ Débouté la SA KUHN-HUARD de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

‘ Mis hors de cause la SA SYNERGIE,

‘ Dit n’y avoir pas lieu à exécution provisoire,

‘ Condamné M. [M] [G] aux dépens éventuels.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 juillet 2019, suivant lesquelles M. [M] [G] demande à la cour de :

‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit que sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’encontre de la SA KUHN-HUARD est infondée,

– Débouté M. [M] [G] de la totalité de ses demandes,

Et statuant à nouveau,

‘ Requalifier les contrats de missions temporaires en contrat à durée indéterminée à compter du premier contrat de mission du 4 juillet 2011,

‘ Dire que la cessation de la relation contractuelle doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Fixer le salaire de référence à 3.058,35 €,

‘ Condamner les SA KUHN-HUARD et SA SYNERGIE in solidum, ou l’une à défaut de l’autre, au paiement des sommes suivantes :

– 3.196,72 € à titre d’indemnité de requalification,

– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.058,25 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 6.116,70 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 611,67 € au titre des congés payés sur préavis,

– 50.156,93 € à titre de rappel de salaire,

– 5.015,69 € au titre des congés payés afférents,

– 5.000 € à titre d’indemnité pour mauvaise foi de l’entreprise (exécution déloyale),

– 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

‘ Enjoindre à la SA KUHN-HUARD de justifier du montant des primes de participation et d’intéressement dues à compter du 4 juillet 2011 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir et la condamner in solidum avec la SA SYNERGIE ou l’une à défaut de l’autre au paiement de ces primes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 octobre 2019, suivant lesquelles la SA KUHN-HUARD demande à la cour de :

A titre principal,

‘ Dire infondée la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’encontre de la SA KUHN-HUARD,

‘ Débouter M. [M] [G] de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

‘ Dire que la demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur le non-respect des délais de carence et ses éventuelles conséquences financières sont inopposables à la SA KUHN-HUARD et écarter sa condamnation en cas de constatation de manquements sur ce point de la SA SYNERGIE,

‘ Constater le caractère injustifié et disproportionné des demandes de M. [M] [G],

‘ Dire que les condamnations, si elles sont prononcées, le seront uniquement à l’encontre de la SA SYNERGIE,

En tout état de cause,

‘ Condamner M. [M] [G] à verser à la SA KUHN-HUARD une somme de 2.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 février 2022, suivant lesquelles la SA SYNERGIE demande à la cour de :

‘ Confirmer en tous points le jugement entrepris,

‘ Condamner M. [M] [G] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Les ordonnances de clôture ont été prononcées le 17 mars 2022 et reportées au 22 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire :

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

Par ailleurs, la cour étant saisie de deux appels enregistrées sous les numéros RG 19/02643 et 19/02646, il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de prononcer leur jonction sous le numéro RG 19/02643.

Sur la relation contractuelle :

* Quant à la demande de requalification du contrat :

Pour infirmation et requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée, M. [M] [G] soutient que son affectation au sein de la SA KUHN-HUARD était destiné à faire face à un besoin structurel en main d »uvre à plusieurs titres, en particulier en raison de la succession de contrats, du motif du recours et du non-respect des délais de carence.

M. [M] [G] entend faire observer qu’il occupait un emploi de monteur correspondant à l’activité normale et permanente de la société et qu’à ce titre la notion de poste occupé est inopérante, que la seule interruption conséquente de mission correspond aux conséquences de sa chute de vélo tout terrain et que le non respect du délai de carence engage également la société d’interim.

La SA KUHN-HUARD rétorque que les contrats de travail temporaire de M. [M] [G] ne peuvent être requalifiés en contrat à durée indéterminée dès lors qu’ils ont été conclus de manière discontinus pour faire face à des surcroîts d’activité liés à des fluctuations en lien avec le caractère saisonnier de la demande et de la nécessité d’y répondre rapidement, sans aucune prévisibilité, que les missions du salarié qui a occupé deux postes différents se sont déroulées de manière discontinue et que le non respect des délais de carence ne peut avoir pour conséquence leur requalification, la sanction ne pouvant être prononcée à ce titre que contre la SA SYNERGIE.

La SA SYNERGIE demande à titre principal à être mise hors de cause et à titre subsidiaire le débouté du salarié de sa demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, infondée dès lors que les conditions de recours au prêt de main d’oeuvre ont été respectées, que la requalification ne peut être prononcée que contre la société utilisatrice, que la société utilisatrice justifie du caractère temporaire de l’accroissement d’activité justifiant le recours à l’intérim, du fait du caractère cyclique de l’activité, tributaire du marché mondial et de la saisonnalité et de la nécessité de répondre dans des délais très courts.

La SA SYNERGIE indique par ailleurs que la distinction opérée par le salarié entre poste et emploi est indifférente, que les contrats de mission ont connu des interruptions plus importantes que ce que soutient le salarié et pas du seul fait de son accident de vélo et que le non respect occasionnel du délai de carence ne peut justifier la requalification demandée.

Selon l’article L.1242-1 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère.

D’autre part, l’article 1242-12 du Code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le contrat de travail temporaire est défini par l’article L.1251-1 du même code comme ayant pour objet la mise à disposition d’un salarié par une entreprise de travail temporaire au bénéfice d’un client utilisateur pour l’exécution d’une mission.

Selon l’article L.1251-5 du code précité, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

Il en résulte que même si les contrats de mission successifs mentionnent un motif de recours qui est exact, le salarié peut demander la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée lorsque ses missions ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

L’article L.1251-40 du Code du travail dans sa version applicable au litige dispose ainsi que lorsqu’un utilisateur a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L.1251-5 à L.1251-7, ce salarié peut faire valoir auprès de l’utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission.

Par ailleurs, un poste de travail se définit comme l’ensemble des tâches et des activités attribuées à un individu au sein d’une entreprise spécifique. Correspondant à une situation individuelle au travail, le poste est caractérisé par un contenu de travail, un lieu dédié, un temps donné et une rémunération.

L’emploi correspond à un ensemble de postes de travail semblables très proches par leurs finalités et leurs activités, de sorte qu’un emploi regroupe des postes qui exigent des compétences similaires.

En application de l’article L 1245-2 du Code du Travail, lorsque le juge fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En l’espèce, il est établi que M. [M] [G] a été mis à disposition dans le cadre de contrats de missions successifs en 2011pendant quatre mois pour occuper un emploi de monteur afin d’exécuter des travaux de montage de charrues et divers travaux de manutention, au motif d’un accroissement temporaire d’activité lié aux commandes de charrues saison CIS à livrer dans les délais.

M. [G] a ensuite été mis à disposition en 2012 pendant sept mois et demi pour occuper un emploi de monteur afin d’exécuter des travaux de montage de charrues et divers travaux de manutention, au motif d’un accroissement temporaire d’activité lié aux commandes de charrues et APS à livrer dans les délais impartis pour divers pays de l’Europe.

Il est établi qu’entre le 14 septembre 2012 et le 2 janvier 2014 M. [M] [G] n’a pas été mis à la disposition de la SA KHUN-HUARD par la SA SYNERGIE, du fait d’arrêts de travail successifs consécutifs à une fracture de la cheville, le déficit fonctionnel de l’intéressé décroissant du 13 décembre 2012 de – 50% à -10 % à compter du 14 septembre 2013, en passant par un déficit de -25% entre les deux dates précitées.

L’examen des bulletins de salaire de l’année 2014 démontre que M. [M] [G] a été mis à disposition pendant 7 mois et demi pour occuper un emploi de monteur afin d’exécuter des travaux de montage de semoirs et divers travaux de manutention du 2 janvier 2014 au 14 avril 2014 et pour exécuter des travaux de montage de charrues et divers travaux de manutention à compter du 14 avril 2014.

L’examen des bulletins de salaire de l’année 2015 permet de constater que M. [M] [G] a été mis à disposition pendant 6 mois et demi pour occuper un emploi de monteur afin d’exécuter des travaux de montage de charrues et divers travaux de manutention.

Il résulte de ces développements qu’abstraction faite de la période pendant laquelle il a été en arrêt de travail, M. [M] [G] a occupé durablement pendant les différentes périodes de mise à disposition, et de manière quasi-continue, un emploi de monteur lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice et ce, sans que cette dernière soit fondée à invoquer la saisonnalité de son activité, dès lors qu’il ne s’est jamais agi d’une mise à disposition pour occuper un emploi saisonnier et qu’il lui appartenait de mettre en oeuvre un dispositif d’organisation et d’aménagement du temps de travail pour prendre en compte les aspects cycliques de sa production, étant relevé que le tableau de variation de production invoqué à ce titre n’apparaît pas significatif, y compris en ce qui concerne l’absence de prévisibilité alléguée.

Il y a lieu dans ces conditions d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de prononcer la requalification des missions d’intérim de M. [M] [G] en contrat à durée indéterminée à compter du 4 juillet 2011 et d’allouer à M. [M] [G] la somme de 3.196,72 € à titre d’indemnité de requalification en application de l’article L 1245-2 du Code du Travail, sans qu’il y ait lieu d’imputer de manquement à ce titre à la SA SYNERGIE qui doit être mise hors de cause, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

* Quant au rappel de salaire :

Aux termes de l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En outre, par application des articles L. 3245-1 du code du travail et 2222 du code civil ainsi que de l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le délai de prescription de trois ans fixé par la loi du 14 juin 2013 ne s’applique qu’à compter de la date de sa promulgation sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq années.

En l’espèce, la saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 23 juin 2018 le délai de prescription de cinq ans dont aurait pu se prévaloir l’intéressé était échu depuis le 14 juin 2018, de sorte que l’intéressé n’est recevable pas à réclamer un rappel de salaire pour la période antérieure au 23 juin 2015.

Cependant, ainsi que le soutient l’employeur, le salarié ne justifie pas s’être maintenu à la disposition de son employeur lors des périodes inter-contrats. Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté des demandes formulées à ce titre.

* Quant à l’exécution déloyale du contrat de travail :

Pour infirmation et condamnation de son employeur à ce titre, le salarié fait valoir que la société ne s’est pas astreinte à veiller au respect de ses droits, en s’affranchissant de manière systématique du respect du délai de carence.

La SA KHUN-HUARD réfute l’argumentation du salarié, arguant de l’absence de justification de son préjudice et faisant état de ses écrits contradictoires, de sa mauvaise foi à plusieurs titres, de la production de pièces sans rapport avec le litige et de l’absence de pénibilité du poste occupé ainsi que de sa compatibilité avec son état de santé.

La SA SYNERGIE fait valoir que le salarié ne fait pas la démonstration du préjudice dont il demande réparation qui de surcroît fait déjà d’une demande de réparation au titre de la requalification de son contrat de travail.

En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.

Nonobstant le caractère contradictoire de l’argumentation de la SA SYNERGIE concernant le délai de carence et l’absence de réponse de la SA KHUN-HUARD à l’égard de l’argument du salarié, il appert que ce dernier ne développe aucun argument permettant de justifier d’un préjudice distinct de ceux par ailleurs indemnisés.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre.

* Quant à la rupture du contrat de travail et à ses conséquences :

L’employeur ne justifiant la rupture du contrat que par la seule échéance de son terme prétendu, cette rupture ne peut, en l’absence de lettre en énonçant les motifs, qu’être analysée en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la circonstance que le salarié n’ait pas donné suite à des propositions de missions ultérieures étant à cet égard indifférent.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’effectif du personnel de l’entreprise, de la perte d’une ancienneté de 5 ans pour un salarié âgé de 41 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l’article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l’article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l’ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s’il a commis une faute grave, ou si l’inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu’il est dit au dispositif, calculées sur la base de la moyenne des salaires brut des trois derniers mois de salaire, arrêtée à la somme de 2.558,40 € et d’une ancienneté de cinq ans.

Sur les autres demandes :

* Quant à l’injonction de justifier du montant des primes de participation et d’intéressement dues :

Invoquant le principe d’égalité de traitement, M. [M] [G] demande à la cour d’enjoindre à la SA KHUN-HUARD de justifier de tout élément permettant d’en déterminer le montant à son bénéfice.

La SA KHUN-HUARD expose que le salarié ne peut réclamer lesdites primes qu’à l’encontre de la société d’intérim et ce, dans la limite de la prescription, qu’il n’y a pas d’accord de ce type en son sein et que la demande n’est pas chiffrée, de sorte qu’il ne peut y être fait droit.

La SA SYNERGIE rétorque que la salarié a déjà perçu des primes d’intéressement et de participation en 2011 et 2015 et ne peut du fait de la prescription réclamer de sommes à ce titre antérieurement à juillet 2013.

Si l’employeur peut librement déterminer des rémunérations différentes et accorder des avantages particuliers en fonction des compétences et capacités de chacun de ses salariés, à la condition que les règles déterminant l’octroi de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables, il est tenu, en application de l’article L.3221-2 du Code du Travail, d’assurer l’égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique pour un même travail ou un travail de valeur égale.

En l’espèce, du fait de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, la SA KHUN-HUARD ne peut soutenir qu’elle n’est pas concernée par la demande du salarié et procéder par affirmation en soutenant qu’il n’existe aucun accord d’intéressement ou de participation en son sein.

Il y a lieu en conséquence d’enjoindre à la SA KHUN-HUARD de justifier et de produire les accords collectifs relatifs à l’intéressement et la participation signés au sein de l’entreprise depuis le 22 juillet 2013 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

En revanche, la demande étant indéterminée, il ne peut être fait droit à la demande de condamnation au paiement de ces primes, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

* Quant au remboursement ASSEDIC

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d’application de l’article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l’espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l’employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu’il est dit au dispositif ;

* Quant à la demande de condamnation de la SA SYNERGIE :

Sans autrement développer son argumentation sur ce point qu’en soutenant que rien n’interdit de condamner l’entreprise d’intérim en cas de non respect des conditions autorisant le prêt de main d’oeuvre, la SA KHUN-HUARD demande que le paiement des sommes allouées au salarié soit mises à la charge de la SA SYNERGIE. Ladite société étant mise hors de cause, il y a lieu de débouter la SA KHUN-HUARD de la demande formulée à ce titre.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’appelant des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.

La SA SYNERGIE dirigeant exclusivement sa demande à ce titre à l’encontre de M. [M] [G], il y a lieu de la débouter de la demande formulée à ce titre, quand bien même elle a été mise hors de la cause à laquelle elle avait été appelée par la SA KHUN-HUARD.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 19/02643 et 19/02647 sous le numéro RG 19/02643.

INFIRME partiellement le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

PRONONCE la requalification des missions d’intérim de M. [M] [G] en contrat à durée indéterminée à compter du 4 juillet 2011,

DÉCLARE le licenciement de M. [M] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA KHUN-HUARD à payer à M. [M] [G] :

– 3.196,72 € à titre d’indemnité de requalification,

– 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 5.016,80 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 501,68 € au titre des congés afférents ;

– 2.558,40 € net à titre d’indemnité légale de licenciement ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SA KHUN-HUARD à payer à M. [M] [G] 2.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA KHUN-HUARD de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SA KHUN-HUARD à l’organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [M] [G] dans les limites de quatre mois en application de l’article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SA KHUN-HUARD aux entiers dépens de première instance et d’appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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