Arrêt n° 24/00039
31 janvier 2024
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N° RG 22/00014 –
N° Portalis DBVS-V-B7G-FUV4
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
16 décembre 2021
21/00021
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Trente et un janvier deux mille vingt quatre
APPELANT :
M. [R] [D]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Coralie SCHUMPF, avocat au barreau de METZ
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2022/000788 du 17/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)
INTIMÉE :
S.A.S. EFEM CONSTRUCTION prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Mohammed Mehdi ZOUAOUI, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [R] [D] a été embauché en qualité d’aide maçon à temps complet pour une durée de six mois à compter du 4 juin 2020 par la SAS Efem Construction. La convention collective applicable est celle du bâtiment et des travaux publics de la Moselle.
M. [D] a signé le 10 août 2020 un courrier de démission avec effet rétroactif au « 31 juin 2020 ».
Par requête du 12 janvier 2021, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz afin de solliciter, notamment, la requalification de son contrat à durée indéterminée, la reconnaissance du caractère abusif de la démission signée sous la contrainte, ainsi que l’octroi de divers montants et dommages-intérêts.
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2021, le conseil de prud’hommes de Metz a statué comme suit :
« Dit et juge la demande de M. [D] recevable et bien fondée ;
Déboute M. [D] de sa demande de requalification du CDD en CDI ;
Déboute M. [D] de ses demandes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ;
Déboute M. [D] de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
Déboute M. [D] de ses demandes au titre des rappels de salaire pour les périodes des 1er au 3 juin 2020 et du 1er juillet au 10 août 2020 ;
Déboute M. [D] de ses demandes au titre du rappel d’indemnité de précarité ;
Déboute M. [D] de ses demandes au titre du travail dissimulé ;
Déboute M. [D] de ses demandes au titre de son bulletin de salaire rectifié de juillet 2020 et de son bulletin de salaire d’août 2020 ;
Ordonne à la SAS Efem Construction la remise de l’attestation Pôle Emploi ;
Fixe pour la remise de l’attestation Pôle emploi, une astreinte de 20 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent jugement afin de contraindre la SAS Efem Construction à délivrer à M. [D] le dit document ;
Déboute M. [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [D] aux entiers frais et dépens de l’instance. »
Par déclaration transmise par voie électronique le 4 janvier 2022, M. [D] a interjeté appel du jugement notifié par lettre recommandée non réclamée.
Par conclusions en date du 24 mars 2022, M. [D] demande à la cour de statuer comme suit :
« Déclarer l’appel de M. [D] recevable et bien fondé ;
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz le 16 décembre 2021 (RG 21/00021), en ce qu’il a :
débouté M. [D] de sa demande de requalification de CDD en CDI ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ;
débouté M. [D] de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre des rappels de salaire pour les périodes du 1er au 3 juin 2020 et du 1er juillet au 10 août 2020 ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre du rappel d’indemnité de précarité ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre du travail dissimulé ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre de son bulletin de salaire rectifié de juillet 2020 et de son bulletin de salaire d’août 2020 ;
débouté M. [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné M. [D] aux entiers frais et dépens de l’instance ;
Statuant à nouveau,
Dire et juger recevable et bien fondées les demandes de M. [D] ;
Dire et juger que le contrat à durée indéterminée du 4 juin 2020 n’a pas été conclu pour un motif valable et requalifier ce contrat en contrat à durée indéterminée ;
Par conséquent,
Condamner la société EFEM Construction à verser à M. [D] une indemnité de requalification, d’un montant de 1 539,45 euros nets, soit l’équivalent d’un mois de salaire
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir ;
Dire et juger que la rupture anticipée par l’employeur du contrat à durée déterminée de M. [D] est abusive ;
Condamner la société EFEM Construction à verser à M. [D] la somme de 6 555 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive anticipée du CDD, correspondant aux salaires qu’il aurait dû percevoir pour la période du 10 août 2020 au 18 décembre 2020
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir ;
Condamner la société EFEM Construction à verser à M. [D] les sommes suivantes à titre de rappels de salaire :
153,95 euros bruts à titre de rappels de salaire, outre 15,40 euros bruts pour les congés payés y afférents pour la période du 1er au 3 juin 2020 ;
Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la saisine de la juridiction prud’homale ;
2 036,05 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 203,60 euros bruts pour les congés payés y afférents, pour la période du 1er juillet au 10 août 2020
Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;
Condamner la société EFEM Construction à verser à M. [D] la somme de 923,67 euros nets au titre du rappel de l’indemnité de précarité, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour considère que la rupture du contrat au 10 août 2020 est valable ;
Condamner la société EFEM Construction à verser à M. [D] la somme de 357,55 euros nets au titre du rappel de l’indemnité de précarité, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine juridiction prud’homale ;
Constater que la société EFEM Construction s’est rendue coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié ;
Par conséquent,
Condamner la société EFEM Construction prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [D] la somme de 9 236,70 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir ;
Ordonner à la société EFEM Construction, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la notification de l’arrêt, de délivrer à M. [D] :
le bulletin de salaire de juillet 2020 rectifié
le bulletin de salaire d’août 2020
le certificat de travail
l’attestation Pole Emploi rectifiée
Prononcer la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamner la société EFEM Construction à payer directement entre les mains du conseil de M. [D], la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Condamner la société EFEM Construction aux entiers frais et dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée. ».
A l’appui de ses conclusions, M. [D] expose qu’il a été embauché par contrat à durée déterminée du 4 juin 2020 en raison d’un accroissement temporaire de l’activité, mais qu’il n’a jamais été affecté à un chantier en particulier. Il indique qu’il a, en réalité, travaillé pour l’employeur du 1er au 3 juin 2020 sans être déclaré, ni rémunéré pour son travail. Il explique également qu’il était en congés du 6 au 19 juillet 2020 et qu’à son retour, le 20 juillet 2020, l’entreprise était fermée, son gérant étant en congé jusqu’au 10 août 2020.
S’agissant de la rupture abusive du contrat à durée déterminée, M. [D] soutient que son employeur avait préparé une lettre de démission qu’il a dû signer sous la contrainte financière le 10 août 2020, l’employeur conditionnant le paiement du salaire de juin 2020 à la signature de la démission, ce qui confirme ses propos et met en évidence le caractère abusif de la rupture du contrat.
Par conclusions en date du 19 mai 2022, la société Efem Construction demande à la cour de statuer comme suit :
« Débouter M. [D] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :
débouté M. [D] de sa demande de requalification du CDD en CDI ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ;
débouté M. [D] de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre des rappels de salaire pour les périodes du 1er au 3 juin 2020 et du 1er juillet au 10 août 2020 ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre du rappel d’indemnité de précarité ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre du travail dissimulé ;
débouté M. [D] de ses demandes au titre de son bulletin de salaire rectifié de juillet 2020 et de son bulletin de salaire d’août 2020 ;
Condamner M. [D] à verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laisser les entiers frais et dépens à la charge de M. [D]. »
Elle réplique que le contrat de travail de M. [D] est un contrat de travail à durée déterminée qui respecte l’exigence légale d’un accroissement temporaire d’activité.
L’intimée soutient que l’appelant a quitté son poste le 30 juin 2020 en raison de vacances en Turquie, et que le salarié était notamment à l’étranger le 27 juillet 2020. Elle indique que la rupture du contrat de M. [D] est intervenue « en raison de la signature de la part des parties, d’un avenant au contrat ».
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelant, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L. 1242-2 du même code ajoute que « sous réserve des dispositions de l’article L.1242-3, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
[‘]
2°Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ; [‘] ».
C’est à l’employeur qu’il appartient de rapporter la preuve de la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée énoncée dans ledit contrat. A défaut, le contrat de travail conclu en méconnaissance des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 susvisés est réputé à durée indéterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1245-1 du code du travail.
En l’espèce, M. [D] sollicite la requalification du contrat à durée déterminée conclu le 4 juin 2020 qui prévoit l’embauche de M. [D] « en qualité d’aide-maçon en CDD d’accroissement temporaire de l’activité » pour une durée de six mois et prenant fin le 18 décembre 2020 (pièce n°1 du salarié).
En vertu d’une jurisprudence constante l’accroissement temporaire d’activité fait référence à une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise, situation visant les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l’entreprise n’est pas en mesure d’absorber avec ses effectifs habituels. Cette expression recouvre ainsi des hypothèses diverses, notamment une augmentation temporaire du volume d’activité de l’entreprise par suite de travaux urgents, une commande ou une demande importante, ou la création d’une activité nouvelle alors qu’il n’est pas certain que cette activité devienne permanente.
Ainsi, l’employeur doit être en mesure de justifier d’une part de la réalité de l’accroissement et, d’autre part, de son caractère temporaire.
En l’occurrence, l’employeur n’allègue nullement et ne produit aucun élément susceptible de justifier de la réalité de l’accroissement d’activité temporaire au moment de l’embauche de M. [D]. Il se limite à solliciter la confirmation du jugement entrepris. En effet le seul document relatif à son activité produit parmi ses 4 pièces correspond à une facture de sous-traitance (sa pièce n° 2) du 3 décembre 2019, date bien antérieure à la période en litige relative à un chantier avec des prestations chiffrée à 2 040 euros.
La cour relève qu’au contraire l’employeur a porté la mention « Absence non rémunérée / sans solde (autorisée par l’employeur) » sur le bulletin de paie du mois de juillet 2020 du salarié (pièce n° 3 de M. [D]), et que cette situation n’est pas en cohérence avec le motif d’un surcroît d’activité mentionné un mois plus tôt pour justifier l’embauche précaire du salarié.
En conséquence, faute pour la société Efem Construction d’assurer la démonstration qui lui incombe d’un accroissement temporaire d’activité justifiant le recours à une embauche précaire, il est fait droit aux prétentions de M. [D] au titre de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur les conséquences de la requalification du contrat de travail
En application de l’article L. 1245-2 du code du travail, la requalification ouvre droit pour le salarié au versement d’une indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire, cette disposition s’appliquant indépendamment des règles relatives à la rupture du contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, la demande formée par M. [D] à ce titre à hauteur de la somme de 1 539,45 euros correspond à un mois du salaire mensuel brut est fondée. Elle doit donc être accueillie.
Sur la rupture du contrat de travail
La démission du salarié doit résulter d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. Même notifiée sans réserve, elle peut être considérée comme équivoque si elle est remise en cause dans un délai raisonnable.
En l’espèce, M. [D] produit aux débats un courrier dactylographié intitulé « lettre de démission » daté du 10 août 2020 (pièce n°4 du salarié) qui mentionne : « Par la présente, je vous informe de ma volonté de démissionné(er) de ma fonction en tant que maçon et quitter l’entreprise EFEM Construction le 31 juin 2020 ».
M. [D] indique que ce courrier de démission avait été préparé par l’employeur et qu’il a été contraint de le signer afin de pouvoir percevoir son salaire du mois de juin 2020, de sorte que la rupture du contrat est abusive.
La cour constate que si M. [D] soutient que son consentement a été vicié il n’en tire comme conséquence que le caractère abusif de la « rupture unilatérale anticipée du CDD par l’employeur au 10 août 2020 ».
L’employeur quant à lui prétend que l’existence d’un vice du consentement n’est pas établie et que la rupture des relations contractuelles est « finalement survenue en raison de la signature de la part des parties, d’un avenant au contrat. ».
La cour retient que les circonstances dans lesquelles M. [D] a signé un courrier de démission sont d’autant plus crédibles que le salaire du mois de juin 2020 ne lui a été payé que le 10 août 2020 par un chèque émis par l’employeur le même jour ‘ qui est donc celui du courrier de démission -, comme le solde de toute compte qui mentionne le paiement du salaire de juin 2020 (pièce n°5 et n°6 du salarié).
La cour note également que le courrier de démission et le reçu pour solde de tout compte ont été rédigés à l’aide du même logiciel de traitement de texte, avec une police d’écriture identique. De même, ces deux documents comportent la même erreur de calendrier en mentionnant le « 31 juin 2020 ».
En conséquence, au vu des éléments susvisés, desquels il ressort que pour obtenir le paiement de son salaire de juin 2020 le salarié a été contraint de signer un courrier de démission »à effet rétroactif » rédigé par l’employeur, le consentement de M. [D] a été contraint, de sorte que la rupture des relations contractuelles est abusive.
Cependant, la cour relève que le salarié, qui a également sollicité en concomitance la requalification de son contrat précaire en contrat à durée indéterminée ‘ à laquelle il est fait droit-, fonde ses demandes indemnitaires sur la rupture abusive du contrat à durée déterminée.
M. [D] ne peut donc valablement fonder sa demande d’indemnité au titre de la rupture abusive du contrat à durée déterminée et réclamer ainsi des montants couvrant la rémunération qu’il aurait perçue durant la période d’embauche précaire.
Par conséquent, M. [D] ne peut, en l’état de ses demandes, être reçu en ses prétentions au titre de la rupture de la relation contractuelle, qui sont rejetées.
Sur les rappels de salaire
Sur la période du 1er au 3 juin 2020
M. [D] soutient qu’il a commencé à travailler à compter du 1er juin 2020, et qu’il est en droit d’obtenir le paiement des trois jours de travail outre les congés payés y afférents.
L’employeur conteste les propos du salarié.
En l’espèce, le contrat de travail a été signé entre les parties le 4 juin 2020 pour un début d’exécution à compter de la même date (pièce n°1 du salarié).
M. [D] ne produit strictement aucun élément susceptible de corroborer ses allégations quant à un commencement d’exécution du contrat antérieurement à la date fixée par les parties dans le contrat.
La demande de rappel de salaire pour la période du 1er au 3 juin 2020 est rejetée.
Sur la période du 1er juillet au 10 août 2020
M. [D] précise qu’il a travaillé du 1er au 3 juillet 2020 avant d’être en congés pour la période du 6 au 19 juillet 2020. Il ajoute qu’à son retour le 20 juillet 2020, l’entreprise était fermée alors que le gérant était en vacances et n’est revenu que le 10 août 2020.
M. [D] indique que le bulletin de paie de juillet 2020 est erroné en ce qu’il mentionne que le salarié était absent de manière injustifiée sur la totalité du mois de juillet 2020. M. [D] sollicite ainsi le paiement du salaire pour la période du 1er juillet au 10 août 2020, outre les congés payés afférents.
Si la fiche de paie du mois de juillet 2020 (pièce n°3 du salarié) laisse apparaître non pas une absence injustifiée comme le prétend M. [D] mais une « absence non rémunérée du salarié / sans solde (autorisée par l’employeur) » durant la totalité du mois, aucune des parties n’allègue qu’une demande de congés sans solde a été formulée par M. [D] auprès de son employeur et il est à noter que le salarié venait de prendre ses fonctions le 4 juin 2020 dans le cadre d’une embauche précaire au motif d’un surcroît d’activité.
L’employeur ne fournit aucune explication sur les propos du salarié, se contentant de les contester dans leur globalité. Il allègue que M. [D] se trouvait en Turquie jusqu’au 27 juillet 2020, sans en justifier, la capture d’écran d’un téléphone portable dont le propriétaire n’est pas identifiable produite à cette fin (pièce n°6 de l’employeur) n’ayant aucune valeur probante.
Concernant l’absence de paiement du salaire du mois d’août 2020, la cour constate qu’aucun bulletin de paie n’est produit, et relève que l’employeur ne formule aucun reproche à l’encontre du salarié, et notamment en termes d’absence. De même, il ne justifie pas plus avoir respecté son obligation de fourniture d’un travail à M. [D].
Au regard des éléments qui précèdent, il n’est dès lors pas établi que le salarié a effectivement sollicité l’octroi d’un congé sans solde pour le mois de juillet 2020, ni qu’il a été absent du 1er au 10 août 2020, de sorte qu’il aurait dû percevoir une rémunération pour la période du 1er juillet au 10 août 2020.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de M. [D] de paiement du rappel de salaire et des congés payés dus pour la période du 1er juillet 2020 au 10 août 2020 à hauteur de 2 036,65 euros bruts pour les salaires, et 203,60 euros bruts pour les congés. Le jugement entrepris est infirmé en ce sens.
Sur l’indemnité de précarité
L’indemnité de précarité prévue par l’article L. 1243-8 du code du travail n’est pas due au salarié dont le contrat à durée déterminée a été requalifié en contrat à durée indéterminée.
Les prétentions de M. [D] sont rejetées ; et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail :
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
Selon l’article L. 8223-1 du même code le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, il n’est pas établi que M. [D] a effectivement travaillé du 1er au 3 juin 2020, partant il ne caractérise nullement l’existence d’un travail dissimulé.
Par conséquent, le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande en octroi de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur les intérêts
Les sommes dues à M. [D] produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale (article 1231-6 du code civil) soit le 18 janvier 2021, et à compter du prononcé du présent arrêt pour les sommes de nature indemnitaire (article 1231-7 du même code).
Les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l’article 1343-2 du code civil comme demandé par M. [D].
Sur la délivrance de documents sous astreinte
En application des dispositions prévues aux articles R. 1234-9 du code du travail (attestation Pôle emploi, désormais dénommé France travail depuis le 1er janvier 2024), L. 1234-19 et D. 1234-6 (certificat de travail), L. 1234-20 et D. 1234-7 et suivants (solde de tout compte) et L. 3243-1 et suivants et R. 3243-1 du code du travail (bulletins de paie), il sera ordonné à la société Efem Construction de transmettre à M. [D] les bulletins de salaire des mois de juillet et août 2020, le certificat de travail, ainsi que l’attestation Pôle emploi (désormais dénommé France travail depuis le 1er janvier 2024) conformes aux termes de la présente décision.
Au regard de ce que M. [D] a indiqué, sans être efficacement démenti, dans ses écritures du 24 mars 2022, que l’employeur ne s’était toujours pas exécuté et n’avait notamment pas transmis l’attestation Pôle emploi, constat laissant craindre la réticence de l’employeur à s’exécuter et à délivrer les documents de fin de contrat au salarié, il convient d’assortir la remise des documents susvisés d’une astreinte de 10 euros par jour de retard et par document, à partir de l’expiration d’un délai de trente jours suivant la notification de la présente décision, en limitant sa durée à trois mois.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné ce dernier aux entiers frais et dépens de la première instance.
La société Efem Construction est déboutée de sa demande présentée en application de ce même article.
Elle est condamnée à payer à Maître Coralie Schumpf, avocat au barreau de Metz, conseil de M. [D] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour la première instance ainsi que l’appel en application du 2° de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il :
– Dit et juge la demande de M. [R] [D] recevable et bien fondée,
– Ordonné à la SAS Efem Construction la remise de l’attestation Pôle emploi,
– Rejeté les prétentions de M. [R] [D] au titre de l’indemnité de précarité,
– Rejeté les prétentions de M. [R] [D] au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,
L’infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Requalifie la relation de travail liant M. [R] [D] et la SAS Efem Construction en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 juin 2020,
Condamne la SAS Efem Construction à verser à M. [R] [D] les sommes suivantes :
– 1 539,45 euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée indéterminée,
– 2 036,65 euros brut au titre des rappels de salaire pour la période du 1er juillet 2020 au 10 août 2020,
– 203,60 euros brut au titre des congés payés afférents à la période du 1er juillet 2020 au 10 août 2020,
Rappelle qu’en application de l’article 1231-6 du code civil les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation le 18 janvier 2021 et que les autres sommes à caractère indemnitaire, en application de l’article 1231-7 du code civil, porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce,
Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux termes de l’article 1343-2 du code civil,
Déboute M. [R] [D] de sa demande formulée au titre de la rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée,
Déboute M. [R] [D] de sa demande au titre de l’indemnité de précarité,
Déboute M. [R] [D] de sa demande au titre du travail dissimulé,
Ordonne à la SAS Efem Construction de délivrer à M. [R] [D] les bulletins de paie de juillet et d’août 2020, une attestation Pôle emploi (désormais dénommé France travail depuis le 1er janvier 2024), et un certificat de travail conformes à la présente décision, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, et par document, à compter du trentième jour suivant le prononcé de la présente décision, et pendant une durée de trois mois,
Déboute la SAS Efem Construction de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Efem Construction à verser à Maître Coralie Schumpf, avocat au barreau de Metz, la somme de 1 000 euros sur le fondement du deuxième alinéa de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel,
Condamne la SAS Efem Construction aux dépens de première instance et aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente