COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 AVRIL 2023
N° RG 22/00261 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G5JC
[N] [S]
C/ S.A.S. LE MONT BLANC prise en son établissement KORIAN LE MONT VEYRIER, pour
suites et diligences de son représentant légal domicilié au
siège social.
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 01 Février 2022, RG F 20/00246
APPELANTE :
Madame [N] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Clémence BARBIER-TROMBERT, avocat au barreau d’ANNECY
INTIMEE :
S.A.S. LE MONT BLANC prise en son établissement KORIAN LE MONT VEYRIER, pour suites et diligences de son représentant légal domicilié au
siège social.
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Denis FERRE de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat plaidant inscrit au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Jean-Baptiste BADO, avocat au barreau de LYON
et par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 16 Mars 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président de chambre désigné à ces fins par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Capucine QUIBLIER, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :
Monsieur Frédéric PARIS, Président,
Madame Françoise SIMOND, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Copies délivrées le :
********
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [N] [S] a été engagée par la société Korian Le Mont Blanc sous contrat à durée déterminée du 25 février 2019 en qualité de kinésithérapeute en remplacement d’une salariée absente.
Un nouveau contrat à durée déterminée est conclu du 6 janvier 2020 au 26 juin 2020 pour le remplacement d’une salariée placée en congé parental.
La durée de travail dans le cadre de ce dernier contrat était de 75,83 heures moyennant un salaire mensuel brut de 1304,50 €.
La salariée était affectée à l’établissement du Mont Verrier, établissement de soins de suite et de réadaptation spécialisée.
Il dispose de lits d’hospitalisation complète et des places d’hospitalisation de jour.
L’effectif de la société est de plus de onze salariés.
La salariée a exercicé son droit de retrait le 20 mars 2020.
Une convention de rupture anticipée a été signée le 31 mars 2020.
Mme [S] a saisi le conseil des prud’hommes d’Annecy le 16 novembre 2020 à l’effet d’obtenir des rappels de salaires et diverses indemnités.
Par jugement du 1er février 2022 le conseil de prud’hommes a :
– dit que le contrat du travail à durée déterminée du 25 février 2019 n’est pas requalifié en contrat à durée indéterminée et que le motif de surcroît d’activité est suffisamement précis,
– dit que Mme [S] n’est pas restée à la disposition de son employeur,
– dit que Mme [S] a fait un usage illégitime de son droit de retrait,
– dit que la société Le Mont Blanc a respecté son obligation de sécurité,
– jugé valide la rupture anticipée du contrat de travail,
– débouté Mme [S] de ses demandes,
– débouté la société Mont Blanc de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [S] aux dépens.
Mme [S] a interjeté appel par déclaration du 15 avril 2022 au réseau privé virtuel des avocats en ce qu’il a dit que le contrat du travail à durée déterminée du 25 février 2019 n’est pas requalifié en contrat à durée indéterminée et que le motif de surcroît d’activité est suffisamement précis, dit que Mme [S] n’est pas restée à la disposition de son employeur, dit que Mme [S] a fait un usage illégitime de son droit de retrait, dit que la société Le Mont Blanc a respecté son obligation de sécurité, jugé valide la rupture anticipée du contrat de travail, et l’a débouté de ses demandes.
Par conclusions notifiées le 27 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens Mme [S] demande à la cour de :
– infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
– constater que le contrat à durée déterminée du 15 février 2019 est en lien avec l’activité normale et permanente de l’entreprise et que le motif de surcroît d’activité n’est pas mentionné,
– requalifier le contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
– condamner en conséquence la société Mont Blanc à lui payer la somme de 2588,13 € à titre d’indemnité de requalification,
– constater qu’elle est restée à la disposition de son employeur et requalifier le contrat à temps partiel en contrat à temps plein,
– condamner en conséquence la société Mont Blanc à lui payer la somme de 9058,45 € à titre de rappel de salaires et 905,84 € de congés payés afférents,
– juger qu’elle a fait un usage légitime de son droit de retrait,
– juger que l’employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité,
– juger nulle la convention de rupture anticipée du contrat de travail,
– condamner en conséquence la société Mont Blanc à lui payer les sommes suivantes :
* 5176,26 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 517,62 € de congés payés afférents,
* 970,50 € à titre d’indemnité de licenciement,
* 15 528 € € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire, si la cour ne fait pas droit à la demande de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
– condamner la société Mont Blanc à lui payer la somme de 7567,02 € au titre des salaires courant jusqu’à la fin du contrat, et 756,70 € de congés payés afférents, et celle de 1552 € à titre d’indemnité de précarité,
En tout état de cause,
– condamner la société Mont Blanc à lui payer les sommes suivantes :
* 602,07 € à titre de rappel de salaires pour la période du 25 mars au 31 mars 2020 et 60,20 € de congés payés afférents,
* 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire et du manquement à l’obligation de sécurité,
* 3500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Mont Blanc de toutes ses demandes,
Elle soutient en substance que l’employeur lui a fait signer dix neuf contrats à durée déterminée, deux des contrats ont été signés pour surcroît de travail, or ce motif n’est pas mentionné, le contrat indiquant ‘motif de surcroit’ sans aucune précision.
A défaut de motif, le contrat doit être requalifié.
L’employeur ne démontre pas le surcroît de travail, ce que la jurisprudence sanctionne.
Le défaut du respect du délai de carence pour des contrats ne portant pas le même motif de recours entraîne la requalification.
De plus, il n’y a pas de surcroit d’activité dans le service de rééducation, le nombre de lits étant fixe.
Elle a été employée dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise.
S’agissant du temps de travail, elle n’était pas informée à l’avance de ses horaires de travail, elle en prenait connaissance le matin même, si un planning était affiché dans le bureau, elle en avait connaissance qu’en arrivant sur place.
L’employeur ne prouve pas que les plannings étaient transmis avant la prise de poste.
Le contrat de travail doit donc être requalifié en temps plein.
Sur le droit de retrait et la rupture du contrat de travail, l’employeur lui a interdit de porter un masque alors qu’elle était malade, il a refusé de la faire examiner par un médecin et de la faire tester alors qu’elle présentait des symptômes.
L’employeur a violé la réglementation qui impose de mettre à dispositions de tous les professionnels de santé des masques, des gants, du gel.
Il a mis en danger son état de santé et a contraint la salariée à rompre son contrat de travail.
Il ressort des faits mêmes que son consentement a été vicié lors de la signature de la rupture anticipée du contrat de travail.
Elle a exercé légitimement son droit de retrait et l’employeur à manqué à son obligation de sécurité, dès lors la convention de rupture devra être annulée.
Après l’exercice de son droit de retrait du 20 mars, la directrice et une assistante de direction ont hurlé sur elle en présence de témoins.
Il lui a été demandé le 25 mars de quitter immédiatement l’établissement. Pourtant l’employeur avait imposé le port du masque conformément à ce qu’elle demandait.
Les faits sont confirmés par des témoins.
Du fait de l’attitude de l’employeur, elle ne pouvait que signer la convention de rupture.
Elle a droit à des rappels de salaire, à une indemnité de requalification et à des indemnités pour rupture abusive du contrat de travail.
Par conclusions notifiées le 17 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Mont Blanc demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [S] de toutes ses demandes et de lui allouer une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la sucession de plusieurs contrats à durée déterminée n’est pas suffisante pour entraîner une requalification.
Un même salarié peut être amené succesivement à remplacer des salariés.
Il suffit que les salariés soient visés nommément et que les contrats soient distincts et autonomes.
La cour de justice de l’Union européenne par arrêt du 26 janvier 2012 a jugé que le renouvellement de contrat à durée déterminée peut être justifiée par le besoin de remplacement même si le besoin est récurrent, voire permanent.
La cour de cassation a jugé aussi dans ce sens (Cass soc 14 février 2018 n° 16-17.966).
Sur l’accroissement d’activité, il peut s’agir d’accroissements ponctuels ou de surcharges normales dans le cadre de l’activité permanente.
Les attestations de la salariée non conformes à l’article 202 du code de procédure civile devront être rejetées.
Les contrats de la salariée étaient tous distincts et comportaient un motif précis.
Le motif d’accroissement temporaire d’activité était justifié par l’augmentation du nombre de patients en hospitalisation complète et en hospitalisation de jour.
L’emploi de la salariée n’a jamais eu pour objectif de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Le délai de carence pour les contrats motivé pour surcroît d’activité a été respecté.
Aucun délai de carence n’est prescrit entre un contrat à durée déterminée pour remplacement et un contrat à durée déterminée pour surcroît d’activité.
Sur l’absence de précision de l’accroissement temporaire d’activité, le motif est indiqué et il importe peu que le motif du surcroît ne soit pas précisé.
Si un bulletin de salaire indique une ancienneté remontant au mois de mars 2019, cela ne modifie pas la nature des contrats de travail.
Au titre de la demande de requalification à temps complet, l’employeur peut employer un salarié sur deux contrats à durée déterminée distincts sur une même période ; le contrat pour surcroît d’activité étant à temps complet, le temps de travail sur cette période était forcément à temps complet.
De nombreux contrats sont à temps complets et la requalification n’a pas d’objet.
Les autres contrats précisent les horaires, la répartition sur la semaine et que les horaires sont précisés sur les plannings que la salariée ne conteste pas avoir consulté.
Les plannings sont affichés chaque mois dans le bureau des kinésithérapeutes.
La salariée connaissait donc ses horaires.
Sur la rupture du contrat de travail, il appartient à la salariée de prouver un vice de consentement.
Même à supposer que l’employeur aurait manqué à son obligation de sécurité, ce fait ne serait pas de nature à établir un vice du consentement.
Les témoignages sur une altercation relatent les dires d’une patiente, les témoins n’ayant pas assisté à l’altercation.
Même si l’altercation se serait produite, la salariée doit prouver qu’elle aurait contrainte la salariée à signer la convention de rupture.
De plus un témoin fait état d’une altercation en date du 19 mars, alors que la convention a été signée le 31 mars.
Aucune pression n’a été exercée, la salariée était accompagnée d’une représentante de proximité, elle a bénéficié d’un délai de réflexion.
Sur l’obligation de sécurité, elle avait imposé le port du masque dès janvier. Face à une pénurie de masque, elle a réservé les masques aux personnes présentant des symptômes.
Elle avait rappelé à la salariée qu’elle n’avait pas à ramener des masques personnels qu’elle ne partageait qu’avec l’équipe de kinésithérapeutes, au risque de créeer un sentiment d’inéquité au sein du personnel.
Aucun manquement à l’obligation de sécurité ne peut lui être reproché.
Aucune circonstance vexatoire lors de la rupture n’est établie.
Au titre du rappel de salaire du 25 au 31 mars 2020, la salariée ne travaillait pas à taux plein.
De plus, au cours de cette période, elle a été dispensée de préavis.
L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée, il ressort des contrats à durée déterminée en date des 25 février 2019, du 4 au 6 mars 2019, du 8 mars 2019 pour une journée, du 11 mars au 15 mars 2019, du 25 mars 2019 pour une journée, du 8 au 9 avril 2019, le 21 mai 2019 pour une journée, du 27 mai au 29 mai 2019, du 31 mai 2019 pour une journée, du 3 juin au 28 juin 2019 , du 1er juillet au 12 juillet 2019, du 29 juillet au 30 août 2019, du 1er octobre au 2 octobre 2019, du 28 octobre 2019 pour une journée, du 13 décembre 2019 pour une journé, du 30 décembre 2019 pour une journée, du 3 janvier 2020 pour une journée, et du 6 janvier au 26 juin 2020, que le motif de recours au contrat à durée déterminée était le remplacement d’un ou d’une salarié dont le nom et la qualité était indiqué dans les contrats de travail.
Ces contrats respectent les dispositions des articles L 1242-2-1 et L 1244-1 du code du travail.
La salariée a été engagée par contrat à durée déterminé pour sucroît d’activité par contrat du 4 mars 2019 jusqu’au 24 mai 2019, et par contrat du 2 septembre 2019 au 3 janvier 2020.
Le motif indiqué pour ces deux contrats ‘en raison d’un surcroît d’activité, cet accroissement temporaire d’activité découle de motif de surcroît’.
Même si cette rédaction est maladroite, il en résulte clairement que la salariée a été engagée pour un accroissement temporaire d’activité.
Néanmoins le contrat pour accroissement temporaire d’activité du 2 septembre 2019 fait suite à un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 30 août 2019 dont le motif était le remplacement d’un salarié absent.
L’employeur n’a donc pas respecté le délai de carence prévu par l’article L 1244-4-1 du code du travail, le recours à des contrats à durée déterminée successifs sans interruption n’étant permis que dans certains cas limitativement déterminés, en particulier ‘lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ;’.
L’accroissement temporaire d’activité n’étant pas prévu par ces l’article L 1244-4-1, l’employeur devait respecter un délai de carence ce qu’il n’a pas fait.
Le contrat du 2 septembre 2019 doit être dès lors requalifié en contrat à durée indéterminée.
Le jugement sera infirmé sur ce point, et il sera fait droit à la demande en paiement d’une indemnité de requalification de 2588,13 €.
Sur la demande de requalification en temps complet, il ressort du contrat à durée déterminée du 4 mars 2019 au 24 mai 2019 que la salariée a été engagée à temps complet pour accroissement temporaire d’activité. Au vu des contrats à durée déterminée suivant le 4 mars 2019, elle a été engagée également sur la même période pour remplacer des salariés absents sur de courtes périodes. Ce cumul ne changeait en rien que la salariée était engagé déjà à temps complet, elle percevait en plus un salaire correspondant au travail assuré sur les postes des salariés remplacés.
En revanche il ressort du contrat de travail à durée déterminée du 2 septembre 2019 au 3 janvier 2020 et du 6 janvier 2020 au 26 juin 2020 que la salariée a été engagée sur un temps partiel de 75,83 heures.
Le nombre d’heures de la salariée du lundi au dimanche était stipulé aux contrats de travail.
La répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine était donc indiquée conformément à l’article L 3123-6 du code du travail.
Il était stipulé que ‘les horaires de travail journaliers et hebdomadaires seront communiqués par écrit au salarié au moyen de l’affichage du planning qu’il lui appartient de consulter.’.
L’employeur produit des plannings mais aucun élément du dossier ne prouve que ces plannings étaient connus à l’avance par la salariée.
L’employeur verse aux débats une photographie des plannings situés dans un bureau, et une attestation d’une cadre de rééducation relatant juste que les plannings sont affichés tous les mois.
Ces éléments sont insuffisants à prouver que la salariée connaissait suffisamment de temps à l’avance ses horaires afin de pouvoir s’organiser dans le cadre d’un autre emploi à temps partiel, ceci en violation de l’article L 3123-6 alinéa 1er 3° du code du travail prévoyant que ‘les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.’.
La salariée se trouvait donc à la disposition de l’employeur.
Le contrat de travail sera requalifié à temps complet.
Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire à compter du 2 septembre 2019 jusqu’à fin mars 2020 soit une période de sept mois correspondant à la somme de 9058,45 € dont le montant n’est pas contesté outre les congés payés afférents de 905,84 €.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité et le droit de retrait, il n’est pas discuté que l’établissement se trouvait en pénurie de masques en mars 2020.
L’employeur dans la lettre adressée à la salariée en date du 23 mars 2019 expose avoir mis en place une veille par mail relatives aux consignes sanitaires à suivre ainsi qu’aux symptômes à surveiller par le président du CLIN, mis en place un registre des visites et du personnel, décidé de la fermure de l’hôpital de jour, fermé la balnéothérapie, interdit toute visite au sein de l’établissement et mis en isolement tous les patients venant de l’extérieur. Il précise qu’une cellule de crise de l’établissement est active et se réunit quotidiennement deux fois par jour, pour tenir à jour les conduites à tenir, revoir les précautions et réajuster les mesures barrières en temps réel. L’employeur en concluait que ‘compte tenu de notre communication active que de l’ensemble de ces mesures mises en place, nous estimons qu’il n’y a pas de danger grave et imminent pour votre santé mentale ou physique. Il lui demandait donc de reprendre son activité.
Aucune pièce produite par la salariée n’établit que ces mesures n’ont pas été mis en place.
En outre, il ressort de l’attestation de M. [U] [Z] médecin qu’au début de la crise sanitaire et compte tenu du manque de masques chirurgicaux disponibles, ‘les recommandations dans l’enceinte de la clinique était le port du masque chirurgical pour tous les patients et le port du masque chirurgical pour les soignants exclusivement s’ils étaient symptomatiques au contact d’une personne malade les 14 jours précédents. Avec pour consignes : masques en tissu interdits dans l’enceinte de la clinique, masque chirurgical à changer tous les 4 heures ou immédiatement si souillés. Si des soignants devaient être sympomatiques, ils doivent se signaler à l’ECH afin d’évaluer les risques éventuels de COFID et des renvoyer au domicile s’il existait un risque avéré d’affection par COFID. J’ai donc appris avec Mme [J] ce 19 mars 2020 au matin que Mme [S] portait un masque chirurgical. N’ayant pas été informé d’éventuels symptômes concernant cette kinésithérapeute, j’ai donc demandé à la voir en tant que président du CLIAS de l’établissement afin de me renseigner sur son état de santé. Mme [S] ne présentant aucun symptôme, ni de risque contact, il lui a été rappelé que le port du masque chirurgical était réservé à ce moment de la pandémie à l’ensemble des patients et aux soignants présentant une symptomatologie de type COFID ou ayant été en contact d’une personne malade les 14 jours précédents. Mme [S] a également été informée qu’il était également important que la clinique vérifie l’origine et la qualité des masques entrant dans l’enceinte de l’établissement afin de garantir le maximum de sécurité pour les patients. J’ai donc tenu à la rassurer et à l’informer qu’en ce moment précis et en fonction des connaissances scientifiques actuelles, nous souhaitions privilégier le port adapté du masque chirurgical pour toute personne sympomatique…’.
Il résulte de cette attestation que l’établissement avait pris des mesures sérieuses quant au port du masque dans l’établissement et que le port du masque n’était à cette période pas obligatoire.
Si des attestations de collègues de travail de la salariée sont produites, elles ne suffisent pas à prouver que l’employeur compte tenu du contexte de début de la crise sanitaire, où le port du masque n’était pas encore obligatoire, ait manqué à son obligation de sécurité. En effet, il était légitime que le personnel soignant en première ligne se pose des questions et doute de l’efficacité des mesures barrières prises. Pour autant l’employeur avait mis en oeuvre des mesures suffisantes en l’état des mesures prises au niveau national pour mettre en oeuvre des mesures barrières.
La salarié n’établit par aucune pièce qu’elle présentait le 19 mars des symptomes justifiant le port du masque. Le médecin assure qu’elle n’en présentait pas.
L’employeur n’a donc pas manqué à son obligation de sécurité et l’exercice du droit de retrait n’était donc pas justifié.
Sur la rupture du contrat de travail, la salariée a signé une convention de rupture du contrat à durée déterminée en date du 31 mars 2020.
Cet accord a été conclu plus de dix jours après l’exercice du droit de retrait, les incidents relatifs au port du masque et à l’altercation alléguée que des patients ont relaté à des salariés sans que ces derniers en aient été témoins directs.
La salariée n’établit aucun pression qu’aurait exercé la direction pour qu’elle accepte une rupture anticipée.
Le seul l’exerce du droit de retrait que l’employeur a contesté n’établit pas en soi que la salariée n’a pas pu accepter en toute connaissance de cause la convention de rupture anticipée, la seule existence de conflit n’étant jamais suffisante à établir un vice de consentement.
Aucun vice du consentement n’étant prouvé, la demande de nullité de la convention de rupture sera rejetée ainsi que les demandes subséquentes.
Enfin aucune circonstante vexatoire ou brutale entourant la rupture du contrat de travail n’est établie par la salariée.
La demande de dommages et intérêts sera dès lors rejetée et le jugement confirmé sur ce point.
Les dépens seront partagés par moitié, chaque partie succombant partiellement à ses prétentions.
Il sera fait droit partiellement à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par la salariée, celle-ci ayant dû agir en justice pour obtenir une indemnité de requalification et un rappel de salaire auxquels elle avait droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
CONFIRME le jugement du 1er février 2022 rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy en ce qu’il a :
– dit que Mme [S] a fait un usage illégitime de son droit de retrait,
– dit que la société Le Mont Blanc a respecté son obligation de sécurité,
– jugé valide la rupture anticipée du contrat de travail,
– débouté Mme [S] de ses demandes au titre du manquement à l’obligation de sécurité et à la rupture anticipée du contrat de travail,
– débouté la société Mont Blanc de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
L’INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispostions infirmées,
REQUALIFIE les contrats de travail en date du 1er septembre 2019 et du 6 janvier 2020 en contrat à durée inderminée ;
REQUALIFIE le contrat à temps partiel en contrat à temps plein,
CONDAMNE la société Le Mont Blanc à payer à Mme [N] [S] les sommes suivantes :
– 2588,13 € à titre d’indemnité de requalification,
– 9058,45 € à titre de rappel de salaires et 905,84 € de congés payés afférents ;
DIT que la charge des dépens de première instance et d’appel sera partagé par moitié entre Mme [S] et la société Le Mont Blanc ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Le Mont Blanc à payer à Mme [N] [S] une somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 06 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président