CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03660
CDD pour accroissement d’activité : décision du 8 février 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/03660

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 FEVRIER 2024

N° RG 21/03660 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U4OM

AFFAIRE :

[N] [D] [O]

C/

S.A.S.U. SUZOHAPP FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Novembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 19/00356

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me [X] [E] de

la SELARL LF AVOCATS

Me Martine DUPUIS de

la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [N] [K]

née le 02 Décembre 1972 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jacques DE TONQUÉDEC de la SELARL LF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S.U. SUZOHAPP FRANCE

N° SIRET : 439 51 8 7 21

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – substitué par Me Sybille BOUESSEL DE BOURG avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 20 août 2002, Mme [N] [D], épouse [O] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’assistante commerciale, par la société Laurel NGZ, aux droits de laquelle vient désormais la S.A.S.Suzohapp France, qui est spécialisée dans la conception de logiciels et de matériels permettant le traitement des espèces, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale du commerce de gros.

En dernier lieu, Mme [N] [D] occupait les fonctions d’assistante de direction, statut technicien’agent de maîtrise.

Convoquée le 9 octobre 2019 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 21 octobre suivant, Mme [N] [D] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle de telle sorte que son contrat de travail était rompu le 12 novembre 2019 pour motif économique.

La lettre d’information relative au dispositif du CSP est ainsi rédigée :

« Madame,

Vous avez été convoquée à un entretien préalable par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 9 octobre 2019, reçue le 11 octobre 2019.

L’entretien préalable s’est tenu ce jour en présence de Monsieur [A] [L], en sa qualité de Country Manager et de Monsieur [Y] [J], en sa qualité de VP Finance EMEA

Conformément aux dispositions de l’article L1233-66 du code du travail, nous vous prions de bien vouloir trouver sous ce pli les éléments d’information et d’adhésion relatifs au dispositif du contrat de sécurisation professionnelle (ci-après « CSPM).

Outre le dossier d’information qui vous est remis ce jour, nous vous prions de bien vouloir trouver ci-dessous l’exposé des motifs (1) qui nous conduisent à vous proposer le dispositif du CSP (2), que nous avons exposés au cours de l’entretien de ce jour, et ce afin de vous éclairer dans votre choix d’y adhérer ou de le refuser.

1. Exposé du motif économique nous conduisant a vous proposer le CSP

1.1 Comme vous le savez, le groupe Suzohapp (ci-après le « Groupe »), leader sur le secteur de la monétique, fournit des logiciels et du matériel pour des solutions automatisées de traitement des espèces et des solutions en libre-service à plus de 25.000 clients dans le monde, opérant sur divers types de marché, notamment la vente au détail, le transport, les jeux, la banque, les machines automatisées et le domaine des loisirs. Les solutions du Groupe comprennent ainsi des systèmes de dépôt en espèces, de recyclage, de traitement et de paiement, ainsi qu’un large panel de technologies de composants en libre-service.

La société Suzohapp France (ci-après la « Société » ou « Suzohapp France »), seule société du Groupe opérant sur le territoire français, est issue de la fusion des sociétés Comestero et Scan Coin opérée en octobre 2017.

1.2. Le Groupe et la société interviennent sur le marché de traitement des espèces (cash management). Ce marché est en constante évolution et Suzohapp tente de s’adapter aux transformations qui affectent ce marché.

Toutefois, il est patent que l’usage des espèces, dans le monde et en France subit une décroissance caractérisée. Cela se manifeste à plusieurs égards, notamment :

– Par l’utilisation des cartes bancaires, de paiements en ligne et par le biais de téléphones mobiles (par voie dématérialisée).

– La montée en puissance des Fintech, start-ups spécialisées dans le marché du paiement ou de la finance bouleverse également le secteur, ces dernières proposant des services digitalisés, plus performants, moins chers que les acteurs traditionnels.

– Par ailleurs, certaines entreprises spécialisées dans le numérique diversifient leur activité et utilisent à profit les outils digitaux qu’elles ont développés pour entrer sur le secteur du paiement.

– Enfin, l’arrivée de la crypto-monnaie, en particulier le bitcoin, ouvre la voie à un nouveau tube d’acteur.

Face à l’ampleur du phénomène du recul de la monnaie en espèces, les gouvernements étudient la possibilité de réguler les transactions conclues par le biais de bitcoins. La France se distingue en particulier par une forte utilisation des moyens de paiement scripturaux. L’usage de la carte bancaire s’amplifie, porté notamment par l’usage croissant du mécanisme de paiement sans contact, qui bénéficie d’un contexte réglementaire favorable et du développement du e-commerce et l’augmentation des achats sur Internet.

L’utilisation croissante de la carte bancaire entraîne aussi une diminution du besoin en monnaie fiduciaire.

Cette diminution de plus en plus marquée du besoin en monnaie impacte l’activité du Groupe et plus précisément de Suzohapp France, spécialisés dans la fourniture de logiciels et de matériel de solutions automatisées de traitement des espèces.

La tendance à l’utilisation réduite de toute forme de monnaie papier a pour conséquence directe la fermeture de nombreuses agences de banques et la rationalisation importante du parc de distributeurs automatiques de billets, ce qui constitue le c’ur de l’activité de notre Société.

En effet, comme vous le savez, Suzohapp France et plus globalement le Groupe auquel elle appartient développent des outils et des logiciels relatifs à la conservation, au stockage et à la gestion des espèces.

Cette situation impacte à la fois les agences bancaires, mais également leurs partenaires (notamment transporteurs de fonds tels que Brink’s) qui font partie de la clientèle quasi exclusive du Groupe et subséquemment de la Société.

En parallèle, les transporteurs de fonds ont entamé une mutation de leurs métiers de transporteurs vers des métiers plus techniques comprenant notamment l’installation, la mise à disposition de dispositifs de comptage / distribution d’espèces dans le commerce et la grande distribution. Dans ce cadre, les transporteurs de fonds tendent à internaliser leurs équipes techniques, ce qui impacte directement notre Société, puisque nos partenaires opèrent désormais dans des activités concurrentes.

Confrontés à ce contexte, les principaux concurrents du Groupe en France ont pris des mesures radicales pour s’adapter aux évolutions du marché.

1.3 Alors que ses concurrents se regroupent, mutualisent leurs coûts, moyens et savoir-faire, le Groupe et plus particulièrement Suzohapp en France, a pris un retard important en matière d’innovation et d’adaptation de son activité aux nouvelles attentes des consommateurs.

Conséquence de ce retard, le Groupe et la Société sont confrontés à une basse alarmante de leurs résultats et doivent faire face à de graves difficultés économiques et financières.

Ainsi, au niveau mondial le Groupe enregistre :

– Une perte de 7.032.000 dollars en 2018, perte qui s’aggrave par rapport à 2017 (année au cours de laquelle le Groupe enregistrait une perte de 185.000 dollars);

– Une dégradation significative de l’EBITDA (ce qui se rapproche en France de la notion de résultat d’exploitation, puisqu’il s’agit des bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement, qui permet d’identifier la création de richesse produite par une entreprise) : moins 6.122.000 dollars en 2018 contre 306.000 dollars en 2017.

Ces difficultés économiques sont malheureusement également caractérisées en France. Ainsi, la Société enregistre :

– Une baisse significative de son chiffre d’affaires sur trois trimestres consécutifs (6.315.000 euros en Q2 (deuxième trimestre) 2018; 3.572.000 euros en Q3 (troisième trimestre) 2018 et 4.698.000 euros en Q4 (quatrième trimestre) 2018), cette baisse s’étant poursuivie ;

– Des pertes d’exploitations qui s’aggravent (moins 622.000 euros en Q3 (troisième trimestre) 2018 et moins 1.335.000 euros en Q4 (quatrième trimestre) 2018) ;

– Une dégradation de l’EBITDA (183.000 euros en Q2 (deuxième trimestre) 2018, moins 627.000 en Q3 (troisième trimestre) 2018 ; moins 1.350.000 en Q4 (quatrième trimestre) 2018).

1.4 Dans ce contexte, le Groupe et la Société ont déployé plusieurs mesures afin de tenter d’endiguer les difficultés économiques rencontrées :

– Au niveau mondial, plusieurs mesures ont été mises en place pour tenter d’endiguer ces difficultés

– Dans un souci d’optimisation des coûts fixes, les sociétés du Groupe situées notamment en Italie et en Suède ont déménagé dans des locaux dont le coût des baux est moins élevé;

– Au niveau mondial, le Groupe a d’ores et déjà initié une nouvelle stratégie consistant à verticaliser les lignes de production et, partant, à centraliser les centres de fabrication. Cette nouvelle stratégie s’oppose à l’ancien schéma de fonctionnement par pôle géographique.

– Dans la mouvance d’une telle verticalisation des lignes de production, il est apparu cohérent et nécessaire de l’accompagner d’une centralisation des centres de Direction, notamment aux Pays-Bas (lieu du siège social du Groupe EMEA) et des centres de fabrication.

– De la même façon, des mesures au niveau de la France ont déjà été prises pour tenter d’endiguer les difficultés économiques auxquelles la Société doit faire face (notamment lancement de solutions innovantes, rapprochement des deux sites situés à [Localité 6] et à [Localité 8] au sein d’une seule entité sise à [Localité 3], rationalisation des coûts par un meilleur suivi des coûts de fournisseur et changement de fournisseurs lorsque cela s’est avéré nécessaire.)

Toutefois, au vu de l’ampleur des difficultés économiques auxquelles sont confrontés le Groupe et la Société, ces mesures s’avèrent insuffisantes pour les endiguer et assurer la survie de la Société et a fortiori sa compétitivité.

1.5 En conséquence, conformément aux dispositions de l’article L1233-3 du code du travail, la Société n’a pas d’autre choix que de se réorganiser afin de pallier aux difficultés économiques auxquelles elle est confrontée.

La réorganisation de la Société, qui s’inscrit dans un contexte global de projet de réorganisation du Groupe, vise à passer d’une stratégie fragmentée, où chaque activité est organisée par pays, à une approche stratégique verticale, centralisée au niveau Européen.

Cette approche, qui impacte l’ensemble des pays au sein desquels le Groupe dispose d’une entité, se traduira notamment par le regroupement et la réduction du nombre de points de stockage et des pôles administratifs.

Le Groupe a déjà ainsi initié au niveau mondial le regroupement des quatorze centres de stockage actuellement situés en Europe autour de trois centres de stockages, situés au Royaume-Uni (afin de desservir exclusivement les marchés du Royaume-Uni et de l’Irlande) en Suède et en Pologne.

L’objectif est ainsi de créer un centre de fabrication et de distribution unifié pour l’ensemble du marché européen (à l’exclusion du Royaume-Uni et de l’Irlande qui disposent de leur propre centre de distribution et de la Suède qui dispose d’un centre de fabrication dédié aux machines de tri) afin de réduire les coûts de fonds de roulement et d’assurer un meilleur soutien aux activités du Groupe en Europe.

Compte tenu de la verticalisation de l’organisation du Groupe, de nombreuses fonctions sont centralisées au niveau européen en Pologne et aux Pays-Bas, de sorte que certains postes se trouvent en doublon, notamment au sein des divisions Ventes, Opérations et Administrations & Finances au sein de la Société en France.

La réorganisation envisagée aura ainsi pour conséquence directe la suppression des postes en doublon en France.

En parallèle de la verticalisation de l’organisation du Groupe, les divers modèles de produits de fabricants externes actuellement proposés à la clientèle de la Société seront remplacés par des solutions 100% Suzohapp impliquant des technologies innovantes, tel que le « Cashcomplete’». Le passage de plusieurs fournisseurs opérant sur des pays différents à un fournisseur interne (le Groupe) entraîne également la suppression des postes en matière d’achat, de logistique, de comptabilité et de finances.

La réorganisation comprend également l’utilisation d’outils ERP unifiés dans toute l’Europe, entraînant la suppression de certains postes au sein des services comptabilité et finances.

1.6. Compte tenu de la spécificité des différents métiers concernant le développement des activités de la Société, plusieurs divisions sont impactées, dont la division Administration et Finances au sein de laquelle l’ensemble des postes appartenant aux catégories professionnelles « Comptable » et « Assistante de direction » sont supprimés.

A ce jour, vous exercez les fonctions d’Assistante de Direction au sein de la Division Administration et Finances.

Compte tenu de la réorganisation de la Société, votre poste sera donc supprimé, sans qu’il n’y ait lieu d’appliquer les critères d’ordre.

1.7. Nous avons naturellement commencé à prendre des mesures pour tenter de vous reclasser au sein de la Société. Nos recherches de reclassement portent sur l’ensemble des emplois relevant de la même catégorie professionnelle que celui que vous occupiez, ou équivalents, ou même d’une catégorie inférieure, qui sont ou seraient prochainement disponibles, et que vous seriez susceptible de pourvoir, fût-ce au terme d’une mesure d’adaptation.

Nous continuons à chercher des moyens de vous reclasser dans ce contexte. Toutefois, nous vous informons qu’à défaut de reclassement possible, nous serions contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.

1.8 Pour mémoire, les membres du Comité Social et Economique (« CSE ») ont été régulièrement informés et consultés sur ce projet de licenciement économique collectif résultant du projet de réorganisation de la Société en raison des difficultés économiques auxquelles elle fait face.

Ainsi, une première réunion d’information et de consultation s’est tenue le 29 août 2019. Après plusieurs réunions intermédiaires, les membres du CSE ont rendu un avis sur le 30 septembre 2019.

2- Contrat de sécurisation professionnelle (principes et modalités)

2.1 Nous vous avons proposé ce jour le bénéfice du CSP. Dans ce cadre, il vous est remis une documentation d’information établie par pôle emploi ainsi qu’un dossier d’acceptation du CSP.

2.2 Nous vous précisons que vous disposez en principe d’un délai de 21 jours calendaires, courant à compter du lendemain de la présentation des documents sur le CSP et jusqu’au 12 novembre 2019 inclus à minuit, pour nous faire part de votre adhésion au CSP en nous retournant le bulletin d’adhésion figurant dans le dossier.

Pendant ce délai, vous pourrez vous absenter pour vous rendre à l’entretien d’information organisé par pôle emploi, afin de vous éclairer dans votre choix.

En l’absence de réponse de votre part à l’intérieur de ce délai, votre silence sera assimilé à un refus d’adhésion au CSP

[‘] »

Le 19 décembre 2019, Mme [N] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye aux fins de voir déclarer son licenciement, à titre principal, nul en raison de la discrimination, et, à titre subsidiaire, dénué de cause réelle et sérieuse et a sollicité la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s’est opposée.

Par jugement rendu le 18 novembre 2021, notifié le 1er décembre 2021, le conseil a :

dit que la rupture du contrat de travail de Mme [N] [D] et son adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle sont justifiés par un motif économique

donné acte à la société Suzohapp France de ce qu’elle a réglé la somme de 500 euros bruts au titre de mesure d’accompagnement à Mme [N] [D]

débouté Mme [N] [D] de l’ensemble de ses demandes

débouté la société Suzohapp France du surplus de ses demandes

dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle avancés.

Le 15 décembre 2021, Mme [N] [D] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par conclusions récapitulatives transmises par RPVA du 24 juin 2022, Mme [N] [D] sollicite de la cour de voir :

In limine litis, constater que le dispositif est conforme aux articles 562 et 954 du code de procédure civile

déclarer recevables les demandes de Mme [N] [D]

débouter, en conséquence, la S.A.S.Suzohapp France de ses demandes formulées à ce titre

au fond, infirmer en toute ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye

statuant à nouveau, dire, à titre principal, que le licenciement de Mme [N] [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

à titre subsidiaire, dire que la S.A.S.Suzohapp France a violé la législation d’ordre public relative aux critères d’ordre et aux catégories professionnelles

dire que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

condamner, en conséquence, la S.A.S.Suzohapp France au paiement des sommes suivantes :

o 6 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

o 600 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis

o 51 068,78 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* à titre subsidiaire, 51 068,78 euros nets à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée d’emploi résultant de la violation de la législation relative aux critères d’ordres et aux catégories professionnelles

o 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

dire que la S.A.S.Suzohapp France ne respectait pas la législation relative aux congés payés et jours fériés

‘ condamner, en conséquence, la S.A.S.Suzohapp France au paiement de la somme de 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit à congés payés et jours fériés

dire que la société suzohapp n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [N] [D]

condamner, en conséquence, la S.A.S.Suzohapp France au paiement des sommes suivantes :

o 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de l’aide en cas de licenciement d’un couple

o 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’établissement d’une attestation pôle emploi conforme

ordonner la remise d’une attestation pôle emploi régularisée des heures supplémentaires payés sur le bulletin de paie de novembre 2019 sous astreinte de 200 euros par jour de retard et réserver au conseil de céans le droit de liquider cette astreinte

condamner la S.A.S.Suzohapp France au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

ordonner la capitalisation des intérêts et juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de céans

ordonner la remise des documents de fin de contrat corrigés sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard et réserver à la cour d’appel de céans le droit de liquider cette astreinte.

Par conclusions n°2 transmises par RPVA du 16 octobre 2023, la S.A.S.Suzohapp France sollicite de la cour de voir :

recevoir la S.A.S.Suzohapp France en ses conclusions

l’y déclarer bien fondée

à titre principal, liminaire et avant tout débat au fond, constater que dans le dispositif de ses conclusions communiquées dans le cadre de l’article 908 du code de procédure civile Mme [N] [D] se contente de solliciter que soit infirmé « en toute ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye»

en conséquence, déclarer que la cour n’est saisie d’aucune des demandes de Mme [N] [D]

confirmer le jugement entrepris par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye le 18 novembre 2021 en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [N] [D] est fondé par une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté Mme [N] [D] de l’intégralité de ses demandes de condamnation de la société Suzohapp France, à savoir :

o constater la discrimination illégale dont Mme [N] [D] a fait l’objet

o constater que son licenciement est intervenu en rétorsion à ses demandes légitimes de

paiement des heures supplémentaires qu’elle réalisait et que la société Suzohapp

n’entendait pas lui payer

o dire, en conséquence et à titre principal, que son licenciement est nul et de nul effet

o à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

o dire que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

o condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement des sommes

suivantes :

* 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination

* 6 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 600 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis

* 65 659,86 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

– à titre subsidiaire, 51 068,78 euros à titre de dommages et intérêts pour

licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

o dire que la Suzohapp France n’a pas respecté les engagements pris dans le cadre de la

consultation du comité social et économique et figurant dans la lettre d’information relative au contrat de sécurisation professionnelle

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’aide en cas de licenciement d’un couple

o dire que la société Suzohapp ne respectait pas la législation relative aux congés payés

et jours fériés

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement de la somme de 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit à congés payés et jours fériés

o dire que la société Suzohapp n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail de

Mme [N] [D]

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement des sommes suivantes :

– 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de l’aide en cas de licenciement d’un couple

– 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’établissement d’une attestation pôle emploi conforme

o ordonner la remise d’une attestation pôle emploi régularisé des heures supplémentaires payés sur le bulletin de paie de novembre 2019 sous astreinte de 200 euros par jour de retard et réserver au conseil de céans le droit de liquider cette astreinte

o condamner la société Suzohapp France au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

o ordonner la capitalisation des intérêts et juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de céans

o ordonner la remise des documents de fin de contrat corrigés sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard et réserver au conseil de céans le droit de liquider cette astreinte

o ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble des condamnations sur le fondement de

l’article 515 du code de procédure civile.

débouter Mme [N] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

à défaut, à titre subsidiaire sur le fond, juger que le licenciement de Mme [N] [D] a une cause réelle et sérieuse

juger que Mme [N] [D] n’a subi aucun manquement de la part de la société Suzohapp France

juger que Mme [N] [D] a été remplie de ses droits par la société Suzohapp France

en conséquence, confirmer le jugement entrepris par le conseil de prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye le 18 novembre 2021 en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [N] [D] est fondé par une cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté Mme [N] [D] de l’intégralité de ses demandes de condamnation de la société Suzohapp France, à savoir :

o constater la discrimination illégale dont Mme [N] [D] a fait l’objet

o constater que son licenciement est intervenu en rétorsion à ses demandes légitimes de

paiement des heures supplémentaires qu’elle réalisait et que la société Suzohapp

n’entendait pas lui payer

o dire, en conséquence et à titre principal, que son licenciement est nul et de nul effet

o à titre subsidiaire, dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

o dire que son licenciement est intervenu dans des conditions brutales et vexatoires

o condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement des sommes

suivantes :

* 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination

* 6 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 600 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis

* 65 659,86 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

– à titre subsidiaire, 51 068,78 euros à titre de dommages et intérêts pour

licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire

o dire que la Suzohapp France n’a pas respecté les engagements pris dans le cadre de la

consultation du comité social et économique et figurant dans la lettre d’information relative au contrat de sécurisation professionnelle

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’aide en cas de licenciement d’un couple

o dire que la société Suzohapp ne respectait pas la législation relative aux congés payés

et jours fériés

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement de la somme de 10 943,31 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit à congés payés et jours fériés

o dire que la société Suzohapp n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail de

Mme [N] [D]

* condamner, en conséquence, la société Suzohapp France au paiement des sommes suivantes :

– 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de versement de l’aide en cas de licenciement d’un couple

– 3 647,77 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’établissement d’une attestation pôle emploi conforme

o ordonner la remise d’une attestation pôle emploi régularisé des heures supplémentaires payés sur le bulletin de paie de novembre 2019 sous astreinte de 200 euros par jour de retard et réserver au conseil de céans le droit de liquider cette astreinte

o condamner la société Suzohapp France au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens

o ordonner la capitalisation des intérêts et juger que les condamnations produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de céans

o ordonner la remise des documents de fin de contrat corrigés sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard et réserver au conseil de céans le droit de liquider cette astreinte

o ordonner l’exécution provisoire de l’ensemble des condamnations sur le fondement de

l’article 515 du code de procédure civile.

débouter Mme [N] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions

à défaut, à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait recevables et fondées les demandes indemnitaires et salariales de Mme [N] [D] à l’encontre de la S.A.S.Suzohapp France,

o limiter le quantum des condamnations au montant du préjudice réellement subi et démontré par Mme [N] [D] et, en tout état de cause, dans la limite du barème d’indemnisation fixé à l’article L1235-3 du code du travail

o limiter le quantum des condamnations au montant des sommes réellement justifiées et dues

en tout état de cause, réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Suzohapp France de la demande reconventionnelle qu’elle formulait au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance

en conséquence, statuant à nouveau, condamner Mme [N] [D] au paiement de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance

débouter Mme [N] [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions

condamner Mme [N] [D] à verser à la S.A.S.Suzohapp France la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur de cour

condamner Mme [N] [D] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la

Selarl Lexavoue Paris Versailles.

Par ordonnance rendue le 18 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 21 novembre 2023.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu’aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré de ‘l’absence d’effet dévolutif’ de l’ensemble des demandes de Mme [N] [D] soulevé par la société Suzohapp France

Selon l’article 562 du code de procédure civile, ‘ L’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible’.

Selon l’article 954 du code de procédure civile, ‘Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs’.

La société Suzohapp France conteste ‘l’effet dévolutif’ des conclusions d’appel de Mme [N] [D] au motif que le dispositif se limite à solliciter que soit infirmé ‘en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye’ sans reprendre les chefs du jugement critiqués.

Comme le relève à juste titre l’appelant, au visa de deux arrêts (cass, civ, 2ème ch du 17 septembre 2020 n°18-23626; cass. civ, 2ème ch du 3 mars 2022 n°20-20017), l’appelant est tenu de demander dans le dispositif de ses conclusions d’appel l’infirmation ou l’annulation du jugement (à défaut la cour d’appel ne pourrait que confirmer le jugement) et la cour se trouve saisie régulièrement quand bien même l’appelant n’aurait pas retranscrit dans le dispositif de ses conclusions les chefs de dispositif du jugement critiqués dès lors qu’il y est demandé l’infirmation/réformation du jugement querellé et développé l’énoncé de ses prétentions desquelles se déduisent les chefs du jugement critiqués.

En l’espèce, les conclusions d’appel comportent dans leur dispositif une demande d’infirmation ‘en toutes ses dispositions’ du jugement querellé suivie du développement des prétentions de l’appelant, ce qui permet à la cour de connaître précisément les chefs du jugement critiqués et donc de se déclarer valablement saisie.

Enfin, c’est à tort que l’intimée invoque l’effet dévolutif puisqu’il sera constaté en outre que la déclaration d’appel au format XML, seul acte procédural auquel se rattache l’effet dévolutif, est régulière quand bien même elle ne demanderait pas, dans son objet d’appel, ‘l’infirmation’ ou ‘l’annulation’ et se bornerait à recopier le dispositif du jugement critiqué comme c’est le cas en l’espèce.

En conséquence, il convient de dire que la cour est saisie valablement des demandes de l’appelante.

Sur le licenciement pour motif économique

L’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle ne prive pas le salarié de la possibilité d’en contester le motif économique (Soc., 17 mars 2015, pourvoi nº 13-26.941, Bull. 2015, V, nº 51).

La S.A.S.U.Suzohapp France invoque :

– les difficultés économiques

– la réorganisation de la société qui entraîne la suppression du poste d’assistante de direction occupé par Mme [N] [D]

– l’impossibilité de procéder à son reclassement.

Elle expose que la diminution de plus en plus marquée du besoin en monnaie impacte l’activité du groupe et plus précisément la société Suzohapp France, spécialisée dans la fourniture de logiciels et de matériel de solutions automatisées de traitement des espèces; que le groupe, et la société Suzohapp France en particulier, ont pris un retard important en matière d’innovation et d’adaptation de leur activité aux nouvelles attentes des consommateurs.

En réponse, Mme [N] [D] soutient que l’employeur ne caractérise pas les difficultés économiques. Elle invoque la non production par la société des comptes annuels relatifs à l’exercice 2019, qui seuls sont de nature à vérifier la réalité du motif économique allégué, et qu’elle produit aux débats afin de démontrer que le chiffre d’affaires n’a pas été en baisse sur trois trimestres consécutifs en 2019 comparé à 2018, que la marge brute et l’EBITDA sont en hausse. Elle rappelle que la situation économique doit s’apprécier au niveau de la société et non du groupe. Elle conteste toutes difficultés économiques en faisant valoir le recrutement d’intérimaires, la conclusion du contrat BNPP de 5,417 millions d’euros et le licenciement des huit salariés les plus anciens à la seule fin de réaliser des économies de salaires, elle-même ayant été remplacée par une assistante administrative hotline le 29 juillet 2019, par une aide comptable le 22 juillet 2019 et une assistante administrative le 14 février 2020. Elle ajoute qu’il en a été de même pour son mari, remplacé par M.[W] sous l’intitulé de poste ‘spécialiste software retail EMEA’, cadre 8, échelon 2, en date du 6 novembre 2019.

Selon l’article L1233-3 du code du travail, ‘ Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants’.

Sur les difficultés économiques

La société Suzohapp France expose que depuis plusieurs années, le marché du traitement des espèces est confronté à une décroissance du besoin des espèces; que confrontés à ce contexte, les principaux concurrents du groupe en France ont pris des mesures radicales pour s’adapter aux évolutions du marché; que tandis que ses concurrents se regroupent afin de mutualiser leurs coûts, le groupe et la S.A.S.U.Suzohapp France ont pris un retard important en matière d’innovation et d’adaptation de leur activité aux nouvelles attentes des consommateurs.

C’est dans ce contexte qu’elle invoque :

– une baisse significative de son chiffre d’affaires sur trois trimestres consécutifs en 2018 qui s’est poursuivie en 2019. A la fin de l’année 2019, la société enregistrait un chiffre d’affaires global s’élevant à 16 947 473 euros contre 18 141 384 euros à la fin de l’année 2018 soit une baisse d’environ 7%

– des pertes d’exploitation qui s’aggravaient entre le 3ème trimestre et 4ème trimestre 2018, la société enregistrant à la fin de l’année 2019 une perte de 2 445 766 euros contre une perte de 1 670 253 euros à la fin de l’année 2018 (soit une dégradation des résultats de près de 47% en un an)

– une dégradation de l’EBITDA en 2018 qui s’est poursuivie d’une part, en 2019, la société enregistrant un EBITDA en net recul à -774 500 euros, et d’autre part, en 2020, démontrant le caractère durable des difficultés qu’elle rencontre, à savoir un recul à – 390 000 euros en mars 2020.

Elle relève que l’inspecteur du travail a confirmé ces difficultés économiques.

Telles que mentionnées par l’article L1233-3 précité, les difficultés économiques peuvent être caractérisées par une baisse des commandes, une baisse du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation, une dégradation de l’excédent brut d’exploitation ou tout autre élément de nature à justifier des difficultés. Un seul de ces critères peut caractériser l’existence de difficultés économiques.

* S’agissant du critère ‘baisse du chiffre d’affaires’

Le contrat de travail de Mme [N] [D] ayant été rompu le 12 novembre 2019, il convient de prendre en considération les 1er, 2ème et 3ème trimestres 2018 et 2019.

Il ressort du tableau trimestriel 2018 et 2019 (pièce 13), les montants suivants (en euros):

Q1/2018: 5 154 000 ; Q2/2018: 6 315 000; Q3/2018: 3 572 000; Q4/2018: 4 698 000

Q1/2019: 4 571 000; Q2/2019: 5 051 000; Q3/2019: 3 773 000 ; Q4/2019: 5 404 800

Si l’on constate une baisse de plus de 30% du chiffre d’affaires sur les trois premiers trimestres 2018, de 8,8% sur l’année 2018, et de plus de 17% sur les trois premiers trimestres 2019, il y a lieu cependant de constater l’absence de baisse continue durant l’année 2018 et durant trois trimestres consécutifs en 2019, l’évolution en 2018 et 2019 prenant la forme d’une courbe sinusoïdale, de sorte que le critère ‘baisse de chiffre d’affaires’ n’est pas établi.

* S’agissant du critère ‘perte d’exploitation’

Il ressort du compte de résultat (pièce 13) les éléments suivants (en euros) :

Q1/2018: 121 000 ; Q2/2018: 170 000; Q3/2018: -622 000 Q4/2018: – 1 335 000

Q1/2019: 590 000; Q2/2019: 115 000; Q3/2019: -612 000.

Le résultat d’exploitation est négatif et s’élève à – 1 670 253 au 31 décembre 2018 et à -2 445 766 au 31 décembre 2019 (pièce 13). L’augmentation des pertes est donc continue et importante durant toute l’année 2019.

Le calcul du critère ‘marge brute’ invoqué par Mme [N] [D] intègre moins de coût que celui concernant le résultat d’exploitation et est insuffisant pour remettre en cause les difficultés économiques qui se déduisent des pertes d’exploitation ci-dessus mentionnées.

* S’agissant du critère Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization’ ‘ci-après EBITDA’ (équivalent à l’excédent brut d’exploitation ci-après EBE)

Il ressort du compte de résultat (pièce 13) les éléments suivants (en euros):

Q1/2018: -9 000 ; Q2/2018: 183 000; Q3/2018: – 627 000; Q4/2018: -1 350 000

Q1/2019: 598 000; Q2/2019: 139 000; Q3/2019: – 608 000; Q4/2019: – 774 500.

L’EBITDA, un des critères pris en compte par le conseil des prud’hommes, constitue un indicateur de performance financière permettant d’évaluer la rentabilité opérationnelle d’une entreprise.

Comme souligné par la société Suzohapp France, cet indicateur continue de se dégrader au quatrième trimestre 2019 malgré un chiffre d’affaires de 5 404 800 euros et en 2020: Q1/2020: -22 400; Q2/2020: 139 300; Q3/2020: -390 000; Q4/2020: -273 000, ce qui signifie que l’entreprise n’est pas rentable.

L’inspecteur du travail constate plus globalement que :

– le chiffre d’affaires net est passé de 23 190 847 euros en 2017 à 18 141 384 euros en 2018

– le résultat d’exploitation est passé de 900 246 euros en 2017 à -1 670 253 en 2018

– le bénéfice ou perte est passé de 134 361 euros en 2017 à -2 190 952 en 2018.

Enfin, s’agissant du contrat BNPP et comme souligné par la société Suzohapp France, Mme [N] [D] ne démontre pas qu’au jour de son licenciement la somme de 5,417 millions a été versée ( l’intimée justifiant au contraire n’avoir perçu que 718 988 euros) ni que le contrat à hauteur de cette somme a été signé. Elle ne démontre pas plus qu’une augmentation du chiffre d’affaires aurait été suffisante pour assainir la situation économique de l’entreprise, la situation du quatrième trimestre 2019 démontrant le contraire.

Les éléments chiffrés précités confirment une décroissance continue et ancrée dans le temps.

Au vu de ce qui précède, les difficultés économiques caractérisées par des pertes d’exploitation et la dégradation de l’excédent brut d’exploitation sont établies.

Sur la réorganisation

La société Suzohapp France expose que les difficultés économiques ont nécessité une réorganisation au niveau du groupe et de la société et la suppression du poste de Mme [N] [D].

Elle précise que cette réorganisation s’inscrivait dans un contexte global de projet de réorganisation du groupe et visait à passer d’une stratégie fragmentée, où chaque activité est organisée par pays, à une approche stratégique verticale, centralisée au niveau européen; que cette approche, qui a impacté l’ensemble des pays au sein desquels le groupe dispose d’une entité, s’est notamment traduite par le regroupement et la réduction du nombre de points de stockage et des pôles administratifs; que le groupe a initié au niveau mondial le regroupement des quatorze centres de stockage actuellement situés en Europe autour de trois centres de stockage situés au Royaume-Uni, en Suède et en Pologne, l’objectif étant de créer un centre de fabrication et de distribution unifié pour l’ensemble du marché européen afin de réduire les coûts de fonds de roulement et d’assurer un meilleur soutien aux activités du groupe en Europe.

Elle explique que, suite à cette réorganisation, certains postes se sont trouvés en doublon notamment au sein des divisions ventes, opérations et administrations & finances au sein de la société en France et ont du être supprimés.

Elle ajoute qu’en parallèle de cette verticalisation de l’organisation du groupe, les divers produits de fabricants externes qui étaient proposés à la clientèle de la société ont été remplacés par des solutions ‘100% Suzohapp’ impliquant des technologies innovantes tel que le ‘cashcomplete’; que le passage de plusieurs fournisseurs opérant sur des pays différents à un fournisseur interne (le groupe) a également entraîné la suppression de postes en matière d’achat, de logistique, de comptabilité et de finances; que la réorganisation comprenait également l’utilisation d’outils ERP unifiés dans toute l’Europe, entraînant la suppression de certains postes au sein des services comptabilité et finances; que plusieurs divisions de la société ont été impactées dont la division ventes au sein de l’unique poste appartenant à la catégorie professionnelle ‘directeur commercial’.

Mme [N] [D] conteste l’objectif réel recherché de cette réorganisation, invoquant l’absence de difficultés économiques. Elle soutient qu’elle n’avait pour unique but que de réaliser une économie sur les salaires et relève que les huit salariés les plus anciens ont vu leurs contrats de travail rompus entre le 30 septembre 2019 et le 25 novembre 2019 pour être remplacés par des salariés recrutés postérieurement, comme cela a été le cas pour elle, ce que la société Suzohapp France conteste.

La réorganisation d’une entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient. Si elle n’est pas subordonnée à l’existence de difficultés économiques à la date du licenciement, pour autant ces difficultés, pouvant constituer une menace sur la compétitivité de l’entreprise, peuvent justifier une réorganisation et donc un licenciement pour motif économique (Cour de cassation, chambre sociale, 27 mars 2012, 11-14.223, publié).

Il résulte du document d’information du CSE en vue de sa consultation sur le projet de licenciement économique collectif (pièce 2) que six salariés sont concernés par ce plan dont 1 directeur commercial (M. [T] [O], époux de Mme [N] [D]), 1 responsable de la division opérations, 2 magasiniers/techniciens d’atelier, 1 comptable et 1 assistante de direction ( Mme [N] [D]).

A contrario, n’ont pas été supprimés, les postes
1: Les chiffres entre parenthèse correspondent aux effectifs concernés

également concernés par la réorganisation (pièce 2):

– en vente: direction générale (1), directeurs commercial/directeurs Retail (4), responsable export (1), responsable commercial (1), analyste/ingénieur/technicien commercial (3),

– en opérations: responsable service client/responsable production/responsable opérations (3), opérateur/assistant hotline (2),

– en finances et administration: directeur finances (1), responsable achat et logistique (1), comptable senior/chef comptable (1), stratégic Buyer (1), agent administration des ventes (1).

La société Suzohapp France ajoute et en justifie (pièce 18), sans être contredite par Mme [N] [D], que la moyenne d’âge des effectifs de l’entreprise est de 45 ans soit une moyenne proche de l’âge de Mme [N] [D] (47 ans en 2019) et que plusieurs salariés recrutés postérieurement à son départ sont plus âgés qu’elle, comme M.[W] recruté en qualité de software retail sales specialist EMEA (pièces 12-15).

Il convient de constater que la S.A.S.U.Suzohapp France démontre que la réorganisation avait pour seul objectif la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Sur la suppression du poste de Mme [N] [D]

Mme [N] [D] conteste la suppression de son poste et dénonce le recrutement d’intérimaires, exerçant les mêmes fonctions qu’elle, à savoir une assistante administrative hotline le 29 juillet 2019, une aide comptable le 22 juillet 2019 et une assistante administrative. Elle tire aussi du motif du recrutement ‘accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise lié à l’acquisition de nouveaux clients’, la preuve de la bonne santé économique de l’entreprise.

Il résulte du contrat de travail de Mme [N] [D] et de ses avenants que celle-ci était en charge des tâches suivantes: relance des impayés clients, gestion administrative (pay plans, avenants, agendas, courriers, locaux), organisation des réunions, séminaires; réservation (hôtels, billets); gestion des appels entrants; coordination des événements extérieurs type salons.

Comme démontré par la S.A.S.Suzohapp France, les fonctions de Mme [N] [D] étaient celles d’une assistante de direction et d’une office manager et non d’une aide comptable, chargée de la saisine des données comptables au sein du système informatique, de la vérification des données saisies et du rapprochement des informations entre les factures et les commandes outre la préparation des bases de données en vue de la migration vers le nouvel outil ERP comme l’atteste Mme [Z], comptable junior (pièce 15). La lettre de mission de Mme [Z] ne contredit pas les termes de son attestation (pièce 8). Par ailleurs, il ressort du dernier avenant de travail de Mme [N] [D] que les clients à relancer étaient identifiés et transmis par la direction financière et que ce n’est pas elle qui prenait l’initiative des relances.

Le seul courriel produit par Mme [N] [D] (pièce 33) d’une salariée de la société Brinks qui s’adresse à elle le 22 novembre 2018, avec copie à M.[O] [T], lui demandant ‘ Mme [D], Suite à notre conversation, je vous confirme que notre agence de [Localité 5] a fermé en avril 2018 et que je n’ai plus d’interlocuteur pour confirmer ou non la réception/destination de cette 2ème imprimante. Merci donc d’établir un avoir pour cette facture’ ne saurait suffire à démontrer que Mme [N] [D] exerçait des fonctions d’aide comptable et qu’elle avait en charge notamment ce client outre le fait que la S.A.S.Suzohapp France justifie que le client Brinks était géré par M [V] remplacé ensuite par Mme [G] (pièce 25).La seule attestation produite par Mme [N] [D] selon laquelle celle-ci remplacerait pendant les congés ‘la personne en administration ventes’ (pièce 27) n’est confirmée par aucun autre élément et notamment son contrat de travail ni l’avenant au contrat de travail de M.[V], en charge de l’administration ventes et dont les tâches sont sans rapport avec celles de Mme [N] [D].

Contrairement à ce que soutient Mme [N] [D], le document d’information du CSE distingue bien l’emploi de comptable et celui d’assistante de direction (pièce 21) outre le fait que, sans que cela soit contesté par l’appelante, le poste de comptable n’a pas été supprimé à l’issue de la procédure.

En outre, il résulte des pièces 25 à 29 que les tâches de Mme [N] [D] ne rentraient pas dans les fonctions d’assistante administrative hotline et d’assistante administrative.

Enfin, outre le fait que ces intérimaires n’exerçaient pas les mêmes fonctions et n’intervenaient pas sur les mêmes champs et niveau de compétence que Mme [N] [D], leur recrutement n’est pas incompatible avec une situation économique tendue, et la mention de l’acquisition de nouveaux clients ne saurait suffire à remettre en cause le diagnostic porté sur la situation économique de l’entreprise, ce d’autant que la survie de l’entreprise dépend nécessairement de sa capacité à rechercher et à trouver de nouveaux clients. Comme relevé par la société Suzohapp France, il a été jugé que la suppression d’emploi n’implique pas nécessairement la diminution globale de l’effectif de l’entreprise.

Au vu des éléments ci-dessus développés, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur un motif économique.

Sur le moyen tiré du non respect des catégories professionnelles et des critères d’ordre

Mme [N] [D] soutient que son emploi fait partie de la même catégorie professionnelle que le poste d’agent des ventes ou d’assistante hotline.

La société Suzohapp France conteste tout manquement quant à la définition des catégories professionnelles.

Selon l’article L1233-4 du code du travail, ‘[…] Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.[…]’.

La notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.(Cour de Cassation, Chambre sociale, du 13 février 1997, 95-16.648, Publié au bulletin). Aussi, la catégorie professionnelle ne se réduit pas à un emploi déterminé (Soc. 12 janvier 2004, pourvoi n°04-41.769, Bull). Par ailleurs, l’employeur n’est pas tenu de respecter des critères d’ordre lorsque le salarié qui occupe le poste supprimé est le seul dans sa catégorie professionnelle de sorte qu’aucun critère d’ordre n’a vocation à s’appliquer. En cas de contestation, il appartient à l’employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s’est appuyé pour arrêter son choix. L’appréciation des éléments de preuve relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Si la caractérisation de l’appartenance à une même catégorie professionnelle doit, le cas échéant, tenir compte des acquis de l’expérience professionnelle pour apprécier l’existence d’une formation professionnelle commune, c’est toutefois à la condition, notamment, que de tels acquis équivalent à une formation complémentaire qui excède l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur.

En l’espèce, il a été démontré supra que les tâches confiées à Mme [N] [D] étaient distinctes de celles des emplois qu’elle invoque.

Par ailleurs, Mme [N] [D] conteste, non pas son appartenance à telle catégorie professionnelle, mais son non-rattachement avec les autres salariés précités à la même catégorie professionnelle et ce alors même que le poste d’agent des ventes et le poste d’assistante hotline faisaient chacun partie d’une catégorie propre et n’étaient pas concernés par le plan de licenciement.

Il convient de rappeler que, s’agissant d’un licenciement économique collectif, l’administration doit s’assurer que les catégories professionnelles regroupent, en tenant compte des acquis de l’expérience professionnelle qui excèdent l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur, l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Les catégories professionnelles retenues par la société Suzohapp France ont été validées par le CSE et par l’administration.

Il n’appartient donc pas au juge judiciaire de contrôler et de remettre en cause le bien fondé des catégories professionnelles proposées au CSE et validées par lui et l’administration, ce qu’en outre, Mme [N] [D] ne demande pas puisque circonscrivant sa demande au non respect de l’ordre de licenciement qui ne peut donc pas aboutir dès lors qu’elle était seule dans sa catégorie professionnelle.

Sur l’obligation de reclassement interne

Mme [N] [D] reproche à la S.A.S.U.Suzohapp France de n’avoir pas exécuté loyalement son obligation de reclassement en ne lui proposant pas les postes d’assistante administrative et d’aide comptable recrutés pendant la procédure de licenciement économique collectif, ce que la S.A.S.Suzohapp France conteste.

Selon l’article L1233-4 du code du travail, ‘Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises’.

La S.A.S.U.Suzohapp France démontre que l’aide comptable a été recrutée le 10 mai 2019 (pièce 8) donc bien avant la réunion d’information-consultation du 29 août 2019 engagée par la société dans le cadre de la réorganisation ayant conduit à la suppression du poste de Mme [N] [D] et bien avant la rupture du contrat de travail de Mme [N] [D] en date du 27 novembre 2019.

Le registre du personnel (pièce 18) fait également apparaître le recrutement de l’assistante administrative hotline le 26 juillet 2019. S’agissant du recrutement d’une autre assistante administrative le 14 février 2020, soit postérieurement au licenciement de Mme [N] [D], il apparaît sur le registre des personnels (pièce 18) qu’il s’agissait d’une intérimaire. Comme rappelé supra, le recrutement d’intérimaire n’est pas incompatible avec une situation économique tendue outre le fait que ce recrutement a été réalisé deux mois après mais pour des raisons conjoncturelles d’un accroissement d’activité alors advenu et qui n’existait pas au moment du licenciement.

Enfin, la S.A.S.U.Suzohapp France produit les justificatifs de ses recherches de reclassement restées vaines au sein de la société en France mais également au sein du groupe (pièce 6).

En conséquence, il convient de constater que la S.A.S.U.Suzohapp France a respecté son obligation de reclassement et de confirmer le jugement querellé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts en réparation du caractère brutal et vexatoire du licenciement de Mme [N] [D]

Mme [N] [D] relève qu’après 17 années d’ancienneté et un parcours exemplaire au sein de la société, elle a été licenciée brutalement pour motif économique alors même que la société a été contrainte de recourir à une intérimaire pour exécuter des tâches d’assistante comptable et d’assistante administrative, ce que conteste la S.A.S.Suzohapp France.

Selon l’article L1222-1 du code du travail, ‘Le contrat de travail est exécuté de bonne foi’.

Les circonstances brutales du licenciement, même justifié, peuvent entraîner un préjudice distinct qui justifie l’octroi de dommages-intérêts conformément à l’article 1231-1 du code civil.

Outre le fait que la suppression du poste de Mme [N] [D] a été confirmée, celle-ci n’invoque ni ne démontre un comportement vexatoire de la part de son employeur ni ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui résultant de son licenciement économique confirmé par la présente cour.

Si Mme [N] [D] ne retient plus le terme de discrimination comme en première instance, elle soutient que son licenciement est intervenu en raison de l’ancienneté et de sa situation familiale, ce que conteste la S.A.S.U.Suzohapp France.

Le motif économique ayant été retenu, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a dit que la procédure n’était pas vexatoire et a débouté Mme [N] [D] de sa demande.

Sur les demandes financières formulées sur le fondement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement pour motif économique ayant été déclaré fondé, ces demandes sont sans objet.

Sur les moyens tirés de l’exécution du contrat de travail

s’agissant de la demande au titre des mesures d’accompagnement prévues dans le cadre du licenciement économique collectif

Au titre des mesures d’accompagnement prévues dans le cadre du licenciement économique collectif, il était prévu une prise en charge dans la limite de 2500 euros HT des frais d’assistance par un expert, financier, comptable ou juridique au titre de prestations accompagnant la création ou le démarrage de l’activité de l’entreprise reprise ou créée.

Or, Mme [N] [D] soutient, qu’en plus de cette aide, une somme supplémentaire de 500 euros au titre d’une aide prévue en cas de licenciement d’un couple lui était due et demande des dommages-intérêts en raison du retard de versement de cette somme et de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Comme le relève à juste titre la S.A.S.Suzohapp France, tant le document d’information du CSE que la lettre d’information du CSP adressée à Mme [N] [D], ne prévoyaient pas cette somme complémentaire.

Il résulte du courrier adressé le 5 janvier 2021 (pièce 24) par la S.A.S.Suzohapp France au conseil de Mme [N] [D] que le versement de cette somme a été décidé unilatéralement par la société à titre de mesure de faveur, non soumise au CSE et lui a été versée durant la procédure de première instance.

La société explique le retard de versement par l’ignorance du service des paies de cette mesure et par les problèmes de fonctionnement du service RH entre le mois de novembre 2019 et le mois de février 2020 outre le fait que Mme [N] [D] ne s’est manifestée sur cette question que le 2 décembre 2020. Enfin, le retard de versement de cette prime non contractuelle ne saurait s’analyser comme résultant de l’exécution déloyale du contrat de travail.

Le versement de cette somme (pièce 30) étant confirmé par Mme [N] [D], il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages-intérêts, par confirmation du jugement, faute de démontrer l’existence d’un préjudice distinct de celui résultant du simple retard de paiement qui trouve réparation dans l’application de l’intérêt au taux légal conformément à l’article 1231-6 du code civil.

Sur la demande au titre du non-respect du droit à congés payés

Mme [N] [D] soutient qu’elle a été contrainte de travailler pendant ses périodes de congés payés et les jours fériés. Elle invoque un sms reçu le 25 décembre 2018 libellé comme suit selon une traduction libre non contestée ‘ Bonjour [N]! Joyeux Noël! J’ai besoin de votre support: pouvez vous demander à [M] ou [R] de faire un virement de 100 000 euros du compte ING au compte société générale le plus tôt possible ».

Il convient de constater que Mme [N] [D] ne produit qu’un seul SMS sur une relation de travail de 17 ans et ne démontre pas ni invoque ne pas avoir été en mesure de prendre ses congés payés durant son activité au sein de la société.

Par ailleurs, comme relevé par le conseil des prud’hommes, ce sms invoqué ne peut s’analyser comme une instruction de travail expresse de la part de l’employeur et une injonction immédiate à travaux lors de congés payés et jours fériés ni davantage une consigne de travail à assurer à la réception du message qui ne l’indique pas.

En conséquence, elle sera déboutée de sa demande par confirmation du jugement.

Sur la demande de révision de l’attestation pôle emploi afin de tenir compte des heures supplémentaires

Mme [N] [D] indique avoir perçu dans le cadre de son solde de tout compte, la somme de 1 766,28 euros au titre de la régularisation des heures supplémentaires réalisées sur les six mois précédant la rupture de son contrat de travail (période avril à octobre 2019) mais que l’attestation pôle emploi n’a pas été mise à jour de cette régularisation de sorte que la carence de la société grève directement son allocation de retour à l’emploi.

Le salaire de base de Mme [N] [D] est calculé sur la base de 135,33 heures soit un salaire de base de 3 000 euros.

Néanmoins, il résulte de la pièce produite par Mme [N] [D] (pièce 14) que des heures supplémentaires ont bien été intégrées pour le mois d’avril 2019 et qu’elle ne conteste pas le calcul décrit par la société dans ses écritures selon lequel le salaire versé déclaré dans l’attestation pour le dernier mois civil prend en compte la somme de 1766,28 euros à savoir [3000 – retenue pour la période non travaillée du 13/11 au 30/11 + 1766,28 euros + 699,83 euros d’indemnité de congés payés – 554,02 euros (absence congés payés)] soit la somme de 3024,96 euros telle que mentionnée dans l’attestation pôle emploi.

En conséquence, il convient de débouter Mme [N] [D] de sa demande et des dommages-intérêts afférents par ajout au jugement entrepris.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il n’y a pas lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Chacune des parties conservera à sa charge la part des dépens par elle exposés.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Dit la cour valablement saisie de l’appel de Mme [N] [D] ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye du 18 novembre 2021;

Y ajoutant;

Déboute Mme [N] [D] de sa demande de révision de l’attestation pôle emploi et des dommages-intérêts subséquents;

Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera à sa charge la part des dépens par elle exposés.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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