AFFAIRE : N° RG 22/01495
N° Portalis DBVC-V-B7G-HAC7
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 18 Mai 2022 – RG n° 21/00404
COUR D’APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRET DU 07 DECEMBRE 2023
APPELANT :
Monsieur [F] [R]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [I] [B]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Sophie PERIER, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 09 octobre 2023, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme JACQUETTE-BRACKX
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller, rédacteur
ARRET prononcé publiquement le 07 décembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme VINOT, présidente, et Mme GOULARD, greffier
M. [R] a accompli au sein de l’entreprise de M. [B] une mission d’intérim du 5 au 8 janvier 2021.
Suivant contrat du 14 janvier 2021, il a été embauché par M. [B] pour la durée déterminée du 14 janvier au 13 avril 2021 en qualité d’ouvrier maçon pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
À la date du 13 avril 2021, il s’est vu remettre ses documents de fin de contrat.
Le 24 août 2021, il a saisi le conseil de prud’hommes de Caen aux fins de voir requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée, obtenir paiement d’une indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour préjudice subi dans le retard des congés payés et de diverses indemnités au titre de la rupture outre une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 18 mai 2022, le conseil de prud’hommes de Caen a :
– déclaré partiellement fondée l’action de M. [R]
– débouté M. [R] de sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée
– condamné M. [B] à verser la somme de 50 euros à M. [R] au titre des dommages et intérêts pour préjudice subi dans le retard de versement des congés payés du à la faute de l’employeur
– débouté M. [R] de ses autres demandes au titre de la rupture
– laissé à chaque partie le soin du règlement des frais engagés à l’occasion de la procédure.
M. [R] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions le déboutant de ses demandes et limitant à 50 euros les dommages et intérêts alloués.
Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 13 septembre 2022 pour l’appelant et du 7 octobre 2022 pour l’intimée.
M. [R] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en celles de ses dispositions le déboutant de ses demandes et limitant à 50 euros les dommages et intérêts alloués
– requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée
– condamner M. [B] à lui payer les sommes de :
– 1 571,87 euros à titre d’indemnité de requalification
– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi par le retard de versement des congés payés
– 9 431,22 euros à titre dommages et intérêts pour travail dissimulé
– 785,94 euros à titre d’indemnité de préavis
– 78,59 euros à titre de congés payés afférents
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonner à l’employeur de remettre sous astreinte les documents de fin de contrat conformes et les bulletins de paie
– débouter M. [B] de ses demandes
M. [B] demande à la cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 50 euros
– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes
– condamner M. [R] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 septembre 2023.
SUR CE
1) Sur la requalification en contrat à durée indéterminée
Il est constant que le contrat à durée déterminée conclu fait mention qu’il est conclu pour faire face à un accroissement temporaire d’activité non autrement défini dans le contrat, accroissement temporaire dont il appartient donc à l’employeur de démontrer la réalité alors que M. [R] soutient qu’en réalité son embauche avait pour objet de faire face à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
M. [B] expose que l’accroissement temporaire d’activité était lié à la prise de commandes exceptionnelles pour le premier trimestre 2021 de la SCI Vaucelles rive droite et de la SCI 4 Loc représentant un montant de chiffre d’affaires (145 167 euros) égal à plus de 52% du chiffre d’affaires annuel réalisé entre le 1er octobre 2019 et le 30 septembre 2020 (277 697 euros).
Les pièces produites pour en justifier appellent les observations suivantes.
Le devis du 4 janvier 2021 au nom du client SCI Vaucelles rive droite et portant la mention bon pour accord est établi par une entreprise Wassim sise à [Localité 6] et ayant son siège à [Localité 2] tandis que le contrat de travail est au nom de M. [B] dont le siège est à [Localité 5].
Les devis au nom du client SCI 4 Loc sont datés du 13 mars 2021, soit d’une date postérieure de 2 mois à l’embauche de M. [R] qu’ils ne pouvaient donc justifier et antérieure de seulement 1 mois à la fin du contrat à durée déterminée ce qui fait douter, en l’absence de production d’une facture ou de preuve sur la réalisation effective des travaux que ceux-ci aient été exécutés durant l’embauche de M. [R], outre que deux d’entre eux ne portent pas la mention d’un ‘bon pour accord’ et celui du 15 février lui aussi postérieur à l’embauche n’est pas signé.
Le registre du personnel fait quant à lui état d’une embauche d’un ouvrier en la personne de M. [L] [X] [B] du 30 avril 2019 au 4 février 2021, ce qui fait apparaître que M. [R] a en fait succédé à un autre ouvrier puisqu’il n’apparaît pas d’autre embauche que la sienne sur ce registre.
En cet état, les pièces produites n’apportent pas de preuve de travaux confiés à M. [B] et exécutés dans une période contemporaine de l’embauche de M. [R] dans une proportion traduisant un accroissement d’activité au regard de celle réalisée entre octobre 2019 et septembre 2020, étant observé de surcroît que cette période inclut les confinements liés au Covid et qu’il n’est pas donné d’éléments sur le chiffre réalisé avant octobre 2019 ou après septembre 2020.
Il sera en conséquence fait droit à la demande de requalification, ce qui ouvre droit au paiement de l’indemnité de requalification, d’une indemnité de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrivée à terme du contrat à durée déterminée ne constituant pas un motif sérieux de licenciement.
Ces indemnités seront calculées sur la base d’un salaire mensuel de 1 554,62 euros (indemnité de panier non comprise), d’une ancienneté de 3 mois en application de l’article L. 1251-38 du code du travail, la mission d’intérim de janvier 2021 devant entrer en compte dans l’ancienneté dès lors qu’elle a été accomplie au cours des trois mois précédant l’embauche, (soit un préavis de deux semaines) et de l’absence de justification sur la situation postérieure à la rupture et seront évaluées aux montants fixés au dispositif..
2) Sur le manquement de l’employeur retardant le bénéfice de l’indemnité de congés payés
M. [R] soutient que l’employeur s’est abstenu d’adresser à la caisse des congés payés ou de lui remettre à lui un document permettant le bénéfice des droits acquis, cette remise n’étant intervenue qu’en septembre 2021.
Il produit un mail de la caisse de congés payés qui indique le 8 octobre 2021 que l’entreprise a bien déclaré les temps de travail et salaires mais qu’elle n’est pas à jour de ses cotisations de sorte que les congés ne sont pas payables, outre un mail de cette caisse en date du 11 octobre qui indique que les congés sont désormais payables, de sorte que ces correspondances suffisent à établir que ce n’est pas du fait de non transmission par M. [R] des certificats de congés que les congés ont été réglés avec retard.
Cela étant, en l’absence de démonstration d’un quelconque préjudice, la demande de dommages et intérêts sera rejetée
3) Sur la demande au titre du travail dissimulé
M. [R] fait état des manquements suivants : déclaration à l’embauche effectuée le 18 janvier 2021 seulement, absence de versement des cotisations auprès de la caisse de congés payés, remise de bulletins de salaire pour mars et avril 2021 comportant des mentions erronées ‘et plus particulièrement un numéro de sécurité sociale qui n’existait pas’.
Sur ce dernier point, il sera relevé que sur les bulletins de salaire figure effectivement un curieux numéro de sécurité sociale 19999999999, mention procédant sans doute d’une erreur que le salarié n’a jamais demandé à rectifier et celui-ci, qui n’indique pas quelles autres mentions erronées entacheraient les bulletins, doit donc être considéré comme ayant bien reçu des bulletins de salaire sans dissimulation du nombre d’heures de travail.
Par ailleurs, les informations avaient bien été adressées à la caisse de congés payés et ce point n’est pas l’un des cas ouvrant droit au paiement de l’indemnité de travail dissimulé.
Quant à la déclaration à l’embauche, les pièces produites établissent qu’elle a été reçue le 18 janvier et ce seul retard de quelques jours ne suffit pas à établir une intention de dissimulation, de sorte que M. [R] sera débouté de sa demande..
La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte en l’absence d’allégation de circonstances le justifiant.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement entrepris.
Et statuant à nouveau,
Requalifie le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Condamne M. [B] à payer à M. [R] les sommes de :
– 1 554,62 euros à titre d’indemnité de requalification
– 718,06 euros à titre d’indemnité de préavis
– 71,80 euros à titre de congés payés afférents
– 1 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Déboute M. [R] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur et de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.
Condamne M. [B] à remettre à M. [R], dans le délai de deux mois de la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire par année, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Condamne M. [B] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD L. DELAHAYE