ARRÊT N°
N° RG 19/00814 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HIMC
YRD/ID
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MENDE
18 janvier 2019
RG :18/00032
[V]
C/
S.A.S.U. SUBLOZERE
S.E.L.A.R.L. FHB
S.E.L.A.R.L. [I] [B]
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 05 JUILLET 2022
APPELANTE :
Madame [J] [V]
née le 19 Décembre 1988 à [Localité 14]
Chez Madame [V] [R]
[Adresse 11]
[Localité 6]
Représentée par Me Luc PRADIER de la SCP CARREL, PRADIER, DIBANDJO, avocat au barreau de LOZERE
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
SASU SUBLOZERE
[Adresse 12]
[Localité 7]
Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL FHB en sa qualité de Commissaire à l’exécution du plan de la société SUBLOZERE
[Adresse 10]
[Localité 8]
Représentée par Me Sonia HARNIST de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER
SELARL [I] [B] représentée par Maître [I] [B], pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SASU SUBLOZERE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 15]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Juin 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Virginie HUET, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
À l’audience publique du 15 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Juillet 2022
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;
ARRÊT :
Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 05 Juillet 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [V] a été engagée par contrat à durée déterminée saisonnier du 20 juin au 30 septembre 2015 en qualité d’équipière par la SAS Sublozère.
Sollicitant la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, elle saisissait le conseil de prud’hommes de Mende de diverses demandes.
Par jugement contradictoire du 18 janvier 2019, le conseil de prud’hommes l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Par acte du 21 février 2019 Mme [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 mai 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer la décision déférée,
– prononcer la requalification du contrat à durée déterminée saisonnier en contrat à durée indéterminée.
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Sublozère, société actuellement en liquidation judiciaire, aux sommes suivantes :
– 2.000,00 euros net à titre d’indemnité de requalification du CDD en CDI (Article L.1243-13 du Code du Travail)
– 364,38 euros à titre d’indemnité de préavis, soit ¿ de mois de salaire,
– 36,43 euros à titre de congés payés sur préavis,
– 5.000,00 euros de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle ni sérieuse du contrat de travail,
– 300,00 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche,
– 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à :
– La SELARL FHB prise en la personne de son représentant légal en exercice, en sa qualité de Mandataire Judiciaire à la liquidation judiciaire de la SASU Sublozère.
– L’Unedic délégation AGS-CGEA de [Localité 15] dont le siège est [Adresse 2] pris en la personne de son Directeur en exercice.
– condamner en tant que de besoin le Centre de Gestion et d’Etudes AGS (CGEA) de [Localité 15], au paiement des sommes précitées dans les conditions et limites prévues par la Loi.
Elle soutient que :
– l’activité de la société Sublozère ne s’inscrit pas dans le cadre d’une saison déterminée mais s’exerce toute l’année, s’agissant d’une activité de restauration rapide située sur une aire d’autoroute par hypothèse accessible à la clientèle en toutes saisons, l’établissement n’étant pas soumis à des périodes de fermeture annuelle,
– le fait que cette activité permanente puisse théoriquement, à certaines périodes de l’année, connaître des fluctuations importantes notamment lors des départs ou retours de vacances en période estivale ou autres ne saurait pour autant en faire une activité saisonnière.
– la jurisprudence rappelle qu’une activité ne peut être considérée comme saisonnière pour un établissement ouvert toute l’année, ce qui est le cas en l’espèce,
– les tâches qui lui étaient confiées, équipière polyvalente dans un restaurant d’autoroute, ne revêtent pas de caractère strictement saisonnier et non durables s’agissant au contraire de tâches pouvant être exercées tout au long de l’année (accueil de la clientèle, service, ménage etc..).
– si le contrat de travail saisonnier comporte la date pré-imprimée du 20 juin 2015, cette date ne correspond nullement à la date de remise effective du contrat, ce dernier lui ayant été transmis seulement fin juillet 2015 ce que confirment le attestations produites.
En l’état de ses dernières écritures en date du 28 juin 2019, la SAS Sublozère et la SELARL FHB, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Sublozère, cette dernière mise en cause par acte du 19 mai 2022, ont sollicité la confirmation du jugement et la condamnation de Mme [V] au paiement de la somme de 1.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir que :
– s’il est exact que le commerce SUBWAY était ouvert toute l’année, l’accroissement d’activité lié à la saison estivale est une réalité incontournable en raison du passage fortement accru sur l'[Adresse 9] entre les mois de juillet et de septembre de chaque année, Mme [V] était affectée au service du comptoir SUBWAY pour une activité très accrue durant l’été,
– les attestations produites sont insuffisantes à établir que le contrat de l’appelante daté du 20.06.2015 aurait été en réalité signé et remis postérieurement,
– l’employeur soumis aux aléas d’une ouverture de commerce n’a pas pu anticiper au-delà de quelques jours les déclarations d’embauche du personnel ce qui ne peut lui être reproché, la déclaration préalable à l’URSSAF devant être effectuée au plus tôt de la date d’embauche connue.
L’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 15], reprenant ses conclusions transmises le 16 novembre 2020, demande à la cour de :
Confirmer la décision entreprise.
Subsidiairement, dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [V] doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée,
Apprécier le préjudice subi par Mme [V] en application de l’ancien article L.1235-5du Code du Travail.
Faire application des dispositions législatives et réglementaires du Code de Commerce.
Donner acte à la Délégation UNEDIC et AGS de ce qu’ils revendiquent le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du Code du Travail.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 2 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 4 février 2022 à 16h00.
MOTIFS
Sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée
Mme [V] rappelle qu’elle a été embauchée par la SAS Sublozère en qualité d’équipière niveau 1 échelon I dans le cadre d’un CDD à temps plein conclu officiellement pour la période du 20 juin 2015 au 30 septembre 2015, que cette embauche s’inscrivait dans le cadre de l’ouverture de nouveaux espaces de restauration sur une aire de l'[Adresse 9] en Lozère incluant notamment les sociétés [Adresse 13] et Sublozère, dont les dirigeants étaient les mêmes, que son contrat de travail prenait fin le 30 septembre 2015, que par courrier du 5 octobre 2015, la Société Sublozère lui adressait son dernier bulletin de salaire ainsi que les documents de fin de contrat.
Selon l’article 1242-1 du code du travail un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L.1242-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige prévoyait que :
Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas :
(…)
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
(…)
En l’espèce, le contrat conclu entre Mme [V] et la société Sublozère est un « contrat de travail à durée déterminée saisonnier à temps complet », le motif invoqué par l’employeur reposant sur un « surcroît saisonnier d’activité dû à l’afflux touristique de la saison 2015 ».
Mme [V] conteste le caractère saisonnier dudit contrat de travail aux motifs que l’activité de la société Sublozère ne s’inscrit pas dans le cadre d’une saison déterminée mais s’exerce toute l’année, s’agissant d’une activité de restauration rapide située sur une aire d’autoroute par hypothèse accessible à la clientèle en toutes saisons, l’établissement n’étant pas soumis à des périodes de fermeture annuelle, que cette activité permanente puisse théoriquement, à certaines périodes de l’année, connaître des fluctuations importantes notamment lors des départs ou retours de vacances en période estivale ou autres ne saurait pour autant en faire une activité saisonnière, que selon la jurisprudence une activité ne peut être considérée comme saisonnière pour un établissement ouvert toute l’année, ce qui est le cas en l’espèce, que par ailleurs les tâches qui lui étaient confiées à savoir d’équipière polyvalente dans un restaurant d’autoroute, ne revêtent pas de caractère strictement saisonnier et non durable au sens de principes de droit précités, s’agissant au contraire de tâches pouvant être exercées tout au long de l’année (accueil de la clientèle, service, ménage etc..).
Il incombe à l’employeur en effet de démontrer que l’emploi proposé à la salariée présentait un caractère saisonnier ou qu’il s’agissait d’un emploi pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Le caractère saisonnier d’un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs.
L’activité permanente d’une entreprise n’exclut pas la possibilité d’une activité saisonnière liée au tourisme dès lors que celle-ci se traduit par un accroissement significatif d’activité à dates à peu près fixes dans l’année.
L’activité touristique de l’employeur peut être caractérisée par un accroissement du nombre de clients, chaque année, à des dates à peu près fixes, en sorte que les contrats conclus avec un salarié couvrent les périodes de l’année pendant lesquelles l’établissement reçoit le plus grand nombre de clients.
Enfin, il ne suffit pas que l’entreprise soit dans le secteur agricole où les saisons ont naturellement leur importance pour que le contrat à durée déterminée conclu soit nécessairement un contrat à caractère saisonnier.
Ainsi, un contrat à durée déterminée saisonnier pouvait être conclu pour un établissement pérenne comme celui exploité par la société Sublozère mais dont l’afflux de clientèle fluctue selon les saisons.
Tel est le cas d’un établissement de restauration situé sur un axe touristique dans une région peu attractive hors période touristique comme l’est la Lozère.
La société Sublozère rappelle que s’il est exact que son établissement exploité sous l’enseigne SUBWAY était ouvert toute l’année, l’accroissement d’activité lié à la saison estivale est une réalité incontournable en raison du passage fortement accru sur l'[Adresse 9] entre les mois de juillet et de septembre de chaque année ce qui résulte des documents produits et notamment le tableau des chiffres d’affaires pour les années 2017/2018.
Elle indique qu’en saison 2015, cinq personnes étaient employées par la société alors que l’effectif hivernal de l’établissement était d’une personne.
Il est ainsi justifié du juste motif pour lequel il a été recouru à un contrat à durée déterminée saisonnier pour recruter Mme [V].
Le jugement encourt confirmation de ce chef.
Sur la remise tardive du contrat à durée déterminée
Mme [V] rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L 1242-13 du code du travail, « le contrat de travail est transmis au salarié au plus tard dans les 2 jours suivant l’embauche ».
La transmission tardive équivaut à une absence d’écrit qui entraîne la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, Mme [V] soutient que le contrat de travail saisonnier comporte certes la date pré-imprimée du 20 juin 2015, que toutefois cette date ne correspond nullement à la date de remise effective du contrat, ce dernier lui ayant été transmis, ainsi qu’à la plupart des salariés embauchés, seulement fin juillet 2015, que les attestations concordantes de Mme [D] [U] et M. [N] [M] démontrent bien que les contrats de travail ont été remis aux salariés pour signature non le 20 juin 2015 comme indiqué de manière préimprimée mais seulement au cours du mois de juillet 2015 et au moins 15 jours après l’embauche et ce violation de l’article L 1243-13 du Code du Travail précité.
Toutefois, la société intimée fait observer que M. [M], ex compagnon de Mme [V] qui a également engagé un contentieux prud’homal à l’encontre d’une société du groupe, atteste en toute hypothèse uniquement avoir signé et reçu son contrat de travail dernière quinzaine de juillet 2015 mais ne dit rien sur le contrat de Mme [V] dont il n’a pas été témoin de la remise et de la signature, qu’en ce qui concerne M. [M] il s’agissait en tout état de cause d’un contrat à durée indéterminée. La société intimée fait également observer que Mme [D] [U] atteste « nous avons reçu et signé nos contrats au moins 15 jours après avoir pris notre poste » sans viser le cas de Mme [V].
Le jugement mérite confirmation.
Sur l’absence de visite médicale
Mme [V] rappelle qu’en vertu de l’article D.4625-22 du code du travail applicable aux salariés saisonniers dans sa version en vigueur au moment de l’embauche en juin 2015: « Un examen médical d’embauche est obligatoire pour le salarié recruté pour une durée au moins égale à 45 jours » alors qu’elle n’a bénéficié d’aucune visite médicale lors de son embauche alors même qu’il est établi que celle-ci était prévue pour une durée supérieure à 45 jours.
Outre que Mme [V] ne justifie d’aucun préjudice que lui aurait causé ce manquement, la société intimée justifie avoir adressé la déclaration préalable à l’embauche du 18 juin 2015 aux services de médecine du travail en sorte qu’elle ne peut être tenue responsable de la carence de ces services.
Le jugement mérite encore confirmation de ce chef.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
– Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne l’appelante aux dépens d’appel.
Arrêt signé par Monsieur ROUQUETTE-DUGARET, Président et par Madame DELOR, Greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,