CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02300
CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 juin 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02300

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUIN 2023

N° RG 21/02300

N° Portalis DBV3-V-B7F-UUOV

AFFAIRE :

[X] [Y] [K]

C/

Société ADECCO FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 juin 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARGENTEUIL

Section : AD

N° RG : F 20/00212

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Julien BOUZERAND

Me Diane BEN HAMOU

Me François HUBERT

Copies numériques adressées à:

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [X] [Y] [K]

né le 25 avril 1976 à Herenfa (Algérie)

de nationalité algérienne

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Julien BOUZERAND de la SELARL JURIS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0570, substitué à l’audience par Me Natacha SODJI, avocat au barreau du Val de Marne

APPELANT

****************

Société ADECCO FRANCE

N° SIRET : 998 823 504

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Diane BEN HAMOU de l’AARPI ADLIS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E012

Société PLACOPLATRE

N° SIRET : 729 800 706

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me François HUBERT de la SAS VOLTAIRE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G668

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [Y] [K], salarié de différentes entreprises de travail temporaire, a été mis à la disposition de la société Placoplatre au terme de plusieurs contrats de mission conclus d’abord avec la société Manpower et ensuite avec la société d’intérim Adecco France, en qualité de conducteur d’engins.

La société Placoplatre fabrique et commercialise des produits à base de plâtre, ainsi que des isolants. Elle exploite une carrière de gypse. L’effectif de la société était de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective des industries de carrières et de matériaux.

La société Adecco France est spécialisée dans le travail temporaire.

Le premier contrat de mission conclu avec la société Adecco France date du 20 avril 2015. La dernière mission est arrivée à son terme le 30 novembre 2019.

Le 28 octobre 2020, M. [Y] [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Argenteuil aux fins de voir requalifier sa relation de travail intérimaire avec les sociétés Adecco et Placoplatre en contrat à durée indéterminée et les condamner à lui payer, solidairement, diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 22 juin 2021, le conseil de prud’hommes d’Argenteuil (section activités diverses) a :

– fixé la moyenne des salaires à 2 085 euros bruts et l’ancienneté à 4 années,

– mis hors de cause la société Adecco,

– débouté M. [Y] [K] de l’ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

– déclaré les demandes pour la période du 15 mars « 2020 » (sic) au 30 novembre 2017 prescrites,

– rejeté en conséquence l’ensemble des demandes formulées pour cette période,

– débouté M. [Y] [K] de sa demande de requalification de contrat de mission en contrat à durée indéterminée,

– débouté M. [Y] [K] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’ensemble des demandes pécuniaires y afférentes,

– débouté M. [Y] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination,

– débouté M. [Y] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour absence d’évolution de carrière,

– débouté M. [Y] [K] de sa demande d’article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

– condamné M. [Y] [K] aux entiers dépens et à payer à la société Adecco la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [Y] [K] aux entiers dépens et à payer à la société Placoplatre la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée au greffe le 15 juillet 2021, M. [Y] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Y] [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

statuant de nouveau,

– constater qu’il a travaillé depuis le 15 mars 2010 pour la société Placoplatre, via des contrats d’intérim avec la société Manpower , puis à compter du 20 avril 2015 avec la société Adecco,

– constater que les délais de carence entre les contrats n’ont pas été respectés,

– constater qu’il exerçait des fonctions liées à l’activité normale et pérenne de l’entreprise,

en conséquence,

– juger que le contrat de travail doit être requalifié en contrat à durée indéterminée,

– condamner la société Placoplatre à lui verser au titre de l’indemnité de requalification la somme de 3 143,24 euros,

– juger que le contrat a été rompu sans procédure et sans motif,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Adecco et Placoplatre à lui verser au titre :

. de l’indemnité compensatrice de préavis la somme de 6 286,48 euros outre 628,65 euros au titre des congés payés,

. de l’indemnité de rupture la somme de 7 072,29 euros

. des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 28 289,16 euros,

– condamner la société à délivrer des documents sociaux conformes (attestation Pôle emploi, certificat de travail et reçu pour solde de tout compte), sous astreinte de 15 euros par jour de retard et par document à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement à intervenir

– juger qu’il a été victime de discrimination,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Adecco et Placoplatre à lui verser au titre des dommages et intérêts pour discrimination la somme de 18 859,44 euros,

– juger qu’il n’a pas bénéficié de formation professionnelle,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Adecco et Placoplatre à lui verser au titre des dommages et intérêts de ce chef la somme de 9 429,72 euros,

en conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Adecco et Placoplatre à lui verser au titre de l’article 700 du du code de procédure civile la somme de 3 000 euros, outre les dépens

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Placoplatre demande à la cour de :

– juger M. [Y] [K] irrecevable et, en tout état de cause, mal fondé en son appel,

– confirmer l’ensemble des dispositions du jugement rendu le 22 juin 2021 par le conseil de prud’hommes d’Argenteuil, notamment en ce qu’il a déclaré irrecevables, car prescrites, les demandes de M. [Y] [K] pour la période du 15 mars 2010 au 30 novembre 2017, en ce qu’il l’a débouté de sa demande de requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et en ce qu’il l’a condamné aux

dépens et à payer à la société Placoplatre la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– juger irrecevables, car prescrites, les demandes, fins et conclusions de M. [Y] [K] pour la période du 15 mars 2010 au 30 novembre 2017, et, par conséquent, les rejeter,

– juger que la demande de requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée de M. [Y] [K] est infondée,

– juger qu’elle n’a commis aucun manquement à l’égard de M. [Y] [K],

– débouter M. [Y] [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

– condamner M. [Y] [K] à lui verser la somme de 3 000 euros conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au stade de l’appel,

– condamner M. [Y] [K] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Adecco France demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Argenteuil section activités diverses du 22 juin 2021 en ce qu’il a débouté M. [Y] [K] de l’ensemble de ses demandes à son encontre,

y faisant droit,

– la mettre hors de cause en l’absence de toute faute qui lui serait imputable,

en conséquence,

– débouter M. [Y] [K] de toutes demandes, fins et conclusions sur l’existence d’une condamnation in solidum,

à titre subsidiaire,

– constater que le salaire de référence est de 2 085 euros,

– constater que l’ancienneté du demandeur est de 4 ans,

à titre infiniment subsidiaire et si par impossible la cour venait à condamner solidairement la société Adecco et la société Placoplatre,

– débouter M. [Y] [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et plus subsidiairement les réduire à une somme symbolique,

– débouter M. [Y] [K] de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et d’indemnité légale de licenciement et plus subsidiairement réduire l’indemnité légale de licenciement à la somme 2 085 euros,

– dire et juger que l’indemnité de requalification ne lui est pas imputable,

à titre reconventionnel,

– débouter M. [Y] [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour discrimination à l’embauche,

– débouter M. [Y] [K] de sa demande relative à l’absence de formation,

– condamner M. [Y] [K] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Y] [K] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée

Le salarié conteste la prescription qui lui est opposée estimant que ses demandes, formées le 28 octobre 2020, ne sont pas prescrites dès lors que le délai de prescription court à partir du dernier contrat de mission, soit le 30 novembre 2019. Il ajoute que les périodes d’inactivité n’ont pas d’effet sur ce point de départ.

Au fond, il affirme d’abord que ses contrats de mission pourvoyaient à l’activité normale et permanente de l’entreprise dès lors que l’employeur ne justifie pas de l’accroissement d’activité et des variations d’activité qu’il invoque, qu’en dehors de trois périodes de suspension (cinq mois en 2012, un mois et demi en 2013 et quatre mois entre 2014 et 2015), il n’a, pendant neuf ans, jamais pu prendre de congés et a toujours travaillé pour la SA Placoplatre et qu’à titre d’illustration, il a travaillé 221, 219, 186 et 277 jours respectivement en 2014, 2015, 2016 et 2019. Il affirme ensuite que les délais de carences de ses contrats successifs n’ont pas été respectés en juillet 2016, août 2016, janvier 2019 et mai 2019.

L’entreprise utilisatrice se fonde sur l’article L. 1471-1 du code du travail et conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré les demandes pour la période du 15 mars 2010 au 30 novembre 2017 prescrites. Elle précise que le salarié ne peut prétendre que le délai de prescription biennal court à compter du terme du dernier contrat à durée déterminée dès lors qu’il n’a pas travaillé pour elle de manière continue et que, s’agissant des contrats de mission temporaire, il a connu de longues périodes d’interruption.

Au fond, l’entreprise utilisatrice objecte que la légitimité du recours au travail temporaire est en l’espèce établie dès lors que son activité est par nature variable. En effet, s’agissant d’une activité d’extraction du gypse et compte tenu des demandes imprévues des clients, elle est confrontée à des variations d’activité. Elle affirme que le salarié n’occupait pas un emploi lié à son activité normale et permanente et soutient qu’elle établit la réalité des accroissements temporaires de son activité ainsi que l’absence des salariés que M. [Y] [K] a été amené à remplacer.

Pour sa part, l’entreprise de travail temporaire conclut à la confirmation du jugement qui l’a mise hors de cause, exposant que la requalification-sanction ne peut être dirigée que contre l’entreprise utilisatrice, faisant observer qu’aucun manquement ne lui est imputable et rappelant que la réalité du motif du recours incombe à l’entreprise utilisatrice. Elle ajoute que le non respect du délai de carence entre deux missions n’a pas pour effet la requalification du contrat.

***

Sur la prescription

L’article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Selon l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit le motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

L’article L. 1251-40 alinéa 1, dans sa version en vigueur à compter du 22 décembre 2017, prévoit que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d’une action en requalification d’une succession de contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission irrégulière. La requalification en contrat de travail à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d’inactivité, ces dernières n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription (Soc. 11 mai 2022, n°20-12.271, publié).

En l’espèce, le salarié a fondé son action en requalification sur le motif du recours, en exposant que l’entreprise utilisatrice a en réalité pourvu un emploi lié à son activité normale et permanente. Le fait que le salarié ait été employé par l’entreprise utilisatrice au moyen d’une succession de contrats de mission séparés par plusieurs périodes d’inactivité n’a donc pas d’effet sur le point de départ de la prescription, lequel demeure fixé au terme du dernier contrat de mission soit le 30 novembre 2019.

Le salarié ayant introduit son action le 28 octobre 2020 et donc avant l’expiration du délai de deux ans à compter du 30 novembre 2019, son action en requalification n’est pas prescrite.

Le jugement sera de ce chef infirmé et, statuant à nouveau, il conviendra de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur le bien-fondé de la demande

Comme rappelé ci-avant, l’article L. 1251-40 du code du travail dispose que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Les dispositions de l’article L. 1251-40 du code du travail, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, ne sont pas applicables à la méconnaissance de l’article L. 1251-36, relatif au délai de carence.

L’examen du moyen tiré du non-respect du délai de carence est donc inutile dès lors qu’il vient au soutien de la demande de requalification formée par le salarié. Ce moyen sera en revanche examiné ultérieurement s’agissant de la demande de condamnation solidaire de l’entreprise de travail temporaire.

Il convient donc de n’examiner, à ce stade, que le premier moyen par lequel le salarié expose que l’entreprise utilisatrice a pourvu un emploi lié à son activité normale et permanente.

Aux termes de l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

Selon l’article L. 1251-6 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas énumérés dans ce texte et notamment dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié, en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

(…)

Il n’est pas discuté que le salarié a été employé par la SA Placoplatre en vertu de contrats de mise à disposition conclus, d’abord avec la société Manpower (qui n’est pas dans la cause) et ensuite avec la SASU Adecco France.

Ainsi que le montre la pièce 1.1 de l’entreprise utilisatrice, le salarié a travaillé pour elle, dans le cadre de contrats de mission, à partir du 15 mars 2010. La relation a pris fin le 30 novembre 2019.

Entre le 15 mars 2010 et le 21 novembre 2014, le salarié a été mis à disposition de la SA Placoplatre par Manpower (pièce 1S). Entre le 20 avril 2015 et le 30 novembre 2019, il a été mis à disposition de la même société par la SASU Adecco France (pièce 3S).

Durant cette période comprise entre mars 2010 et novembre 2019, le salarié n’a pas toujours été employé par la SA Placoplatre. Les développements suivants recensent les périodes durant lesquelles le salarié n’était pas à sa disposition :

. Les période d’interruption significatives ont été les suivantes lorsqu’il a été mis à la disposition de la SA Placoplatre par Manpower  :

. du 4 au 19 septembre 2010 (16 jours),

. du 15 janvier au 23 mars 2011 (2 mois et 8 jours),

. du 25 mars au 17 avril 2011 (24 jours),

. du 2 juin au 1er novembre 2012 (5 mois),

. du 25 mai au 7 juillet 2013 (1 mois et 12 jours).

Entre mars 2010 et le 21 novembre 2014, le salarié a été mis à la disposition de la société Placoplatre par le 44 contrats de mise à disposition.

. Entre le 22 novembre 2014 et le 19 avril 2015, c’est-à-dire pendant près de 5 mois, le salarié n’a pas été mis à la disposition de la SA Placoplatre que ce soit par Manpower ou par la SASU Adecco France. Cette dernière a mis le salarié à disposition de la SA Placoplatre à partir du 20 avril 2015.

. Les périodes d’interruption significatives ont été les suivantes lorsqu’il était mis à la disposition de la SA Placoplatre par la SASU Adecco France :

. du 3 juin au 1er juillet 2015 (près d’1 mois),

. du 30 avril au 31 mai 2016 (près d’1 mois),

. du 3 septembre au 18 septembre 2016 (16 jours),

. du 19 novembre 2016 au 21 mai 2017 (près de 6 mois),

. du 25 novembre 2017 au 1er juillet 2018 (près de 7 mois),

. du 2 décembre 2018 au 20 janvier 2019 (près de 2 mois),

. du 1er juin au 30 juin 2019 (1 mois).

Entre le 20 avril 2015 et le 30 septembre 2019, le salarié a été mis à la disposition de la société Placoplatre par le biais de 35 contrats de mise à disposition.

En synthèse de ce qui précède, la relation entre M. [Y] [K] et la SA Placoplatre, conclue aux termes de 79 contrats de mise à disposition, a duré 9 ans, 8 mois et 15 jours (15 mars 2010 ‘ 30 novembre 2019). Sur l’ensemble de la période, les interruptions ont représenté 33 mois.

Ainsi que le salarié l’expose, il a travaillé pour la SA Placoplatre durant 221 jours en 2014, 219 jours en 2015, 186 jours en 2016 et 277 jours en 2019.

Le salarié a toujours été employé en qualité de conducteur d’engins.

La SA Placoplatre, qui extrait le gypse des carrières qu’elle exploite, affirme qu’elle est soumise à une activité cyclique et produit à ce titre la pièce 2, qui rend compte :

. des « expéditions Sinat 2017 » figurant sur un graphe, lequel, sans comparaison avec les autres années, ne permet pas à la cour de se faire une représentation aussi fidèle que possible de l’activité de la société durant toute la période au cours de laquelle le salarié a travaillé pour la SA Placoplatre,

. du creusement de deux tunnels en 2012,

. d’une campagne de « rabotage » entre décembre 2013 et février 2014.

. d’un tableau montrant une hausse d’extraction du gypse en décembre 2014.

Cette pièce n’offre toutefois pas à la cour, sur l’ensemble de la période, une vision suffisamment précise et exhaustive pour lui permettre de conclure que la SA Placoplatre est, ainsi qu’elle le prétend, soumise à une activité cyclique. Au demeurant, la cour observe que ce que l’entreprise utilisatrice présente comme des pics d’activité ne coïncide pas toujours avec les périodes au cours desquelles elle a eu recours au salarié. Par exemple, lors de la hausse d’extraction de gypse de décembre 2014, le salarié ne travaillait pas pour elle : il avait cessé le travail le 22 novembre 2014 et ne l’a repris que le 20 avril 2015.

L’employeur ne justifie donc pas de circonstances particulières, ayant généré un besoin seulement temporaire expliquant, pour toute la période comprise entre mars 2010 et novembre 2019, le recours aux services du salarié, ni d’éléments probants démontrant l’existence, sur cette même période, d’incertitudes quant à la pérennité de son activité d’extraction.

Ces éléments établissent que les contrats de mission avaient en réalité pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l’activité normale et permanente de la SA Placoplatre, ce seul motif entraînant la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée.

Il convient donc d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de requalifier les contrats de mission du salarié en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 15 mars 2010.

Sur la demande de condamnation solidaire de l’entreprise de travail temporaire

Le salarié soutient qu’en ne respectant pas le délai de carence, la société Adecco France a manqué aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission et qu’en conséquence, l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire doivent être condamnées solidairement, sauf en ce qui concerne l’indemnité de requalification.

La société Adecco France objecte que pour permettre la condamnation solidaire de l’entreprise utilisatrice et de l’entreprise de travail temporaire, le salarié doit démontrer une faute spécifique imputable à cette dernière. Elle expose qu’aucun manquement ne lui est imputable et rappelle que le moyen consistant pour le salarié à demander la requalification en raison de ce que l’entreprise utilisatrice a pourvu un emploi lié à son activité durable et permanente ne relève pas de sa responsabilité sauf à démontrer une entente illicite entre elle et la SA Placoplatre, ce que le salarié ne fait pas. S’agissant des délais de carence, outre qu’elle rappelle que leur inobservation n’entraîne pas la requalification, elle conteste le manquement allégué, rappelant que le délai de carence n’existe pas entre deux contrats successifs pour remplacement.

***

La relation de travail litigieuse ayant duré dans le temps, plusieurs textes sont applicables. Le salarié invoquant des manquements au respect du délai de carence entre le 19 août 2015 et le 3 mai 2019, il convient de rappeler les textes applicables durant toute la période :

L’article L. 1251-36 du code du travail tel que modifié par la loi n°2015-994 du 17 août 2015, dispose qu’à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements. Ce délai de carence est égal :

1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses deux renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs.

L’article L. 1251-37, tel que modifié par la loi n°2008-1249 du 1er décembre 2008 dispose que le délai de carence n’est pas applicable :

1° Lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;

2° Lorsque le contrat de mission est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.

(…)

L’article L. 1251-36 du code du travail, tel que modifié par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose qu’à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs.

Suivant l’article L. 1251-36-1, tel que modifié par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L. 1251-36, ce délai de carence est égal :

1° Au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours ou plus ;

2° A la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est inférieure à quatorze jours.

Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs.

Il ressort de l’article L. 1251-37-1, tel que modifié par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, que le délai de carence n’est pas applicable, notamment, lorsque :

1° le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé

2° le contrat de mission est conclu pour l’exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité.

Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement de l’entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission, elle doit être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de travail en contrat de travail à durée indéterminée à l’exception de l’indemnité de requalification dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice (Soc. 12 novembre 2020, pourvoi n°18-18.294).

En l’espèce, le salarié invoque plusieurs violations du délai de carence se fondant en cela sur :

. le fait qu’il a travaillé du 19 août 2015 au 4 septembre 2015 (16 jours) puis a repris le travail dès le 7 septembre 2015. Selon les contrats de mission produits par l’entreprise de travail temporaire (pièce 1) le salarié a signé un contrat de mission le 31 juillet 2015 prévoyant une mission du « 02/07/2015 au 14/08/2015 terme précis avancée 06/08/2015 ou reportée 24/08/2015 » avec pour motif un « accroissement temporaire d’activité ». Le contrat de mission suivant est un contrat de mission conclu le 7 septembre 2015 pour « accroissement temporaire d’activité » pour une mission allant « du 07/09/2015 au 02/10/2015 Terme précis Avancée 28/09/2015 ou reportée 08/10/2015 ». Il n’est pas contesté que le salarié a travaillé du 19 août au 4 septembre 2015 pour la SA Placoplatre. En application de l’article L. 1251-36 alors applicable, le délai de carence devait représenter le tiers de 16 jours soit 5 jours à compter du 4 septembre. Le salarié ayant de nouveau été mis à disposition de l’entreprise utilisatrice le 7 septembre, le délai de carence n’a pas été respecté ;

. le fait qu’il a travaillé du 7 septembre au 6 octobre 2015 (29 jours) puis repris le travail dès le 7 octobre 2015. Selon la pièce 1 de l’entreprise de travail temporaire (contrats de mission), le salarié avait été engagé entre le 7 septembre 2015 et le 6 octobre 2015 pour un « accroissement temporaire d’activité ». Le contrat de mission du 7 octobre 2015 pourvoyait, lui, au remplacement d’un salarié absent : M. [H]. L’exception à l’application du délai de carence prévue par l’article L. 1251-37 1° ne s’applique qu’en cas de nouvelle absence, ce qui n’est ici pas le cas. Là encore, le délai de carence n’a pas été respecté;

. le fait qu’il a travaillé du 1er juillet 2016 au 8 juillet 2016 (7 jours) puis repris le travail dès le 2 août 2016. La cour ne peut que constater que le délai de carence a ici été respecté ;

. le fait qu’il a travaillé du 11 juillet 2016 au 1er août 2016 (21 jours) puis repris le travail dès le 2 août 2016. Selon la pièce 1 de l’entreprise de travail temporaire, le salarié a été mis à disposition de l’entreprise utilisatrice par un contrat de mission du 11 juillet 2016 pour occuper un poste lié au « remplacement de M. [W] [G], conducteur d’engins ». Sa mission s’est achevée le 1er août 2016 et le 2 août 2016, il a bénéficié d’un nouveau contrat de mission pour une mission allant du 2 août au 2 septembre 2016 justifiée par le « remplacement de M. [F] [O], conducteur d’engins ». L’exception à l’application du délai de carence prévue par l’article L. 1251-37 1° ne s’applique qu’en cas de nouvelle absence du salarié initialement remplacé, ce qui n’est ici pas le cas. Là encore, le délai de carence n’a pas été respecté ;

. le fait qu’il a travaillé du 19 septembre 2016 au 5 octobre 2016 (16 jours) puis repris le travail dès le 7 octobre 2016. Selon la pièce 1 de l’entreprise de travail temporaire, le salarié a été mis à disposition de l’entreprise utilisatrice par un contrat de mission du 19 septembre 2016 pour occuper un poste lié au « remplacement de M. [M], conducteur d’engins ». Sa mission s’est achevée le 5 octobre 2016 et le 6 octobre 2016, il a bénéficié d’un nouveau contrat de mission pour une mission d’une journée, le 6 octobre, pouvant être reportée au 10 octobre 2016 justifiée par un « accroissement d’activité renfort pour sécurisation des lieux vides ». L’exception à l’application du délai de carence prévue par l’article L. 1251-37 2° s’applique ici, une mesure de sécurité étant invoquée ;

. le fait qu’il a travaillé du 22 mai 2017 au 15 septembre 2017 (116 jours) puis repris le travail dès le 18 octobre 2017. Selon la pièce 1 de l’entreprise de travail temporaire, le salarié a été mis à disposition de l’entreprise utilisatrice par un contrat de mission du 22 mai 2017 pour une mission devant s’achever le 1er septembre 2017 pouvant être reportée jusqu’au 21 septembre 2017. Il n’est pas discuté qu’elle s’est achevée le 15 septembre 2017. Le motif de la mission consistait en un « accroissement d’activité ». Alors qu’un délai de carence de 38 jours (116/3) à compter du 15 septembre 2017 devait être respecté, le salarié a, dès le 18 septembre 2017, été mis à disposition de la SA Placoplatre. Il s’ensuit que le délai de carence n’a pas été respecté;

. le fait qu’il a travaillé du 21 janvier 2019 au 3 mai 2019 (102 jours) puis repris le travail dès le 6 mai 2019. Le ou les contrats de mission afférents à cette période ne sont pas produits mais il ressort de la pièce 1 ‘ non pas de l’entreprise de travail temporaire mais de l’entreprise utilisatrice ‘ qu’entre le 21 janvier 2019 et le 31 mai 2019, le salarié a pourvu au remplacement de M. [I] en arrêt maladie. Le manquement n’est donc ici pas établi.

En conséquence de ce qui précède, il est démontré que la société Adecco France a, à plusieurs reprises, méconnu ses obligations relativement au délai de carence qui devait être appliqué au salarié ce qui caractérise un manquement aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission.

Elle doit donc être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de travail en contrat de travail à durée indéterminée à l’exception de l’indemnité de requalification dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice.

Sur la discrimination

Il ressort de l’article L. 1132-1 du code du travail qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement (‘) aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine.

Sur le terrain de la preuve, il n’appartient pas au salarié qui s’estime victime d’une discrimination d’en prouver l’existence. Suivant l’article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, le salarié expose qu’il est discriminé en raison de son origine algérienne dès lors que tout au long de sa relation de travail avec la SA Placoplatre, il n’a eu de cesse de solliciter la signature d’un contrat de travail à durée indéterminée constatant que son emploi était pérenne, et que les personnes qu’il formait finissaient toutes par bénéficier d’un contrat de travail à durée indéterminée, comme c’est le cas de M. [C] qui a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 1er mai 2017 alors qu’il travaillait avec des contrats précaires depuis plusieurs années.

Pour établir la réalité des faits qu’il dénonce, le salarié produit les attestations de deux anciens collègues de travail, MM. [T] et [Z]. Ces deux témoins expliquent que le salarié a formé de nouveaux salariés dont certains « ont été embauchés » et que « quand on demande à être embauché pas de réponse de leur part » et encore que le salarié « a formé les nouveaux intérimaires a qui ont proposé à la suite une proposition d’embauche alors que M. [Y] et la-bas depuis 10 ans, il a était voir la direction pour savoir si il y avait un problème ils ont répondu que non (‘) » (sic) .

Toutefois, ces attestations sont vagues et non circonstanciées. Elles sont en conséquence dépourvues de force probante. Il n’est donc pas établi que le salarié a, comme il le prétend, demandé à de multiples reprises à être engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée et que cela lui aurait été refusé.

Le salarié s’appuie aussi sur la pièce 5 de l’employeur (registre du personnel) qui montre que M. [N] a été engagé par l’entreprise utilisatrice le 1er mai 2017 avec reprise d’ancienneté au 1er février 2017, en qualité de conducteur d’engins, purgeur. Mais dès lors que le salarié n’établit pas qu’il a demandé à être engagé par contrat de travail à durée indéterminée et que cela lui a été refusé, ce fait ne laisse pas, à lui seul, supposer l’existence d’une discrimination.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande et de la demande indemnitaire subséquente.

Sur les conséquences de la requalification relativement à la rupture

La rupture à l’arrivée de son terme d’un contrat de mission requalifié en contrat à durée indéterminée s’analyse en un licenciement.

Le juge qui requalifie la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il n’est pas allégué que la rupture du contrat de travail est intervenue pour une autre cause que celle résultant de l’arrivée du terme de son dernier contrat de mise à disposition. Il en résulte qu’il conviendra :

. de requalifier la rupture du contrat de travail, intervenue le 30 novembre 2019, en licenciement,

. de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement)

Les parties sont en discussion sur le salaire à prendre pour référence. Selon la SA Placoplatre et la SASU Adecco France, ce salaire est de 2 085 euros bruts mensuels selon un calcul basé sur le nombre d’heures réalisées par le salarié. Selon le salarié il doit être évalué à 3 143,24 euros bruts correspondant à la moyenne des derniers mois de salaire d’août, septembre et octobre 2019.

En application de l’article R. 1234-4 du code du travail, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.

Certes, ainsi que le fait observer l’entreprise de travail temporaire, l’application de l’article L. 3242-1 du code du travail, qui prévoit que les salariés sont rémunérés mensuellement, est exclue pour les salariés temporaires.

Toutefois, cette exclusion ne fait pas échec à l’article R. 1234-4 du code du travail qui suppose la prise en compte des sommes réellement versées au salarié avant la rupture et qui lui sont définitivement acquises.

Les trois derniers mois sont les mois de septembre, octobre et novembre 2019. Le salarié a, pour ces mois-là, perçu respectivement 3 736,70 euros bruts, 2 604,75 euros bruts et 3 998,83 euros bruts, ces sommes incluant celles versées au salarié en sa qualité « d’intermittent » destinées à compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de ses contrats de mission, lesquelles lui restent acquises nonobstant une requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée.

La moyenne de ces trois mois représente une somme de 3 446,76 euros.

Statuant dans les limites de la demande, le salaire de référence du salarié sera fixé à la somme de 3 143,24 euros.

L’ancienneté du salarié est de 9 ans et 8 mois complets (15 mars 2010 ‘ 30 novembre 2019).

Sur ces bases et en application des articles R. 1234-1 et R. 1234-2 du code du travail, le salarié peut prétendre à une indemnité de licenciement correspondant à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté et, s’agissant des années incomplètes, à proportion du nombre de mois complets.

Selon cette formule, le salarié peut prétendre à la somme de 7 598,78 euros ([3 143,24/4]x9,67).

Le salarié limitant sa demande à la somme de 7 072,29 euros, il conviendra, par voie d’infirmation, de condamner in solidum l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire à lui payer cette somme à titre d’indemnité de licenciement.

Le salarié peut aussi prétendre à une compensatrice de préavis au visa de l’article L.1234-1 3° du code du travail correspondant à deux mois de salaire.

Il conviendra donc, par voie d’infirmation, de condamner in solidum l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire à payer au salarié la somme de 6 286,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 628,65 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2018-217 du 25 mars 2018, le salarié qui justifie de neuf années complètes d’ancienneté, peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 9 mois de salaire bruts.

Compte tenu de l’âge du salarié au moment de la rupture (43 ans), de son niveau de rémunération, de son ancienneté, de ce qu’entre le 16 janvier 2019 et le 31 octobre 2020 il a été indemnisé par Pôle emploi et qu’il ne justifie pas de ses recherches d’emploi, le préjudice qui est résulté, pour lui, de la rupture sera intégralement réparé par une indemnité de 25 000 euros.

Par voie d’infirmation, la SA Placoplatre et la SASU Adecco France seront condamnées in solidum au paiement de cette somme.

Le licenciement ayant été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra d’ordonner, d’office, en application de l’article l’article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SA Placoplatre et la SASU Adecco France, in solidum, aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur l’indemnité de requalification

Il résulte de l’article L. 1251-41 du code du travail que lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié tendant à voir requalifier un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, il est alloué à ce dernier une indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

L’indemnité de requalification ne peut donc être supportée que par la SA Placoplatre, laquelle sera condamnée à payer au salarié la somme de 3 143,24 euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d’évolution professionnelle

Le salarié expose qu’il subit un préjudice en raison de ce qu’il a dû financer, sur ses propres deniers en 2009, son C.A.C.E.S et qu’il n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle.

La SA Placoplatre conteste le préjudice du salarié.

***

A juste titre, la SA Placoplatre expose qu’elle ne saurait être tenue pour responsable du fait que le salarié a, avec ses deniers personnels en 2009, financé son C.A.C.E.S dès lors que la relation de travail n’a débuté que postérieurement, le 15 mars 2010 en l’occurrence.

Par ailleurs, si effectivement le salarié n’a bénéficié d’aucune formation professionnelle, il demeure qu’il n’établit pas la réalité de son préjudice

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ce chef de demande.

Sur la demandes de remise des documents de fin de contrat

Il conviendra d’ordonner la remise d’un certificat de travail conforme, d’une attestation Pôle emploi et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, la SA Placoplatre et la SASU Adecco France seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure d’appel.

Il conviendra de condamner in solidum les mêmes à payer au salarié une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il déboute M. [Y] [K] de ses demandes de dommages-intérêts pour discrimination et pour absence d’évolution de carrière,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

REQUALIFIE en contrat de travail à durée indéterminée la relation de travail liant M. [Y] [K] à la SA Placoplatre depuis le 15 mars 2010,

DIT que la rupture du contrat de travail au terme du dernier contrat de mission, le 30 novembre 2019, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE in solidum la SA Placoplatre et la SASU Adecco France à payer à M. [Y] [K] les sommes suivantes :

. 7 072,29 euros à titre d’indemnité de licenciement,

. 6 286,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 628,65 euros au titre des congés payés afférents,

. 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la SA Placoplatre et la SASU Adecco France, in solidum, aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [Y] [K], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage en application de l’article L. 1235-4 du code du travail,

CONDAMNE la SA Placoplatre à payer à M. [Y] [K] la somme de 3 143,24 euros à titre d’indemnité de requalification,

DONNE injonction à la SA Placoplatre de remettre à M. [Y] [K] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision

REJETTE la demande d’astreinte,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE in solidum la SA Placoplatre et la SASU Adecco France à payer à M. [Y] [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SA Placoplatre et la SASU Adecco France aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La présidente

 


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