REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 05 OCTOBRE 2022
(n° 2022/ , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03341 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB3XA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MELUN – RG n° 19/00281
APPELANT
Monsieur [I] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82
INTIMÉE
SARL ASCENCEURS FABRICATION ENTRETIEN MONTAGE AFEM
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [I] [L] a été engagé le 1er octobre 2018 par la société Ascenseurs Fabrication Entretien Montage (AFEM) selon contrat de travail à durée déterminée jusqu’au 11 janvier 2019 avec possibilité de le renouveler deux fois, à temps plein, afin d’exercer les fonctions de technicien de maintenance polyvalent, niveau 3, Echelon 1, coefficient 215 et avec un salaire de 2.350 euros bruts mensuels.
Le contrat était soumis aux dispositions de la convention collective de la métallurgie.
Le contrat a été renouvelé une fois le 2 janvier 2019 jusqu’au 19 avril 2019.
Le 4 février 2019, un avertissement a été notifié à M. [L] pour non respect des horaires de travail.
M. [L] ne s’est plus présenté sur son lieu de travail à partir du 1er mars 2019.
Le 4 mars 2019, la société a demandé à M. [L] de justifier de son absence.
Le 11 mars 2019, la société AFEM a adressé à M. [L] une convocation à un entretien préalable à une mesure disciplinaire.
Par lettre du 15 mars 2019, M. [L] a adressé à son employeur une demande de ‘fin de contrat’ de travail en lui reprochant une violation des engagements réalisés lors de l’entretien d’embauche.
Par un courrier du 19 mars 2019, la société AFEM a accepté de mettre fin au contrat de travail de M. [L] à la date de présentation du courrier.
M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun le 12juin 2019 afin de solliciter :
– la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu du 1er octobre 2018 au 11 janvier 2018 en contrat de travail à durée indéterminée ;
– la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu du 12 janvier 2019 au 19 avril 2019 en contrat à durée indéterminée ;
– une Indemnité de requalification : 2.369,30 euros
– une Indemnité de précarité : 236,93 euros
– la reconnaissance de la prise d’acte ayant les effets d’un licenciement sans causeréelle et sérieuse.
– une Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14.910,24 euros
– une Indemnité compensatrice de préavis : 1.159,68 euros
– une Indemnité de congé payé sur préavis : 115,97 euros
– exécution déloyale du contrat de travail : 7.455,12 euros.
Par jugement du 12 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Melun a :
– débouté M. [L] de sa demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu du 1er octobre 2018 jusqu’au 11 janvier 2018 en contrat de travail à durée indéterminée,
– requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée conclu jusqu’au 19 avril 2019 pour violation des règles relatives à l’obligation d’un écrit,
– requalifié la prise d’acte de la rupture de M. [I] [L] en simple démission,
– condamné la société AFEM à payer à M.[L] les sommes de :
– 2 369,30 € au titre de l’indemnité de requalification,
– 1 159,68 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 115,97 € au titre de l’indemnité de congés payés sur le préavis,
– 1 200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [L] du surplus de ses demandes,
– ordonné l’exécution provisoire en application de l’article R1245-1 du code du travail,
– condamné la société AFEM aux dépens.
M. [L] a interjeté appel le 5 juin 2020.
Selon ses dernières conclusions, remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 12 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [L] demande de :
– Réformer le jugement déféré en ce qu’il a :
– débouté M. [L] [I] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée conclu du 1er octobre 2018 jusqu’au 11 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée,
– requalifié en contrat à durée indéterminée le contrat à durée déterminée conclu jusqu’au 19 avril 2019 pour violation des règles relatives à l’obligation d’un écrit,
– requalifié la prise d’acte de la rupture de M. [L] [I] en simple démission,
– condamné la Société AFEM au paiement à M. [L] [I] des sommes suivantes :
– 2 369,30 € au titre de l’indemnité de requalification,
– 1 159,68 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 115,97 € au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,
– 1 200 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– débouté M. [L] [I] du surplus de ses demandes,
– ordonné une exécution provisoire.
Statuant à nouveau
A titre principal
– Dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée conclu du 1er octobre 2018 au 11 janvier 2019 sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée pour violation des règles concernant les cas de recours ;
– Dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée conclu jusqu’au 19 avril 2019 sera requalifié en contrat de travail à durée indéterminée pour violation des règles relatives à l’obligation d’un écrit ;
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail réalisée par M. [L] doit être qualifiée en prise d’acte ;
– Dire et juger que la prise d’acte prendra les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 2.369,30 euros au titre de l’indemnité de requalification ;
– Ecarter le barème prévu à l’article L 1235-3 du code du travail car contraire aux dispositions de l’article 10 de la convention n°157 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne;
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 14.910,24 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– A défaut, condamner la société AFEM à payer une somme de 2.485,04 euros en application des dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 1.159,68 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 115,97 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis ;
A titre subsidiaire
– Dire et juger que la rupture du contrat de travail de M. [L] repose sur une faute grave ;
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 3.569,30 euros au titre des salaires non-versés à M. [L] avant la fin de son contrat.
En tout état de cause
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 236,93 euros au titre de la prime exceptionnelle de précarité ;
– Condamner la société AFEM à payer la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral,
– Condamner la société AFEM à payer une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause de première instance et 3.000 euros en cause d’appel ;
– Condamner la société AFEM aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Xavier Martinez, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis,
– Débouter purement et simplement la société AFEM de toutes demandes ou moyens contraires, y compris au titre de ses appels incident et demandes reconventionnelles.
Selon ses conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 20 janvier 2022, la société AFEM demande de :
– déclarer irrecevable la demande formée par M. [L] au titre d’un préjudice moral
– déclarer pour le surplus M. [L] recevable mais non fondé en son appel
– déclarer la société AFEM recevable et bien fondée en son appel incident
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a :
o requalifié en contrat de travail à durée indéterminée le contrat de travail à durée déterminée conclu jusqu’au 19 avril 2019
o condamné la société AFEM au paiement des sommes suivantes
– 2.369,30 € au titre de l’indemnité de requalification,
– 1.159,68 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 115,97 € au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,
– 1.200 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Statuant à nouveau
– Débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes
– Condamner M. [L] au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 avril 2022.
La cour n’a pas fait droit à la demande de réouverture des débats formulée par l’appelant par conclusions déposées le 22 avril 2022 et auxquelles l’intimé avait répondu le 2 mai 2022 sollicitant le rejet de la demande.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande nouvelle en appel de réparation d’un préjudice moral:
En vertu de l’article 910-4 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
La demande de réparation d’un préjudice moral formée par conclusions du 12 novembre 2021 ne figurait pas dans les conclusions déposées par M. [L] dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile le 3 septembre 2020, de sorte que cette demande est irrecevable.
Sur la demande de requalification du contrat conclu du 1er octobre 2018 au 11 janvier 2019 :
Selon l’article L1242-2 du code du travail ,sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas :
a) D’absence ;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
c) De suspension de son contrat de travail ;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;
e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ; (…).
En l’espèce, le contrat de travail mentionne que M. [L] est engagé à durée déterminée ‘suite à une augmentation de l’activité par la reprise de nouveaux contrats’.
La société AFEM à laquelle incombe la charge de la preuve de la réalité de l’accroissement d’activité invoqué produit six contrats conclus avec des clients entre octobre et décembre 2018 lesquels avaient une durée de trois à cinq ans de sorte que l’accroissement d’activité lié à la conclusion de ces contrats n’étaient pas temporaire mais durable.
Si l’employeur soutient avoir dû faire face à une surcharge de travail en fin d’année, il ne produit aucune pièce de nature à l’établir.
S’il importe peu que M. [L] ait été affecté auprès des clients habituels de la société et non auprès des nouveaux clients, il résulte des éléments de la cause que la société AFEM a eu recours au contrat de travail à durée déterminée renouvelable aux lieu et place d’une période d’essai.
Les conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée ne sont donc pas remplies de sorte que le contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à compter de sa signature soit le 1er octobre 2018.
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité de requalification :
En vertu de l’article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
M.[L] percevant un salaire mensuel brut de base de 2350 euros, il sera fait droit à sa demande d’indemnité de 2369,30 euros. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail :
M. [L] reproche à son employeur de ne pas avoir respecté une promesse qu’il lui aurait faite lors de son embauche sans toutefois préciser en quoi elle consistait.
S’il considère que son employeur l’a sanctionné à tort, M. [L] ne produit aucune pièce de nature à établir que la société AFEM aurait agi de manière fautive à son égard.
Il reproche à son employeur d’avoir déduit de son salaire les amendes qui lui ont été délivrées au cours de ses déplacements professionnels sans toutefois préciser le montant de celles-ci et sur quel bulletin de paie elles ont été déduites. Si le bulletin de mars 2019 mentionne une retenue pour ‘remboursement de frais’ de 350 euros, aucune précision n’est donnée par M. [L] sur cette retenue, la cour n’étant pas en mesure de déterminer s’il s’agit des amendes invoquées. Cette déduction, au demeurant, est intervenue postérieurement à la rupture du contrat et ne saurait dès lors le justifier.
Aucune faute imputable à l’employeur et de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail n’est démontrée par M. [L] de sorte que son courrier de prise d’acte s’analyse en une démission.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
La rupture du contrat de travail s’analysant en une démission, aucune indemnité compensatrice de préavis n’est due au salarié. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur l’indemnité de précarité :
L’indemnité de précarité, qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat à durée indéterminée, notamment en cas de requalification d’un contrat à durée déterminée.
La demande formulée par M. [L], dont le contrat de travail à durée déterminée a été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, est en conséquence rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Il convient de confirme le jugement sur les dépens de première instance et la sommes mise à lar charge de la société AFEM par les premiers juges et, s’agissant de l’instance d’appel, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DÉCLARE irrecevable la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce que la prise d’acte produit les effets d’une démission, sur l’indemnité de requalification et l’indemnité de précarité, les dépens et l’article 700 du code de procédure civile,
LE CONFIRME de ces chefs,
Statuant sur les chefs infirmés,
REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2018,
REJETTE les demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
REJETTE la demande formée en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE