CDD pour accroissement d’activité : décision du 6 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00394
CDD pour accroissement d’activité : décision du 6 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00394

ARRÊT DU

06 JUIN 2023

NE/CO*

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N° RG 22/00394 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C72K

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SARL AND ARCHITECTES

C/

[I] [S]

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Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 96 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le six juin deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

LA SARL AND ARCHITECTES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN et par Me Cécile NAUSE, avocat plaidant inscrit au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AUCH en date du 21 avril 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. F 21/00053

d’une part,

ET :

[I] [S]

né le 28 août 1979 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Pierre THERSIQUEL, avocat inscrit au barreau du GERS

INTIMÉ

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 04 avril 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Danièle CAUSSE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 20 mars 2017, M. [I] [S] a été embauché par la société And architectes, exerçant sur le site de [Localité 9] (31), en qualité de chargé d’économie, catégorie 2, niveau 2, coefficient 320.

La convention collective applicable est celle des entreprises d’architectes.

Le contrat de travail indiquait une durée de travail de 169 heures pour une rémunération de 2 735,47 euros, incluant la majoration pour les heures supplémentaires effectuées de la 36ème à la 39ème heure.

Le 1er janvier 2018, un avenant au contrat de travail a été signé, faisant passer le coefficient de M. [I] [S] à 360. Pour un horaire mensuel de 169 heures, sa rémunération comprenait la somme de 2 671,20 euros (pour 151,67 heures) et 381,52 euros (pour les 17,33 heures supplémentaires majorées). Cet avenant mentionnait que les heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures par semaine seraient indemnisées conformément aux dispositions légales et conventionnelles en vigueur.

Le 26 novembre 2020, la société a proposé à M. [I] [S] une réduction de son temps de travail à 35 heures, avec un salaire de 3 055,20 euros, les heures supplémentaires étant toujours possible avec l’accord de la gérante si l’accroissement d’activité le nécessitait. Ce document, remis en mains propres, a été contre-signé par le salarié le 3 décembre 2020.

Le 30 novembre 2020, M. [I] [S], par remise en mains propres, a demandé une rupture conventionnelle avec un terme au 22 janvier 2021.

La société And architectes a refusé la proposition du salarié.

Par lettre recommandée du 15 décembre 2020, M. [I] [S] a refusé la proposition de modification de son contrat de travail et la réduction de la durée de travail à 35 heures.

Le 22 décembre 2020, le salarié a notifié sa démission à la société And architectes avec effet au 22 janvier 2020, après un mois de préavis.

L’employeur a pris connaissance de la démission le 5 janvier 2021, après la fermeture pour congés annuels de l’entreprise.

Le 4 janvier 2021, M. [I] [S] a été placé en arrêt maladie jusqu’au 22 janvier 2021.

Par courrier du 12 janvier 2021, M. [I] [S] a réitéré sa demande de rupture conventionnelle, que l’employeur a de nouveau refusé, au vu de la démission faite par le salarié.

M. [I] [S] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch le 1er juin 2021, considérant que son employeur avait manqué à ses obligations sur le paiement des heures supplémentaires et sur les heures de repos compensateur.

Par jugement du 21 avril 2022, le conseil de prud’hommes d’Auch, section activités diverses, a :

– déclaré M. [I] [S] recevable en son action,

– condamné la société And architectes au paiement des sommes de :

– 1 575,44 euros à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires,

– 157,54 euros au titre de congés payés afférents,

– condamné la société And architectes au paiement des sommes de :

– 1 879,88 euros au titre de rappel de salaire relatif au repos compensateur obligatoire,

– 187,98 euros au titre de congés payés afférents,

– condamné la société And architectes au paiement de la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,

– rejeté toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires, formées par les parties,

– condamné la société And architectes aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 17 mai 2022, la société And architectes a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant M. [I] [S] en qualité de partie intimée et en indiquant que l’appel porte sur toutes les dispositions du jugement, sauf en ce qu’il a rejeté toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires, formées par M. [I] [S].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 4 avril 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I. Moyens et prétentions de la société And architectes appelante principale

Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 23 novembre 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, la société And architectes demande à la cour de :

– infirmer la décision du conseil de prud’hommes d’Auch, en ce que le conseil a :

– déclaré M. [I] [S] recevable en son action,

– l’a condamnée au paiement de :

– 1 575,44 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

– 157,54 euros au titre des congés payés y afférant,

– l’a condamnée au paiement des sommes de :

– 1 879,88 euros à titre de rappel de salaire relatif au repos compensateur obligatoire,

– 187,98 euros au titre de congés payés afférents,

– l’a condamnée au paiement de la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a déboutée de sa demande reconventionnelle,

– a rejeté toute autre demande et dit inutiles ou mal fondées celles plus amples ou contraires, formées par les parties

– l’a condamnée aux entiers dépens,

Statuant à nouveau, à titre principal,

– débouter M. [I] [S] de toute demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents,

– débouter M. [I] [S] de toute demande indemnitaire au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

– débouter M. [I] [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– débouter M. [I] [S] de toute demande de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés afférents,

– réduire la demande indemnitaire de M. [I] [S] au titre de la contrepartie obligatoire en repos à de plus justes proportions,

– débouter M. [I] [S] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

– condamner M. [I] [S] au versement de la somme de 4 500 euros nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [I] [S] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société And architectes fait valoir que :

I. Sur les prétendues heures supplémentaires non rémunérées

– M. [I] [S] produit des relevés d’heures qui n’ont pas été signés par les deux parties. Le salarié ne produit pas l’entièreté des relevés sur la période concernée. Ceux concernant la période à compter de juin 2019 font état d’un horodatage au 26 octobre 2021, soit après la rupture du contrat de travail. On peut douter de la fiabilité de ces relevés, d’autant plus qu’une plainte a été déposée contre le salarié pour usage frauduleux de la qualité d’architecte de Mme [F] [T]. Ils ne correspondent pas non plus aux relevés d’heures établis mensuellement par le salarié durant son contrat de travail, qui eux sont signés par les deux parties.

– Le salarié avait un dispositif d’horaires individualisés lui permettant d’établir lui-même chaque mois les heures travaillées. Le système de comptabilisation des heures supplémentaires mis en place reposait sur un décompte horaire quotidien et non hebdomadaire des heures supplémentaires. Cette méthode est erronée et favorable aux salaires, car cela conduisait à accroître artificiellement le volume d’heures supplémentaires effectivement réalisées.

– Les relevés auto-déclaratifs de M. [I] [S] contresignés par Mme [F] [T] ne font état que d’une durée totale journalière, sans prendre en compte les temps de pause et temps de déplacement professionnels. Il a donc été repris ces relevés en déduisant une pause journalière de 30 minutes, minimum légale, tout en sachant que le salarié prenait régulièrement des pauses pour fumer comme en atteste Mme [K] [B].

– Elle a recalculé la durée hebdomadaire de travail de M. [I] [S]. A titre d’exemple, pour la semaine du 18 au 22 mars 2019, l’auto-relevé indiquait que le salarié avait effectué 2 heures supplémentaires et les avait récupérées. Or si on déduit du relevé horaire les temps de pause, sans même enlever les déplacements professionnels, cela revient à ce que M. [I] [S] n’ait réalisé que 37 heures, sans heures supplémentaires donc et sans même atteindre les 39 heures contractuelles. Au cours du mois de mars 2019, 33,33 heures supplémentaires ont été rémunérées, pour un total de 185 heures de travail, alors qu’en déduisant les temps de pause on s’aperçoit que le salarié n’a en réalité travaillé que 171,20 heures, soit deux heures de plus que son temps de travail contractuel. Ainsi, le décompte est le suivant :

– en 2018 : le salarié déclare 1 095,20 heures travaillées et 1 231 heures lui ont été payées,

– en 2019 : le salarié déclare 1 821,09 heures travaillées et 2 148 heures lui ont été payées,

– en 2020 : le salarié déclare 1 518 heures travaillées et 1 875 heures lui ont été payées

– Ses calculs sont corroborés par les relevés établis mensuellement par le salarié, correspondant aux temps enregistrés dans le logiciel interne dédié à la gestion des dossiers. Elle établit donc la réalité du temps de travail de M. [I] [S] et que celui-ci a été rempli de ses droits.

– M. [I] [S] produit également une attestation établie par un de ses collègues de travail, M. [H] [E]. Cependant ce dernier ne témoigne d’aucun fait auquel il aurait assisté personnellement. De plus, les deux salariés n’occupaient pas le même poste et avaient des missions distinctes.

II. Sur le dépassement du contingent annuel

– L’article VII.2.4.2 de la convention collective applicable prévoit que le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 80% du contingent légal (220 heures), soit ainsi 176 heures. Et l’article VII.2.4.5 de cette même convention prévoit que, dans les entreprises ayant au plus dix salariés, la contrepartie est fixée à hauteur de 50% pour les heures réalisées au-delà de ce contingent. La contrepartie intervient donc au-delà de 1 783 heures (1 607 heures + 176 heures).

– Or il a été établi que seulement en 2019, M. [I] [S] a travaillé 1 828 heures et a donc dépassé le contingent annuel de 44 heures. Cependant cet écart a été très largement surévalué en faveur du salarié si on prend en considération que seule 30 minutes de pause ont été déduites et aucun déplacement professionnel alors que M. [I] [S] avait un temps de déplacement habituel entre son domicile et son lieu de travail d’au moins une heure aller et une heure retour. Lors de la prise de poste directement sur chantier, les temps retenus par le salarié n’ont jamais tenu compte de la durée habituelle de déplacement pour se rendre à l’agence.

– A supposer l’écart de 44 heures fondé, cela aboutirait à 22 heures de repos compensateur, soit la somme de 673,01 euros (20,39€ taux horaire de référence x 50% = 30,59€ x 22 heures).

– M. [I] [S] n’apporte pas la preuve d’heures réalisées au-delà de ce contingent. Le salarié se limite à établir que son temps de travail était contractuellement fixé à 39 heures et donc cela lui générait automatiquement un certain nombre de contrepartie obligatoire en repos, sans détailler le volume ni la répartition.

– Le salarié prenait régulièrement des demi-journées, notamment les vendredis après-midi, bénéficiant ainsi de contrepartie en repos.

– Les congés payés afférents à la contrepartie obligatoire ne sont pas dus lorsque celle-ci n’a pas été prise du fait de l’employeur, ceux-ci étant exclus des dommages-intérêts. Le conseil de prud’hommes l’a donc condamnée à tort à payer la somme de 187,98 euros à ce titre.

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II. Moyens et prétentions de M. [I] [S] intimé sur appel principal

Dans ses uniques conclusions enregistrées au greffe le 23 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, M. [I] [S] demande à la cour de :

– le recevoir dans ses conclusions, les disant bien fondées,

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch le 21 avril 2022 en ce qu’il a limité les rappels de salaire dus au titre des heures supplémentaires réalisées, de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents,

Statuant à nouveau :

– constater que les heures supplémentaires qu’il a effectué n’ont pas été entièrement rémunérées par la société And architectes,

En conséquence :

– condamner la société And architectes au paiement de la somme de 9 062,56 euros au titre du rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires, ainsi que 906,26 euros au titre des congés payés afférents,

– condamner la société And architectes au paiement d’une somme de 3 892,88 euros au titre du rappel de salaire relatif au repos compensateur obligatoire, ainsi que 389,29 euros au titre des congés payés afférents,

– condamner la société And architectes au paiement d’une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société And architectes en tous les dépens.

Au soutien de ses prétentions, M. [I] [S] fait valoir que :

I. Sur l’absence de rémunération des heures supplémentaires

– Le conseil de prud’hommes a écarté sa liste de pointage au motif qu’elle ne serait pas signée par l’employeur, alors que celui-ci doit uniquement contrôler la précision d’une pièce et non sa valeur probante. De même, le fait que ce document ne mentionne pas la pause méridienne est insuffisant à l’écarter. Il a présenté des heures détaillées auxquelles pouvait répondre l’employeur par des éléments probants.

– L’employeur produit une autre liste de pointage réalisée à partir d’un logiciel utilisé par les professionnels de la construction, il ne s’agit pas d’un décompte d’heures mais d’une indication des tâches. Il n’avait pas la possibilité de modifier ce document.

– La société produit alors un nouveau décompte des heures sur lequel les 30 minutes de pause ne sont pas mentionnées en tant qu’heure de travail.

– La réglementation relative au forfait heure prévoit que les heures accomplies au-delà du forfait prévue dans une convention forfait sont rémunérées au taux majoré, en sus du salaire forfaitaire. Si le nombre d’heures effectuées est inférieur au forfait, alors le salaire forfaitaire doit être versé tant que la convention n’a pas été modifiée. Le système mis en place n’est pas conforme à la convention de forfait. Les relevés établis durant la relation contractuelle produits par l’employeur reprennent les heures en surplus ou en moins par rapport au forfait. En juin 2018 notamment, 20 heures en plus ont été notées par rapport aux 39 heures et 13,5 heures en moins. Ces heures ne se compensent pas et auraient dû être payées, alors qu’elles ne se retrouvent pas sur le bulletin de paie de juin 2018.

– Les relevés d’heures sont sujet à caution, la direction se réservant le droit de les modifier.

– L’agence dans laquelle il travaillait a déménagé à [Localité 10], à 1 heure 10 de son domicile. De plus, il était amené à se déplacer sur des réunions de chantier, majoritairement sur la région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi en Occitanie ([Localité 8] à 2 heures 40 de trajet, [Localité 7] à 2 heures 55, [Localité 5] à 2 heures 15, [Localité 6], etc…).

– Au sein de la société, une heure supplémentaire équivalait à une heure récupérée, conformément à la convention collective applicable. Or il n’a pas récupéré toutes les heures supplémentaires qu’il a effectué. Cela est attesté par M. [H] [E].

– Il produit un document récapitulant ses heures supplémentaires, mois par mois, de juin 2018 à novembre 2020. Conformément aux règles d’ordre public et aux dispositions conventionnelles, ses heures supplémentaires lui donnent droit à la somme totale de 9 062,56 euros. Il sollicite également 906,26 euros au titre des congés payés afférents.

II. Sur le repos compensateur obligatoire

– Il a effectué de nombreuses heures supplémentaires, dépassant ainsi le contingent annuel de 176 heures prévu par la convention collective. Il aurait donc dû bénéficier d’un repos compensateur obligatoire égal à 50% au-delà de la 36ème heure.

– Le calcul est le suivant :

– pour l’année 2018 : il a effectué 127,4 heures supplémentaire non rémunérées. Il aurait donc dû bénéficier d’un repos compensateur égal à 63,7 heures, correspondant à une indemnité de 1 623,84 euros (63,7h x 25,492€),

– pour l’année 2019 : il a effectué 106,8 heures supplémentaires non rémunérées, ouvrant droit à un repos compensateur égal à 53,40 heures, soit 1 361,27 euros,

– pour l’année 2020 : il a effectué 71,22 heures supplémentaires non rémunérées, ouvrant droit à un repos compensateur égal à 35,61 heures, soit 907,77 euros.

– Il sollicite ainsi la somme de 3 892,88 euros au titre du repos compensateur obligatoire et celle de 389,29 euros pour congés payés afférents.

MOTIVATION

I. Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Selon l’article L.3121-28 du code du travail, est une heure supplémentaire « toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente ».

L’article L.3174-4 du code du travail énonce que : « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. »

Le salarié doit présenter, à l’appui de sa demande, des « éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en fournissant ses propres éléments ».

Au vu de des éléments fournis, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin que l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, y réponde utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires , il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, au soutien de sa sa demande, M. [I] [S] verse plusieurs éléments :

– un relevé mensuel d’heures comptabilisant les heures supplémentaires qu’il estime avoir effectué pour une période allant de 2018 à 2020, ce relevé n’est pas signé par l’employeur

– l’attestation de M. [H] [E], ancien salarié de la société And architectes, dans laquelle celui-ci certifie avoir travaillé avec M. [I] [S] et avoir constaté que : ‘Il était donc amené à faire beaucoup d’heures supplémentaires, puisque le cabinet rayonnait sur toute la grande région Sud-Ouest et qu’il suivait de nombreux chantiers. Mme [F] [T] proposait à tous ses employés et collaborateurs y compris M. [I] [S], de payer une partie de ces heures supplémentaires (contrat 39h) et d’en récupérer d’autres mais sans appliquer les taux de majoration légaux.’

– ses bulletins de paie de janvier 2020 à janvier 2021 qui font état d’heures supplémentaires rémunérées.

M. [I] [S] présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur, quant à lui, présente :

– un relevé mensuel d’heures présentant les heures supplémentaires accomplies, ce document-ci étant signé par les deux parties.

Le relevé mensuel d’heures présenté par l’employeur mentionne un certain nombre d’heures supplémentaires qui n’apparaissent pas sur les bulletins de paie de M. [I] [S]. A titre d’exemple, la cour relève que pour le mois de juin 2020, le relevé mensuel indique que M. [I] [S] a effectué 40,50 heures supplémentaires et 8,75 heures en moins. Or le bulletin de paie du mois de juin 2020 ne mentionne que 17,33 heures supplémentaires payées au taux majorée de 25%. Il existe ainsi un différentiel que l’employeur n’explique pas.

La cour constate que M. [I] [S] a effectué des heures supplémentaires, dont certaines n’ont pas été rémunérées par la société And architectes.

C’est par des motifs pertinents, que la cour reprend, que le conseil de prud’hommes a considéré qu’il existait une différence entre le nombre d’heures supplémentaires inscrites sur le document fourni par l’employeur, et signé par les deux parties, et les bulletins de paie où sont mentionnées certaines heures supplémentaires réglées auxquelles sont soustraient les jours de récupération. Le différentiel entre ces documents est égal à 51,50 heures pour la période de juin 2018 à novembre 2020.

Ces heures majorées au taux de 50 % appliqué suivant les dispositions conventionnelles donnent une somme de 1 575,44 euros.

La cour confirme en conséquence la décision du conseil des prud’hommes ayant condamné la société And architectes au paiement des sommes de 1 575,44 euros à titre de rappel de salaire relatif aux heures supplémentaires, et 157,54 euros au titre de congés payés afférents.

II. Sur le repos compensateur obligatoire

L’article L. 3121-30 du code du travail prévoit que : « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale. »

L’article D.3121-24 du code du travail fixe le contingent annuel légal en énonçant que : « A défaut d’accord prévu au I de l’article L.3121-33, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à deux cent vingt heures par salarié. »

L’article L.3121-33 I du code du travail précise : « Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :

1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ;

2° Définit le contingent annuel prévu à l’article L.3121-30 ;

3° Fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévue au même article L.3121-30. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L.3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés. L’effectif salarié et le franchissement du seuil de vingt salariés sont déterminés selon les modalités prévues à l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ».

En l’espèce, la convention collective applicable à la relation contractuelle est celle des entreprises d’architecte.

L’article VII.2.4.4 de cette convention collective prévoit : « 1. Pendant la période transitoire, définie au VII-4 (de la date de l’extension de la présente convention au 1er janvier 2006), le volume du contingent annuel est égal à :

– 170 heures en 2003 ;

– 160 heures en 2004 ;

– 150 heures en 2005.

2. Au-delà de cette période le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 80 % du contingent légal. »

Ainsi, le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 176 heures.

L’article VII.2.4.5 de cette même convention indique : « Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l’article L.212-6 ouvrent droit en plus de leur rémunération majorée à un repos compensateur obligatoire défini ci-après.

Pour les entreprises de plus de 10 salariés :

– 50 % du temps de travail accompli au-delà de 41 heures et à l’intérieur du contingent ;

– 100 % pour les heures accomplies dès la 36e heure au-delà du contingent annuel, sous réserve de l’autorisation de l’inspection du travail.

Pour les entreprises de 10 salariés au plus :

Seules les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel sous réserve de l’autorisation de l’inspection du travail ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire de 50 % au-delà de la 36e heure. »

En l’espèce, l’entreprise And architectes compte plus de dix salariés, ainsi les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 176 heures ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire de 50% au-delà de la 36ème heure.

Afin de justifier sa demande au titre du repos compensateur obligatoire, M. [I] [S] se fonde sur le relevé mensuel qu’il verse au débat. Il indique avoir effectué :

– 127,4 heures supplémentaires non rémunérées en 2018, ouvrant doit à un repos compensateur égal à 63,7 heures,

– 106,8 heures supplémentaires en 2019, ouvrant droit à un repos compensateur égal à 53,40 heures

– 71,22 heures supplémentaires en 2020, ouvrant droit à un repos compensateur égal à 35,61 heures.

L’employeur, quant à lui, énonce que le salarié a dépassé le contingent annuel de 44 heures uniquement, pour l’année 2019. Il expose également que le salarié prenait régulièrement des demi-journées, notamment les vendredis après-midi, sans toutefois apporter d’éléments de preuve.

Il a été constaté que M. [I] [S] avait accompli des heures supplémentaires non rémunérées, en se fondant sur le relevé mensuel d’heures établi par l’employeur et signé par les deux parties.

C’est par des motifs pertinents, que la cour reprend, que le conseil de prud’hommes d’Auch a jugé que, pour la période allant de 2018 à 2020, le contingent annuel des heures supplémentaires a été dépassé. Il a été dépassé de 32 heures par an, auquel s’ajoutent les heures supplémentaires non rémunérées, soit un total de 146,50 heures. La contrepartie obligatoire de 50 % s’applique donc sur 146,50 heures, donnant un montant de 1 879,88 euros.

Tout salarié dont le contrat est rompu avant qu’il ait pu bénéficier d’un repos compensateur reçoit en application des dispositions de l’article D.3121-23 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, une indemnité en espèce correspondant à ses droits acquis. Il ne peut prétendre à indemnité compensatrice de congés payés en plus de l’indemnité.

La cour confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Auch le 21 avril 2022 en ce qu’il a condamné la société And architectes à verser à M. [I] [S] la somme de 1 879,88 euros au titre de rappel de salaire relatif au repos compensateur obligatoire, et l’infirme en ce qu’il a condamné la société And architectes à verser à M. [I] [S] la somme de 187,98 euros au titre de congés payés afférents.

III. Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société And architectes, qui succombe, sera condamnée aux dépens et ne peut bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance seront confirmées.

M. [I] [S] a été contraint d’exposer des frais non-répétibles pour faire valoir ses droits, dont il serait inéquitable qu’ils demeurent intégralement à sa charge. La société And architectes sera condamnée à lui verser une indemnité de procédure de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes d’Auch du 21 avril 2022 sauf en ce qu’il a condamné la société And architectes à verser à M. [I] [S] la somme de 187,98 euros au titre de congés payés afférents,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [I] [S] de sa demande de congés payés sur rappel de salaire relatif au repos compensateur obligatoire,

DÉBOUTE la société And architectes de sa demande formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société And architectes à verser à M. [I] [S] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société And architectes aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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