COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 25 NOVEMBRE 2022
N° 2022/399
Rôle N° RG 19/05849 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEC7E
[R] [M]
C
S.C.P. BR ASSOCIES liquidateur de la SARL SOCIETE PROVENCALE DE PROPRETE
Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE MARSEILLE
Copie exécutoire délivrée le :
25 NOVEMBRE 2022
à :
Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ BENJAMIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
Me Sophie BERGEOT, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE- LES- BAINS en date du 11 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00193.
APPELANT
Monsieur [R] [M], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Benjamin CORDIEZ de la SCP CORDIEZ BENJAMIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.C.P. BR ASSOCIES ès qualités de liquidateur de la SARL SOCIETE PROVENCALE DE PROPRETE, demeurant [Adresse 1]
non comparante
Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE MARSEILLE, Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame [S] [Y], domiciliée [Adresse 4], demeurant [Adresse 4]/France
représentée par Me Sophie BERGEOT, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [R] [M] a été engagé par la SARL SOCIETE PROVENCALE DE PROPRETE (dite S2P) en qualité de chauffeur opérateur selon contrat de travail à durée déterminée du 14 mai 2013. La relation de travail s’est poursuivie par plusieurs contrats de travail à durée déterminée des 31 août 2013, 27 mars 2014, 25 avril 2014, 29 juin 2014 et 1er novembre 2014.
Monsieur [M] a, de nouveau, été engagé par contrat de travail à durée déterminée à compter du 11 avril 2015, contrat qu’il a refusé de signer. La relation contractuelle a pris fin le 11 octobre 2016, au terme de ce dernier contrat de travail à durée déterminée.
Par requête du 28 octobre 2016, Monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes de DIGNE-LES- BAINS aux fins de solliciter la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, de condamner l’employeur à lui payer une indemnité de requalification, un rappel d’indemnité de salissure, un rappel de prime de treizième mois, un rappel d’indemnité de panier, des dommages-intérêts pour défaut de proposition de mutuelle santé, pour visite médicale d’embauche tardive, pour inobservation de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour travail dissimulé, notamment.
Par jugement du 11 mars 2019, le conseil de prud’hommes de DIGNE-LES- BAINS a débouté Monsieur [M] de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, a débouté Monsieur [M] de tous les chefs de demandes et a condamné Monsieur [M] à verser la somme de 200 € à la SARL S2P au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [M] a interjeté appel de ce jugement.
Le 5 décembre 2019, la SARL S2P a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et la SCP BR ET ASSOCIES a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par exploit d’huissier du 17 décembre 2020, Monsieur [M] a mis dans la cause l’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille et la SCP BR ET ASSOCIES.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2021, Monsieur [M] demande à la Cour de :
– dire Monsieur [M] recevable et bien fondé en sa demande d’intervention forcée de la SCP BR ET ASSOCIES, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P) et de l’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille.
– déclarer commun et opposable à la SCP BR ET ASSOCIES, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P) et à l’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille, l’arrêt de la Cour à intervenir.
– dire Monsieur [M] bien fondé en son appel.
– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
– dire non-prescrite la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée formulée par Monsieur [M].
– requalifier les contrats de travail à durée déterminée des 14 mai 2013, 31 août 2013, 27 mars 2014, 25 avril 2014, 29 juin 2014, 1er novembre 2014 et 11 avril 2015 en un contrat de travail à durée indéterminée.
-dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement tant irrégulier que dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
– fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE les sommes suivantes :
* 2.000 € à titre d’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.
* 923,36 € à titre de rappel d’indemnité de salissure.
* 92,34 € à titre d’incidence congés payés sur indemnité précitée.
* 2.000 € à titre de rappel de prime de treizième mois.
* 200 € à titre d’incidence congés payés sur rappel précité.
* 2.463,23 € à titre de rappel d’indemnité de panier.
* 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition de mutuelle santé.
* 1.000 € à titre de dommages-intérêts pour visite médicale d’embauche tardive.
* 2.000 € soit un mois de salaire, à titre d’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement.
* 12.000 € (soit 6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* 4.000 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis.
* 400 € à titre d’incidence congés payés sur l’indemnité précitée.
* 1.364 € à titre d’indemnité de licenciement.
* 12.000 € (soit 6 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé.
– ordonner à la SCP BR ET ASSOCIES, sous astreinte de 50 € par jour de retard, 60 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’avoir à délivrer à Monsieur [M] les documents suivants :
* bulletins de salaire rectifiés conformément à l’arrêt et mentionnant la prime de panier, la prime de salissure, et la prime de treizième mois.
* tout document probant établissant la déclaration et le paiement par l’employeur des cotisations auprès de l’URSSAF et notamment les cotisations de retraite du régime général et complémentaire.
– dire l’arrêt à intervenir opposable au CGEA en toutes ses dispositions.
– inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE les entiers dépens, de première instance et d’appel.
La SCP BR ET ASSOCIES n’a pas constitué avocat.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 26 février 2021, l’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille demande à la Cour de :
A titre principal :
– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mars 2019 par le conseil de prud’hommes de DIGNE- LES -BAINS en ce qu’il a débouté Monsieur [M] de l’ensemble de ses demandes.
– juger que la convention collective des activités du déchet ne s’applique pas en l’espèce.
– juger irrecevable la demande de M. [M] au titre de la prime de treizième mois et des congés
payés y afférents et l’en débouter.
– débouter Monsieur [M] de sa demande au titre de la prime de salissure.
A titre subsidiaire :
– juger que Monsieur [M] avait une ancienneté de 18 mois.
– débouter Monsieur [M] de sa demande au titre de l’irrégularité de procédure.
– débouter Monsieur [M] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute pour lui de justifier d’un préjudice.
– limiter à la somme de 2.000 € l’indemnité de préavis et à la somme de 200 € les congés payés correspondants.
– limiter à la somme de 600 € l’indemnité légale de licenciement.
– débouter Monsieur [M] de ses autres demandes, faute pour lui de démontrer un quelconque préjudice.
A titre infiniment subsidiaire :
– limiter à la somme de 2.000 € les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause :
– juger que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-17, L.3253-19 et L.3253-20 du code du travail et que la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.
– juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties , compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
– juger que l’AGS CGEA 13 ne peut être tenue au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Monsieur [M] invoque les moyens suivants à l’appui de sa demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée :
– le recours aux contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise : la société S2P l’a employé durablement entre 2013 et 2016 au moyen de divers contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir un emploi de chauffeur opérateur, emploi qui consiste à conduire un camion poids-lourd, équipé de lances à haute pression avec des cycles de lavage programmés, à laver et désinfecter les conteneurs à ordures ménagères après le passage des éboueurs et à nettoyer les colonnes aériennes ou enterrées de tri sélectif, activité qui constitue le c’ur de métier de la société S2P. La société intimée ne pouvait pas l’employer durablement au moyen de divers contrats de travail à durée déterminée durant la période de 2013 à 2016 sans méconnaître les dispositions de l’article L.1242-1 du code du travail et celles de l’article 2.8 de la convention collective des activités du déchet qui a expressément limité la durée des contrats de travail à durée déterminée conclus pour accroissement temporaire d’activité à une période de 12 mois. Or, le dernier contrat de travail à durée déterminée, par ailleurs non signé, du 11 avril 2015 prévoyait un emploi pour une durée de 18 mois.
– l’absence d’accroissement temporaire d’activité : la prestation de services de nettoyage des containers ne correspond à aucun « accroissement temporaire d’activité » qui résulterait d’un « surcroît d’activité ponctuelle et par nature imprévisible » car la société S2P établit avec les collectivités des contrats de service applicables durant des périodes annuelles ou bi-annuelles et elle ne saurait valablement prétendre qu’il aurait été embauché du 11 avril 2015 au 11 octobre 2016, soit durant une période de 18 mois, en raison d’un prétendu accroissement temporaire d’activité. Les documents produits par le CGEA ne démontrent aucunement un accroissement temporaire d’activité qui aurait concerné la société S2P et qui aurait été en lien direct avec ses embauches successives en contrats de travail à durée déterminée. Le CGEA est défaillant dans sa charge probatoire d’établir l’existence d’accroissements temporaires d’activité. Le fait de soutenir que les contrats de travail à durée déterminée auraient fait l’objet de périodes d’interruption longues, ce qui exclurait, selon le CGEA, le recours à ce type de contrat afin de pourvoir des emplois liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise, revient à confondre le caractère permanent de l’emploi et le caractère permanent de l’activité et ce n’est pas parce que l’emploi qu’il a occupé n’aurait pas été permanent que cet emploi n’aurait pas été lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’examen des contrats de travail à durée déterminée conduit à constater qu’il a bien travaillé de manière continue.
– l’absence de possibilité de se prévaloir d’un prétendu contrat saisonnier : devant le conseil de prud’hommes, la société S2P a prétendu que les contrats de travail à durée déterminée auraient, en réalité, consisté en des contrats saisonniers et a donc entendu substituer au motif mentionné dans les contrats un autre motif de recours à ce type de contrat, ce qui est prohibé puisque seule l’énonciation du motif pour lequel il est recouru à un contrat de travail à durée déterminée fixe les limites du litige et aucun des contrats ne mentionne qu’il s’agissait de contrats saisonniers.
La société S2P entend opérer une confusion entre un contrat qui comporte une durée déterminée sur une partie de l’année, avec un terme précis, ce qui entre dans la définition du contrat de travail à durée déterminée, et un contrat saisonnier qui ne comporte pas de terme précis. Or, les contrats de travail à durée déterminée conclus comportaient tous un terme précis, l’indication de leur nature (contrat de travail à durée déterminée et non pas contrat saisonnier) et l’objet de leur recours (un prétendu accroissement temporaire d’activité et non contrat saisonnier). La circonstance qu’il ait perçu une indemnité de précarité et qu’il ait prétendument reçu les documents de fin de contrat à la fin de chaque contrat de travail à durée déterminée est sans incidence sur le bien fondé de sa demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée. Par ailleurs, l’activité de la société S2P n’est pas saisonnière puisqu’il n’existe aucune saison de 18 mois.
– l’absence de signature du contrat de travail à durée déterminée du 11 avril 2015: Monsieur [M] verse aux débats le mail de son employeur du 7 juin 2016 dans lequel ce dernier expose sans ambiguïté qu’il fait parvenir le contrat de travail à durée déterminée pour « régulariser son dossier ». Etant dans la croyance d’une embauche définitive en contrat de travail à durée indéterminée, il n’a pas accepté de signer, en juin 2016, un contrat de travail à durée déterminée, antidaté au 11 avril 2015.
En réponse aux arguments du CGEA, Monsieur [M] fait valoir :
– sur la prescription invoquée pour la période antérieure au 26 avril 2014 : le point de départ du délai de prescription est le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée lorsque la demande de requalification est fondée sur la violation des dispositions relatives aux motifs de recours au contrat de travail à durée déterminée, peu important l’existence ou non, entre chacun des contrats de périodes interstitielles. Il en résulte que le délai de prescription de ses demandes a pour point de départ le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée et que son action n’est pas prescrite.
– la convention collective des activités du déchet est applicable à la relation de travail.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille fait valoir :
– la prescription de la demande s’agissant des contrats ayant pris fin avant le 28 octobre 2014 puisqu’en application de l’article L.1471-1 du code du travail, le délai de prescription de l’action portant sur l’exécution du contrat de travail est de deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, soit la date de fin de ces contrats. Ainsi, les demandes de requalification des contrats de travail à durée déterminée du 14 mai 2013 au 2 août 2013, du 1er septembre 2013 au 2 novembre 2013, du 28 mars 2014 au 25 avril 2014 et du 28 avril 2014 au 30 juin 2014 sont prescrites. En outre, entre le contrat de travail à durée déterminée du 1er septembre 2013 au 2 novembre 2013 et celui du 28 mars 2014 au 25 avril 2014, il s’est écoulé près de cinq mois et Monsieur [M] ne peut donc soutenir qu’il n’avait pas connaissance de la prétendue inexactitude du motif de recours invoqué à l’appui de ses contrats de travail à durée déterminée.
– les contrats de travail à durée déterminée conclus n’ont pas eu pour effet de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise car il est justifié des motifs fondant le recours aux contrats de travail à durée déterminée de Monsieur [M]. L’activité de la société S2P était en réalité principalement saisonnière et fluctuait en fonction des contrats obtenus par l’employeur et c’était en fonction des éventuels contrats supplémentaires obtenus que l’employeur a été contraint de recourir à des contrats de travail à durée déterminée.
Il s’agissait de contrats de travail à durée déterminée de courtes durées avec des périodes d’interruption de plusieurs mois entre eux et ainsi il ne saurait être soutenu que la conclusion de six contrats de travail à durée déterminée en deux ans, d’une durée totale de dix mois, a eu pour objet et/ou conséquence de pourvoir durablement à l’activité principale et normale de l’employeur.
– la validité du contrat de travail à durée déterminée du 11 avril 2015 : entre ce contrat et le dernier contrat de travail à durée déterminée conclu en 2014 il s’est écoulé 5 mois, période pendant laquelle Monsieur [M] a travaillé pour le compte d’un autre employeur, la société SANOFI CHIMIE, et Monsieur [M] ne s’est donc pas maintenu à la disposition de la société S2P. L’existence d’un écrit est établie et le contrat du 11 avril 2015 a été remis à Monsieur [M], dès l’origine de cette nouvelle relation contractuelle, comme tel était systématiquement le cas (ce qui n’est pas contesté par Monsieur [M]). C’est le salarié qui a délibérément refusé de signer le contrat, l’employeur ne s’étant pas tout de suite aperçu de l’absence de retour du contrat signé. Les termes du mail produit par Monsieur [M] sont clairs puisque l’employeur lui joint « une copie », ce qui signifie bien que l’original lui avait déjà été remis préalablement, et fait référence à plusieurs relances de la part de son employeur.
– l’inapplicabilité de la convention collective des activités du déchet.
* * *
Il ressort des contrats de travail à durée déterminée que Monsieur [M] a été embauché par la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P) par plusieurs contrats de travail à durée déterminée, à savoir :
– contrat de travail à durée déterminée du 14 mai 2013 au 2 août 2013 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
– contrat de travail à durée déterminée du 1er septembre 2013 au 2 novembre 2013 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
– contrat de travail à durée déterminée du 28 mars 2014 au 25 avril 2014 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
– contrat de travail à durée déterminée du 28 avril 2014 au 30 juin 2014 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
– contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2014 au 30 octobre 2014 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
– contrat de travail à durée déterminée du 1er novembre 2014 au 14 novembre 2014 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat. Sitvom du canton d'[Localité 3]’.
– contrat de travail à durée déterminée du 11 avril 2015 au 11 octobre 2016 au motif d’un ‘surcroît exceptionnel et temporaire d’activité constitué par nouveau contrat’.
Sur la prescription :
Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
La requalification en contrat à durée indéterminée peut porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d’inactivité, ces dernières n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription.
Ainsi, en l’espèce, dès lors que Monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes le 28 octobre 2016 et indique contester le motif de recours aux contrats de travail à durée déterminée, l’action en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée n’est pas prescrite, comme engagée dans les deux ans du terme du dernier contrat (soit le 11 octobre 2016) et ce même en présence de périodes interstitielles.
Sur le motif du recours au contrat de travail à durée déterminée
En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de travail à durée déterminée.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille produit une offre de service (devis) du 4 avril 2014 adressée par la société à la communauté des communes de l’herbasse concernant un marché d’une prestation bi-annuelle de 5 à 7 jours et un courrier du syndicat intercommunal de la région d'[Localité 3] du 15 octobre 2013 qui indique que l’offre présentée par la SARL S2P a été déclarée comme étant la plus économiquement avantageuse.
Ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser ni d’un accroissement d’activité ni de son caractère temporaire ni d’un lien direct avec les embauches successives de Monsieur [M] en contrats de travail à durée déterminée, entre 2013 et 2016.
Notamment, les contrats de travail à durée déterminée ne comportent pas de précision quant aux activités qui devaient être considérées comme étant des accroissements temporaires d’activité. De même, il n’est pas démontré que le contrat de travail à durée déterminée du 1er novembre 2014 au 14 novembre 2014, qui fait référence au contrat Sitvom du canton d'[Localité 3], est en lien avec le marché évoqué dans le courrier du 15 octobre 2013, dont la date est antérieure d’un an à la signature du contrat de travail avec Monsieur [M].
Dans ces conditions, il convient de requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mai 2013.
Eu égard à la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et en l’absence de l’engagement d’une procédure de licenciement et de lettre motivée de licenciement, la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] est dépourvue de cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L.1245-2 du code du travail, Monsieur [M] est fondé à réclamer une indemnité de requalification de 2.000 €.
Par contre, Monsieur [M] ne justifie pas du préjudice qu’il aurait subi du fait de l’irrégularité de la procédure de licenciement. La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
En application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail (fondement évoqué par Monsieur [M] dans ses conclusions et l’employeur employant moins de 11 salariés selon les indications de l’attestation Pôle Emploi), et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (36 ans), de son ancienneté (3 ans et 5 mois), de sa qualification, de sa rémunération (2.000€), des circonstances de la rupture mais également de l’absence de justificatif de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il sera accordé à Monsieur [M] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 3.000 €.
Compte tenu de la requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [M] a une ancienneté de plus de deux ans (et non de 18 mois comme le prétend la SARL S2P) de sorte qu’il peut réclamer une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 4.000 €, la somme de 400 € au titre des congés payés afférents et la somme de 1.364 € au titre de l’indemnité de licenciement.
Sur la convention collective applicable
Monsieur [M] invoque l’application de la convention collective des activités du déchet en soutenant que le code NAF et le code APE n’ont qu’une valeur indicative et, en cas d’activités multiples, il convient de se référer à l’activité principale de l’entreprise. La circonstance que les bulletins de salaire et les contrats de travail ne mentionnent aucune convention collective est totalement indifférente au droit dont il dispose de solliciter l’application de la convention des activités du déchet. Or, l’AGS reconnaît dans ses écritures que la société S2P avait pour activité principale le lavage des bacs à ordures ménagères, le lavage des colonnes d’apport volontaire et le lavage des colonnes enterrées ou semi-enterrées, donc des activités de nettoiement d’infrastructures urbaines et de curage, par balayage et lavage, au sens des dispositions de la convention collective des activités du déchet.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut à l’inapplicabilité de la convention collective des activités du déchet en ce que LA SARL S2P avait pour activité : « autres activités de nettoyage n.c.a.. », code NAF 8129B, nomenclature non mentionnée par la convention collective, par le contrat de travail et par les bulletins de salaire qui ne font, par ailleurs, mention d’aucune convention collective.
* * *
Il ressort des éléments du dossier que le code NAF auquel dépendait la SARL S2P était le ‘8129B’ qui correspond aux ‘autres activités de nettoyage’. Il n’est pas contesté par la SARL S2P que son activité principale consistait dans le lavage des bacs à ordures ménagères, le lavage des colonnes d’apports volontaires et le lavage des colonnes enterrées ou semi-enterrées.
Il ressort de l’article 1.1 de la convention collective des activités du déchet que son domaine d’application concerne ‘les entreprises exerçant une ou plusieurs des activités du déchet et de la propreté urbaine ainsi définies’, et notamment : ‘d) Tous services de nettoiement de voirie, d’infrastructures urbaines, de places, d’espaces verts, de sites naturels, de curage des fossés et des égouts (1) (par aspiration, balayage, lavage, salage, sablage et déneigement …)’.
Nonobstant le fait que les contrats de travail et les bulletins de salaire n’indiquent pas la convention collective applicable à la relation de travail et si la convention des activités du déchet ne fait pas mention expressément le code NAF 8129B, elle précise néanmoins que les ‘activités sont référencées entre autres dans la nomenclature d’activités française (NAF), et pour l’essentiel dans les classes 90.0 A, 90.0 B et 90.0 C'( ce qui n’exclut pas la prise en compte du code NAF 8129B), dès lors que l’activité principale de la SARL S2P est bien une activité de nettoiement d’infrastructures urbaines et de curage, par balayage et lavage, au sens des dispositions du d) de l’article 1.1 de la convention collective des activités du déchet, Monsieur [M] est en droit de revendiquer l’application de ladite convention collective.
Sur le rappel de la prime de salissure
Invoquant l’article 3.8 de la convention collective des activités du déchet, Monsieur [M] demande la paiement d’une prime de salissure de 923,36 €, outre les congés payés afférents, dès lors qu’il a été en permanence en contact avec des déchets, notamment les restes et le compost qui tapissaient les fonds des conteneurs qu’il retirait au moyen d’un racloir, d’une pelle ou d’un nettoyage à haute pression. Outre le fait que les sols étaient régulièrement jonchés d’ordures, Monsieur [M] indique également qu’il était obligé de retirer des conteneurs les déchets placés par les usagers et, après l’accomplissement de sa tâche, de les mettre dans les conteneurs.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut que Monsieur [M] n’était pas en contact direct avec les déchets et se servait d’une laveuse automatique de bacs, les bacs étant vidés et grattés par le collecteur (c’est-à-dire la collectivité). Ainsi le bac était vide lorsqu’il était mené à Monsieur [M] qui n’avait plus qu’à appuyer sur un bouton pour bloquer le bac sur le releveur et le bac basculait dans la laveuse. Pendant le cycle de lavage, la porte de l’opérateur (du salarié) était fermée et toute l’opération de nettoyage était automatisée. A la fin du cycle, l’opérateur appuyait sur un bouton pour faire redescendre le bac propre qui était ensuite remis en place par l’opérateur ou l’accompagnateur de la collectivité. Les bacs étaient manipulés vides et il n’y avait aucun contact avec les déchets, ni même avec les eaux de lavage qui étaient récupérées dans les cuves et vidées à la fin de la tournée. Le lavage des colonnes d’apport volontaire s’effectuait au moyen d’une lance à haute pression. Enfin, le lavage des colonnes enterrées ou semi enterrées s’effectuait selon un mode opératoire très précis qui empêchait le contact avec les déchets.
Pour soutenir le contraire, Monsieur [M] produit uniquement une photographie illisible, qui ne démontre rien et Monsieur [M] ne rapporte pas la preuve, qu’en sa qualité de chauffeur opérateur, il était en contact direct avec des déchets.
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Selon l’article 3.8 de la convention collective des activités du déchet, ‘une indemnité mensuelle de salissure de 36,21 € est allouée aux personnels des niveaux I à IV qui effectuent un travail à caractère salissant en raison du contact direct avec les déchets. Elle indemnise les salariés de leurs frais supplémentaires d’entretien’.
Monsieur [M] produit deux photographies d’un lieu de dépose de déchets et du camion qu’il utilisait dont il ressort la présence de déchets à même le sol du lieu d’intervention. Ainsi, outre le fait que Monsieur [M] devait nettoyer des conteneurs ayant contenu des déchets et dont il n’est pas exclu qu’il en contenait toujours lors de ses manoeuvres de nettoyage, Monsieur [M] a bien travaillé au contact direct des déchets présents dans l’ensemble de son environnement de travail et a accompli un travail à caractère salissant.
Ainsi, la demande au titre du paiement d’une prime de salissure est fondée et il convient d’accorder à Monsieur [M] la somme de 923,36 € (25,5 mois x 36,21 €), outre la somme de 92,34€ au titre des congés payés afférents.
Sur le rappel de la prime de treizième mois
Invoquant l’article 3.16 de la convention collective des activités du déchet, Monsieur [M] sollicite le paiement d’une prime de treizième mois dès lors qu’il remplissait les conditions pour en bénéficier. Il précise qu’il a formulé cette demande en première instance et que celle-ci ne serait donc pas nouvelle en cause d’appel.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille soulève l’irrecevabilité de cette demande qui est présentée pour la première fois en cause d’appel et aucune pièce ne démontre le contraire.
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La suppression de la règle de la recevabilité des demandes nouvelles résultant de l’ancien article R.1452-6 du code du travail, par décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 (article 45 du décret). En l’espèce, Monsieur [M] a saisi le conseil de prud’hommes par requête du 28 octobre 2016 et il ne ressort d’aucune des pièces du dossier de procédure du conseil de prud’hommes que Monsieur [M] a présenté devant le conseil, et notamment à l’audience du 3 septembre 2018, une demande en paiement d’une prime de treizième mois. La photocopie d’une page (page 11) d’un document que Monsieur [M] présente comme étant ses écritures devant le conseil de prud’hommes ne rapporte pas cette preuve dès lors que le dossier de procédure du conseil de prud’hommes ne comporte aucun exemplaire des écritures du salarié visées par le greffier, à la différences des écritures déposées par la SARL S2P et qui comportent le visa du greffier d’audience.
Dès lors également que Monsieur [M] ne développe pas de moyen fondé sur l’article 566 du code de procédure civile, il convient donc de dire sa demande nouvelle irrecevable.
Sur le rappel de l’indemnité de panier
Invoquant l’article 3.9 de la convention collective des activités du déchet, Monsieur [M] sollicite le paiement d’une indemnité de panier dont il n’a pas été réglé et soutient que l’employeur ne démontre pas qu’elles ont été effectivement payées en ce qu’il produit des virements comportant des libellés rédigés par la société elle-même.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut que le contrat de travail stipulait le remboursement des frais professionnels sur présentation des justificatifs à hauteur de 15€ par repas. Elle produit au dossier les justificatifs de paiement de ces paniers alors que Monsieur [M] fournit un décompte sans préciser exactement les périodes non remboursées alors qu’en matière de rappel de salaire, la charge de la preuve incombe tant au salarié qu’à l’employeur. Monsieur [M] a toujours été payé de ses indemnités de repas conformément aux dispositions de son contrat de travail (et non de la convention collective revendiquée).
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Monsieur [M] fonde sa demande sur l’article 3.9 de la convention collective des activités du déchet qui indique : ‘une indemnité journalière, dite de casse-croûte, est allouée aux personnels des niveaux I à IV effectuant au moins 5 heures de travail quotidien en une seule séance. Le montant de cette indemnité équivaut à 31 % de la valeur mensuelle du point’.
Les contrats de travail prévoyaient également que ‘Monsieur [M] sera remboursé chaque mois de ses frais professionnels sur présentation des justificatifs, en fonction des modalités de remboursement fixées par l’entreprise en vigueur à la date à laquelle les frais ont été engagés. Frais de repas : 15 euros. Déplacement voiture personnelle : 0,35 euros’.
Les bulletins de salaire ne font pas mention de paiement, ni d’une indemnité de ‘casse croûte’ ni de frais de repas. L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille produit néanmoins des factures et un historique de virements duquel il ressort que Monsieur [M] a bien perçu, au titre de ‘frais’ et de ‘paniers’ :
– 15 € le 12 décembre 2015
– 30 € le 30 décembre 2015
– 75 € le 28 mars 2016
– 45 € le 18 mai 2016
– 105 € le 18 septembre 2016
– 30 € le 23 septembre 2016
Ces sommes, rémunérant des frais de repas, doivent venir en déduction des sommes dues à Monsieur [M] au titre des dispositions conventionnelles.
Monsieur [M] est donc en droit de réclamer la somme de : 539 jours x 4,57 = 2.463,23 – 300 € = 2.163,23 €.
Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de proposition de mutuelle
Monsieur [M] invoque l’application de l’accord national interprofessionnel et de la loi du 14 juin 2013 qui impose à l’employeur d’adhérer à une complémentaire santé qu’il doit proposer aux salariés de l’entreprise. Ainsi, depuis le 1er janvier 2016, tous les salariés doivent obligatoirement bénéficier d’une complémentaire santé qui doit assurer une couverture minimale de garanties appelée «panier de soins », ce principe étant rappelé par les dispositions de l’article L911-7 du code de la sécurité sociale. La SARL S2P ne lui a jamais proposé le bénéfice d’une mutuelle santé et celle-ci ne prouve pas le contraire. Il invoque un préjudice en ce qu’il n’a pas pu bénéficier d’une couverture santé prise en charge à 50% par l’employeur.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut qu’elle rapporte la preuve, par la production de l’attestation de Monsieur [O], de ce qu’elle a bien présenté la mutuelle à Monsieur [M] qui l’a refusée. Par ailleurs, Monsieur [M] ne justifie pas d’un préjudice.
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Même si Monsieur [O] était salarié de la SARL S2P, son attestation est conforme aux prescriptions de l’article 202 du code de procédure civile et dispose donc d’une valeur probatoire suffisante. Monsieur [O] atteste que l’employeur a bien présenté à lui-même et à Monsieur [M] ‘la mutuelle’ et que tous les deux l’ont refusée.
Cependant, la SARL S2P ne justifie pas, à compter du 1er janvier 2016, date à laquelle l’obligation du bénéfice pour le salarié d’une complémentaire santé est entrée en vigueur, de cas de dispense concernant Monsieur [M], dans les conditions prévues par l’article R.242-6 du code de la sécurité sociale.
Monsieur [M] a subi un préjudice financier effectif et direct en ce qu’à compter du 1er janvier 2016, il n’a pu bénéficier de la prise en charge partielle financière de l’employeur, mais un préjudice qui reste limité dans le temps puisque la relation contractuelle a pris fin le 11 octobre 2016. Dans ces circonstances, il convient d’allouer à Monsieur [M] la somme de 150 € à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de dommages-intérêts pour visite médicale d’embauche tardive
Monsieur [M] fait valoir que la SARL S2P s’est affranchie de l’obligation qui lui incombait d’organiser une visite médicale d’embauche qui n’a eu lieu que le 3 mai 2016, soit avec un retard de trois ans à compter de la première embauche et d’un an à compter de la dernière période d’emploi. Il invoque un préjudice en ce qu’il travaillait dans des conditions comportant une pénibilité certaine, manipulait en permanence des conteneurs d’ordures ménagères, utilisait quotidiennement des produits détergents et en ce qu’il a d’ailleurs été victime d’un accident du travail le 1er septembre 2016 qui a conduit à une reprise de travail avec soins à compter du 22 septembre 2016.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut que la visite médicale d’embauche a bien été organisée le 3 mai 2016. Dès lors que la déclaration préalable à l’embauche déclenche la demande de rendez-vous auprès de la médecine du travail, ce n’est donc pas du fait de l’employeur si les visites n’ont pas été organisées en temps utile par la médecine du travail. Monsieur [M] a été déclaré apte et il n’y a aucun lien de causalité entre le retard dans l’organisation de la visite médicale et l’accident de travail survenu en septembre 2016.
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Il n’est pas contestable que la première visite médicale a eu lieu le 3 mai 2016 alors que Monsieur [M] a été engagé le 14 mai 2013. Il appartient à l’employeur de s’assurer de l’effectivité de la mise en oeuvre des visites et la SARL S2P ne produit aucune pièce démontrant un retard du service de la médecine du travail dans la prise en charge des visites médicales.
Ainsi, la faute de la SARL S2P est caractérisée. Toutefois, Monsieur [M] a été déclaré apte à son poste à l’issue de la visite médicale du 3 mai 2016 et il ne ressort d’aucune des pièces du dossier un lien de causalité entre le retard de la visite médicale d’embauche et la survenance, a posteriori, de l’accident du travail du 1er septembre 2016.
Ainsi, à défaut de préjudice démontré, la demande de dommages-intérêts présentée doit être rejetée.
Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé
Monsieur [M] fait valoir que la SARL S2P ne l’a pas déclaré durant la période de 2013 à 2016 et l’attestation, produite par l’employeur, de Madame [Z], missionnée pour la gestion des comptes et des payes de l’entreprise depuis janvier 2017, qui indique que la société S2P connaissait un « retard de paiement depuis l’origine » relatif aux cotisations de retraite complémentaire qui serait régularisé dans les 8 jours, est de pure complaisance dès lors que son relevé de carrière établi le 14 mai 2019 fait apparaître que les cotisations de retraite du régime général n’ont toujours pas été régularisées.
Il verse également son relevé de retraite complémentaire au 12 novembre 2017 faisant apparaître une absence totale de cotisation par la société S2P. Si la société S2P semble avoir procédé à l’enregistrement d’une partie des déclarations préalables à l’embauche (DPAE) auprès de l’URSSAF, il est manifeste qu’elle n’a jamais transmis de déclarations annuelles des données sociales (DADS). Cette situation est confirmée par le courriel adressé par la CARSAT Sud Est à l’inspection du travail, le 8 janvier 2018. Selon l’article 1353 du code civil c’est celui qui se prétend libéré qui doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation et la SARL S2P ne saurait prétendre raisonnablement qu’elle aurait ignoré son obligation, ou omis, en sa qualité d’employeur, de procéder aux déclarations nominatives auprès de l’URSSAF concernant chacun des salariés qu’elle employait ou ne saurait arguer de difficultés avec la caisse de retraite complémentaire pour le paiement des cotisations. La SARL S2P procédait à une gestion directe des salaires ce qui lui permettait de s’affranchir des déclarations et des cotisations obligatoires pendant quatre années, en échappant au contrôle de tiers, ce qui constitue un manquement parfaitement volontaire de sa part. Enfin, le fait que la SARL S2P ait régularisé (avec 4 années de retard) le paiement de cotisations URSSAF ne saurait démontrer que la déclaration des salaires versés à Monsieur [M] aurait été transmise à l’organisme collecteur et que les cotisations y afférentes auraient été réglées alors que ses relevés des 31 octobre 2019 et 21 octobre 2019 démontrent que la SARL S2P n’a toujours pas réglé la moindre cotisation de retraite au titre du régime général.
L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille conclut qu’elle verse au débat l’ensemble des déclarations préalables à l’embauche régularisées, rappelant que la DPAE est adressée à l’URSSAF qui se charge ensuite de la répercuter auprès des autres organismes sociaux. Il semblerait qu’il y ait eu un problème de transmission auprès de l’organisme de retraite. Le gérant de la société S2P, qui était également salarié, en a lui-même été victime. Or tout a été régularisé par la suite, comme l’atteste Madame [Z].
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L’article L.8221-5 du code du travail prévoit: « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».
L’article L 8223-1 du code du travail prévoit qu’ en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Il appartient au salarié d’apporter la preuve d’une omission intentionnelle de l’employeur.
Le seul fait de produire un relevé de carrière au 14 mai 2019, un relevé de retraite du régime général et un relevé du régime complémentaire au 12 novembre 2017 et au 31octobre 2019 ne suffit pas à démontrer l’omission intentionnelle de l’employeur de procéder aux déclarations obligatoires.
D’autant que l’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille produit des DPAE de Monsieur [M] effectuées entre 2013 et 2014 et l’attestation de Madame [Z] qui atteste de l’existence d’un retard de cotisations des retraites complémentaires auprès de la caisse AG2R résultant d’un problème d’inscription de la société auprès de l’organisme de retraite, les premiers paiements ayant été retournés par la caisse. L’UNEDIC AGS-CGEA de Marseille produit également une attestation de l’URSSAF du 17 mai 2016 qui atteste que l’entreprise est à jour de ses obligations et un échéancier de paiement de cotisations conclu avec l’AG2R, le 22 février 2018.
Dans ces conditions, la volonté frauduleuse de la SARL S2P de se soustraire à ses obligations déclaratives n’est pas caractérisée. La demande sera donc rejetée.
Sur la délivrance des documents
La remise d’un bulletin de salaire rectificatif conforme à la teneur du présent arrêt et de documents établissant le paiement des cotisations auprès de l’URSSAF et des caisses de retraite s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du mandataire liquidateur de la SARL S2P n’étant versé au débat.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de laisser à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL S2P les frais non compris dans les dépens que Monsieur [M] a engagés en première instance et en cause d’appel et il convient de lui allouer, à ce titre, la somme de 2.500 €.
Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL S2P, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
Sur la garantie de l’AGS
Il convient de rappeler que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L .3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-20 du code du travail.
Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l’AGS et au CGEA de Marseille.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté les demandes de rappel de prime de treizième mois, de congés payés afférent au rappel de prime de treizième mois, de dommages-intérêts pour visite médicale d’embauche tardive, de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, d’indemnité pour travail dissimulé et d’astreinte,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mai 2013,
Dit que la rupture de la relation contractuelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P), la créance de Monsieur [R] [M] aux sommes suivantes:
– 2.000 € à titre d’indemnité de requalification,
– 923,36 € à titre de rappel de prime de salissure,
– 92,34 € à titre de congés payés afférents,
– 2.163,23 € à titre de rappel d’indemnité de panier,
– 150 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de proposition de mutuelle santé,
– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4.000 € à titre d’indemnité de préavis,
– 400 € à titre de congés payés afférents,
– 1.364 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne la remise par le mandataire liquidateur d’un bulletin de salaire rectificatif conforme à la teneur du présent arrêt et de documents établissant le paiement des cotisations auprès de l’URSSAF et des caisses de retraite,
Rappelle que le jugement d’ouverture de la procédure collective de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P) a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,
Dit la présente décision opposable au CGEA-AGS de Marseille,
Dit que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et L.3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-20 du code du travail,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Laisse les dépens de première instance et d’appel à la charge de la liquidation judiciaire de la SARL PROVENCALE DE PROPRETE (S2P).
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction