Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/03598 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OFMP
ARRET N°
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 19 AVRIL 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS – N° RG F 17/00220
APPELANTE :
Association CROIX ROUGE FRANCAISE prise en son établissement EHPAD [6] sis [Adresse 5] à [Localité 2]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne laure PERIES de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituée par Me MASSIAVE, avocate au barreau de Montpellier
INTIMEE :
Madame [K] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Bernard BORIES et par Me CAUSSE de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT CAMBON AQUILA BARRAL, avocat au barreau de BEZIERS
Ordonnance de clôture du 16 Mai 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 JUIN 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Pascal MATHIS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal MATHIS, Conseiller, faisant fonction de président de l’audience
Madame Florence FERRANET, Conseillère
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Pascal MATHIS, Conseiller, faisant fonction de président de l’audience et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
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EXPOSÉ DU LITIGE
L’association LA CROIX ROUGE FRANÇAISE a embauché Mme [K] [D] en qualité d’aide de vie à l’EHPAD [6] à [Localité 2] suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée :
‘ le 9 décembre 2016 pour une durée de 2 jours du 12 décembre 6h30 au 13 décembre 2016 au motif d’un accroissement temporaire de l’activité habituelle résultant de la mise en place de doublure en binôme avec la titulaire du poste avant la prise effective du remplacement partiel du poste concernant le service paramédical auprès de personnes âgées ;
‘ le 16 décembre 2016 pour une durée de 4 jours du 16 décembre 12h30 au 19 décembre à 20h00 afin de remplacer Mme [P] [M], aide de vie, absente pour récupération de jour férié ;
‘ le 22 décembre 2016 pour une durée d’un jour le 22 décembre 2016 de 12h30 à 20h00 afin de remplacer Mme [F] [I], aide-soignante, absente pour mi-temps thérapeutique ;
‘ le 26 décembre 2016 pour une durée d’un jour le 26 décembre 2016 de 7h30 à 14h30 afin de remplacer Mme [P] [M], aide de vie, en repos compensateur ;
‘ le 27 décembre 2016 pour une durée de 2 jours du 28 décembre 2016 à 6h30 au 29 décembre 2016 à 13h30 afin de remplacer Mme [U] [A], aide soignante, appelée à remplacer Mme [T] [S], aide soignante, en congés ;
‘ le 2 janvier 2017 pour une durée de 15 jours du 2 janvier 2017 à 7h30 au 15 janvier 2017 afin de remplacer Mme [B] [G], aide de vie, en congés payés, contrat prolongé suivant avenant du 16 janvier 2017 pour une durée de 2 jours jusqu’au 17 janvier 2017, la salariée remplacée n’étant pas en mesure de reprendre ses fonctions.
Sollicitant le bénéfice d’un contrat de travail à durée indéterminée, Mme [K] [D] a saisi le 7 juin 2017 le conseil de prud’hommes de Béziers, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 19 avril 2019, a :
condamné l’employeur à payer à la salariée les sommes de :
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
‘1 526,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier ;
‘ 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
‘ 305,38 € au titre de l’indemnité de licenciement ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘1 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
condamné l’employeur à remettre à la salariée des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du jugement ;
débouté la salariée du surplus de ses demandes ;
condamné l’employeur aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée le 2 mai 2019 à l’association LA CROIX ROUGE FRANÇAISE qui en a interjeté appel suivant déclaration du 24 mai 2019.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 16 mai 2022.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 16 juin 2021 aux termes desquelles l’association LA CROIX ROUGE FRANÇAISE demande à la cour de :
à titre principal,
annuler le jugement entrepris pour défaut de motivation ;
à titre subsidiaire,
infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a :
‘condamnée à payer à la salariée les sommes suivantes :
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
‘1 526,90 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier ;
‘ 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
‘ 305,38 € au titre de l’indemnité de licenciement ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
‘ 152,69 € au titre des congés payés afférents au préavis ;
‘1 000,00 € au titre des frais irrépétibles ;
‘condamnée à remettre à la salariée des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément aux dispositions du jugement ;
‘condamnée aux entiers dépens ;
constater la régularité du recours aux contrats de travail à durée déterminée ;
constater le caractère infondé de la demande de requalification des CDD en CDI ;
constater l’exécution loyale du contrat de travail par l’employeur ;
constater l’absence de préjudice subi par la salariée ;
débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes ;
à titre plus subsidiaire,
constater le caractère manifestement excessif des demandes de la salariée ;
les ramener à de plus justes quantums ;
en tout état de cause,
condamner la salariée au paiement de la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner la salariée aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 18 novembre 2019 aux termes desquelles Mme [K] [D] demande à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
‘considéré la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée recevable et bien fondée ;
‘considéré que la fin de la relation de travail s’analysait du fait de la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘condamné l’employeur à lui payer les sommes suivantes :
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
‘1 526,90 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier ;
‘ 500,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
‘ 305,38 € au titre de l’indemnité de licenciement ;
‘1 526,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
‘ 152,69 € au titre des congés payés y afférent ;
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
condamner l’employeur à lui payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
condamner l’employeur aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande d’annulation du jugement
L’employeur sollicite l’annulation du jugement pour défaut de motivation.
Le jugement contesté est ainsi motivé :
« Attendu que Mme [D] a enchaîné de façon successive 6 contrats pour le remplacement de personnes différentes et de qualifications différentes. Attendu que les qualifications même des personnes remplacées changent en fonction des contrats et que Mme [D] qui est prétendument en qualité d’aide vie remplace des aides soignantes. Attendu que Mme [D] a été embauchée en qualité d’aide de vie et qu’elle exerçait les fonctions d’aide soignante comme l’atteste la fiche de tâche remise à Mme [D], fiche spécifique au poste d’aide soignante et qui correspond aux tâches réalisées par Mme [D]. Attendu que pour tous les contrats successifs Mme [D] avait le coefficient 316 pour une rémunération brute de 1 466,65 €. L’article 1245-1 du code du travail dispose que : « est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1212-1l à L. 11242-4 ».
En conséquence le conseil dit et juge qu’il y a lieu de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et que la requalification a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamnera l’employeur à payer à Mme [D] les sommes de :
‘ Requalification des contrats CDD en CDI : 1 526,90 € ;
‘ Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 1 526,90 € ;
‘ Indemnité pour licenciement irrégulier : 1 526,90 €
‘ Indemnité compensatrice de préavis : 1 526,90 € ;
‘ Congés payés afférents au préavis : 152,69 € ;
‘ Indemnité légale de licenciement : 305.38 € ;
‘ Dommage et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail : 500 €.
‘ Eu égard à l’équité, 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC. »
L’article 455 du code de procédure civile dispose que :
« Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date. Le jugement doit être motivé.
Il énonce la décision sous forme de dispositif. »
Si le jugement apparaît motivé quant à requalification du contrat de travail, l’évaluation des préjudices causés à la salariée par l’exécution déloyale du contrat de travail puis par sa rupture n’est pas même explicitée. Dès lors le jugement n’est pas motivé et sera annulé.
L’appel étant recevable et le jugement annulé pour défaut de motivation sans que la saisine des premiers juges encourt la critique, la dévolution s’opère pour le tout en application des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile.
2/ Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée
La salariée sollicite le bénéfice d’un contrat de travail à durée indéterminée par application des dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail en expliquant que l’enchaînement des contrats précaires avait pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Mais en l’espèce la salariée n’a été employée que 27 jours, le plus souvent pour effectuer des remplacements, de sorte qu’elle n’a pas pourvu durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La salariée fait encore valoir qu’elle a été embauchée en qualité d’aide de vie mais qu’elle a exercé les fonctions d’aide soignante comme l’indique un témoin, Mme [R] [Z], ce qui était naturel dès lors qu’elle remplaçait des aides soignantes comme le mentionnent les contrats des 22 et 27 décembre 2016. Elle soutient que les fiches de poste établissent aussi l’accomplissement d’actes réservés aux aides-soignantes.
L’attestation de Mme [R] [Z] est ainsi rédigée :
« lors de ma période de travail au sein de l’EHPAD [6] du 22 décembre 2016 au 9 janvier 2017, j’atteste avoir vu et travaillé avec Mme [K] [D] en fonction d’aide-soignante l’une comme l’autre j’ai également constaté l’hématome provoqué par une chute sur notre lieu de travail. Nous n’avions toutes les deux un contrat « d’aide de vie », emploi pour lequel il m’a été précisé lors de mon entretien d’embauche de la nécessité d’être diplômée »
L’employeur répond que la salariée n’a remplacé des aides-soignantes que durant deux jours et qu’elle n’a effectué que la partie de leurs tâches compatible avec sa qualification. Il ajoute que la salariée n’a jamais effectué de soin comme cela ressort de l’analyse des fiches de poste qu’il propose. L’employeur conteste le témoignage de Mme [R] [Z] en expliquant qu’elle a été placée en arrêt de travail à compter du 6 janvier 2017 et qu’elle n’a travaillé avec Mme [D] qu’à deux reprises pour une durée totale de 6 heures, étant précisé que si les deux salariées travaillaient durant les mêmes créneaux horaires, elles ne travaillaient pas sur le même étage et n’effectuaient pas leurs missions en binôme.
La cour retient que le témoignage de Mme [R] [Z] ne précise nullement les actes que la salariée aurait accomplis et qui seraient réservés aux aides-soignantes. À l’examen attentif des fiches de poste et des plannings produits, il n’apparaît nullement établi que la salariée ait effectué des tâches réservées aux aides-soignantes et que les aides de vie ne sont pas autorisées à accomplir, le remplacement d’une aide-soignante durant 3 jours, au sein d’un collectif de travail, n’impliquant nullement d’accomplir l’ensemble des actes qui lui sont réservés par la réglementation sanitaire. En conséquence, la mention de la fonction occupée sur les contrats de travail n’apparaît pas mensongère.
Étant relevé que la salariée ne conteste pas l’accroissement d’activité qui motive le premier contrat de travail, il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. En conséquence, la salariée sera déboutée de ses demandes relatives à la requalification et la rupture de la relation contractuelle.
3/ Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
La salariée sollicite la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Elle reproche à l’employeur de ne pas avoir repris son ancienneté contrat par contrat conformément à l’article 5.4.1 de la convention collective nationale du personnel salarié de la Croix Rouge. Elle ajoute qu’elle a été victime d’un accident du travail le 2 janvier 2017 alors qu’elle a été contrainte de déplacer seule une personne d’un poids conséquent ce qui a provoqué une chute alors qu’elle aurait dû travailler en binôme. Elle fait encore grief à l’employeur de l’avoir placée en absence injustifiée le 12 janvier 2017, alors même qu’elle était présente à son poste le matin et qu’elle n’a dû quitter son poste qu’aux alentours de 9h30 après avoir eu l’accord de son responsable.
Mais la salariée n’explicite nullement le préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’absence de reprise d’une ancienneté de 10 jours ni en raison de la qualification de l’absence dont elle ne conteste pas la réalité ne sollicitant aucun rappel de salaire. Concernant l’accident du travail, la salariée n’indique pas à quel titre elle sollicite une réparation complémentaire à celle prévue par le régime spécial des maladies professionnelles et des accidents du travail et en particulier elle n’articule pas de demande spécifique de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
4/ Sur les autres demandes
Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés en première instance et en appel. Dès lors, elles seront déboutées de leurs demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La salariée sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Annule le jugement entrepris.
Évoquant,
Déboute Mme [K] [D] de l’ensemble de ses demandes.
Déboute les parties de leurs demandes relatives aux frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Condamne Mme [K] [D] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT