COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-7
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2024
N°2024/02
Rôle N° RG 21/04633 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHGDV
Association UNEDIC-CGEA DE MARSEILLE
C/
Me [U] [Y] – Commissaire à l’éxécution du plan de [K] [O]
[K] [O]
[N] [NC]
[Z] (CRIT) SARL
S.A. MEDITERRANEE OFFSET PRESSE
S.C.P. AJILINK
Copie exécutoire délivrée
le : 26 janvier 2024
à :
Me Frédéric LACROIX
Me Jérôme AUGIER
Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 24 Février 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 20/00019.
APPELANTE
Association UNEDIC-CGEA DE MARSEILLE Représentée par sa directrice nationale Mme [J] [B]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Me [Y] Frédéric (SCP AJLINK [Y]-BONETTO) – Commissaire à l’éxécution du plan de Monsieur [O] [K], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [K] [O], demeurant [Adresse 6]
représenté par Me Jérôme AUGIER de la SCP E. SANGUINETTI , J. FERRARO, A. CLERC ET J. AUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [N] [NC] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « MEDITERRANEE OFFSET PRESSE S.A.S RCS SALON 323 750 059» demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [Z] (CRIT) SARL, demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Luc ALEMANY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant par Me Patrick LANOY de la SELARL CAPSTAN – PYTHEAS, avocat au barreau de NIMES
S.A. MEDITERRANEE OFFSET PRESSE Prise en la personne de son Président en exercice, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.P. AJILINK prise en la personne de Maître [U] [Y], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sylvie NOTEBAERT-CORNET, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Décembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Madame Raphaelle BOVE, Conseiller, chargées du rapport.
Madame Françoise BEL, Président de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Françoise BEL, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Président de chambre
Madame Raphaelle BOVE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2024..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2024.
Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:
M. [K] [O] a été engagé par l’entreprise de travail temporaire CRIT, en date du 31 juillet 2017, pour être mis à disposition de la société Méditerranée Offset Presse , ci-après MOP par divers contrats de mission successifs, pour un accroissement temporaire d’activité et pour le remplacement de salariés absents, jusqu’au 31 mars 2018, puis embauché par la société MOP en contrats de travail à durée déterminée successifs à compter du 1er avril 2018 pour le remplacement de salariés absents, jusqu’au 29 juin 2019, date du terme du dernier contrat de travail.
La société MOP a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence en date du 26 janvier 2017. M. [Y] a été désigné en qualité d’administrateur judiciaire et M. [NC] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement en date du 17 octobre 2017 le tribunal de commerce a arrêté un plan de redressement et désigné M. [Y] a en qualité de commissaire à l’exécution du plan. La société a été cédée par le Groupe Riccobono Presse Investissement (RPI) au mois de mars 2018 à M. [HW] [ZI] [D].
Invoquant l’inobservation des dispositions applicables en matière de recours au contrat de travail de mission et contrat de travail à durée déterminée, le salarié a saisi le 17 janvier 2020 le conseil de prud’hommes de Martigues, de demandes aux fins de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et payement de sommes.
Par jugement en date du 24 février 2021, le conseil, après avoir mis hors de cause l’entreprise de travail temporaire, a déclaré le jugement opposable à l’Ags Cgea de Marseille, rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action, partiellement accueilli la demande du salarié, ordonnant la requalification des contrats de mission souscrits à compter du 31 juillet 2017 et des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, jugeant que l’ancienneté du salarié court à compter du 31 juillet 2017, que la rupture des relations contractuelles s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et fixant les créances du salarié sur la société MOP , M. [U] [Y] a été désigné ès qualités de commissaire à l’exécution du plan et M. [NC] ès qualités de mandataire judiciaire .
L’Ags Cgea délégation régionale du sud-est, intimant M. [O], la société MOP représentée par son président, M. [NC] ès qualités de mandataire judiciaire de la société MOP, la Scp Ajilinck [Y] Bonetto prise en la personne de M. [U] [Y] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société MOP, a relevé appel par déclaration en date du 29 mars 2021, instance inscrite sous le numéro de rôle 21/ 04633.
La société MOP représentée par son président, M. [NC] ès qualités de mandataire judiciaire de la société MOP, M. [U] [Y] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société MOP, intimant M. [O], l’Ags Cgea délégation régionale du sud-est, la sarl [Z], a relevé appel par déclaration en date du 29 mars 2021, instance inscrite sous le numéro de rôle 21/ 04654.
Un ordonnance de jonction des instances a été prononcée par le conseiller de la mise en état le 13 mai 2022.
Par jugement du 30 septembre 2021, le tribunal de commerce a prononcé le redressement judiciaire de la société, et par jugement en date du 13 octobre 2022 a arrêté le plan de cession de la société MOP et prononcé la liquidation judiciaire de la société, désignant M. [NC] ès qualités de liquidateur judiciaire.
Vu les conclusions de l’Ags déposées et notifiées le 13 octobre 2023;
Vu les conclusions de la société [Z] déposées et notifiées le 23 septembre 2021,
Vu les conclusions du mandataire liquidateur ès qualités déposées et notifiées le 13 juin 2023;
Vu les conclusions du salarié déposées et notifiées le 18 octobre 2023;
Motifs:
Sur la nullité du jugement pour violation du principe du contradictoire et droit à un procès équitable:
En application de l’article 542 du code de procédure civile , l’appel tend , par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par le cour d’appel.
Le liquidateur sollicite l’annulation, improprement qualifiée de nullité, du jugement déféré pour avoir statué sur des écritures non oralement soutenues devant le conseil, opérant ainsi une violation des dispositions combinées des articles 6 de la Cedh, 15, 16 et 132 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article R.1453-4 du code du travail, les parties peuvent se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties et leurs prétentions lorsqu’elles ne sont pas tenues de les formuler par écrit sont notées au dossier ou consignées au procès-verbal.
En l’espèce, le jugement rendu par le conseil mentionne à la partie ‘Procédure’, que les ‘notes et conclusions des parties ont été déposées le 17 décembre 2020, et reprises oralement à l’audience de plaidoirie auxquelles il est expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens(…) et prétentions (…)’.
À la partie intitulée ‘ Faits, prétentions et moyens des parties’, le conseil mentionne, pour le demandeur M. [O], les ‘notes récapitulatives et en réplique pour l’audience du 17 novembre 2020″.
Il est mentionné par le greffier à l’audience du 14 décembre 2020 la lecture des conclusions ( du salarié ) par M. [HW] assistant le salarié, ‘par ailleurs visées par le greffier’.
Les mentions portées au jugement étant conformes aux dispositions applicables à la procédure orale suivie devant le conseil de prud’hommes, en ce qu’elles énoncent que le salarié a soutenu à l’audience du 17 décembre les écritures qu’il remet au conseil et que celui-ci a visées, et non contredites par la pièce 103 du liquidateur judiciaire constitutive des écritures du salarié pour l’audience, aucun élément objectif ne permettant d’établir que le conseil s’est déterminé au vu d’écritures non soutenues oralement à l’audience du 17 décembre 2020, il en résulte qu’il n’est pas établi une violation du principe du contradictoire, partant du droit à un procès équitable, en sorte que la demande d’annulation du jugement est rejetée.
Sur la mise hors de cause de la société [Z]:
En application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
En l’espèce, si le liquidateur judiciaire conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il met hors de cause la société ‘[Z] de Vitrolles’, il ne formule aucune prétention de ce chef.
En conséquence le jugement est confirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société ‘[Z] de Vitrolles’.
Sur la prescription de l’action en requalification en contrat de travail à durée indéterminée :
Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
– l’action en requalification fondée sur un vice de forme:
Le point de départ de l’action fondée sur un vice de forme est la date de conclusion du contrat irrégulier.
Le salarié qui soutient l’absence de mention de la catégorie professionnelle ou du coefficient du salarié remplacé dans les contrats litigieux constitutives du vice de forme, ayant saisi le conseil de prud’hommes à la date du 17 janvier 2020, l’action en requalification est irrecevable pour tous les contrats conclus antérieurement au 17 janvier 2018.
Elle est recevable pour les contrats de mission conclus à compter du 21 au 27 janvier 2018.
– l’action en requalification fondée sur la succession de contrats de mission ou de contrats de travail à durée déterminée ou sur un motif de recours non justifié:
Le point de départ de l’action fondée sur un vice de fond est la date à laquelle la relation contractuelle litigieuse a cessé, soit le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission ou de contrats de travail à durée déterminée , la date du terme du dernier contrat.
Il est soutenu en l’espèce que l’employeur a eu recours à des contrats successifs pour pourvoir un emploi permanent dans l’entreprise ou encore à des motifs non justifiés de recours à ces contrats.
Dans cette situation, le point de départ de l’action en requalification se situe au terme du dernier contrat soit le 29 juin 2019, de sorte que, à la date de saisine du conseil de prud’hommes le 17 janvier 2020, le délai de prescription de deux années n’était pas acquis.
L’action du salarié a été déclarée à bon droit recevable.
Le point de départ de l’action fondée sur le non-respect d’un délai de carence est la date du premier jour d’exécution du second des contrats.
Le salarié soutient que le délai de carence n’a pas été respecté :
– entre le contrat prenant fin le 5 août 2017 conclu pour un accroissement temporaire d’activité, et celui du 6 août 2017 conclu pour le remplacement de M. [P] ,
– entre le contrat de travail à durée déterminée prenant fin le 21 avril 2018 conclu pour le remplacement de M. [P], et celui du 22 avril 2018 conclu pour le remplacement de M. [LO].
Pour le premier des contrats précités le point de départ de l’action en requalification s’emplace à la date du 6 août 2017 de sorte que, à la date de saisine du conseil de prud’hommes le 17 janvier 2020, le délai de prescription de deux années était acquis. Il en est de même pour tous les contrats antérieurs à la date du 17 janvier 2018.
Pour le second des contrats le point de départ de l’action en requalification s’emplace à la date du 22 avril 2018 de sorte que, à la date de saisine du conseil de prud’hommes le 17 janvier 2020, le délai de prescription de deux années n’était pas acquis.
L’action en requalification est recevable sauf du chef des vices de forme entachant les contrats conclus antérieurement au 17 janvier 2018 et du non-respect du délai de carence pour les contrats conclus antérieurement à cette même date.
Sur la demande de requalification:
Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 «L. 1251-11, L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1, et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L. 1251-12 et L. 1251-35», ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
– sur le moyen tendant à ce que la société a entendu pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise:
En application de l’article L.1242-1 et L.1251-5 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, un contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
La conclusion de contrats de mission et contrats à durée déterminée de remplacement successifs avec un même salarié cesse d’être autorisée lorsque ces contrats ont pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ce qui est le cas lorsque l’employeur a eu recours de façon systématique aux contrats à durée déterminée deremplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre. Il convient , au regard des circonstances de l’espèce, de rechercher s’il est établi un recours systématique auxdits contrats destiné à combler un besoin structurel de main-d’oeuvre. La multiplicité des contrats à durée déterminée sur une période longue est un indice important mais il n’est pas suffisant. Est également déterminante la nature des fonctions exercées et leur identité ou similarité d’un contrat
à l’autre, la requalification en contrat à durée indéterminée pouvant être écartée lorsque les tâches confiées au salarié sont différentes d’un contrat à l’autre, l’identité parfait de poste n’étant pas exigée.
En l’espèce, la société appelante a eu recours à la conclusion de contrats de mission, le premier contrat conclu le 31 juillet 2017 pour le motif d’un accroissement temporaire d’activité, puis à compter du contrat du 6 août 2017, pour le remplacement de salariés absents, à savoir MM. [P], [XV], [C], [H], [KD], [S], [DJ], [I], [UC], [X], [HW], [UW], [A], [G], [ED], [E], [R], puis à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour le remplacement de salariés, à savoir MM. [T], [P], [LO], [BD], [M], [W], [YO], [V], [F], et [L].
Le poste remplacé est défini comme suit : remplacement pour une partie des tâches, au poste de non-polyvalent ( contrat du 5 août 2017); électromécanicien opérateur routage de nuit en congés payés ( contrat du 5 août 2017, du 13 août 2017; cadre en congés payés ; ( contrat du 20 août 2017); conducteur en arrêt maladie ( contrat du 2 septembre 2017), la mention de l’emploi occupé ne permettant pas de constater une similarité des tâches autorisant une requalification.
Le mandataire liquidateur produit les arrêts de travail des salariés remplacés, les bulletins de salaire des salariés remplacés, mentionnant les dates d’arrêt de travail et de congés, pour les années concernées, pour les contrats en cause.
Le motif du recours est celui du remplacement de différents salariés absents ou suspendus, régi par l’article L. 1244-1 du code du travail, ainsi les contrats de mission à compter du 6 août 2017 jusqu’au 31 mars 2018 et les contrats de travail à durée déterminée à compter du 1er avril 2018 jusqu’au 20 octobre 2018, ou du remplacement d’un seul et même salarié, tel M. [L], absent du 3 mars au 29 juin 2019, et faisant l’objet d’une nouvelle absence.
Le recours aux contrats de mission ou aux contrats de travail à durée déterminée successifs, pour le remplacement des salariés absents ou suspendus pendant des périodes d’arrêt de travail ou de congés sur la période considérée courant entre le du 31 juillet 2017 jusqu’au 29 juin 2019, et comprenant diverses périodes d’interruption, ainsi du 16 au 22 septembre 2017, du 11 au 26 novembre 2017, du 2 décembre 2017 au 7 janvier 2018, du 14 juillet au 5 août 2018 et du 1er novembre 2018 au 24 février 2019, dont deux d’entre elles sont d’une durée supérieure à un mois jusqu’à près de trois mois, n’est pas suffisant en lui-même à caractériser un recours systématique aux contrats à durée déterminée ayant pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. La demande de requalification de ce chef est rejetée.
– sur le moyen tendant à ce que la société ne justifie pas des motifs de recours:
Aux termes de l’article L. 1251-43 du code du travail , le contrat de mise à disposition établi pour chaque salarié comporte:
1o Le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire. Cette mention est assortie de justifications précises dont, notamment, dans les cas de remplacement prévus aux 1o de l’article L. 1251-6, le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer.
S’agissant du premier contrat de mission conclu pour la période du 31 juillet au 5 août 2017, celui mentionne un ‘accroissement temporaire d’activité. Renfort lié à la formation au poste de logisticien du 31 juillet 2017 au 2 août 2017, prise de poste de logisticien du 3 août 2017 au 5 août 2017″.
La seule mention d’un accroissement d’activité lié à la période estivale, contesté par le salarié, pour justifier le bien fondé du recours au contrat de mission susmentionné, est insuffisante à établir la réalité du motif du recours, en l’absence de démonstration de la réalité du motif par l’entreprise utilisatrice. Il se déduit de la carence dans la charge de la preuve qu’il n’est pas justifié du motif du recours au contrat de travail temporaire pour accroissement d’activité .
De ce seul chef, la requalification du contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée est encourue et prononcée , la relation contractuelle prenant effet au premier jour du premier contrat de mission soit au 31 juillet 2017.
Le jugement est confirmé de ce chef.
L’examen des autres moyens soutenus par le salarié est sans objet à la suite de la requalification prononcée.
Sur les effets de la requalification:
– sur l’indemnité de requalification:
En application de l’article L.1251-41 du code du travail, la requalification ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.
En application de l’article R.1234-4, le montant du salaire à prendre en compte est soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement , soit le salaire moyen des trois derniers mois, selon le calcul le plus favorable au salarié.
Il sera dès lors fait application du salaire moyen des trois derniers mois, les mois d’avril, mai et juin 2019.
Il est exclu du salaire l’indemnité compensatrice de congés payés qui a vocation à compenser les congés payés non pris ainsi que l’indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité du salarié en contrat temporaire.
En revanche la prime contractuelle de transport versée régulièrement ,ne présentant pas la nature de remboursement de frais professionnels entre dans l’assiette du salaire.
Le salaire mensuel moyen sera dès lors fixé à 3835 euros brut.
En conséquence l’indemnité de requalification s’élève à la somme de 3835 euros brut.
Le jugement est infirmé du chef du montant alloué.
– sur les conséquences de la rupture:
Les conséquences financières de la requalification, en particulier celles résultant de la rupture du contrat requalifié, sont supportées par l’entreprise utilisatrice à raison des manquements qui lui sont propres.
La requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée entraîne la requalification de la rupture des relations contractuelles par arrivée du terme du dernier contrat de travail à durée déterminé en licenciement sans cause réelle et sérieuse dont la réparation est prévue par les articles L. 1235-3 et suivants applicables du code du travail, en considération de l’ancienneté du salarié et du nombre de salariés dans l’entreprise.
Compte tenu de la requalification du contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 juillet 2017 date du contrat irrégulier, l’ancienneté du salarié à la date de la rupture le 29 juin 2019 était 23 mois.
Le jugement ayant alloué une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés afférents, sera confirmé sauf du chef des montants alloués en considération du montant du salaire brut ci-avant déterminé. L’indemnité compensatrice de préavis est dès lors fixée à la somme de 7670 euros brut et l’indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 767 euros brut.
L’article R. 1234-2 du code du travail prévoyant que l’indemnité légale de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans, le jugement est confirmé sauf du chef du montant alloué. Il est alloué au salarié un montant de 1’900euros brut.
S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail prévoient notamment, pour un salarié ayant une année complète d’ancienneté dans une entreprise employant au moins onze salariés, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal d’un mois de salaire brut et un montant maximal de deux mois de salaire brut. En conséquence il est alloué en considération des éléments précités et de la justification du préjudice subi un montant représentant deux mois de salaire brut soit la somme de 7670 euros brut . Le jugement est infirmé du chef des montants alloués.
Sur la prime de pénibilité:
Selon les écritures des parties et les attestations produites, la prime de pénibilité, négociée chaque année depuis 2010 et déterminée en fonction de la charge de travail et des résultats de l’entreprise, n’a pas été obtenue par les salariés en 2017 en raison d’un désaccord entre les instances représentatives et la société MOP et n’a plus été demandée à compter de l’année 2018, à la suite d’une évolution dans les conditions de travail.
Le liquidateur judiciaire justifiant par des attestations concordantes des membres de la délégation du personnel qu’il verse aux débats l’absence d’ouverture de négociations en 2018 et 2019 sur la prime litigieuse, que le salarié ne combat pas utilement au titre de ces années, la demande n’est pas accueillie. Le jugement est infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande.
Sur l’exécution fautive du contrat de travail :
– le retard dans la signature des contrats:
En application de l’article L.1245-1 du code du travail, la méconnaissance de l’obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l’article L. 1242-13 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Le salarié forme en cause d’appel une demande indemnitaire pour la signature tardive des contrats de travail. La matérialité des faits de l’absence de transmission du contrat de travail au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche, conformément à l’article L.1242-13 n’étant pas contestée par le liquidateur judiciaire, il est fait droit à la demande et alloué à ce titre au salarié le montant de 3835 euros.
– sur la remise de l’attestation pôle emploi:
Aux termes de l’article R.1234-9 du code du travail , l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
Le salarié a cessé son emploi au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée le 29 juin 2019 et a été destinataire le 12 octobre 2019 de l’attestation pôle emploi contenant les mentions exigées soit plus de trois mois après l’expiration du contrat, de sorte que la matérialité de la tardiveté de la remise est avérée.
Il a été indemnisé par Pôle emploi jusqu’à sa reprise d’activité le 1er mars 2021.
En considération des attestations versées aux débats, la cour dispose d’éléments d’appréciation permettant de fixer le préjudice subi à la somme de 800 euros. Le jugement est infirmé du chef des montants alloués.
Les créances du salarié sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société MOP.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a rappelé que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels en application de l’article L. 622-28 du code du commerce.
Sur la garantie de l’Ags:
Aux termes de l’article L3253-8, la garantie au titre de l’assurance, couvre:
‘1° Les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, ainsi que les contributions dues par l’employeur dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle ;
2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :
a) Pendant la période d’observation ;
b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;
c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;
(…)
5° Lorsque le tribunal prononce la liquidation judiciaire, dans la limite d’un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, les sommes dues :
a) Au cours de la période d’observation ;
b) Au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation ;
c) Au cours du mois suivant le jugement de liquidation pour les représentants des salariés prévus par les articles L. 621-4 et L. 631-9 du code de commerce ;
d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation et au cours des quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité.
La garantie des sommes et créances mentionnées aux 1°, 2° et 5° inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi.’
S’agissant des créances ne résultant pas de la rupture du contrat de travail:
La liquidation judiciaire de la société ayant été prononcée par jugement du 13 octobre 2022, la garantie bénéficie à l’indemnité de requalification d’un montant de 3835 euros brut ainsi qu’ aux créances indemnitaires allouées en indemnisation du retard dans la signature des contrats d’un montant de 3835 euros et de la tardiveté de la remise de l’attestation pôle emploi d’un montant de 800 euros.
S’agissant des créances résultant de la rupture du contrat de travail:
La rupture du contrat de travail se situant à la date du 29 juin 2019, soit à une date antérieure au jugement de liquidation judiciaire, les créances résultant de la rupture du contrat de travail sont garanties par l’Ags.
La cour rappelle que, par application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie Ags est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi.
Par ces motifs:
La cour,
Rejette la demande d’annulation du jugement entrepris;
Confirme le jugement entrepris des chefs critiqués de jugement à l’exception du montant du salaire mensuel moyen, des montants fixés au titre de la requalification du contrat de travail, des effets de la rupture, des dommages et intérêts et de la fixation d’une indemnité pour prime de pénibilité au titre des années 2018 et 2019,
Statuant à nouveau de ces chefs et ajoutant,
Déclare M. [O] irrecevable en son action du chef des vices de forme entachant les contrats conclus antérieurement au 17 janvier 2018 et du non-respect du délai de carence pour les contrats conclus antérieurement à cette même date;
Déboute M. [O] de sa demande en fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société MOP d’une indemnité pour prime de pénibilité au titre des années 2018 et 2019;
Fixe à la somme de 3835 euros brut le montant du salaire mensuel brut moyen;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MOP les montants suivants:
– 3835 euros brut au titre de l’indemnité de requalification;
– 7670 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 767 euros brut au titre de congés payés afférents;
– 1900 euros brut au titre de l’indemnité légale de licenciement;
– 7670 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
– 3835 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard dans la signature des contrats;
– 800 euros à titre de dommages et intérêts pour le retard dans la remise de l’attestation pôle emploi;
Juge que les créances fixées au passif de la liquidation judiciaire bénéficient de la garantie de l’Ags;
Dit que par application de l’article L. 3253-17 du code du travail, la garantie Ags est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi ;
Déboute M. [O] de toute demande de garantie sur la totalité de ses créances dès lors que l’obligation de l’Unedic-Ags Cgea de Marseille de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253- 19 du code du travail ;
Fixe les dépens au passif de la liquidation judiciaire et rejette les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER LE PRESIDENT