CDD pour accroissement d’activité : décision du 26 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/10654
CDD pour accroissement d’activité : décision du 26 mai 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/10654

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 26 MAI 2023

N° 2023/186

Rôle N° RG 19/10654 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEQ62

[O] [P]

C/

SAS AIRBUS HELICOPTERS

Copie exécutoire délivrée

le : 26 mai 2023

à :

Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 26 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00850.

APPELANT

Monsieur [O] [P], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS AIRBUS HELICOPTERS, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roland LESCUDIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Audrey PESTEL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023

Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [O] [P] a travaillé au sein de la société Airbus Hélicopters en qualité d’intérimaire de la société Manpower pendant une période de 17 mois entre mai 2013 et octobre 2014 puis en qualité de salarié d’une entreprise sous-traitante (société Sogeti) de janvier à mai 2016.

Suivant un premier contrat de mission signé avec la société Ranstad le 11 mai 2016, il a été mis à la disposition de la société Airbus Hélicopters sur le site de [Localité 3] jusqu’au 31 août 2016 en qualité ‘d’ingénieur analyse essais DH/C0 et essais labo (F/H)’, le motif du recours étant un accroissement temporaire d’activité justifié par la nécessité de résoluation des problèmes dynamiques sur H160 et de l’utilisation du DH/C0.

Relevant du statut de cadre, il a été positionné au niveau II, coefficient 100 de la convention collective des cadres de la Métallurgie. Soumis à une convention de forfait en jours, son salaire mensuel brut a été fixé à la somme de 3.200 € pour 162,83 heures mensuelles.

Ce contrat a été renouvelé pour la période du 01/09/2016 au 23 décembre 2016 en raison d’un ‘accroissement temporaire d’activité lié à la résolution des problèmes dynamiques H 160 et de l’utilisation DH/C0″.

Un nouvel avenant a été conclu pour la période du 24 décembre 2016 au 30 juillet 2017 pour le même motif.

Estimant qu’il avait été mis à la disposition de la société Airbus Hélicopters afin d’exécuter des tâches relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise, sollicitant la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée rompu irrégulièrement et produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de l’employeur au paiement de diverses sommes à titre salarial et indemnitaire, M. [P] a saisi le 31 octobre 2017 le conseil de prud’hommes de Martigues lequel par jugement du 26 juin 2019 a :

– dit et jugé M. [P] irrecevable et infondé en son action,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la requalification des contrats de travail,

– débouté M. [P] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté M. [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société Airbus Hélicopters de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les entiers dépens aux parties.

M. [P] a relevé appel de ce jugement le 2 juillet 2019 par déclaration adressée au greffe par voie électronique.

Aux termes de ses conclusions n°2 d’appelant notifiées par voie électronique le 4 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, M. [P] a demandé à la cour de :

A titre principal:

Annuler le jugement rendu le 26 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Martigues.

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu le 26 juin 2019 par le conseil de prud’hommes de Martigues sauf en ce qu’il a débouté la société Airbus Hélicopters de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuer à nouveau :

– dire M. [P] recevable et bien fondé en son action,

– requalifier en contrat de travail à durée indéterminée les contrats de travail temporaires conclus du 11 mai 2016 au 30 juillet 2017, date de la cessation de la relation contractuelle en raison de la violation des dispositions des articles L.1251-5 et L.1251-6 du code du travail,

– constater l’absence de motif réel et sérieux du licenciement,

– dire que la cessation de la relation contractuelle à l’initiative de la société Airbus Hélicopters s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– fixer en application de l’article R 1454-28 du code du travail, la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à la somme de 3.466 €,

En conséquence:

– condamner la société Airbus Hélicopters à payer à M. [P] les sommes suivantes :

– 4.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l’absence de bénéfice des avantages liés au statut de salarié de l’entreprise Airbus Hélicopters,

– 3.500 € à titre d’indemnité de requalification

– 3.466 € d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 3.466 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 346 € de congés payés afférents,

– 901 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

-12.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour rupture imputable à l’employeur s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,

– ordonner à la société Airbus Hélicopters de délivrer sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir les documents suivants:

– bulletins de paie en fonction des salaires judiciairement fixés,

– certificat de travail tenant compte de la date de terminaison du préavis soit au 30 août 2017,

– attestation destinée au Pôle Emploi mentionnant pour motif de la rupture du contrat de travail un ‘licenciement’.

– condamner la société Airbus Hélicopters aux entiers dépens et au paiement d’une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouter la société Airbus Hélicopters de l’ensemble de ses demandes.

M. [P] soutient:

– que le jugement entrepris, dépourvu de motivation, doit être annulé,

– que ses contrats de mission doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée faute pour l’employeur de justifier de la réalité du motif énoncé dans ces mêmes contrats, soit un accroissement temporaire d’activité ainsi que des variations importantes de production ou d’analyses liées à des circonstances imprévisibles excluant toute planification alors que recruté en tant qu’ingénieur analyse, il a été affecté en réalité pour 80 % de son temps de travail à des tâches relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise d’ingénieur d’essai sur les programmes H175 et LHC et non sur le programme H160 visé dans ses contrats de mission, les missions de l’ingénieur analyse différant de celle d’ingénieur d’essais.

Par conclusions d’intimée notifiées par voie électronique le 20 août 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la SAS Airbus Hélicopters a demandé à la cour de :

– rejeter la voie de recours de M. [P]

A titre principal:

– dire et juger irrecevable et infondée la demande tendant à l’annulation du jugement,

Le confirmer dans toutes ses dispositions non remises en cause par la société Airbus Hélicopters

– dire et juger que les contrats de mission de M. [O] [P] ont été conclus de manière régulière et conforme à la loi pour pallier à un surcroît temporaire d’activité de la société Airbus Hélicopters,

Ce faisant,

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu de requalifier les contrats de missions,

– débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions,

Subsidiairement, si le jugement devait être annulé,

– dire et juger que les contrats de mission de de M. [O] [P] ont été conclus de manière régulière et conforme à la loi pour pallier à un surcroît temporaire d’activité de la société Airbus Hélicopters,

Ce faisant,

– dire et juger qu’il n’y a pas lieu d’ordonner leur requalification,

– débouter M. [P] de l’intégralité de ses prétentions,

En tout état de cause:

– condamner M. [P] à payer à la société Airbus Hélicopters la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ainsi qu’à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

La SAS Airbus Hélicopters fait valoir en substance:

– que la demande d’annulation du jugement déféré pour absence de motivation au sens de l’article 455 du code de procédure civile est irrecevable par application de l’article 562 du même code ne figurant pas dans la déclaration d’appel qui fait état d’une demande d’infirmation du jugement limité aux chefs critiqués ayant débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes et la société intimée de sa demande reconventionnelle,

– qu’à titre subsidiaire, cette demande doit être rejetée le jugement entrepris ayant suffisamment motivé sa décision,

– que la demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée doit être rejetée alors qu’elle n’a pas eu recours à l’intérim pour occuper un emploi durable et permanent de l’entreprise ayant été confrontée à un surcroît temporaire d’activité lié à des problèmes dynamiques sur le programme d’hélicoptère H160 et l’utilisation du DH/CO nécessitant le recrutement temporaire d’un ingénieur sur une période évaluée à environ 18 mois entre le 1er avril 2016 et le 30 septembre 2017, qu’il n’existe aucune différence fondamentale entre les postes de ‘responsable d’essais’ et ‘d’ingénieur analyse essais labos’, les compétences requises étant identiques dans le cadre de la réalisation d’essais sur des appareils tels que le H160 et le H175 étant différentes seulement quant aux essais réalisés sur le DH/CO, le poste occupé par M. [P] comportant ainsi une double mission de réalisation des essais et d’analyse de résultats tel que résultant de la qualification de son poste d’ingénieur analyse DHCO et essais Labo permettant à l’employeur de l’affecter à d’autres tâches qu’uniquement celles d’analyse de résultats d’essai du programme H160 et que s’il relève de l’activité habituelle de l’entreprise de réaliser des essais et d’analyser leur résultat dans le cadre de la conception et de la construction d’hélicoptères, il peut survenir des problèmes d’ordre techniques de nature imprévisible qu’il faut impérativement résoudre et qui génèrent parfois un accroissement temporaire d’activité tel que le programme d’hélicoptère H160.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 février 2023, l’audience de plaidoiries étant fixée au 27 mars 2023.

SUR CE :

Sur la demande d’annulation du jugement entrepris :

L’article 542 du code de procédure civile dispose que l’appel tend par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier dégré à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Par ailleurs, l’article 562 du même code précise que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que la dévolution n’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, la déclaration d’appel de M. [P] tend exclusivement à l’infirmation des chefs de jugement l’ayant débouté de toutes ses demandes relatives à la requalification de ses contrats de mission en un contrat de travail à durée déterminée, à l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture et à l’indemnisation de ses préjudices ainsi qu’à la confirmation du rejet de la demande reconventionnelle de la société Airbus Hélicopters au titre de l’article 700 du code de procédure civile et ne comprend pas de demande d’annulation du jugement entrepris figurant uniquement dans le dispositif des conclusions de M. [P].

Dès lors que la portée de l’appel est déterminée par le seul acte d’appel lequel tend en l’espèce non à l’annulation du jugement entrepris mais uniquement à l’infirmation des chefs critiqués, la cour ne peut être saisie par voie de conclusions de M. [P] d’une demande d’annulation ce qu’il y a lieu de constater sans avoir à déclarer celle-ci irrecevable.

Sur la demande de requalification des contrats de missions en un contrat de travail à durée indéterminée :

En application de l’article L.1251-40 du code du travail, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des articles L-1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10 à L.1251-12, L.1251-30 et L.1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondants à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Par application de l’article L.1251-5 du code du travail , ‘le contrat de mission quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.’

L’article L.1251-6 du même code prévoit que ‘sous réserve des dispositions de l’article L.1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée mission et seulement dans les cas suivants:

(…..)

2° – accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise

(….)’

En cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission.

En l’espèce, M. [P] verse aux débats:

– trois contrats de mission rédigés de façon identique établis par la société Randstad l’affectant auprès de l’entreprise utilisatrice Airbus Hélicopters:

– du 11/05/2016 au 31/08/2016 (pièce n°1)

– du 01/09/2016 au 23/12/2016 (pièce n°2)

– du 24/12/2016 au 30/07/2017 (pièce n°3)

en raison ‘d’un accroissement temporaire d’activité lié à la résolution des problèmes dynamiques sur H160 et de l’utilisation du DH/C0″ sur un poste d’ ‘Ingénieur analyse essais DH/C0 et essais Labo’ niveau 2 coefficient 100,

– un tableau intitulé ‘Extraits des pointages horaires par dossier – source: logiciel interne COST’ (pièce n°6) calculant que sur 2.094,93 heures travaillées, seules 434,68 heures soit 20,7% de son temps de travail ont été affectés à l’analyse de l’essai du DHC0 concernant l’hélicoptère H160, 80% du reste de son temps ayant été affecté à d’autres essais concernant les hélicoptères H 225, H175, Tigre, LHC,

– un organigramme du département ‘ETXSLT Vehicle Test France’ daté du 24/08/2016 (pièce n°10) sur lequel il figure en tant qu’ingénieur dans l’un des 4 services, soit au sein du service ‘Vibrations Tests ans Analysis’

– une offre d’emploi (pièce n°11) émanant d’Airbus Helicopters [Localité 3] recherchant un ‘Ingénieur Essai’ à compter du 01/11/2015 ce poste venant de s’ouvrir au sein du département ‘Vehicule test § Intégration France’.

De son côté, la SAS Airbus Hélicopters produit:

– un document intitulé ‘Synthèse des données pour l’ordre de recherche 10313519″ (pièce n°1) portant sur le recrutement en intérim pour une période de 18 mois entre le 01/04/2016 et le 30/09/2017 au sein du département ETXSLF – Véhicule Tests France, d’un ingénieur analyse essais DH/C0 et essais labo en raison d’un surcroît temporaire d’activité lié à la résolution des problèmes dynamiques sur H160 et de l’utilisation du DH/C0 ayant pour missions et activités:

– fournir les délais/les coûts et avec la qualité nécessaire des résultats de mesure et des rapports d’essai fiables nécessaires au bon développement et à la certification des hélicoptères gouvernementaux et commerciaux,

– soutenir/contester le processus de demande d’essai en définissant un plan de mesure, en réalisant une mission de télémétrie, en validant et en analysant les mesures, en établissant et en synthétisant les résultats en réponse aux demandes du Bureau d’étude ou du service officiel conformément aux objectifs de développement et de certification et en étroite collaboration avec les membres de l’équipage, les équipes d’instrumentation et les spécialistes,

précisant que le poste est dédié ‘aux essais DH/C0, pas vol’,

– trois compte-rendus d’essai ‘Appareil H 160- DHC0″ des 28/05/2016, 30/05/2016 et 1er/06/2016 (pièces n° 2 à 4) ,

– une capture d’écran de l’outil CORE (pièce n°5) non datée sur laquelle apparaissent trois messages au nom de M. [P] dont il résulte de ce qui peut être compris, la pièce en anglais n’étant pas traduite, que celui-ci répond à une question relative au H160 DHC0 mais également à deux autres questions sans rapport avec ce dernier.

En page 17 de ses écritures, la société Airbus Hélicopters admet qu’il relève de l’activité habituelle de l’entreprise de réaliser des essais et d’analyser leurs résultats dans le cadre de la conception et de la construction d’hélicoptères, en indiquant que dans le cadre de ce processus, des problèmes techniques imprévisibles peuvent survenir qu’il est nécessaire de résoudre, cette résolution générant un accroissement temporaire d’activité auquel l’effectif permanent de l’entreprise ne peut pallier

compte tenu des impératifs de production et délais auxquels elle est soumise précisant que tel a été le cas du programme d’hélicoptère H 160 puisqu’elle a dû résoudre des problèmes dynamiques sur ce dernier tout en poursuivant son activité habituelle, l’appareil H 160 étant un nouvel appareil en développement en cours de certification.

Cependant, aucune des pièces produites aux débats par la société Airbus Hélicopters ne rapporte la preuve de la réalité du motif d’accroissement temporaire de l’activité mentionné dans les trois contrats de mission lié selon elle à la résolution des problèmes techniques dynamiques rencontrés dans la conception et la production de l’hélicoptère H160, le premier document, correspondant seulement à la recherche en intérim d’un ‘ingénieur analyse essais DH/C0 et essai labo’ destiné à travailler au sein du département ETXSLF – Véhicule Tests France, ne justifie aucunement en l’absence de tout courriel, rapport d’activité, de l’existence des problèmes techniques allégués sur l’hélicoptère H160 dont la résolution aurait eu pour conséquence un accroissement d’activité auquel les salariés permanents de l’entreprise et notamment ceux du département concerné n’auraient pu faire face alors qu’à supposer même que cet accroissement temporaire d’activité soit démontré, l’entreprise ne verse aux débats que trois comptes-rendus d’essai ‘Appareil H 160- DHC0 établis par M. [P] les 28 et 30/05/2016 ainsi que le 1er/06/2016 sur plus de 14 mois d’activité et ne contredit donc pas utilement ce dernier qui affirme de surcroît avoir réalisé des tâches différentes relevant d’un ingénieur d’essai sur d’autres hélicoptères durant 80% de la période d’intérim.

Ce faisant, la cour considère, à l’inverse de la juridiction prud’homale, qu’en ayant recouru à M. [P] dans le cadre de missions d’intérim la SAS Airbus Hélicopters a pourvu un emploi durable et permanent de l’entreprise de sorte qu’il convient de requalifier les contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11/05/2016 de sorte que le salarié est bien-fondé à solliciter la condamnation de l’entreprise à lui payer une indemnité de requalification dont le montant minimal correspond non à la moyenne des trois derniers mois mais au dernier salaire mensuel (salaire de base et accessoire de salaire) perçu avant la saisine de la juridiction qui sera fixée à la somme de 3.466 €.

Sur la rupture de la relation de travail :

A la suite de la requalification des contrats de mission de M. [P] en un contrat de travail à durée indéterminée, l’arrivée du terme du dernier contrat de mission, le 30 juillet 2017, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui permet à M. [P] de solliciter la condamnation de l’employeur à lui payer une indemnité de préavis ainsi que les congés payés afférents, une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour rupture injustifiée du contrat de travail.

En revanche, le licenciement de M. [P] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, celui-ci n’est pas fondé à réclamer par application de l’article L.1235-2 du code du travail, la condamnation de la SAS Airbus Hélicopters à lui payer une indemnité pour irrégularité de la procédure, les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté la demande du salarié de paiement d’une somme de 3.466 € à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement étant ainsi confirmées.

Les sommes réclamées par M. [P] au titre des indemnités de préavis et de licenciement n’ayant pas été critiquées à titre subsidiaire par la SAS Airbus Hélicopters, il convient de condamner l’employeur à lui payer:

– 3.466 € à titre d’indemnité de préavis et 346 € de congés payés afférents,

– 901 € d’indemnité légale de licenciement.

Par application de l’article L.1235-5 du code du travail, le salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 11 salariés peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Tenant compte d’un âge de 32 ans, d’une ancienneté de 14 mois et 20 jours, d’un salaire de référence de 3.466 €, de ce qu’il justifie d’une période de chômage entre le 1er septembre 2017 et le mois de juillet 2019 ayant été en formation de reconversion CIF durant l’année 2018 (pièces n°15 à 16-6) mais également du fait que sa situation professionnelle n’est pas actualisée depuis le mois de juillet 2019 (pièce n°21), il convient de condamner la SAS Airbus Hélicopters à lui payer une somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi.

Monsieur [P] demande également la condamnation de la SAS Airbus Hélicopters à lui payer une somme de 4000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’absence de bénéfice des avantages liés au statut de salarié de l’entreprise.

Il fait valoir qu’il a été privé des primes de participation et d’intéressement qui s’élevaient à 3.000 euros en 2016 ainsi que des avantages du Comité d’entreprise et d’avantages sociaux divers résultant d’accord d’entreprise et que sa prime de 13ème mois a été limitée à 9% du salaire au lieu de correspondre à une tranche compris entre 12 et 13%.

La société Airbus Hélicopters s’y oppose faute pour M. [P] de justifier de la réalité du préjudice allégué indiquant que si celui-ci n’a pas perçu de prime d’intéressement et de participation, une indemnité de fin de mission de 4.587 € lui a été versée, qu’il a bénéficié d’une prime de 13ème mois d’un montant de 3.835,64 € et n’établit pas qu’il aurait dû percevoir une prime comprise entre 12 et 13% du salaire alors qu’il ne précise pas la nature des ‘avantages sociaux’ dont il aurait été privé.

M. [P] produit aux débats les pièces n°7 et 9 relatives à l’intéressement et la participation des salariés aux résultats du groupe ainsi qu’un document de la CGE CGC relatif à la distribution de la prime de 13ème mois comprise entre 9,5% et supérieure à 16% (pièce n°8) , pièces qui ne justifient pas de l’existence et de l’étendue du préjudice allégué de sorte que c’est à juste titre que la juridiction prud’homale a rejeté cette demande.

Sur la délivrance sous astreinte des bulletins de paie, certificat de travail et documents de fin de contrat :

M. [P] demande la condamnation de la SAS Airbus Hélicopters à lui remettre sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir les bulletins de paie rectifiés, un certificat de travail mentionnant la date de fin du préavis au 30 août 2017, une attestation Pôle Emploi mentionnant ‘licenciement’ comme motif de rupture.

Le sens du présent arrêt conduit à faire droit aux demandes de remise par la SAS Airbus Hélicopters des documents de fin de contrat rectifiés sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte dont la demande est rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles:

Les dispositions du jugement entrepris ayant laissé les entiers dépens à la charge des parties et ayant rejeté la demande de M. [P] d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont infirmées.

La société Airbus Hélicopters est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [P] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Constate que la déclaration d’appel de M. [P] tend à l’infirmation et non à l’annulation des chefs de jugement entrepris, la cour n’étant pas saisie de cette dernière demande.

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté :

– la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de bénéfice des avantages liés au statut de salarié de l’entreprise Airbus Hélicopters,

– la demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– la demande d’astreinte assortissant la demande de remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés, dispositions qui sont confirmées.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Requalifie les contrats de missions temporaires en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 mai 2016.

Dit que la rupture de la relation de travail au 30 juillet 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Fixe la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3.466 €.

Condamne la SAS Airbus Hélicopters à payer à M. [P] les sommes suivantes :

– 3.466 € à titre d’indemnité de requalification

– 3.466 € à titre d’indemnité de préavis et 346 € de congés payés afférents

– 901 € à titre d’indemnité légale de licenciement

– 6.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Ordonne à la SAS Airbus Hélicopters de délivrer à M. [P] les documents suivants :

– bulletins de paie en fonction des salaires judiciairement fixés,

– certificat de travail tenant compte de la date de terminaison du préavis soit au 30 août 2017,

– attestation destinée au Pôle Emploi mentionnant pour motif de la rupture du contrat de travail un ‘licenciement’.

Condamne la SAS Airbus Hélicopters aux dépens de première instance et d’appel et à payer à M. [P] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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