CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 juillet 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/01261
CDD pour accroissement d’activité : décision du 7 juillet 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/01261

N° RG 20/01261 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IOI2

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE LOUVIERS du 20 Février 2020

APPELANTE :

Madame [P] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David VERDIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE substituée par Me Johann PHILIP, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEE :

S.A.S.U. VALDEPHARM

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 08 Juin 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Juillet 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 07 Juillet 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [H] a été engagée par la société Valdepharm en contrat à durée déterminée du 2 janvier au 31 décembre 2018 en qualité d’opérateur fabrication stérile.

Victime d’un accident du travail le 6 mars 2018, elle a été placée en arrêt de travail jusqu’au terme du contrat à durée déterminée, date à laquelle son contrat a été rompu.

Par requête du 29 juillet 2019, Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Louviers en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi qu’en contestation de la rupture et paiement d’indemnités et rappels de salaire.

Par jugement du 20 février 2020, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [H] de l’intégralité de ses demandes, la société Valdepharm de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [H] aux entiers dépens.

Mme [H] a interjeté appel de cette décision le 16 mars 2020.

Par conclusions remises le 3 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [H] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et, statuant à nouveau, de :

– requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée depuis le 2 janvier 2018 et condamner la société Valdepharm à lui payer les sommes suivantes :

indemnité légale de licenciement : 452,06 euros

indemnité de requalification : 1 808,24 euros

dommages et intérêts pour licenciement nul : 10 850 euros

indemnité compensatrice de préavis : 1 808,24 euros

congés payés afférents : 180,82 euros

indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile : 2 500 euros

– débouter la société Valdepharm de l’ensemble de ses demandes et dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente juridiction et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier de justice instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devraient être supportées par la société défenderesse en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 17 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Vadelpharm demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter Mme [H] de l’ensemble de ses demandes et à titre subsidiaire, de dire que le licenciement n’est pas nul, évaluer les dommages et intérêts à 1 808,24 euros et, en tout état de cause, condamner Mme [H] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 19 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [H] soutient que la société Valdepharm est défaillante à apporter la preuve de l’accroissement temporaire d’activité invoqué dans son contrat à durée déterminée, et avoir en réalité été engagée pour pourvoir un emploi durable et permanent, comme en témoigne d’ailleurs le fait que les autres salariés recrutés en même temps qu’elle se sont vus proposés un contrat à durée indéterminée à l’issue de leur contrat. A cet égard, elle considère avoir été victime d’une mesure discriminatoire dans la mesure où, alors qu’elle était en arrêt de travail pour accident du travail, et ce, suite à une faute inexcusable de l’employeur, elle est la seule à qui aucun contrat n’a été proposé, étant rappelé qu’en tout état de cause, il ne pouvait être mis fin à son contrat en vertu de l’article L. 1226-9 du code du travail.

En réponse, la société Valdepharm explique avoir dû recourir à des contrats à durée déterminée pour constituer des stocks supplémentaires du produit Cernevit afin de pouvoir anticiper les conditions draconiennes ressortant d’une clause de variabilité des volumes insérée dans un avenant du 31 janvier 2018 signé avec la société Baxter avec laquelle elle était en relations commerciales depuis 2014. Elle conteste en outre toute discrimination lors de la rupture dès lors que les salariés en contrat à durée déterminée qui ont été engagés en contrat à durée indéterminée l’ont été après avoir postulé de leur propre initiative sur des postes disponibles et diffusés tant au sein de l’entreprise que via l’organisme Pôle emploi. Elle rappelle enfin que la fin d’un chantier caractérise une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident du travail.

Selon l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Par ailleurs, il résulte de l’article L. 1242-2 du code du travail que, sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et notamment en cas d’accroissement temporaire d’activité.

En l’espèce, Mme [H] a été engagée en contrat à durée déterminée pour la période du 2 janvier au 31 décembre 2018 en qualité d’opératrice fabrication stérile au motif d’un surcroît d’activité lié à l’augmentation des commandes en fabrication stérile du client Baxter pour le produit Cernevit.

S’il est effectivement versé aux débats l’avenant invoqué par la société Baxter, celui-ci a cependant été rédigé un mois après la signature du contrat à durée déterminée conclu avec Mme [H] et n’a même été signé qu’en mars 2018, sans qu’aucune pièce du dossier ne permette de corroborer le fait que la société Valdepharm l’aurait anticipé.

Surtout, il est produit en langue anglaise, avec une traduction libre pour son seul article 8, lequel n’est même pas traduit en son entier, sachant que la traduction est au surplus contestable, puisqu’il est indiqué par la société Valdepharm qu’il en ressortirait que la société Baxter aurait la possibilité d’exiger un volume additionnel de production sur au moins quatre mois alors qu’en réalité il est fait état d’un préavis de quatre mois à respecter.

Bien plus, alors qu’un contrat commercial liait la société Valdepharm à la société Baxter depuis 2014, celui-ci n’est pas produit, ce qui interdit d’apprécier justement la portée qui doit être donnée à cet avenant, sachant que Mme [H] explique qu’il résultait de ce contrat un engagement de la société Baxter de commander un nombre croissant de volume jusqu’en 2024, ce qui est corroboré par l’attestation du directeur financier de Valdepharm dont il ressort, certes, une augmentation sensible des volumes entre 2017 et 2018, mais surtout une augmentation prévisionnelle constante pour 2019 et 2020, là encore dans de fortes proportions.

Il n’est ainsi pas rapporté la preuve du caractère temporaire de l’accroissement d’activité invoqué dans le contrat à durée déterminée conclu le 2 janvier 2018, l’attestation précitée permettant au contraire de retenir un accroissement permanent des volumes produits pour la société Baxter, sans qu’aucun élément ne permette de caractériser la mise en oeuvre de la clause de variabilité sur la période d’engagement de Mme [H].

Il convient en conséquence de dire que la société Valdepharm ne rapporte pas la preuve de l’accroissement temporaire d’activité et de requalifier le contrat à durée déterminée conclu le 2 janvier 2018 en contrat à durée indéterminée.

Dès lors, il y a lieu de condamner la société Valdepharm à payer à Mme [H] la somme de 1 808,24 euros à titre d’indemnité de requalification, laquelle somme correspond à un mois de salaire.

Sur les conséquences de la rupture intervenue le 31 décembre 2018

Il résulte des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail, qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut rompre ce contrat que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle.

Dès lors, la rupture par la survenance du terme d’un contrat à durée déterminée requalifié postérieurement en contrat à durée indéterminée constitue un licenciement nul dès lors qu’à la date de cette rupture le contrat de travail était suspendu consécutivement au placement du salarié en arrêt de travail dès la survenance de l’accident du travail dont il avait été victime.

Il s’ensuit que la rupture du contrat de travail de Mme [H] intervenue le 31 décembre 2018 alors qu’elle était toujours en arrêt de travail suite à l’accident du travail survenu le 6 mars 2018 est nulle, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si cette rupture est intervenue dans des conditions discriminatoires.

En conséquence, alors que Mme [H] avait plus de huit mois d’ancienneté au moment du licenciement et qu’il ne peut lui être alloué une indemnité inférieure à six mois de salaire au regard de la nullité du licenciement, il convient de faire droit à l’ensemble des demandes indemnitaires qu’elle présente et de condamner la société Valdepharm à lui payer les sommes de 1 808,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 180,82 euros au titre des congés payés afférents, 452,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement et 10 850 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Valdepharm aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [H] la somme de 2 500 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Ordonne la requalification du contrat à durée déterminée conclu le 2 janvier 2018 en contrat à durée indéterminée ;

Dit que la rupture intervenue le 31 décembre 2018 s’analyse en un licenciement nul ;

Condamne la SAS Valdepharm à payer à Mme [P] [H] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 1 808,24 euros

indemnité compensatrice de préavis : 1 808,24 euros

congés payés afférents : 180,82 euros

indemnité légale de licenciement : 452,06 euros

dommages et intérêts pour licenciement nul: 10 850,00 euros

Condamne la SAS Valdepharm à payer à Mme [P] [H] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Valdepharm de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Valdepharm aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La greffièreLa présidente

 


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