CDD pour accroissement d’activité : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00012
CDD pour accroissement d’activité : décision du 30 novembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00012

TP/SB

Numéro 23/3994

COUR D’APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 30/11/2023

Dossier : N° RG 22/00012 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ICQO

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[L] [H]

C/

[F] [X]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 Novembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 Septembre 2023, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame PACTEAU, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [L] [H]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Maître DUTIN de la SELARL DUTIN FREDERIC, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

INTIMEE:

Madame [F] [X]

née le 14 Juillet 1992 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître SAVARY de la SELARL NOURY-LABEDE LABEYRIE SAVARY, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

sur appel de la décision

en date du 15 DECEMBRE 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 20/00042

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 06 avril 2019, Monsieur [L] [H], exploitant à titre individuel de l’établissement « Le Vincennes », a engagé Madame [F] [X] pour une durée de 6 mois, en qualité de serveuse catégorie employée ‘ niveau 1 ‘ échelon 1, et ce dans le but de faire face à un accroissement d’activité.

Selon l’article 3 du contrat, il était prévu une période d’essai de 2 mois.

La conclusion de ce contrat faisait suite à celle d’une convention tripartite d’action de formation préalable au recrutement régularisée par Monsieur [H], Madame [X] et Pôle Emploi, pour la période courant du 21 février 2019 au 4 avril 2019.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 20 mai 2019, Monsieur [H] a mis fin au contrat de travail le liant à Madame [X], en application de l’article 3 du contrat de travail, au motif de son absence injustifiée sur son lieu de travail depuis le 9 mai 2019.

Se prévalant d’une rupture du contrat de travail illégale, Madame [X] a saisi la juridiction prud’homale par requête déposée le 19 juin 2020.

Par jugement du 15 décembre 2021, le Conseil de Prud’hommes de Mont de Marsan a :

-déclaré irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

-déclaré Madame [X] recevable et bien fondée en son action ;

-dit et jugé que la rupture du contrat de travail durant la période d’essai est illégale ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 7.392 € au titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 739,20 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 1.344 € au titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 887,05 € au titre de l’indemnité de fin de contrat ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 457,13 € au titre de rappel de salaire du 1er au 9 mai 2019

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 45,71 € au titre des congés payés sur salaire ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 1.500 € au titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

-condamné Monsieur [H] à remettre sous astreinte journalière de 50€ à compter du 8e jour après le prononcé du jugement les bulletins de salaire rectifiés, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi rectifiés ;

-Dit que les sommes allouées à Madame [X] porteront intérêts légal à compter du 24 juin 2019 ;

-condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens en ceux compris les frais éventuels d’exécution ;

-dit et jugé l’exécution provisoire du jugement à intervenir de droit.

Par déclaration du 3 janvier 2022, Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 1er avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Monsieur [L] [H] demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu le 15 décembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Mont de Marsan en ce qu’il a :

* condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 457,13 € au titre de rappel de salaire du 1er au 9 mai 2019 ;

* condamné Monsieur [H] à payer à Madame [X] la somme de 45,71 € au titre des congés payés sur salaire.

-L’infirmer pour le surplus ;

-Et par conséquent :

* dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée notifiée le 20 mai 2019 est fondée sur la faute grave commise par Madame [F] [X],

* dire et juger que la rupture du contrat de travail à durée déterminée pour faute grave est un des cas de rupture anticipée autorisés par la loi,

* débouter Madame [F] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,

* débouter Madame [F] [X] de sa demande d’indemnité de fin de contrat,

* débouter Madame [F] [X] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

* ramener l’indemnité due au titre du non-respect de la procédure de licenciement à de plus justes proportions, compte tenu du préjudice subi par l’employeur,

* condamner Madame [F] [X] à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

* condamner Madame [F] [X] aux entiers dépens de la présente instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 6 juillet 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, Madame [F] [X] demande à la cour de :

-déclarer mal-fondé Monsieur [H] en son appel dirigé contre le jugement du Conseil de Prud’hommes de Mont de Marsan du 15 décembre2021.

-En conséquence, confirmer le jugement du 15 décembre 2021 en ce qu’il a déclaré la rupture anticipée du contrat de travail à durée indéterminée illégale.

-confirmer le jugement du 15 décembre 2021 en ce qu’il a condamné Monsieur [L] [H] à lui payer :

o Indemnité pour non-respect de la procédure disciplinaire : 1 344,00 €

o Dommages et intérêts pour rupture anticipée du CDD : 7 392,00 €

o Indemnité compensatrice de congés payés : 739,20 €

o Indemnité de fin de contrat : 887,05 €

o Rappel de salaire du 1er au 09 mai 2019 : 457,13 €

o Congés payés sur salaires : 45,71 €

o Dommages et intérêts pour préjudice moral : 1 500,00 €

o Article 700 du Code de Procédure Civile 1 000,00 €

-confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Monsieur [L] [H] à remettre sous astreinte journalière de 50 € à compter du 8e jour après le prononcé du jugement, l’attestation Pôle Emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie rectifiés.

-confirmer le jugement en ce qu’il a dit que les sommes allouées à Madame [F] [X] porteront intérêt légal à compter du 24 juin 2019.

-y ajoutant, condamner Monsieur [H] à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais éventuels d’exécution.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 août 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

L’article L.1242-10 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d’essai.

Sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d’essai ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d’un mois dans les autres cas.

Lorsque le contrat ne comporte pas de terme précis, la période d’essai est calculée par rapport à la durée minimale du contrat.

Selon l’article L.1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

En l’espèce, Mme [X] a été engagée par M. [H] suivant contrat à durée déterminée du 6 avril 2019 au 6 octobre 2019.

En application de l’article L.1242-10 susvisé, le contrat était devenu définitif au plus tôt le lundi 22 avril 2019 et au plus tard le lundi 6 mai 2019. Le fait que l’article 3 du contrat stipulait une période d’essai de deux mois est inopérant.

Dès lors, en adressant un courrier du rupture du contrat le 20 mai 2019, M. [H] a procédé à une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui ne peut être fondée que sur l’un des motifs indiqués dans l’article L.1243-1 précité.

Le courrier de rupture était rédigé comme suit :

« Madame,

Malgré plusieurs appels téléphoniques sans réponse de votre part, vous ne vous êtes plus rendue sur votre lieu de travail, [Adresse 3] depuis le 8 mai 2019.

En conséquence, sans motif ni arrêt maladie, le contrat de travail à durée déterminée que vous avez signé le 6 avril 2019 est rompu suivant l’article 3 de celui-ci ».

Il en ressort que le grief reproché à Mme [X], qui a fondé la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée, est son absence injustifiée sur son lieu de travail depuis le 8 mai 2019.

[L] [H] produit la fiche de présence de Mme [X] du mois de mai 2019, avec les horaires effectués jour par jour les 1er, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 mai, et la signature de la salariée en face de chaque jour, ainsi que les attestations de deux autres employés, M. [Y] et Mme [M], qui témoignent des difficultés dans lesquelles cette absence les a placés’: ils indiquent avoir dû annuler des réservations.

Il importe de relever que Mme [X] ne conteste pas ne pas s’être présentée à son travail depuis cette date, ni ne pas avoir adressé de justificatif ou arrêt de travail.

Cette situation aurait dû entraîner, de la part de M. [H], la mise en ‘uvre d’une procédure disciplinaire.

Cette carence procédurale ne doit toutefois pas empêcher l’examen de la gravité du grief qui a fondé la rupture anticipée du contrat de travail, étant précisé qu’aucun texte n’impose à un employeur d’adresser, à son salarié absent, une mise en demeure de se présenter sur son lieu de travail avant d’engager une procédure disciplinaire pour absence injustifiée, c’est-à-dire pour abandon de poste.

Dans le cadre de l’exécution d’un contrat de travail, le salarié s’engage à fournir une prestation de travail, tandis que l’employeur doit lui fournir du travail et le rémunérer pour la prestation effectuée.

En l’espèce, Mme [X], en ne se présentant pas pendant 10 jours, a failli à sa principale obligation. Cette attitude, alors que son contrat à durée déterminée venait de prendre son plein effet et qu’elle avait bénéficié pendant plusieurs mois d’une formation au sein de la même entreprise pour exercer le métier de serveuse, constitue une faute rendant impossible le maintien du lien contractuel et est en conséquence une faute grave justifiant la rupture anticipée du contrat à durée déterminée.

Dans ces conditions, il convient de débouter la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, d’indemnité compensatrice de congés payés qui n’était en tout état de cause pas due et d’indemnité de fin de contrat.

Le jugement déféré sera infirmé de ces chefs.

En revanche, il sera confirmé en ce qu’il a alloué à Mme [X] la somme de 1344 euros, équivalente à un mois de salaire, pour non-respect de la procédure disciplinaire avant la rupture anticipée du contrat de travail, de même qu’en ce qu’il a condamné M. [H] à verser à Mme [X] la somme de 457,13 euros au titre du salaire pour la période du 1er au 8 mai 2019, outre 45,71 euros pour les congés payés y afférents.

Enfin, Mme [X] demande une indemnité de 1500 euros pour le préjudice moral qu’elle dit avoir subi en raison de la rupture illégale de son contrat à durée déterminée et du fait qu’elle n’a pu bénéficier de ses allocations chômage qu’à compter du 20 octobre 2019.

Toutefois, la rupture anticipée de son contrat de travail était justifiée et Mme [X] ne démontre pas l’existence d’un préjudice distinct de celui qui est réparé par l’octroi d’une indemnité pour le non respect de la procédure, de sorte qu’elle doit être déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Il convient d’enjoindre à M. [H] de remettre à Mme [X] les documents de fin de contrat et bulletin de salaire rectifiés conformément à cette décision, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Les sommes allouées porteront intérêts au taux légal comme suit’:

à compter du 24 juin 2020, date de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation à laquelle était jointe la requête, ce qui vaut mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du code civil, pour les créances de nature salariale,

à compter de la décision qui en a fixé le quantum pour les créances de nature indemnitaire en application de l’article 1231-7 du code civil.

Mme [X], qui succombe principalement à l’instance, devra en supporter les entiers dépens, y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes.

L’équité commande néanmoins de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. [H] qui sera débouté de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera d’ailleurs infirmé en ce qu’il a alloué la somme de 1000 euros à Mme [X] sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Mont de Marsan en date du 15 décembre 2021 sauf en ce qu’il a condamné M. [L] [H] à payer à Mme [F] [X] les sommes de’:

1344 € au titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ;

457,13 € au titre de rappel de salaire du 1er au 9 mai 2019 et 45,71 € au titre des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant’:

DIT que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée de Mme [F] [X] est fondée sur une faute grave’;

DEBOUTE Mme [F] [X] de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée, d’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité de fin de contrat et de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

ENJOINT à M. [L] [H] de remettre à Mme [F] [X] les documents de fin de contrat et bulletin de salaire rectifiés conformément à cette décision’;

DIT n’y avoir lieu à astreinte’;

DIT que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2020 pour les créances de nature salariale et à compter de la décision qui en a fixé le quantum pour les créances de nature indemnitaire’;

CONDAMNE Mme [F] [X] aux entiers dépens y compris ceux exposés devant le conseil de prud’hommes’;

DEBOUTE M. [L] [H] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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