CDD pour accroissement d’activité : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01725
CDD pour accroissement d’activité : décision du 31 janvier 2024 Cour d’appel de Reims RG n° 22/01725

Arrêt n°

du 31/01/2024

N° RG 22/01725

MLS/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 31 janvier 2024

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 9 septembre 2022 par le Conseil de Prud’hommes de CHARLEVILLE MEZIERES, section Commerce (n° F 21/00027)

SARL POMPES FUNÈBRES ET MARBRERIE VOUZINOISE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SCP RAHOLA CREUSAT LEFEVRE, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

Madame [X] [K]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par la SCP DUPUIS LACOURT MIGNE, avocats au barreau des ARDENNES

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 6 décembre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller, et Madame Isabelle FALEUR, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 31 janvier 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller

Madame Isabelle FALEUR, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Mme [X] [K] a été embauchée par la SARL Pompes Funèbres Vouzinoise devenue SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise, à compter du 18 février 2019 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée transformé, le 26 août 2019, en contrat à durée indéterminée, en qualité d’assistante funéraire.

Le 11 mars 2020, elle a été placée en congé maternité jusqu’au 17 juillet 2020.

Par courrier en date du 18 juillet 2020, elle s’est vue notifier un avertissement pour ‘ critiques menaçantes envers son employeur et des collègues’.

Le 22 juillet 2020, elle a été placée en arrêt de travail jusqu’à la rupture de son contrat de travail, par démission le 26 mai 2021.

Le 16 février 2021, elle avait saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, d’une reconnaissance et d’une indemnisation du harcèlement moral subi par elle, d’une requalification de son contrat à durée déterminée du 1er mars 2019 en CDI et d’une annulation de son avertissement du 18 juillet 2020.

Le 1er juillet 2021, elle a déposé une seconde requête par laquelle elle a sollicité que cette démission produise les effets d’un licenciement nul, à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire.

Les deux instances ont été jointes le 23 novembre 2021.

A titre reconventionnel, l’employeur a demandé remboursement d’une somme de 3 764,79 euros correspondant à un trop versé de salaires.

Par jugement du 9 septembre 2022, le conseil de prud’hommes a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– déclaré les demandes recevables et partiellement fondées ;

– requalifié le premier contrat de travail à durée déterminée existant entre les parties en un contrat de travail à durée indéterminée ;

– requalifié la démission de Mme [X] [K] en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise produisant les effets d’un licenciement nul ;

– prononcé l’annulation de l’avertissement du 18 juillet 2020;

– condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à payer à Mme [X] [K] les sommes suivantes :

1 707,30 euros à titre d’indemnité de requalification,

13 000 euros titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

3 114,60 euros titre d’indemnité compensatrice de préavis,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

et ce avec intérêts de droit au taux légal du jour de la saisine ;

– débouté Mme [X] [K] du surplus de ses demandes;

– ordonné à la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise en application de l’article L.1235-4 du code du travail le remboursement à l’organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée par Pôle Emploi ;

– fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 707,30 euros ;

– débouté la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

– mis les dépens à la charge de la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise.

Par déclaration en date du 27 septembre 2022, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise a interjeté appel du jugement, en visant l’intégralité des chefs du jugement qui lui étaient défavorables.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 novembre 2023.

Exposé des prétentions et moyens des parties :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise demande à la cour :

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau :

A titre principal,

– de débouter Mme [X] [K] de l’ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

– de condamner Mme [X] [K] à lui rembourser la somme de 3 764,79 euros au titre d’un trop perçu de salaire;

A titre subsidiaire,

– de réduire à de plus justes propositions le montant des sommes sollicitées par Mme [X] [K];

En tout état de cause,

– de condamner Mme [X] [K] à lui payer à la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, Mme [X] [K] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

requalifié le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.

requalifié sa démission en prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul.

prononcé l’annulation de l’avertissement du 18 juillet 2020.

condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer les sommes de 1 707,30 euros d’indemnité de requalification, de 3 114,60 euros au titre du préavis et de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes et en ce qu’il a condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer la somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Statuant à nouveau,

– de condamner la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer les sommes de :

20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros à titre d’heures supplémentaires,

500 euros à titre de congés payés afférents,

2 000 euros à titre de rappel de salaires impayés,

200 euros à titre de congés payés afférents,

5 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

Motifs :

1- Sur la requalification de la relation contractuelle

Mme [X] [K] affirme que son contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour un motif fictif et que l’employeur ne démontre pas la réalité de l’accroissement temporaire d’activité stipulé dans le contrat.

La société employeur prétend que la demande de requalification en contrat à durée indéterminé est sans objet dès lors que Mme [X] [K] a régularisé un avenant au contrat de travail prévoyant expressément un engagement à durée indéterminée à compter du 26 août 2019.

Or, la circonstance que les parties aient conclu un contrat à durée indéterminée ne prive pas la salariée de l’indemnité spéciale de requalification prévue par l’article L. 1245-2 du code du travail.

En l’espèce, le premier contrat de travail à durée indéterminée conclu pour la période du 18 février 2019 au 25 août 2019 est motivé par un accroissement temporaire d’activité.

Il incombe à l’employeur de justifier de la réalité du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée, ce qu’il ne fait pas.

Il en ressort que l’embauche de la salariée en contrat à durée déterminée n’était pas motivé par un accroissement d’activité, de sorte que la requalification doit être prononcée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il doit l’être également du chef de l’indemnité de requalification au paiement de laquelle la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise a été condamnée, correspondant à un mois de salaire, tel que sollicité par Mme [X] [K], et ce en application de l’article L.1245-2 du code du travail.

2- Sur l’exécution du contrat de travail

– les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

L’employeur affirme que les demandes relatives aux salaires et heures supplémentaires ne sont pas fondées et fait valoir que Mme [X] [K] est dans l’incapacité totale d’effectuer un quelconque décompte des heures qu’elle prétend pourtant avoir effectuées.

Au contraire, la salariée affirme avoir effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées en se reportant à un relevé d’heures.

En l’espèce, selon son contrat de travail, Mme [X] [K] travaillait 35 heures par semaines et était soumise à l’horaire collectif de l’entreprise.

Elle produit aux débats des relevés horaires pour la période courant d’avril 2019 à février 2020 avec indication des horaires de début et fin de journée ainsi que des pauses méridiennes. Ces horaires ne révèlent l’accomplissement d’heures supplémentaires que pour la 3ème et la 4ème semaine du mois de décembre 2019. En outre, pour certains jours, qu’elle est revenue au bureau parfois les dimanches sans que ne soit nécessairement renseigné les horaires correspondant.

Elle verse également des sms échangés avec son employeur qui font état d’interventions tardives et parfois de demandes d’intervention les dimanches (28 juillet 2019, 4 août 2019 et 22 décembre 2019) qui n’ont pas été comptabilisées mais dont le cumul hebdomadaire ne permet pas de comptabiliser des heures au-delà des 35 heures.

Il en ressort donc que la salarié a effectué 6 h 25 supplémentaires en décembre 2019. Le relevé d’heures laisse voir que des heures de repos ont été prises y compris dans le courant de la semaine de sorte que la cour ne retient pas l’existence d’heures supplémentaire restant à payer.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la demande ne peut qu’être rejetée par confirmation du jugement.

– le maintien du salaire pendant les arrêts de travail

Mme [X] [K] sollicite un rappel de salaire en prétendant que l’employeur n’a pas respecté la convention collective en ses dispositions relatives au maintien du salaire.

L’employeur affirme que les demandes relatives au rappel de salaires ne sont pas fondées.

La salariée, qui a subi plusieurs périodes d’arrêt, y compris pour congé de maternité, n’indique pas quelle période est concernée. Elle ne donne aucune indication sur les salaires qu’elle auraient dû percevoir.

De fait, elle a été en congé maternité du 12 mars au 2 juillet 2020, puis en arrêt maladie ordinaire du 22 juillet 2020 au 30 août 2020, selon le bulletin de situation émis par la caisse de sécurité sociale. Toutefois, il n’est pas contesté que l’arrêt a été prolongé jusqu’à la rupture du contrat en 2021.

Selon la convention collective applicable, le maintien de salaire porte sur un total de 90 jours avec un maintien à 90% pendant 30 jours et un maintien à 75 % pendant les 60 jours suivants.

Le total de la période de maintien de salaire a été épuisé en 2020 pendant le congé de maternité sans que la cour ne soit renseignée sur le montant des indemnités versées par la caisse de sécurité sociale, alors que le maintien de salaire est conditionné par la justification de cette prise en charge.

Pour la période de 2021, aucune pièce ne renseigne la cour sur le montant des indemnités journalières alors que c’est une condition pour pouvoir exiger de l’employeur le respect de ses obligations concernant le maintien de salaire pendant les arrêts maladie.

Dès lors, la salariée sera déboutée de cette prétention et le jugement sera confirmé de ce chef.

– l’avertissement du 18 juillet 2020

Par courrier du 18 juillet 2020, l’employeur a notifié à Mme [X] [K] un avertissement pour avoir proféré des critiques menaçantes envers lui et certains de ses collègues.

L’employeur fait témoigner M. [F] [I] dans un document dont la force probante est anihilée en l’absence de pièce d’identité jointe conformément aux dispositions de l’article 202 du Code de procédure civile.

Seul M. [Z] [D], électricien venu changer des ampoules le 17 juillet 2019, atteste dans le respect des formes réglementaires, avoir entendu des disputes entre employés et avoir entendu Mme [X] [K] dire ‘il y en a une de trop ici ! Il faut que quelqu’un dégage. Je vais porter plainte à la gendarmerie, je vais le faire payer’.

Ce témoignage, dont aucun autre élément ne vient éclairer les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus et l’identité de la personne visée, ne peut suffire à justifier le grief fait à la salariée, de sorte que l’avertissement n’est pas justifié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

– l’obligation de sécurité

La salarié réclame 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés des manquaments à l’obligation de sécurité sans faire valoir de moyens propres à y faire droit de sorte que la cour, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’est pas tenue de les examiner.

Le jugement qui a rejeté la demande sera donc confirmé.

3- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsque le salarié saisit le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puis démissionne, la demande de résiliation devient sans objet.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande et d’examiner directement les griefs invoqués lors de la démission.

4 – Sur la démission

La démission constitue une rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié qui n’a pas à être motivée. La démission ne se présume pas et doit résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié, exclusive de tout vice de consentement.

La prise d’ acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Si les griefs invoqués contre l’employeur sont fondés la prise d’ acte produit les effets d’un licenciement abusif, en cas contraire elle produit les effets d’une démission du salarié.

Si la prise d’ acte est fondée sur un harcèlement moral mis en oeuvre par l’employeur elle produit les effets d’un licenciement nul.

En l’espèce, Mme [X] [K] a démissionné de son poste le 26 mai 2021 et a motivé cette décision par des manquements et agissements de l’employeur et a invoqué un harcèlement moral.

Une telle démission est par conséquent équivoque et doit être requalifiée en prise d’ acte de la rupture du contrat.

Pour le justifier, Mme [X] [K] prétend avoir été victime d’un harcèlement moral.

Le harcèlement est défini par l’article L 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon le régime probatoire de l’article L.1154-1 du code du travail, il appartient à Mme [X] [K] de présenter des éléments de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [X] [K] affirme avoir subi des faits de harcèlement à compter de l’annonce de sa grossesse. Elle explique que le père de l’enfant était le fils de son employeur et qu’il n’acceptait cette nouvelle grossesse.

L’employeur soutient pour sa part que la salariée n’est restée que 3 jours après son retour de maternité, qu’elle évoque des faits anciens, en se fondant sur une attestation mensongère d’une ancienne salariée qui est restée six mois dans l’entreprise et qui a été sanctionnée ce qui rend son témoignage peu crédible, d’autant qu’il est contredit par des attestations de nombreuses personnes, en se fondant sur un procès verbal d’huissier qui retranscrit l’enregisterment clandestin de conversations qui est illégal. Il ajoute que la pièce est inexploitable faute d’identification des interlocuteurs. Enfin, il note que la salariée, qui se prétend victime de harcèlement moral, n’a jamais saisi l’insepction du travail.

Au soutien du harcèlement moral, elle allègue :

une affectation à des tâches subalternes ne correspondant pas à sa qualification depuis son embauche,

des violences portées à son encontre de la part du fils de l’employeur le 10 juillet 2019 et non sanctionnées par l’entreprise,

une agression verbale de son employeur le 9 septembre 2019,

son éviction annoncée à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur par sms du 10 septembre 2019,

un reproche injustifié d’absence injustifiée à compter du 10 septembre 2019,

une mise à l’écart par le gérant à compter de sa rupture avec le fils de celui-ci,

une modification unilatérale et sans raison objective de ses horaires le 17 juillet 2020,

la notification d’un avertissement injustifié le 18 juillet 2020,

un changement de roulement imposé le 19 septembre 2019 sans raison objective,

une omission volontaire de déclaration auprès de la CPAM son salaire dans le cadre de son congé maternité,

un refus de formation de conseiller funéraire pourtant légalement obligatoire,

une menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment.

S’agissant de l’affectation à des tâches subalternes, Mme [X] [K] verse aux débats des échanges de sms avec la femme du gérant concernant l’accomplissement de tâches de ménage et de nettoyage de vitres et notamment de la devanture de l’établissement. (pièces 44,42,41). Cependant, l’interlocuteur n’est pas identifiable en ce sens que rien ne permet de dire que ces messages étaient émis ou reçus par la salariée, alors que l’employeur prétend faire réaliser la prestation de ménage par des entreprises extérieures et en justifie.

Les violences portées à son encontre par le fils de l’employeur,également salarié de l’entreprise, et non sanctionnées par l’entreprise, seront écartées. En effet, si un certificat médical daté du 10 juillet 2019 établit la présence d’ecchymoses ayant entraîné pour Mme [X] [K] une interruption totale de travail de trois jours, aucun élément ne permet de constater que ces marques résultent de coups portés par le fils du gérant, salarié de l’entreprise.

L’agression verbale de l’employeur le 9 septembre 2019 sera quant à elle retenue. En effet, une ancienne salariée atteste avoir entendu des propos virulents portés par le gérant de l’entreprise à l’encontre de Mme [X] [K], le 9 septembre 2019, alors qu’ils étaient dans le bureau de celui-ci. Certes l’employeur fait attester par diverses personnes qu’il n’était pas possible d’netendre les conversations lorsque le bureau était fermé. Toutefois, le témoin indique que l’employeur criait tellement fort qu’elle l’a entendu dire : ‘ tu n’es qu’une cassos, bonne qu’à rester dans ton canapé à élever tes gosses.’

S’agissant de l’éviction annoncée à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur, il est produit un sms de cette personne, daté du 10 septembre 2019, dans lequel celui-ci évoque l’impossibilité pour elle de reprendre à l’avenir l’entreprise avec lui et devenir secrétaire ‘avec un deuxième petit’. Le contenu du message et l’interlocuteur désigné comme étant un certain ‘[P]’ ne laisse pas de doute sur son identité. D’ailleurs, alors que la salariée a repris son poste en juillet 2020, après son congé maternité, l’employeur lui propose une rupture conventionnelle le 31 août 2020, de sorte que le grief est avéré.

Mme [X] [K] invoque également un reproche non fondé d’absence injustifiée. Elle reproche à son employeur de lui avoir un adressé le 16 septembre 2019 un courrier pour lui demander de justifier de son absence depuis le 10 septembre 2019 et produit aux débats un certificat médical daté du 23 septembre 2019 pour démontrer le bien-fondé de son absence. Cependant, il appartient à tout salarié absent de son poste de justifier de cette absence et en cas d’absence injustifiée, il incombe à l’employeur de mettre en demeure ce salarié de justifier de son absence. Dès lors, quand bien même le motif de l’absence est fondée, il appartenait à Mme [X] [K] de justifier de son absence, ce qu’elle n’a pas fait. Elle ne peut, dans ces conditions, prétendre que ce courrier est injustifié.

Sur la mise à l’écart par le gérant à compter de sa rupture avec le fils de celui-ci, elle verse aux débats la transcription d’un enregistrement clandestin de conversations qu’elle a eu avec le gérant ou avec ses collègues. C’est à tort que l’employeur prétend que les interlocuteurs ne sont pas identifiables puisque le contenu permet de l’identifier sans équivoque.

Les propos enregistrés l’ont été sur le lieu de travail et pendant le temps de travail et concernent uniquement des rapports salarié / employeur ou entre salariés. Par ailleurs, il s’agissait pour Mme [X] [K] de se ménager un moyen de preuve relatif à des faits constitutifs de harcèlement moral que l’employeur, à les supposer avérés était censé avoir commis.

Cet enregistrement de la conversation ne porte pas atteinte à la vie privée de l’employeur et apparait nécessaire à l’exercice du droit à la preuve dans la mesure où ils viennent étayer la volonté de l’employeur de se débarrasser de sa salariée en raison de son caractère qu’il dit incompatible avec lui, ce qu’aucun document ne permet d’étayer dans la mesure où il est évident que l’employeur ne consigne pas par écrit une telle volonté, ce qui la rend difficile à matérialiser pour le salarié.

La pièce dont la légalité est contestée est donc nécessaire à la défense des intérêts de la salariée et sera donc admise aux débats.

La conversation avec le gérant est une mise au clair sur la situation de Mme [X] [K] au sein de l’entreprise, l’employeur souhaitant savoir si cette dernière souhaite rester dans l’entreprise suite à la séparation d’avec son fils.

Sur l’organisation du travail, un sms du 19 septembre 2019 adressé par la conjointe du gérant à Mme [X] [K] atteste d’une modification des roulements. De même, un courrier du 17 juillet 2020 adressé par l’employeur à Mme [X] [K] atteste de la modification des heures et des jours de travail.

L’avertissement du 18 juillet 2020 a été considéré comme injustifié, compte tenu des précédents développements.

S’agissant de l’omission volontaire de déclaration auprès de la CPAM de son salaire dans le cadre de son congé maternité, ces échanges de sms avec la femme du gérant attestent de l’absence de déclaration auprès de la CPAM mais nullement du caractère volontaire de celle-ci. Cette dernière fait, au contraire, part de sa surprise et de son ignorance et demande à Mme [X] [K] les dates exactes de son congé afin de remédier à cette difficulté.

Sur le refus de formation de conseiller funéraire pourtant légalement obligatoire, Mme [X] [K] produit aux débats un courrier du 6 août 2020, dans lequel elle a sollicité le bénéfice d’une formation. Il n’est justifié d’aucune réponse.

La menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment est étayé par un courrier du 27 novembre 2020 dans lequel l’employeur a avisé Mme [X] [K] qu’il se réservait le droit de solliciter le remboursement de sommes indûment versées en salaire, ce qu’il fait dans le cadre du présent litige.

Peuvent donc être retenus les faits suivants :

une agression verbale de son employeur,

son éviction à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur,

une modification unilatérale de ses horaires,

un changement de roulement imposé le 19 septembre 2019,

un refus de formation de conseiller funéraire,

une menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’ils sont caractéristiques d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il incombe en conséquence à l’employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La modification des heures et des jours de travail est motivée par une régularisation du temps de travail, Mme [X] [K] n’effectuant pas les 35 heures hebdomadaires contractuelles tel que cela ressort de ses relevés d’heures.

En outre, par courrier du 27 novembre 2020, l’employeur, face aux réticences de Mme [X] [K] de travailler le mercredi, a proposé à celle-ci de suggérer un autre planning prenant en compte les cinq heures de travail complémentaires pour comptabiliser 35 heures sur la semaine.

De même, s’agissant du changement de roulement, le sms du 19 septembre 2019 adressé par la conjointe du gérant à Mme [X] [K] pour l’informer d’une modification des roulements précise ‘comme convenu’. De plus, l’employeur verse aux débats les sms adressés par Mme [X] [K] en réponse aux termes desquels celle-ci a expressément donné son accord à ces modifications.

S’agissant de la formation de conseiller funéraire, l’employeur affirme que Mme [X] [K] n’a pas formulé sa demande dans les délais requis. Il fait également valoir que Mme [X] [K] n’a pas préparé les éléments nécessaires à la constitution de son dossier tel qu’il en résulte des courriels de l’organisme formateur versés aux débats par Mme [X] [K], qu’elle n’a pas donné suite à sa demande et qu’en date du 12 novembre 2020, soit trois mois après sa demande elle a indiqué pouvoir accepter le principe d’une rupture conventionnelle. En outre, à la date de sa demande elle était en arrêt maladie et n’est jamais revenue au sein de la société. Or, il apparaît que la salariée s’est informé en décembre 2019 de la possibilité de réaliser cette formation, puis a sollicité son employeur après son congé maternité le 6 août 2020, sans obtenir de réponse. En effet, à cette date, l’employeur était déjà dans un schéma d’éviction puisqu’il avait déjà adressé à la salarié un avertissement et qu’il lui proposera une rupture conventionnelle fin oût 2020.

S’agissant de la menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment, il apparaît effectivement que le temps de travail de la salariée payée 35 heures hebdomadaires était iférieur au temps de travail rémuénéré .

Il en ressort l’employeur n’apporte pas de justification à l’agression verbale, à l’éviction de la salariée, au refus de formation de conseiller funéraire.

Il importe peu que la salarié ne se soit pas plainte auprès de l’insepction du travail.

En outre c’est vainement que l’employeur fait observer que la démission ne peut lui être imputée après un retour de congé maternité et une reprise de 3 jours avant une nouvelle période de suspension du contrat de travail.

En effet, les désaccords entre l’employeur et la salariée étaient persistants depuis fin 2019 et prennent racine dans le conflit d’ordre privé qu’entretenait la salarié avec son collègue par ailleurs fils du gérant de l’entreprise.

Il est établi par les pièces du dossier qu’à partir de la rupture conjugale entre [X] [K] et [P] [M], l’employeur n’aura de cesse d’évincer la salariée en lui reprochant, sans en justifier, son comportement inadapté.

Au final, le harcèlement moral est établi et justifie que la salariée mette fin au contrat de travail de sorte que la prise d’acte doit avoir les effets d’un licenciement nul, en application des dispositions de l’article L 1252-3 du code du travail, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes au terme d’une analyse pertinente et motivée des éléments de l’espèce.

Aussi, la salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis par confirmation du jugement, qui sera également confirmé sur le montent des dommages et intérêts exactement évalués au regard des préjudices subis. En effet, il ressort des publications faites par la salariée sur les réseaux sociaux que celle-ci s’est déclarée heureuse de sa nouvelle vie après la rupture du contrat de travail et son déménagement en Moselle pour occuper un poste de directrice.

5- la demande reconventionnelle de remboursement de salaires indûment perçus

La SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise affirme que Mme [X] [K] a travaillé 30 heures par semaine sur la période du 18 février 2019 au 31 mai 2021 mais a été rémunérée sur la base de 35 heures hebdomadaires. Elle sollicite en conséquence le trop perçu.

Cependant, sa demande sera rejetée dans la mesure où il lui appartient de fournir le travail à la salariée pendant les périodes où le contrat de travail n’est pas suspendu et qu’il n’allègue pas des absences injustifiées de la salariée.

En conséquence, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

6- les autres demandes

– l’application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail

En application du texte précité, l’employeur sera condamné au remboursement légal dans la limite de six mois d’indemnités, par confirmation du jugement.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’employeur succombe au sens de l’article 696 du Code de procédure civile.

En conséquence, le jugement sera confirmé des chefs des frais irrépétibles et des dépens.

En appel, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise, qui succombe sera condamnée à payer à Mme [X] [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Ses demandes formées à ces titres seront rejetées.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement rendu le 9 septembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Charleville Mézières, en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

Déboute la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à payer à Mme [X] [K] la somme de 1 500 euros à titre de frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [X] [K] a été embauchée par la SARL Pompes Funèbres Vouzinoise devenue SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise, à compter du 18 février 2019 dans le cadre d’un contrat à durée déterminée transformé, le 26 août 2019, en contrat à durée indéterminée, en qualité d’assistante funéraire.

Le 11 mars 2020, elle a été placée en congé maternité jusqu’au 17 juillet 2020.

Par courrier en date du 18 juillet 2020, elle s’est vue notifier un avertissement pour ‘ critiques menaçantes envers son employeur et des collègues’.

Le 22 juillet 2020, elle a été placée en arrêt de travail jusqu’à la rupture de son contrat de travail, par démission le 26 mai 2021.

Le 16 février 2021, elle avait saisi le conseil de prud’hommes de Charleville-Mézières d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, d’une reconnaissance et d’une indemnisation du harcèlement moral subi par elle, d’une requalification de son contrat à durée déterminée du 1er mars 2019 en CDI et d’une annulation de son avertissement du 18 juillet 2020.

Le 1er juillet 2021, elle a déposé une seconde requête par laquelle elle a sollicité que cette démission produise les effets d’un licenciement nul, à titre principal, et dépourvu de cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire.

Les deux instances ont été jointes le 23 novembre 2021.

A titre reconventionnel, l’employeur a demandé remboursement d’une somme de 3 764,79 euros correspondant à un trop versé de salaires.

Par jugement du 9 septembre 2022, le conseil de prud’hommes a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– déclaré les demandes recevables et partiellement fondées ;

– requalifié le premier contrat de travail à durée déterminée existant entre les parties en un contrat de travail à durée indéterminée ;

– requalifié la démission de Mme [X] [K] en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise produisant les effets d’un licenciement nul ;

– prononcé l’annulation de l’avertissement du 18 juillet 2020;

– condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à payer à Mme [X] [K] les sommes suivantes :

1 707,30 euros à titre d’indemnité de requalification,

13 000 euros titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

3 114,60 euros titre d’indemnité compensatrice de préavis,

1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

et ce avec intérêts de droit au taux légal du jour de la saisine ;

– débouté Mme [X] [K] du surplus de ses demandes;

– ordonné à la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise en application de l’article L.1235-4 du code du travail le remboursement à l’organisme intéressé, dans la limite de six mois, les indemnités de chômage versées à la salariée licenciée par Pôle Emploi ;

– fixé la moyenne des salaires à la somme de 1 707,30 euros ;

– débouté la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

– mis les dépens à la charge de la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise.

Par déclaration en date du 27 septembre 2022, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise a interjeté appel du jugement, en visant l’intégralité des chefs du jugement qui lui étaient défavorables.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 novembre 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 mars 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise demande à la cour:

– d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

Statuant à nouveau :

A titre principal,

– de débouter Mme [X] [K] de l’ensemble de ses demandes,

A titre reconventionnel,

– de condamner Mme [X] [K] à lui rembourser la somme de 3 764,79 euros au titre d’un trop perçu de salaire;

A titre subsidiaire,

– de réduire à de plus justes propositions le montant des sommes sollicitées par Mme [X] [K];

En tout état de cause,

– de condamner Mme [X] [K] à lui payer à la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour plus ample exposé du litige, Mme [X] [K] demande à la cour:

– de confirmer le jugement en ce qu’il a :

requalifié le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.

requalifié sa démission en prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul.

prononcé l’annulation de l’avertissement du 18 juillet 2020.

condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer les sommes de 1 707,30 euros d’indemnité de requalification, de 3 114,60 euros au titre du préavis et de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes et en ce qu’il a condamné la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer la somme de 13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Statuant à nouveau,

– de condamner la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à lui payer les sommes de :

20 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros à titre d’heures supplémentaires,

500 euros à titre de congés payés afférents,

2 000 euros à titre de rappel de salaires impayés,

200 euros à titre de congés payés afférents,

5 000 euros de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,

2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

MOTIFS

1- Sur la requalification de la relation contractuelle

Mme [X] [K] affirme que son contrat de travail à durée déterminée a été conclu pour un motif fictif et que l’employeur ne démontre pas la réalité de l’accroissement temporaire d’activité stipulé dans le contrat.

La société employeur prétend que la demande de requalification en contrat à durée indéterminé est sans objet dès lors que Mme [X] [K] a régularisé un avenant au contrat de travail prévoyant expressément un engagement à durée indéterminée à compter du 26 août 2019.

Or, la circonstance que les parties aient conclu un contrat à durée indéterminée ne prive pas la salariée de l’indemnité spéciale de requalification prévue par l’article L. 1245-2 du code du travail.

En l’espèce, le premier contrat de travail à durée indéterminée conclu pour la période du 18 février 2019 au 25 août 2019 est motivé par un accroissement temporaire d’activité.

Il incombe à l’employeur de justifier de la réalité du motif de recours au contrat de travail à durée déterminée, ce qu’il ne fait pas.

Il en ressort que l’embauche de la salariée en contrat à durée déterminée n’était pas motivé par un accroissement d’activité, de sorte que la requalification doit être prononcée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Il doit l’être également du chef de l’indemnité de requalification au paiement de laquelle la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise a été condamnée, correspondant à un mois de salaire, tel que sollicité par Mme [X] [K], et ce en application de l’article L.1245-2 du code du travail.

2- Sur l’exécution du contrat de travail

– les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition de l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L.8112-1 les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

L’employeur affirme que les demandes relatives aux salaires et heures supplémentaires ne sont pas fondées et fait valoir que Mme [X] [K] est dans l’incapacité totale d’effectuer un quelconque décompte des heures qu’elle prétend pourtant avoir effectuées.

Au contraire, la salariée affirme avoir effectué des heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées en se reportant à un relevé d’heures.

En l’espèce, selon son contrat de travail, Mme [X] [K] travaillait 35 heures par semaines et était soumise à l’horaire collectif de l’entreprise.

Elle produit aux débats des relevés horaires pour la période courant d’avril 2019 à février 2020 avec indication des horaires de début et fin de journée ainsi que des pauses méridiennes. Ces horaires ne révèlent l’accomplissement d’heures supplémentaires que pour la 3ème et la 4ème semaine du mois de décembre 2019. En outre, pour certains jours, qu’elle est revenue au bureau parfois les dimanches sans que ne soit nécessairement renseigné les horaires correspondant.

Elle verse également des sms échangés avec son employeur qui font état d’interventions tardives et parfois de demandes d’intervention les dimanches (28 juillet 2019, 4 août 2019 et 22 décembre 2019) qui n’ont pas été comptabilisées mais dont le cumul hebdomadaire ne permet pas de comptabiliser des heures au-delà des 35 heures.

Il en ressort donc que la salarié a effectué 6 h 25 supplémentaires en décembre 2019. Le relevé d’heures laisse voir que des heures de repos ont été prises y compris dans le courant de la semaine de sorte que la cour ne retient pas l’existence d’heures supplémentaire restant à payer.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la demande ne peut qu’être rejetée par confirmation du jugement.

– le maintien du salaire pendant les arrêts de travail

Mme [X] [K] sollicite un rappel de salaire en prétendant que l’employeur n’a pas respecté la convention collective en ses dispositions relatives au maintien du salaire.

L’employeur affirme que les demandes relatives au rappel de salaires ne sont pas fondées.

La salariée, qui a subi plusieurs périodes d’arrêt, y compris pour congé de maternité, n’indique pas quelle période est concernée. Elle ne donne aucune indication sur les salaires qu’elle aurait dû percevoir.

De fait, elle a été en congé maternité du 12 mars au 2 juillet 2020, puis en arrêt maladie ordinaire du 22 juillet 2020 au 30 août 2020, selon le bulletin de situation émis par la caisse de sécurité sociale. Toutefois, il n’est pas contesté que l’arrêt a été prolongé jusqu’à la rupture du contrat en 2021.

Selon la convention collective applicable, le maintien de salaire porte sur un total de 90 jours avec un maintien à 90% pendant 30 jours et un maintien à 75 % pendant les 60 jours suivants.

Le total de la période de maintien de salaire a été épuisé en 2020 pendant le congé de maternité sans que la cour ne soit renseignée sur le montant des indemnités versées par la caisse de sécurité sociale, alors que le maintien de salaire est conditionné par la justification de cette prise en charge.

Pour la période de 2021, aucune pièce ne renseigne la cour sur le montant des indemnités journalières alors que c’est une condition pour pouvoir exiger de l’employeur le respect de ses obligations concernant le maintien de salaire pendant les arrêts maladie.

Dès lors, la salariée sera déboutée de cette prétention et le jugement sera confirmé de ce chef.

– l’avertissement du 18 juillet 2020

Par courrier du 18 juillet 2020, l’employeur a notifié à Mme [X] [K] un avertissement pour avoir proféré des critiques menaçantes envers lui et certains de ses collègues.

L’employeur fait témoigner M. [F] [I] dans un document dont la force probante est anihilée en l’absence de pièce d’identité jointe conformément aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile.

Seul M. [Z] [D], électricien venu changer des ampoules le 17 juillet 2019, atteste dans le respect des formes réglementaires, avoir entendu des disputes entre employés et avoir entendu Mme [X] [K] dire ‘il y en a une de trop ici ! Il faut que quelqu’un dégage. Je vais porter plainte à la gendarmerie, je vais le faire payer’.

Ce témoignage, dont aucun autre élément ne vient éclairer les circonstances dans lesquelles ces propos ont été tenus et l’identité de la personne visée, ne peut suffire à justifier le grief fait à la salariée, de sorte que l’avertissement n’est pas justifié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

– l’obligation de sécurité

La salarié réclame 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés des manquaments à l’obligation de sécurité sans faire valoir de moyens propres à y faire droit de sorte que la cour, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’est pas tenue de les examiner.

Le jugement qui a rejeté la demande sera donc confirmé.

3- Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Lorsque le salarié saisit le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puis démissionne, la demande de résiliation devient sans objet.

En conséquence, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande et d’examiner directement les griefs invoqués lors de la démission.

4- Sur la démission

La démission constitue une rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié qui n’a pas à être motivée. La démission ne se présume pas et doit résulter d’une volonté claire et non équivoque du salarié, exclusive de tout vice de consentement.

La prise d’ acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l’employeur qu’en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Si les griefs invoqués contre l’employeur sont fondés, la prise d’ acte produit les effets d’un licenciement abusif, en cas contraire elle produit les effets d’une démission du salarié.

Si la prise d’ acte est fondée sur un harcèlement moral mis en oeuvre par l’employeur elle produit les effets d’un licenciement nul.

En l’espèce, Mme [X] [K] a démissionné de son poste le 26 mai 2021 et a motivé cette décision par des manquements et agissements de l’employeur et a invoqué un harcèlement moral.

Une telle démission est par conséquent équivoque et doit être requalifiée en prise d’ acte de la rupture du contrat.

Pour le justifier, Mme [X] [K] prétend avoir été victime d’un harcèlement moral.

Le harcèlement est défini par l’article L 1152-1 du code précité comme tous agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon le régime probatoire de l’article L.1154-1 du code du travail, il appartient à Mme [X] [K] de présenter des éléments de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Au vu de ces éléments, il incombe alors à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [X] [K] affirme avoir subi des faits de harcèlement à compter de l’annonce de sa grossesse. Elle explique que le père de l’enfant était le fils de son employeur et qu’il n’acceptait cette nouvelle grossesse.

L’employeur soutient pour sa part que la salariée n’est restée que 3 jours après son retour de maternité, qu’elle évoque des faits anciens, en se fondant sur une attestation mensongère d’une ancienne salariée qui est restée six mois dans l’entreprise et qui a été sanctionnée ce qui rend son témoignage peu crédible, d’autant qu’il est contredit par des attestations de nombreuses personnes, en se fondant sur un procès verbal d’huissier qui retranscrit l’enregisterment clandestin de conversations qui est illégal. Il ajoute que la pièce est inexploitable faute d’identification des interlocuteurs. Enfin, il note que la salariée, qui se prétend victime de harcèlement moral, n’a jamais saisi l’insepction du travail.

Au soutien du harcèlement moral, elle allègue :

– une affectation à des tâches subalternes ne correspondant pas à sa qualification depuis son embauche,

– des violences portées à son encontre de la part du fils de l’employeur le 10 juillet 2019 et non sanctionnées par l’entreprise,

– une agression verbale de son employeur le 9 septembre 2019,

– son éviction annoncée à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur par sms du 10 septembre 2019,

– un reproche injustifié d’absence injustifiée à compter du 10 septembre 2019,

– une mise à l’écart par le gérant à compter de sa rupture avec le fils de celui-ci,

– une modification unilatérale et sans raison objective de ses horaires le 17 juillet 2020,

– la notification d’un avertissement injustifié le 18 juillet 2020,

– un changement de roulement imposé le 19 septembre 2019 sans raison objective,

– une omission volontaire de déclaration auprès de la CPAM son salaire dans le cadre de son congé maternité,

– un refus de formation de conseiller funéraire pourtant légalement obligatoire,

– une menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment.

S’agissant de l’affectation à des tâches subalternes, Mme [X] [K] verse aux débats des échanges de sms avec la femme du gérant concernant l’accomplissement de tâches de ménage et de nettoyage de vitres et notamment de la devanture de l’établissement. (pièces 44,42,41). Cependant, l’interlocuteur n’est pas identifiable en ce sens que rien ne permet de dire que ces messages étaient émis ou reçus par la salariée, alors que l’employeur prétend faire réaliser la prestation de ménage par des entreprises extérieures et en justifie.

Les violences portées à son encontre par le fils de l’employeur,également salarié de l’entreprise, et non sanctionnées par l’entreprise, seront écartées. En effet, si un certificat médical daté du 10 juillet 2019 établit la présence d’ecchymoses ayant entraîné pour Mme [X] [K] une interruption totale de travail de trois jours, aucun élément ne permet de constater que ces marques résultent de coups portés par le fils du gérant, salarié de l’entreprise.

L’agression verbale de l’employeur le 9 septembre 2019 sera quant à elle retenue. En effet, une ancienne salariée atteste avoir entendu des propos virulents portés par le gérant de l’entreprise à l’encontre de Mme [X] [K], le 9 septembre 2019, alors qu’ils étaient dans le bureau de celui-ci. Certes l’employeur fait attester par diverses personnes qu’il n’était pas possible d’entendre les conversations lorsque le bureau était fermé. Toutefois, le témoin indique que l’employeur criait tellement fort qu’elle l’a entendu dire : ‘ tu n’es qu’une cassos, bonne qu’à rester dans ton canapé à élever tes gosses.’

S’agissant de l’éviction annoncée à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur, il est produit un sms de cette personne, daté du 10 septembre 2019, dans lequel celui-ci évoque l’impossibilité pour elle de reprendre à l’avenir l’entreprise avec lui et devenir secrétaire ‘avec un deuxième petit’. Le contenu du message et l’interlocuteur désigné comme étant un certain ‘[P]’ ne laisse pas de doute sur son identité. D’ailleurs, alors que la salariée a repris son poste en juillet 2020, après son congé maternité, l’employeur lui propose une rupture conventionnelle le 31 août 2020, de sorte que le grief est avéré.

Mme [X] [K] invoque également un reproche non fondé d’absence injustifiée. Elle reproche à son employeur de lui avoir un adressé le 16 septembre 2019 un courrier pour lui demander de justifier de son absence depuis le 10 septembre 2019 et produit aux débats un certificat médical daté du 23 septembre 2019 pour démontrer le bien-fondé de son absence. Cependant, il appartient à tout salarié absent de son poste de justifier de cette absence et en cas d’absence injustifiée, il incombe à l’employeur de mettre en demeure ce salarié de justifier de son absence. Dès lors, quand bien même le motif de l’absence est fondée, il appartenait à Mme [X] [K] de justifier de son absence, ce qu’elle n’a pas fait. Elle ne peut, dans ces conditions, prétendre que ce courrier est injustifié.

Sur la mise à l’écart par le gérant à compter de sa rupture avec le fils de celui-ci, elle verse aux débats la transcription d’un enregistrement clandestin de conversations qu’elle a eu avec le gérant ou avec ses collègues. C’est à tort que l’employeur prétend que les interlocuteurs ne sont pas identifiables puisque le contenu permet de l’identifier sans équivoque.

Les propos enregistrés l’ont été sur le lieu de travail et pendant le temps de travail et concernent uniquement des rapports salarié / employeur ou entre salariés. Par ailleurs, il s’agissait pour Mme [X] [K] de se ménager un moyen de preuve relatif à des faits constitutifs de harcèlement moral que l’employeur, à les supposer avérés était censé avoir commis.

Cet enregistrement de la conversation ne porte pas atteinte à la vie privée de l’employeur et apparait nécessaire à l’exercice du droit à la preuve dans la mesure où ils viennent étayer la volonté de l’employeur de se débarrasser de sa salariée en raison de son caractère qu’il dit incompatible avec lui, ce qu’aucun document ne permet d’étayer dans la mesure où il est évident que l’employeur ne consigne pas par écrit une telle volonté, ce qui la rend difficile à matérialiser pour le salarié.

La pièce dont la légalité est contestée est donc nécessaire à la défense des intérêts de la salariée et sera donc admise aux débats.

La conversation avec le gérant est une mise au clair sur la situation de Mme [X] [K] au sein de l’entreprise, l’employeur souhaitant savoir si cette dernière souhaite rester dans l’entreprise suite à la séparation d’avec son fils.

Sur l’organisation du travail, un sms du 19 septembre 2019 adressé par la conjointe du gérant à Mme [X] [K] atteste d’une modification des roulements. De même, un courrier du 17 juillet 2020 adressé par l’employeur à Mme [X] [K] atteste de la modification des heures et des jours de travail.

L’avertissement du 18 juillet 2020 a été considéré comme injustifié, compte tenu des précédents développements.

S’agissant de l’omission volontaire de déclaration auprès de la CPAM de son salaire dans le cadre de son congé maternité, ces échanges de sms avec la femme du gérant attestent de l’absence de déclaration auprès de la CPAM mais nullement du caractère volontaire de celle-ci. Cette dernière fait, au contraire, part de sa surprise et de son ignorance et demande à Mme [X] [K] les dates exactes de son congé afin de remédier à cette difficulté.

Sur le refus de formation de conseiller funéraire pourtant légalement obligatoire, Mme [X] [K] produit aux débats un courrier du 6 août 2020, dans lequel elle a sollicité le bénéfice d’une formation. Il n’est justifié d’aucune réponse.

La menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment est étayé par un courrier du 27 novembre 2020 dans lequel l’employeur a avisé Mme [X] [K] qu’il se réservait le droit de solliciter le remboursement de sommes indûment versées en salaire, ce qu’il fait dans le cadre du présent litige.

Peuvent donc être retenus les faits suivants :

– une agression verbale de son employeur,

– son éviction à compter de sa rupture avec le fils de l’employeur,

– une modification unilatérale de ses horaires,

– un changement de roulement imposé le 19 septembre 2019,

– un refus de formation de conseiller funéraire,

– une menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment.

Ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral en ce qu’ils sont caractéristiques d’agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il incombe en conséquence à l’employeur de prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La modification des heures et des jours de travail est motivée par une régularisation du temps de travail, Mme [X] [K] n’effectuant pas les 35 heures hebdomadaires contractuelles tel que cela ressort de ses relevés d’heures.

En outre, par courrier du 27 novembre 2020, l’employeur, face aux réticences de Mme [X] [K] de travailler le mercredi, a proposé à celle-ci de suggérer un autre planning prenant en compte les cinq heures de travail complémentaires pour comptabiliser 35 heures sur la semaine.

De même, s’agissant du changement de roulement, le sms du 19 septembre 2019 adressé par la conjointe du gérant à Mme [X] [K] pour l’informer d’une modification des roulements précise ‘comme convenu’. De plus, l’employeur verse aux débats les sms adressés par Mme [X] [K] en réponse aux termes desquels celle-ci a expressément donné son accord à ces modifications.

S’agissant de la formation de conseiller funéraire, l’employeur affirme que Mme [X] [K] n’a pas formulé sa demande dans les délais requis. Il fait également valoir que Mme [X] [K] n’a pas préparé les éléments nécessaires à la constitution de son dossier tel qu’il en résulte des courriels de l’organisme formateur versés aux débats par Mme [X] [K], qu’elle n’a pas donné suite à sa demande et qu’en date du 12 novembre 2020, soit trois mois après sa demande elle a indiqué pouvoir accepter le principe d’une rupture conventionnelle. En outre, à la date de sa demande elle était en arrêt maladie et n’est jamais revenue au sein de la société. Or, il apparaît que la salariée s’est informé en décembre 2019 de la possibilité de réaliser cette formation, puis a sollicité son employeur après son congé maternité le 6 août 2020, sans obtenir de réponse. En effet, à cette date, l’employeur était déjà dans un schéma d’éviction puisqu’il avait déjà adressé à la salarié un avertissement et qu’il lui proposera une rupture conventionnelle fin août 2020.

S’agissant de la menace de demander le paiement de salaires prétendument versés indûment, il apparaît effectivement que le temps de travail de la salariée payée 35 heures hebdomadaires était inférieur au temps de travail rémuénéré.

Il en ressort que l’employeur n’apporte pas de justification à l’agression verbale, à l’éviction de la salariée, au refus de formation de conseiller funéraire.

Il importe peu que la salarié ne se soit pas plainte auprès de l’insepction du travail.

En outre c’est vainement que l’employeur fait observer que la démission ne peut lui être imputée après un retour de congé maternité et une reprise de 3 jours avant une nouvelle période de suspension du contrat de travail.

En effet, les désaccords entre l’employeur et la salariée étaient persistants depuis fin 2019 et prennent racine dans le conflit d’ordre privé qu’entretenait la salarié avec son collègue par ailleurs fils du gérant de l’entreprise.

Il est établi par les pièces du dossier qu’à partir de la rupture conjugale entre [X] [K] et [P] [M], l’employeur n’aura de cesse d’évincer la salariée en lui reprochant, sans en justifier, son comportement inadapté.

Au final, le harcèlement moral est établi et justifie que la salariée mette fin au contrat de travail de sorte que la prise d’acte doit avoir les effets d’un licenciement nul, en application des dispositions de l’article L 1252-3 du code du travail, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes au terme d’une analyse pertinente et motivée des éléments de l’espèce.

Aussi, la salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis par confirmation du jugement, qui sera également confirmé sur le montent des dommages et intérêts exactement évalués au regard des préjudices subis. En effet, il ressort des publications faites par la salariée sur les réseaux sociaux que celle-ci s’est déclarée heureuse de sa nouvelle vie après la rupture du contrat de travail et son déménagement en Moselle pour occuper un poste de directrice.

5- la demande reconventionnelle de remboursement de salaires indûment perçus

La SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise affirme que Mme [X] [K] a travaillé 30 heures par semaine sur la période du 18 février 2019 au 31 mai 2021 mais a été rémunérée sur la base de 35 heures hebdomadaires. Elle sollicite en conséquence le trop perçu.

Cependant, sa demande sera rejetée dans la mesure où il lui appartient de fournir le travail à la salariée pendant les périodes où le contrat de travail n’est pas suspendu et qu’il n’allègue pas des absences injustifiées de la salariée.

En conséquence, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise sera déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

6- les autres demandes

– l’application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail

En application du texte précité, l’employeur sera condamné au remboursement légal dans la limite de six mois d’indemnités, par confirmation du jugement.

– sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

L’employeur succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile.

En conséquence, le jugement sera confirmé des chefs des frais irrépétibles et des dépens.

En appel, la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise, qui succombe sera condamnée à payer à Mme [X] [K] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Ses demandes formées à ces titres seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement rendu le 9 septembre 2022 par le conseil de prud’hommes de Charleville Mézières, en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise à payer à Mme [X] [K] la somme de 1 500 euros à titre de frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la SARL Pompes Funèbres et marbrerie Vouzinoise aux dépens de l’instance d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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