Arrêt n° 22/00754
28 novembre 2022
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N° RG 21/00802 –
N° Portalis DBVS-V-B7F-FOZ3
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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ
03 mars 2021
F 19/00370
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE METZ
Chambre Sociale-Section 1
ARRÊT DU
Vingt huit novembre deux mille vingt deux
APPELANT :
M. [I] [S]
[Adresse 1]
Représenté par M. Thierry BELLIVIER (Délégué syndical ouvrier)
INTIMÉE :
CONFEDERATION DE L’ARTISANAT ET DES PETITES ENTREPRISES DU BATIMENT DE MOSELLE (CAPEB 57) prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
Représentée par Me Antoine PAVEAU, avocat au barreau de METZ
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre
Mme Anne FABERT, Conseillère
M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;
Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [I] [S] a été embauché par la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment de la Moselle (ci-après désignée la CAPEB 57), en qualité de juriste en dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité d’une durée d’un an à compter du 11 septembre 2017 jusqu’au 10 septembre 2018, pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures avec des horaires quotidiens définis du lundi au vendredi (9h00 12h30 ‘ 14h00 17h30 sauf le vendredi 13h30 17h00).
Au cours de l’exécution de ce contrat, M. [S] a suivi en formation continue un Master 2 droit du travail et de la protection sociale à l’Université de [4], du mercredi après-midi au samedi matin.
M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz par requête introductive d’instance enregistrée au greffe le 12 avril 2019 afin d’obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que le paiement de diverses sommes.
La section activité diverse du conseil de prud’hommes de Metz a par jugement contradictoire du 3 mars 2021 statué ainsi :
»Dit que les demandes de M. [S] [I] sont recevables mais non fondées
Déboute M. [S] de l’ensemble de ses demandes
Déboute M. [S] [I] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne M. [S] [I] à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 300 euros à la CAPEB 57
Déboute l’Union Locale CGT de [Localité 5] et ses environs de l’ensemble de ses demandes
Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres frais et dépens
Ordonne l’exécution provisoire par l’application des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ».
Par déclaration électronique en date du 26 mars 2021, M. [S] a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 16 mars 2021.
Par ses conclusions datées du 26 mai 2021, M. [S] demande à la cour de statuer comme suit :
»Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz le 3 mars 2021 en ce qu’il l’a débouté de toutes ses demandes à l’exception des congés de fractionnement et de l’indemnité pour exécution déloyale, en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
Dire et juger que la rupture de la relation de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner la CAPEB 57, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer au titre de 1’accomplissement des heures supplémentaires :
A titre principal,
1 518,47 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
151,85 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
A titre subsidiaire,
2 594,39 euros brut à titre de rappel d’heures supplémentaires ;
259,44 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
A titre infiniment subsidiaire,
1 420,77 euros brut à litre de rappel d’heures supplémentaires ;
142,08 euros brut au litre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
Condamner la CAPEB 57, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer les sommes suivantes :
A titre principal,
Sur la base d’un salaire moyen de 1 927,91 euros :
11 567,46 euros net au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
1 927,91 euros net au titre de l’indemnité spéciale de requalification en contrat à durée indéterminée ;
1 927,91 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
192,79 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
3 855,82 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
522,14 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
462,70 euros brut au litre de la prime de vacances ;
46,27 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
321,32 euros net à titre de dommages et intérêts pour privation de cinq jours ouvrables de congés payés ;
Sur la base d’un salaire moyen de 1 661,22 euros :
9 967,32 euros net au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
1 661,22 euros net au titre de l’indemnité spéciale de requalification en contrat à durée indéterminée ;
1 661,22 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
166,12 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
3 322,44 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
449,92 euros net au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
398,71 euros brut au titre de la prime de vacances ;
39,87 euros brut au titre des congés payés afférents selon la règle du dixième ;
276,87 euros net `a titre de dommages et intérêts pour privation de cinq jours ouvrables de congés payés ;
En tout état de cause, 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’au stade de la procédure d’appel ;
Débouter la CAPEB 57 de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires ;
Rappeler que les sommes dues au titre des créances contractuelles (rappel d’heures supplémentaires, indemnité compensatrice de préavis, prime de vacances, indemnité légale de licenciement et les congés payés afférents aux salaires) porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la CAPEB 57 de la lettre de convocation à la séance de conciliation, soit le 18 avril 2019, conformément à l’article 1231-6 du code civil ;
Rappeler que les sommes à caractère indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir conformément à l’article 1251-7 du code civil ;
Ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année en application de l’article 1343-2 du code civil ;
Ordonner l’édition et la remise sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter du 30ème jour suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir, des documents sociaux rectifiés suivants :
– un bulletin de salaire récapitulatifs des sommes à caractères salarial allouées,
– une attestation destinées à Pôle Emploi,
– un certificat de travail ;
Condamner la CAPEB 57 aux entiers dépens de première instance et d’appel ».
Au soutien de son appel, M. [S] fait valoir que compte tenu de la charge de travail importante au sein du pôle juridique de la CAPEB 57 et du développement continu de celui-ci, il a été amené à accomplir un certain nombre d’heures supplémentaires.
Il affirme avoir indiqué sur son carnet des horaires de formation aléatoires correspondant à la durée hebdomadaire prévisionnelle figurant sur le planning fourni par l’Université de Lorraine à la CAPEB 57, et souligne que cette façon de décompter les heures supplémentaires était plus avantageuse pour la CAPEB 57, puisqu’elle n’avait pas à payer les 84,5 heures accomplies en plus dans le cadre de la formation.
Il soutient que les feuilles d’heures de l’Université de [4] n’avaient pas pour objet de contrôler la durée du travail mais étaient destinées à justifier de sa présence et la réalité des prestations effectuées par l’organisme de formation pour chaque module prévu, et il estime qu’il convient de s’y référer à titre subsidiaire.
Il précise qu’il n’est nullement contesté que les extraits de son cahier d’heures de travail étaient susceptibles de comporter quelques données erronées qu’il convenait de rectifier, même si en définitive une seule erreur relevée par la CAPEB 57 a entaché le nombre d’heures supplémentaires réclamées.
Il soutient que l’activité juridique de la structure nécessitait la réalisation d’heures supplémentaires, et qu’il ne disposait d’aucune autonomie qui lui aurait permis d’organiser son activité sans que l’employeur ne puisse se rendre compte qu’il accomplissait de façon habituelle un temps de travail excédent de façon parfois significative la durée pour laquelle il était rémunéré.
Il affirme que la prime AG couvrait à l’évidence des heures supplémentaires, ce qui constitue une fraude aux obligations déclaratives de l’employeur et par conséquent du travail dissimulé.
Il soutient également que l’accroissement temporaire d’activité était purement fictif, que la CAPEB 57 a utilisé le contrat à durée déterminée pour faire face à un besoin structurel de main d »uvre, et pourvoir ainsi à un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise dans la mesure où le développement du pôle juridique de la CAPEB 57 a nécessité de l’embauche définitive d’une nouvelle juriste en la personne de Mme [L] [O].
Il ajoute que la CAPEB 57 travaille toujours très étroitement avec la CABEP Aube afin d’apporter une assistance ponctuelle au juriste de cette structure, de sorte que la convention de prestations de services n’était en rien temporaire et que son contrat à durée déterminée doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Il sollicite également le paiement de la prime de vacances qui été versée à Mme [Y], puisque que la seule différence de catégorie professionnelle ne pouvait justifier une différence de traitement entre des salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage ainsi que des dommages et intérêts pour privation de cinq jours de congés payés qui ont été décomptés lors d’une période d’examens obligatoires.
Par ses conclusions datées du 18 août 2021, la CAPEB 57 sollicite de la cour de :
»Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Metz en date du 3 mars 2021.
Y ajoutant,
Condamner M. [I] [S] à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ».
La CAPEB 57 réplique M. [S] n’a effectué aucune heure supplémentaire au cours de son contrat.
Elle soutient qu’il existe des discordances hebdomadaires entre le cahier de M. [S] établi de manière journalière et les décomptes d’heures fournis tous les mois par l’université de [4], et souligne que les horaires de formation étaient fluctuants comme le démontrent les relevés d’heures de la faculté.
Elle observe également que le 1er novembre 2017 était un jour férié, que les bureaux étaient fermés en raison des fêtes de fin d’année du 22 décembre au mardi 2 janvier 2018 inclus, ainsi que le lundi 30 avril 2018 pour cause de pont.
Elle précise que jamais elle n’a sollicité le salarié pour la réalisation d’une seule heure supplémentaire, et que M. [S] n’en a pas demandé le paiement au cours de son contrat.
Elle soutient que l’accroissement temporaire d’activité se justifiait par la signature d’une convention de prestation de services juridiques avec la CAPEB de l’Aube d’une durée initiale d’un an, reconductible tacitement, et que l’embauche de Mme [O] fait suite à la création en septembre 2018 d’une plate-forme juridique Nord Est hébergée par la CAPEB Moselle.
Elle soutient que la prime AG versée à l’ensemble des salariés, proportionnelle au salaire de base, était simplement destinée à récompenser les salariés d’avoir aidé à la préparation de cet événement statutaire pendant leurs heures de travail.
Elle énonce qu’elle fait une application volontaire de la convention collective du bâtiment et qu’elle ne relève pas de la caisse de congés payés, de sorte que ses salariés ne bénéficient pas de prime de vacances.
S’agissant des jours de congés payés, la CAPEB 57 soutient que la semaine mentionnée comme examen sur le calendrier prévisionnel indique « 0 heure » de formation et que ces heures ne devaient pas être considérées comme du temps de travail effectif mais comme des congés payés.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément à l’article 455 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS
La cour constate que l’appel ne porte pas sur les dispositions relatives aux jours de fractionnement, aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et concernant l’union locale CGT de [Localité 5] et ses environs, de sorte que le jugement est devenu définitif sur ces points.
Sur les heures supplémentaires
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, que l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge doit se déterminer au vu de ces éléments et de ceux produits par le salarié.
Le salarié étant en demande, il lui appartient néanmoins de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, tant sur l’existence des heures dont il revendique le paiement que sur leur quantum, à charge pour l’employeur de les contester ensuite en produisant ses propres éléments.
Ces éléments doivent être suffisamment sérieux et précis quant aux heures effectivement réalisées pour permettre à l’employeur d’y répondre.
En l’espèce, M. [S] produit au soutien de sa demande de paiement d’heures supplémentaires effectuées durant la période de son embauche, soit une année de septembre 2017 à septembre 2018, les pièces suivantes :
– les pages d’un cahier sur lesquelles il a détaillé, jour par jour, les horaires de prise de poste, de pause déjeuner et de fin de poste, et ce pendant la période de travail au sein des locaux de la CAPEB 57 (les lundis, mardis et mercredis matin) ainsi que durant la période de formation au sein de l’université de [4] (les mercredis après-midi, jeudis, vendredis et samedis matin) ;
– l’attestation de Mme [Y], responsable juridique, qui relate : « en février 2018, lors de l’arrivée d’une nouvelle juriste, Mme [L] [O], M. [S] a dû s’installer dans mon bureau.
Dans ce cadre, je peux attester de son investissement au sein du service juridique pour traiter, dans les délais, les demandes juridiques des adhérents. Ainsi, pour respecter les délais de réponses en vigueur au sein du service (réponse sous 48 heures), il écourtait régulièrement sa pause déjeuner pour la limiter à 30 minutes. Je peux en attester car de la même façon, alors que je devais quitter la CAPEB officiellement à 12h15 de façon quasi systématique je quittais en fait entre 13h et 13h30.
Ainsi, comme tous les juristes présents à la CAPEB, il effectuait régulièrement des heures supplémentaires ‘ [les mentions suivantes semblent avoir été ajoutées a posteriori].
A titre d’exemple, je peux citer le cas des cafés juridiques ou encore la préparation à l’assemblée générale.
Il n’a pas hésité à se présenter aux aurores à la CAPEB pour mettre en place, avec Mr [U] toutes les installations liées à la tenue de cette assemble. De la même façon comme la majorité des collaborateurs il a quitté le congrès center d'[Localité 3] aux alentours de minuit après avoir démonté la tonnelle et toutes les installations à la demande de Mme [E] (‘) Je peux également attester que pendant la période où il se trouvait en face de mon bureau, il tenait un listing des tâches qu’il effectuait dans un cahier chaque jour » ;
– le calendrier prévisionnel Master 2 droit du travail et de la protection sociale 2017-2018 fourni par l’université de [4], ;
– les feuilles de présence effective aux cours dispensés dans le cadre de cette formation.
M. [S] produit également des décomptes récapitulatifs des heures réalisées, dont l’un prend en considération les horaires de formation inscrits dans son cahier en fonction du planning prévisionnel universitaire, et l’autre les horaires exacts mentionnées sur les feuilles de présence de la faculté, ainsi que ses bulletins de salaire qui ne tiennent compte d’aucune heure supplémentaire.
Ces éléments sont ainsi suffisamment précis pour étayer la demande de M. [S] de rappel d’heures supplémentaires et pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement.
S’agissant des heures de travail au sein de la CAPEB 57, la cour constate que cette dernière, qui se borne à contester les horaires invoqués par M. [S], ne produit toutefois ni le planning de l’intéressé ni un quelconque document mentionnant les heures de travail réellement exécutées par l’intéressé dans ses locaux.
La CAPEB 57 estime que la réalisation d’heures supplémentaires n’était pas nécessaire, et qu’elle n’a rien imposé au salarié.
Or, le contenu d’un courriel rédigé par Mme [Y] et adressé à la direction le 17 mai 2018 relate : « cela fait plus de 10 ans que je travaille à la CEPB et malheureusement, il y a très peu de périodes où les horaires ont pu être respectés. Je ne suis d’ailleurs pas la seule à effectuer beaucoup d’heures notamment au sein du service juridique et tu le sais très bien (à combien de reprises [W] et [M] ont-(t)-elles été au bureau au-delà de 20 heures ‘) Aussi, peux-tu me préciser comment est-il possible de satisfaire les adhérents et de respecter les procédures prévoyant de répondre aux adhérents sous 48 heures (dixit dans ton mail : « le mécontentement d’un adhérent dû au non-respect d’une procédure clairement définie au sein de notre structure ») et ne pas faire d’heures supplémentaires ‘ ».
Les informations circonstanciées contenues dans cette transmission, dont il convient de rappeler que son auteur occupe les fonctions de responsable du pôle juridique de la structure, démontrent que les heures supplémentaires effectuées par M. [S], outre celles induites par sa présence obligatoire en classe, ont été rendues nécessaires par l’ampleur des tâches à accomplir au sein du service juridique.
Aussi si l’intimée soulève des erreurs dans le cahier d’heures établi par M. [S], à savoir que le 1er novembre 2017 était un jour férié, que les bureaux étaient fermés du 22 décembre au mardi 2 janvier 2018 inclus ainsi que le lundi 30 avril 2018, ces données sont reconnues par le salarié qui en tient compte dans ses décomptes récapitulatifs.
S’agissant des heures de formation, la CAPEB 57 se prévaut à juste titre de discordances entre le cahier d’heures de travail de M. [S] et les feuilles de présence en classe signées par ce dernier et par le responsable pédagogique de l’université de [4].
La cour relève en effet que le cahier de M. [S], basé sur le planning prévisionnel de formation, ne correspond pas aux relevés d’heures de présence effective produits par les parties, si bien qu’il convient de se référer à ces feuilles d’émargement qui sont manifestement plus fiables que le calendrier prévisionnel universitaire et que le décompte de M. [S] retranscrivant les horaires de présence réelle en formation.
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la CAPEB 57 à payer à M. [S] la somme de 1 518,47 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires de septembre 2017 à septembre 2018, ainsi que la somme de 151,85 euros bruts au titre des congés payés afférents, ce dans la limite du montant réclamé par le salarié à titre principal.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point en ce sens.
La CAPEB 57 sera condamnée au paiement de ces sommes, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande initiale.
Sur le travail dissimulé
Aux termes de l’article L.8221-5 du Code du travail, « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
En vertu des dispositions de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, la seule mention d’une « prime AG » sur le bulletin de salaire de juin 2018 ne saurait caractériser l’intention de la CAPEB 57 de dissimuler le paiement des heures supplémentaires sous forme de prime alors que, quand bien même M. [S] a accompli des heures supplémentaires, il ressort des échanges tenus lors de l’assemblée générale du 1er juillet 2018 que la prime AG avait de toute évidence pour objectif de récompenser les salariés qui ont accepté de participer à l’organisation et à la préparation de cet événement annuel alors qu’une telle mission n’entrait pas dans le champ d’exercice de leurs fonctions.
Dès lors, faute pour M. [S] de démontrer la volonté de l’employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement des formalités légales, le seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie et l’octroi d’une unique prime pour participation à la tenue de l’assemblée générale annuelle ne suffisent pas à en déduire le caractère intentionnel.
M. [S] sera également débouté de sa demande à ce titre à hauteur de cour, et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée
Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail, « le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
L’article L. 1242-2 du même code précise qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : remplacement d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, emplois saisonniers et emplois d’usage ou dans le cadre de la politique de l’emploi.
Le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif et le cas légal de recours auquel celui-ci correspond. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
En cas de litige sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée.
La cour rappelle que la cause de recours au contrat à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion du contrat de travail.
En l’espèce, le contrat de travail de M. [S] à durée déterminée d’un an à compter du 11 septembre 2017 prévoit que le salarié a été « engagé par la CAPEB 57 en vue de faire face à un accroissement temporaire d’activité. Cet accroissement temporaire d’activité est consécutif à la conclusion entre la CAPEB 57 et la CAPEB 10 d’une convention de prestations de services ; d’une durée d’un an ; ayant pour objet le traitement des questions de droit social des adhérents aubois par les juristes de la CAPEB Moselle ».
L’accroissement temporaire d’activité s’entend d’une augmentation ponctuelle, pouvant être régulière ou cyclique, de l’activité habituelle de l’entreprise qui ne peut y faire face avec son effectif permanent et qui a ainsi besoin, de façon inhabituelle et limitée dans le temps, d’un renfort.
M. [S] assure dans ses conclusions que le problème soulevé ne relevait pas de la réalité de l’accroissement d’activité, ce qu’il estime ne souffrir d’aucune critique dans la mesure où la CAPEB 57 a signé une convention de prestations juridiques avec la CAPEB Aube avant la date de de son embauche temporaire.
Cette convention de prestations de services est d’ailleurs versée au dossier, et Mme [Y] confirme que « l’embauche de M. [I] [S] au sein de la CAPEB Moselle est intervenue suite au développement continu du service juridique de la CAPEB. En effet, alors qu’initialement, le service juridique ne répondait qu’aux adhérents de la Moselle, le service juridique a ensuite été étendu aux adhérents de la CAPEB Meuse, puis lors de l’arrivée de M. [I] [S] aux adhérents de la CABEP Aube ».
M. [S] soutient qu’il y avait en réalité un besoin structurel de juristes supplémentaires au sein du service juridique, puisque d’une part la CAPEB 57 a continué à collaborer avec la CAPEB Aube, et d’autre part qu’elle a procédé à une embauche en contrat à durée indéterminée après son départ.
Or, la convention de prestations de services établie avec la CAPEB Aube, d’une durée initiale d’un an et dont la reconduction était incertaine au moment de la conclusion du contrat de travail de M. [S] en septembre 2017, avait bien un caractère temporaire, quand bien même elle a été reconduite après son terme, et elle ne caractérisait pas, lors de l’embauche du salarié, un accroissement durable de l’activité de la structure.
De plus, Mme [L] [O], salariée concernée par l’embauche évoquée par M. [S] à l’appui de sa démonstration, a d’abord été engagée en remplacement d’une salariée en congé de maternité, puis a été embauchée en septembre 2018 à durée indéterminée suite à la création d’une plate-forme juridique Nord Est hébergée par la CAPEB Moselle.
Il ressort en effet du compte rendu du bureau de la confédération du 9 juillet 2018 que celui-ci a validé une embauche à compter du mois de septembre 2018 compte tenu de la viabilité du projet de plate-forme juridique, et Mme [Y] atteste : « ‘ en septembre 2018, le service juridique de la CAPEB Moselle est devenu le service juridique référent de la plupart des CAPEB départementales de la région Grand Est ainsi que de quelques autres CAPEB départementales (CAPEB 25, 70, 90 et 71). Ce développement a nécessité l’embauche d’une nouvelle juriste comme Mme [L] [O] ».
En outre, la diffusion d’une offre d’un emploi à temps plein le 1er février 2019 est liée au remplacement de l’ancienne responsable juridique qui était employée à temps partiel, et elle ne démontre pas davantage que l’activité normale et permanente de la structure nécessitait de la main d »uvre supplémentaire au moment de l’embauche de M. [S] en septembre 2017, soit un an et demi avant la publication cette l’offre d’emploi.
Aussi, il est établi que l’accroissement temporaire d’activité ayant justifié le recrutement de M. [S] est réel, et que l’embauche de ce dernier ne relevait pas d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de la confédération au moment de la conclusion du contrat de travail, étant précisé que M. [S] pouvait valablement être aussi affecté à d’autres tâches que celles résultant du surcroît d’activité.
M. [S] sera donc débouté de sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ainsi que de ses demandes financières subséquentes, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a statué en ce sens sur ces chefs.
Sur la prime de vacances
L’article 5.1.2 de Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 prévoit : « Une prime de vacances égale à 30 % de l’indemnité de congés correspondant aux 24 jours ouvrables de congés, institués par la loi du 16 mai 1969, acquis sur la base de 2 jours ouvrables de congés par mois de travail, est versée aux ETAM après 6 mois de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d’une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics. Cette prime, qui ne se cumule pas avec les versements qui ont le même objet, est versée en même temps que l’indemnité de congés ».
En l’espèce, le fait que la CAPEB 57 ne relève pas d’une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics n’est pas contesté par le salarié si bien que l’application de l’article 5.1.2 de convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment n’avait pas lieu de s’appliquer à la cause.
Néanmoins, M. [S] invoque le principe d’égalité de traitement entre les salariés de la CAPEB 57.
La cour rappelle que le salarié doit soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité de traitement en comparant sa situation avec celle de salariés placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause. Dès lors que le salarié a effectivement soumis de tels éléments, il appartient alors à l’employeur de démontrer que la différence de traitement repose sur des éléments objectifs et pertinents.
M. [S] produit en l’occurrence le bulletin de salaire de Mme [Y] du mois de mai 2018, qui laisse apparaître une prime de vacances d’un montant de 782,87 euros.
M. [S] et Mme [Y] étaient de toute évidence placés dans la même situation au regard de l’avantage que représente la prime conventionnelle de vacances ayant pour objectif d’aider financièrement les salariés pendant leurs congés d’été, et n’ayant aucun lien avec leurs fonctions ni leurs responsabilités.
La catégorie professionnelle, ETAM ou cadre, ne constitue donc pas un critère objectif et pertinent de nature à justifier une différence de traitement entre l’appelant et Mme [Y] dans l’attribution de cette prime, de sorte que M. [S] aurait dû en bénéficier à l’instar de sa collègue.
La CAPEB 57, qui ne prouve pas que la différence de traitement repose sur des éléments objectifs et pertinents, sera condamnée à payer à M. [S] la somme réclamée par ce dernier, et non autrement critiquée par l’employeur, à hauteur de 462,70 euros bruts à titre de rappel de prime de vacances 2018. Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens sur ce point.
En revanche M. [S] sera débouté de sa demande de congés payés sur la prime de vacances, qui n’ouvre pas droit à indemnité compensatrice de congés payés.
Sur la privation des congés payés
M. [S] démontre par son bulletin de salaire du mois de février 2018 que la CAPEB 57 a décompté 5 jours de congés payés du 19 au 24 février 2018.
Or, si le calendrier de l’université de [4] ne mentionne aucune heure de formation pour cette semaine, il n’empêche que d’après ce document M. [S] devait passer des examens obligatoires à la faculté. Le temps consacré aux examens partiels étant du temps de travail effectif, l’employeur ne pouvait pas lui déduire des jours de son solde de congés payés pour cette période.
L’impossibilité pour M. [S] d’exercer son droit à congés payés du fait de l’employeur doit donner lieu au profit du salarié à la réparation du préjudice découlant de la privation d’un temps de repos. Il convient dès lors de condamner la CAPEB 57 à payer à l’appelant la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la remise des documents
Il convient d’ordonner à la CAPEB 57 de remettre à M. [S] les bulletins de salaire, le certificat de travail ainsi que l’attestation Pôle Emploi rectifiés conformément au présent arrêt, sans qu’il soit toutefois nécessaire de prononcer une astreinte.
Sur la demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La CAPEB 57, qui succombe pour partie, supportera les dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable par ailleurs d’allouer à M. [I] [S] une somme de 1 500 euros au titre des frais autres que les dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [S] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour privation de congés payés et de rappel de prime de vacances 2018 ainsi que s’agissant des dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Condamne la CAPEB 57 à payer à M. [I] [S] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de notification à l’employeur de la demande initiale soit le 18 avril 2019 :
1 518,47 euros bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires de septembre 2017 à septembre 2018,
151,85 euros bruts au titre des congés payés afférents,
462,70 euros à titre de rappel de prime de vacances 2018 ;
Condamne la CAPEB 57 à payer à M. [I] [S] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :
500 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de jours de congés payés,
1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
Ordonne à la CAPEB 57 de délivrer à M. [I] [S] les bulletins de salaire, l’attestation Pôle Emploi et le certificat de travail rectifiés conformément au présent arrêt sans assortir cette remise d’une astreinte.
Condamne la CAPEB 57 aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier, La Présidente,