ARRET N° 23/80
R.G : N° RG 22/00048 – N° Portalis DBWA-V-B7G-CJSE
Du 28/04/2023
[O]
C/
S.A.S. O BOL DORE
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 28 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 15 Février 2022, enregistrée sous le n°
APPELANT :
Monsieur [P] [O]
C/Mme [H] [E] [Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Isabelle OLLIVIER, avocat au barreau de MARTINIQUE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000701 du 28/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de FORT DE FRANCE)
INTIMEE :
S.A.S. O BOL DORE
[Adresse 1]
97200 FORT DE FRANCE
Représentée par Me Pierre-xavier BOUBEE de la SELEURL PIERRE-XAVIER BOUBEE, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 février 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle TRIOL, Conseillère présidant la chambre sociale, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Nathalie RAMAGE, Présidente de Chambre
– Madame Anne FOUSSE Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Rose-Colette GERMANY,
DEBATS : A l’audience publique du 17 février 2023,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 28 avril 2023 par mise à disposition au greffe de la cour.
ARRET : Contradictoire
**************
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [P] [O] a été embauché par la société New Baguettes Cantonnaises par contrat à durée déterminée d’une durée de douze mois à compter du 1er juillet 2018, en qualité d’employé polyvalent, pour 18 heures de travail hebdomadaire et moyennant un salaire brut mensuel de 770,64 euros.
Le 31 mai 2019, le fonds de commerce a été cédé à la SAS O Bol doré.
Un contrat à durée indéterminée a ensuite été conclu entre la SAS O Bol doré et M. [O], à compter du 1er juillet 2019, pour un travail à temps complet et une rémunération brute mensuelle de 1 521,25 euros.
Suite à un incident avec son employeur, le salarié a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire à compter du 11 janvier 2020 par message WHATSAPP et courrier.
Par courrier du 13 janvier 2020, le salarié a contesté cette mise à pied.
Par courrier du 15 janvier 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement mais, suite à une indisponibilité du gérant de la société, cet entretien a été repoussé par courrier recommandé du 24 janvier 2020. L’entretien a lieu le 4 février 2020.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 18 février 2020, la SAS O Bol Doré a notifié à M. [O] son licenciement en ces termes :
«Monsieur,
Nous vous avons reçu, Monsieur [L] [F] ‘ associé et membre du personnel ‘ et moi-même à un entretien préalable le mardi 4 février 2020, accompagné de votre assistance en la personne de Madame [A] [B] au sujet du licenciement envisagé à votre encontre.
En dépit des explications qui nous ont été fournies lors de cet entretien, je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour faute simple ‘ cause réelle et sérieuse, compte tenu des éléments suivants :
‘ Les menaces que vous avez proférées contre Monsieur [L] [F], associé, le 10/01/2020 en présence de témoins, Madame [K] [F] (précédent employeur) et de Madame [X] [R], cliente, et que vous avez transformées lors de l’entretien préalable ne sont pas de nature à rétablir la confiance entre nous.
À cet égard, votre conseil, Madame [A] [B] nous a fait remarquer que les témoins n’avaient pas à être là. Cette remarque est totalement déplacée puisque les témoins ont assisté à la scène qui s’est déroulée pendant le service.
‘ Vous exercez un chantage contre moi, employeur, en exigeant le paiement d’une indemnité de précarité de fin de contrat à durée déterminée en me menaçant de représailles si je ne m’exécute pas.
À notre grande stupéfaction, lors de l’entretien, votre conseil, Madame [B], a abondé dans votre sens pour le dû de cette indemnité. Nous vous rappelons l’article L1243-8 et suivants du code du travail; votre contrat à durée déterminée étant transformé en contrat à durée indéterminée, votre indemnité de précarité n’est donc pas due.
‘ Vous n’avez pas souhaité échanger avec nous lors de l’entretien (à part pour modifier le sens de la phrase de menaces), laissant votre assistance mener intégralement l’entretien à votre place. Nous n’avons donc pas obtenu de réponse à nos questions concernant ce que vous entendiez par «savoir quoi faire» envers l’entreprise. Vous êtes resté également muet quand nous avons abordé vos dires «je veux que tu me licencies pour que je touche mes indemnités de licenciement».
Par ailleurs, votre conseil, Madame [B], a largement outrepassé ses droits ainsi que je lui ai signalé à plusieurs reprises lors de l’entretien quand elle sortait de son rôle de conseil en monopolisant la parole à votre place, me demandant de lui fournir contrat de cession de l’entreprise, dpae, dads,..; et surtout en me demandant si je n’avais pas peur d’être contrôlé par l’inspection du travail.
En dehors des prises de position de Madame [B] qui n’ont strictement rien à voir avec la gravité des faits qui vous sont reprochés, je considère que les griefs qui vous sont reprochés constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Je vous avais signifié le 11/01/2020 une mise à pied conservatoire et j’ai pris la décision de retenir le motif de votre licenciement en cause réelle et sérieuse ‘ faute simple. La période de mise à pied conservatoire du 12/01/2020 au 22/01/2020 vous sera rémunérée. Par ailleurs, n’ayant pas pu me rendre à l’entretien du 22/01/2020, je ne souhaite pas vous pénaliser et vous confirme, ainsi que je vous l’ai indiqué lors de notre entretien du 04/02/2020, que vous serez indemnisés pour la période du 23/01/2020 à la date de la première présentation de cette lettre (‘) ».
Par courrier du 26 février 2020, le salarié a reproché à l’employeur des impayés sur salaire de décembre à février 2019 et l’a informé de ce qu’il allait contester son licenciement.
Le 19 octobre 2020, M. [P] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Fort de France pour voir constater qu’il se trouvait en situation de travail dissimulé de juillet 2017 à juillet 2018, requalifier le CDD en CDI au 1er juillet 2018, requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire et dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement contradictoire du 15 février 2022, le conseil de prud’hommes a :
dit le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse,
débouté M. [O] de toutes ses autres demandes sauf celle relative à l’indemnité pour convocation à un entretien préalable en dehors des heures de travail,
condamné la SAS O Bol doré à verser à M. [O] les sommes suivantes :
1 539,45 euros, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10,15 euros, à titre d’entretien préalable en dehors des heures de travail,
dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté les demandes plus amples ou contraire,
laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.
Le conseil a, en effet, considéré que le salarié ne prouvait pas qu’il travaillait de juin 2017 à juillet 2018. Au regard des pièces produites de part et d’autre, il a jugé que le salarié ne justifiait pas les heures supplémentaires réclamées. Il a encore indiqué que le contrat à durée déterminée était conforme aux dispositions légales. Il a requalifié la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire, l’employeur notifiant le licenciement pour faute et non pour faute grave. Il a considéré que les menaces constituant le motif du licenciement n’étaient pas établies par l’employeur. Il a estimé la procédure de licenciement irrégulière mais a rappelé que le salarié ne pouvait prétendre au cumul de l’indemnité pour licenciement irrégulier et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a enfin considéré que l’entretien préalable ayant eu lieu en dehors du temps de travail, le salarié avait droit à une indemnisation équivalente au coût d’une heure de travail.
Par déclaration électronique du 15 mars 2022, M. [P] [O] a relevé appel du jugement.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2022, l’appelant demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais de l’infirmer sur le reste et, statuant à nouveau, de :
requalifier le CDD en CDI à la date du 1er juillet 2018,
requalifier la mise à pied conservatoire en mise à pied disciplinaire,
condamner la SAS O BOL DORE à lui verser les sommes suivantes :
18 473,04 euros, à titre de rappel de salaire et 1 847,30 euros, au titre des congés payés sur ce rappel, pour la période de juillet 2017 à juillet 2018,
9 236,70 euros, à titre d’indemnité de travail dissimulé,
14 528,82 euros, à titre de rappels d’heures supplémentaires et 1 452,88 euros, au titre des congés payés,
1 539,45 euros, à titre d’indemnité de requalification,
1 539,45 euros, à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier,
500,00 euros, à titre d’indemnité en réparation du préjudice né de la convocation à entretien préalable en dehors des heures de travail,
18 473,40 euros, à titre d’indemnité pour licenciement abusif,
ordonner la remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal avec une ancienneté au 1er juillet 2016 et, subsidiairement, avec une ancienneté au 1er juillet 2018,
condamner la SAS O Bol Doré à lui verser la somme de 3 000,00 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, l’appelant fait valoir que les premiers juges ont manqué d’impartialité en écrivant qu’il avait mis en place une stratégie et en qualifiant une attestation de témoin d’attestation de complaisance.
Il souligne que ses demandes au titre du salaire sont antérieures au transfert de son contrat de travail et qu’il n’a donc pas à démontrer la collusion entre l’ancien et le nouvel employeur. Il rappelle que le cédant du fonds de commerce est la tante du nouveau gérant et le bailleur du local et qu’elle reste impliquée dans la gestion de la société.
Il indique avoir travaillé sans contrat de travail comme commis de cuisine de juillet 2017 à juin 2018 ce qui est attesté par trois personnes et se trouve corroboré par les plannings.
Il insiste également sur l’existence du travail dissimulé, tant à l’époque où il n’a pas été déclaré, qu’à celle où il a effectué des heures supplémentaires dissimulées.
Il fait valoir plusieurs éléments de preuve au soutien de sa demande au titre des heures supplémentaires.
S’agissant de la requalification du CDD en CDI, il expose qu’il a été recruté car le cuisinier avait donné sa démission. Il insiste sur le fait qu’il pourvoyait à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il indique encore que les relations contractuelles se sont poursuivies après la fin du CDD même si le CDI n’a été signé que plus tard.
Sur la mise à pied, il affirme qu’elle lui a été notifiée, par message le 11 janvier 2020 alors que la convocation lui a été remise en main propre le 17 janvier 2020.
Il rappelle encore le caractère irrégulier de la procédure de licenciement.
Il dément ensuite tous les propos retranscrits dans la lettre de licenciement et qui qualifient la faute qui lui est reprochée et insiste sur le préjudice subi du fait de ce licenciement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022, l’intimée demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a dit le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau, dire que ce licenciement a une cause réelle et sérieuse, débouter M. [O] de ses demandes et le condamner aux dépens et à la somme de 3 500,00 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée réplique d’abord que les premiers juges n’ont pas porter atteinte au droit à un procès équitable contrairement aux allégations de l’appelant.
Elle estime la demande adverse en rappel de salaire irrecevable et mal fondée.
Elle fait valoir que les conditions du travail dissimulé ne se trouvent pas réunies.
Elle affirme que l’appelant n’a jamais effectué d’heures supplémentaires.
S’agissant de la demande de requalification du CDD en CDI, elle rappelle que le secteur de la restauration peut avoir recours aux CDD d’usage et que le poste d’employé polyvalent de M. [O] permettait à l’employeur d’y recourir. Elle souligne que ce CDD a été conclu pour un accroissement d’activité temporaire. Elle conteste l’affirmation adverse suivant laquelle le salarié, après la fin du CDD aurait continué à travailler sans contrat, de juillet à novembre 2019, et nie que le contrat de travail ait été antidaté.
Sur la mise à pied conservatoire, elle souligne que la procédure disciplinaire a été mise en ‘uvre de manière concomitante. Elle mentionne d’ailleurs que le salarié a été payé pendant cette mise à pied.
S’agissant de la régularité de la procédure de licenciement, elle fait valoir que le deuxième courrier de convocation à l’entretien préalable contient toutes les informations requises à défaut du premier et que M. [O] n’a subi aucun préjudice. Elle insiste sur le fait que l’objet du courrier était expressément indiqué et conteste que le gérant ait été assisté lors de l’entretien préalable. Elle fait valoir que la convocation du salarié hors heures de travail n’est pas une irrégularité de procédure. A ce sujet, elle nie tout préjudice subi par le salarié de ce fait.
Elle défend la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. [O].
MOTIVATION
Sur la requalification du CDD en CDI :
Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d’un salarié (1°), l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d’usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).
Aux termes de l’article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
Le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée s’apprécie au jour de sa conclusion.
Le contrat de travail à durée déterminée signé le 1er juillet 2018 a été conclu pour une durée de douze mois pour se terminer le 30 juin 2019 et au regard de l’accroissement d’activité. Il est donc conforme aux dispositions légales sus rappelées.
Le salarié ne démontre pas que l’emploi qu’il occupait avait pour objet de pourvoir à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En effet, aucune des pièces qu’il produit ne contredit la clause contractuelle visant l’accroissement d’activité.
Les premiers juges ont donc, à juste titre, débouté M. [O] de sa demande de requalification de son CDD en CDI et, par suite, de sa demande en paiement d’une indemnité de requalification.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur le travail dissimulé et le rappel de salaire :
Selon les dispositions de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Aux termes de l’article L 8223-1 du même code, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L’intention de l’employeur de dissimuler tout ou partie de l’activité du salarié ouvrant droit à son profit à l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire est appréciée souverainement par le juge du fond.
Les conseillers prud’homaux ont, à bon droit, retenu que les attestations produites par M. [O] pour justifier de ce qu’il aurait travaillé pour le cédant de son employeur actuel étaient insuffisantes. En effet, les témoignages de M. [C], Mme [Y] ou M. [M] manquent de précision quant à la date à partir de laquelle M. [O] aurait commencé à travailler dans l’entreprise.
Faute d’établir l’existence d’une relation contractuelle de travail à compter du mois de juin 2017, le salarié échoue également à démontrer la dissimulation par la société New Baguettes Cantonaises de son emploi salarié.
Le jugement mérite donc confirmation en ce qu’il a débouté les demandes de M. [O] au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé et du rappel de salaire.
Sur le licenciement :
Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement :
Aux termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Suivant l’article L 1235-1 du même code, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu’il prononce le montant des indemnités qu’il octroie. (‘) Si un doute subsiste, il profit au salarié.
Il est constant que la cause réelle est celle qui peut être appréciée objectivement et qu’il est possible de vérifier. Elle doit en outre être exacte, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas consister en un prétexte destiné à couvrir un autre motif. La cause doit également être sérieuse, c’est-à-dire suffisamment importante pour que l’entreprise ne puisse envisager de poursuivre la relation fixée par le contrat de travail sans que cela ne lui cause de préjudice.
La lettre de licenciement qui fixe les données du litige comporte les motifs suivants :
menaces contre M. [L] [F] proférées le 10 janvier 2020,
chantage contre M. [I] pour le paiement d’une indemnité de précarité et menaces de représailles,
son silence lors de l’entretien préalable.
Or, aucune des pièces produites par l’employeur ne justifie de la matérialité des menaces ou du chantage qu’aurait exercés le salarié. L’attitude silencieuse de M. [O] durant l’entretien préalable ne saurait constituer un motif à son licenciement.
Les premiers juges avaient déjà relevé l’absence de tout élément de preuve transmis par la société.
Dans ces conditions, faute de motifs dont la matérialité et la véracité peuvent être vérifiées, la cour confirme le jugement qui a dit que le licenciement de M. [O] est dépourvu d’une cause réelle et sérieuse.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Vu les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre 0,5 et 2 mois de salaire mensuel brut si l’ancienneté dans l’entreprise est supérieure à 1 an mais inférieure à 2 ans.
La réintégration du salarié n’est pas envisageable.
Les premiers juges ont octroyé à M. [O] une indemnité équivalente à un mois de salaire. Le salarié ne justifie d’aucun élément permettant à la cour d’augmenter le montant de l’indemnité allouée en première instance.
Le jugement est encore confirmé de ce chef.
Sur l’irrégularité de la procédure :
Aux termes de l’article L 1235-2 dernier alinéa du même code, lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L1232-2, L 1232-3, L 1232-4, L 1232-11, L 1232-12 et L 1232-13 ait été observée (‘), mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
La cour ne peut accorder au salarié une indemnité pour procédure irrégulière puisque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il n’est donc pas utile de vérifier si les lettres de convocation à l’entretien préalable sont, ou non, conformes aux dispositions légales.
Sur l’indemnisation du fait de déroulement de l’entretien préalable en dehors des heures de travail :
La convocation du salarié en dehors des heures de travail ne constitue pas une irrégularité de procédure mais elle ouvre le droit à indemnisation si le salarié prouve le préjudice qu’il en subit.
Il n’est pas contesté que M. [O] a été convoqué à un premier entretien, le 22 janvier 2019 à 16h30, puis, en raison de l’indisponibilité de l’employeur, à un deuxième entretien, le 4 février 2020 à 16h30. L’heure de convocation se situe effectivement en dehors des heures de travail du salarié.
Les premiers juges ont accordé une indemnité au salarié sans rechercher si ce dernier justifiait d’un préjudice.
Or, M. [O] ne produit, à l’appui de sa demande, aucune pièce pour établir que l’heure de la convocation lui portait préjudice.
Le jugement est donc infirmé de ce chef, la cour déboutant M. [O] de sa demande.
4- Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord de l’employeur, soit s’il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
En application des dispositions légales sus rappelées, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non-rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge, après analyse des pièces produites par l’une ou l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il n’est pas débattu que le salarié était amené à effectuer des heures supplémentaires puisque la SAS O Bol doré reconnaît elle-même en avoir payé à son salarié et que cela ressort effectivement des bulletins de paye des mois d’août à décembre 2019 et du mois de janvier 2020.
M. [O] produit aux débats un listing détaillant les heures effectuées par semaine pour chaque mois travaillé, corroboré par un planning de travail conforme au premier document. Les attestations de M. [C], Mme [Y] et M. [M] témoignent que la charge de travail de M. [O] était très importante et qu’il effectuait de nombreuses heures supplémentaires. Ainsi, deux témoins affirment qu’il leur arrivait de récupérer M. [O] sur son lieu de travail, passé 17 h 00, puisque l’intéressé n’avait pas de véhicule pour assurer ses déplacements.
En réponse, la SAS O Bol doré produit son propre listing des heures travaillées par ses employés. Or, si elle reconnaît qu’elle a réglé à M. [O] des heures supplémentaires pour certains mois au cours du contrat à durée indéterminée (ce qui apparaît, comme indiqué supra, sur les bulletins de paye), la cour constate que le document relatif au temps de travail des salariés n’en fait pas mention. Dès lors, la pièce produite par l’employeur ne saurait contredire utilement les éléments précis fournis par M. [O].
Les premiers juges ont donc considéré, à tort, que le salarié ne justifiait pas de sa prétention.
Pour autant, M. [O] n’explique pas à la juridiction la somme de 14 528,82 euros qu’il réclame au titre des heures supplémentaires effectuées dans ses écritures. Les qu’il produit font état d’une somme due de 4 295,71 euros. Au regard de ces seuls éléments justifiés, la cour infirme le jugement entrepris du chef des heures supplémentaires et condamne l’employeur au paiement de la somme de 4 295,71 euros, au titre des heures supplémentaires.
5- Sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L’intimée est condamnée aux entiers dépens et à verser à M. [O] deux sommes de 1 500,00 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme partiellement le jugement en ses dispositions soumises à la cour en ce qu’il a condamné la SAS O Bol doré à verser à M. [P] [O] la somme de 10,15 euros, à titre d’indemnisation de l’entretien préalable hors les heures de travail, en ce qu’il a débouté M. [P] [O] de sa demande au titre des heures supplémentaires et de celle fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Déboute M. [P] [O] de sa demande d’indemnisation au titre de l’entretien préalable hors des heures de travail,
Condamne la SAS O Bol doré à verser à M. [P] [O] la somme de 4 295,71 euros, au titre des heures supplémentaires effectuées et non-payées,
Condamne la SAS O Bol doré à verser à M. [P] [O] la somme de 1 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
Y ajoutant
Condamne la SAS O Bol doré aux dépens,
Condamne la SAS O Bol doré à payer à M. [P] [O] la somme de 1 500,00 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,