COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 25 NOVEMBRE 2022
N° 2022/406
Rôle N° RG 19/05390 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEBXZ
[L] [D]
C/
EPIC REGIE DES TRANSPORTS METROPOLITAINS
Copie exécutoire délivrée le :
25 NOVEMBRE 2022
à :
Me Delphine CARRIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Mars 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F18/01199.
APPELANTE
Madame [L] [D], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Delphine CARRIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
EPIC REGIE DES TRANSPORTS METROPOLITAINS (RTM), demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Béatrice DUPUY, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiler, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La Régie des Transports Métropolitains de [Localité 3] (RTM) a embauché Madame [L] [D] en qualité de vérificateur suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée :
– du 15 juin au 31 août 2015
– du 10 octobre au 31 décembre 2015
– du 11 avril au 30 septembre 2016
moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.912 euros pour 34,67 heures hebdomadaires.
Un contrat à durée déterminée était conclu le 7 avril 2017 en raison d’un ‘accroissement d’activité lié à la mise en oeuvre du dispositif plage’ pour une période allant du 9 avril 2017 au 3 septembre 2017, avec une période d’essai s’achevant le 30 avril 2017.
A l’issue de la visite médicale d’embauche,Madame [D] allaitant encore son enfant, le médecin du travail émettait un avis d’aptitude avec réserve dans les termes suivants :
« Sur heures du matin seulement. Salariée allaitante ».
Madame [D] a travaillé 4 jours, postérieurement à la visite d’embauche et l’employeur lui a notifié par courrier recommandé du 14 avril 2017, la rupture de sa période d’essai au motif qu’elle n’avait pas donné satisfaction.
Suivant déclaration du 12 juin 2018, Madame [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille de demandes de requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée, de reconnaissance d’un licenciement discriminatoire nul et subsidiairement d’une rupture abusive et discriminatoire de sa période d’esssai, outre les indemnités y afférentes.
Selon jugement du 4 mars 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Madame [D] de l’ensemble de ses demandes.
Madame [L] [D] a relevé appel de la décision et demande à la Cour suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2019 de :
INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Marseille,
AU PRINCIPAL
Dire et juger que les contrats de travail à durée déterminée doivent s’analyser en une relation de travail à durée indéterminée,
Condamner en conséquence La Régie des Transports de [Localité 3] (RTM) au paiement d’une indemnité de requalification d’un montant de 1.912 euros correspondant à 1 mois de salaire,
En conséquence, dire que la rupture à l’essai du contrat de travail s’analyse en un licenciement nul car fondé sur un motif discriminatoire,
Condamner en conséquence La Régie des Transports de [Localité 3] (RTM) au paiement des sommes suivantes
Indemnité compensatrice de préavis :1.912 euros et congés payés afférents :191,20 euros
Indemnité de licenciement : 701 euros
Dommages et intérêts pour licenciement nul (6 mois de salaire) : 11.500,00 euros
SUBSIDIAIREMENT
Dire et juger que la rupture à l’essai notifiée à Madame [D] repose sur un motif discriminatoire,
En conséquence,
Dire et juger abusive et nulle la rupture intervenue et allouer à Madame [D] la somme de 11.500 euros de dommages et intérêts à ce titre
EN TOUT ETAT DE CAUSE
Ordonner la délivrance de bulletins de paie et attestation POLE EMPLOI rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard avec faculté de liquidation,
Condamner l’intimée au paiement des intérêts de droit à compter de la saisine, aux entiers dépens, ainsi qu’à une indemnité de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 26 août 2019 la Régie des Transports Métropolitains (RTM) demande à la Cour, de :
IN LIMINE LITIS,
DIRE que l’action en requalification initiée par Madame [L] [D] est prescrite pour les contrats conclus jusqu’au 12 juin 2016,
A TITRE PRINCIPAL,
Constater que rien ne justifie de la requalification des CDD de Madame [D] en un CDI ;
Constater que la rupture de la période d’essai n’avait pas de caractère discriminatoire,
En conséquence,
Débouter Madame [D] de l’ensemble de ses demandes ;
Confirmer en cela le jugement déféré.
SUBSIDIAIREMENT et en tout état de cause,
Débouter Madame [D] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité de licenciement;
REDUIRE les demandes à de plus justes proportions.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 août 2022.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la demande de requalification des CDD
Au soutien de sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à compter du premier contrat du 15 juin 2015, Madame [D] soutient que l’employeur ne justifie pas d’un accroissement temporaire d’activité ; qu’au contraire, les périodes d’emploi concernées et leur répartition sur l’ensemble de l’année civile montrent que les contrats correspondent à un besoin permanent et structurel de main d’oeuvre. Elle expose que sa demande n’est pas prescrite car le motif de la requalification n’est pas le défaut de mentions obligatoires portées sur les contrats de travail à durée déterminée, mais l’accumulation de CDD sur des périodes diverses, de sorte que le point de départ de la prescription biennale court à compter du terme du dernier CDD.
La Régie des Transports Métropolitains (RTM) fait valoir que la demande de requalification est prescrite en application des dispositions de l’article L1471-1 du code du travail (prescription de 2 ans) ; que Madame [D] alléguant que le motif du contrat serait faux, elle critique bien une mention du contrat; que le délai de prescription court dans ce cas, à compter de la conclusion dudit contrat et que l’appelante qui n’a saisi le Conseil que le 12 juin 2018, est prescrite en sa demande de requalification des contrats conclus avant le 12 juin 2016.
Sur la prescription
La demande de requalification de contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est soumise à la prescription prévue à l’article L1471-1 du code du travail, lequel dispose :
‘Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit’.
Le point de départ du délai de prescription diffère selon le fondement de l’action en requalification :
– Si est invoquée l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de l’action est la date de conclusion du contrat à durée déterminée ;
– Si l’action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
En l’espèce, au soutien de sa demande de requalification, Madame [D] n’allègue pas que le contrat à durée déterminée conclu le 15 juin 2015 ou les suivants comportent des irrégularités ou l’absence de mentions obligatoires, mais elle critique la réalité du motif de recours au contrat à durée déterminée invoqué dans les différents contrats conclus respectivement pour les périodes du 15 juin au 31 août 2015, du 10 octobre au 31 décembre 2015, du 11 avril au 30 septembre 2016, et enfin du 9 avril 2017 devant courir jusqu’au 3 septembre 2017, à savoir ‘l’accroissement temporaire d’activité’.
Dès lors, le point de départ de la prescription de la demande en requalification est le terme du dernier contrat à durée déterminée conclu, soit le 14 avril 2017, date de la rupture de celui ci.
Par conséquent, l’action en requalification de Madame [D] ayant saisi le conseil de prud’hommes par déclaration du 12 juin 2018 n’est pas prescrite.
Sur le fond
Au titre de sa demande de requalification fondée sur les dispositions des articles L1242-2 et suivants du code du travail, Madame [D] invoque deux motifs :
-le recours aux contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise :
Madame [D] soutient que la succession des CDD conclus pour de larges périodes et s’étalant sur l’ensemble de l’année civile ne correspondait pas au motif mentionné par la RTM, à savoir ‘un surcroit temporaire d’activité’, mais avait pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise, ce que conteste l’employeur qui expose que ces contrats ne sont pas succédé puisqu’il ont été de courte durée et séparés par des périodes allant de 1 à 4 mois.
-l’absence d’accroissement temporaire d’activité :
Madame [D] fait valoir que la nécessité de lutter contre les fraudes en période estivale ne justifie pas les périodes d’emploi à plusieurs reprises d’octobre à décembre et d’avril à juin.
La Régie RTM soutient au contraire que le motif du surcroit temporaire d’activité était à chaque fois bien réel, les périodes autres qu’estivales s’inscrivant dans une réadaptation du plan de lutte contre les fraudes lors des forts pics d’activité.
***
Sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise :
L’article L. 1242-1 du code du travail dispose que le contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour effet, ni pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et que la violation de cette règle est sanctionnée par la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, le premier contrat à durée déterminée a été signé par Madame [D] le 15 juin 2015 pour une durée de 2 mois et 15 jours pour ‘surcroit d’activité lié à la mise en oeuvre du dispositif plage’, puis le second, après un intervalle d’un mois et 10 jours, a été signé le 10 octobre 2015 pour une durée également de 2 mois et 20 jours pour ‘surcroit d’activité lié à la réadaptation du plan de contrôle’ après un intervalle de 3 mois et 10 jours.
Le troisième, après un intervalle de 4 mois, a été signé le 11 avril 2016 pour une durée de plus de 7 mois ; le quatrième, après un intervalle de 4 mois a été signé à effet du 9 avril 2017 pour une durée prévue de presque 5 mois pour ‘surcroit d’activité lié à la mise en oeuvre du dispositif plage’.
Il en résulte que les périodes non travaillées entre chaque contrat à durée déterminée sont espacées de 1 à 4 mois, ce qui est trop large pour dire que les contrats se sont succédé afin de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise.
– l’absence d’accroissement temporaire d’activité :
La société RTM explique que pour le premier contrat à durée déterminée conclu pour la période du 15 juin au 31 août, l’accroissement temporaire d’activité est réel car il correspond au plan de lutte contre les fraudes dans les transports marseillais durant les périodes de vacances et estivales sur certaines lignes.
Au soutien de son argumentation, elle verse aux débats un Communiqué de Presse RTM du 5 avril 2012 qui mentionne : ‘en avril et mai, des renforts sont en place les mercredis, samedis et dimanches et quotidiennement les jours de vacances scolaires de printemps’ et ‘de juin à septembre, un dispositif ‘plages’ est mis en oeuvre, tous les jours entre 10h00 et 20h00″.
Elle produit également un article du journal ‘LA PROVENCE’ du 25 juillet 2014 qui expose que ‘plusieurs équipes de ‘vérificateurs de perception’ sont déployés d’avril à août sur des points importants de la ville Castellane, Bourse, Vieux port, rond point du Prado, [O] et Parc Borély et précisant ‘Sur le pic de la saison, il atteint 110 personnes qui interviennent sur les lignes et assurent la liaison vers le littoral’.
Il convient de considérer que l’employeur justifie ainsi de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée en date du 15 juin 2015.
S’agissant du second contrat à durée déterminée du 10 octobre au 31 décembre 2015, la RTM expose que le surcroit d’activité est bien lié à la ‘réadaptation du plan de contrôle’ de lutte contre la fraude lors des périodes chargées comme les vacances d’octobre, Black Friday, achats de Noël et fêtes de Noël.
Elle ne produit que la copie écran des modalités dudit contrat, sans produire le contrat lui même. Elle produit également l’information du CHSCT en date du 8 octobre 2015 intitulée ‘projet d’amélioration de la statégie de lutte contre la fraude’, qui présente les réadaptations nécessaires en périodes de ‘pics d’activité’ liés à l’augmentation de la fréquentation du réseau et la nécessité d’ajuster les effectifs, ainsi qu’un dossier de presse du 6 septembre 2017 sur la fraude dans les transports marseillais.
Cependant, il ne résulte pas de ces éléments que les périodes d’octobre à décembre soient visées au titre des pics d’activité.
Dès lors, la cour constate que l’employeur ne justifie pas de la réalité du surcroit temporaire d’activité au titre du contrat à durée déterminée conclu pour la période du 10 octobre au 31 décembre 2015.
La violation de cette règle doit être sanctionnée par la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et ce à compter du 10 octobre 2015.
Il sera alloué à Madame [D] une indemnité de requalification égale à 1 mois de salaire, soit la somme de 1.912 euros.
Sur la nullité de la rupture
Dès lors que Madame [D] était en réalité liée à la RTM par un contrat de travail à durée indéterminée, il incombait à l’employeur qui souhaitait mettre un terme au contrat, d’engager une procédure de licenciement.
A défaut en l’espèce de procédure de licenciement initiée par la RTM à l’encontre de Madame [D], la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [D] soutient que le licenciement est en réalité nul car fondé sur un motif discriminatoire.
Sur la discrimination
Madame [D] invoque une discrimination sur le fondement de l’article L.1132-1 du code du travail qui prohibe toute rupture de contrat de travail à raison de la situation de famille ou de la grossesse et soutient que la société RTM ne souhaitait plus compter dans ses effectifs une salariée ne pouvant travailler que le matin, pour cause d’allaitement.
Elle présente les éléments de faits suivants :
-Alors que l’employeur n’était pas ‘insatisfait de ses fonctions’ pour lui avoir accordé le bénéfice de plusieurs contrats à durée déterminée au sein de la RTM pour de longues périodes, le fait que la rupture de la période d’essai intervienne seulement 4 jours après l’avis du médecin du travail imposant un aménagement du poste avec des horaires uniquement le matin pour cause d’allaitement, démontre l’existence d’une discrimination au sens de l’article L1132-1 du code du travail;
-contrairement à son affirmation, l’employeur n’a pas respecté les préconisations du médecin du travail car il l’a contrainte à travailler les après-midi des 11 et 13 avril 2017, n’ayant été positionnée le matin que le vendredi 14 avril 2017,
-il ne démontre pas en quoi son travail ne donnait pas satisfaction pour rompre son contrat de travail.
Madame [D] produit les éléments suivants :
-le contrat à durée déterminée du 15 juin 2015 au 31 août 2015,
-le contrat à durée déterminée du 9 avril 2017 au 31 août 2017,
-la fiche d’aptitude médicale du médecin du travail du 10 avril 2017 lors de l’embauche en qualité de vérificateur précisant ‘sur horaire du matin seulement. Salariée allaitante’,
-la lettre de la RTM du 14 avril 2017 mettant un terme à sa période d’essai au motif ‘que l’essai n’a pas donné satisfaction’,
-le planning du mois d’avril 2017 sur lequel elle est mentionnée comme ayant travaillé les mardi 11, jeudi 13 et vendredi 14 durant 7,32 heures.
Madame [D] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en raison de sa situation de famille (maternité).
En réponse la société RTM fait valoir :
-qu’elle n’a jamais discriminé Madame [D] en raison de sa situation de famille ou de son état de grossesse ; qu’elle a en effet signé un nouveau contrat de travail à durée déterminée alors qu’elle avait pleinement connaissance de la situation de famille de la salariée – enfant né en septembre 2016 – et alors même que cette salariée avait été en congé prénatal pour grossesse pathologique durant les derniers mois du précédent CDD en 2016,
-qu’elle a respecté les préconisations du médecin du travail liées à l’allaitement puisque Madame [D] a travaillé 3 journées complètes les 11, 13 et 14 avril 2014 en étant positionnée le matin de 5h41 à 13h,
-que Madame [D] ne conteste pas avoir pu allaiter son enfant,
-qu’elle a mis fin à la période d’essai, en respectant le délai de prévenance de 7 jours, car elle était insatisfaite de ses prestations, étant certainement moins motivée depuis sa nouvelle situation familiale.
Outre le CDD du 7 avril 2017 et la lettre de rupture de la période d’essai, la RTM produit :
-le calendrier d’activité individuel de Madame [D] en avril 2017
-le tableau ‘position journée’ du 14 avril 2017 de 5h41 à 13h00.
Il résulte de la succession des contrats de travail à durée déterminée signés avec Madame [D] que la RTM était satisfaite de ses prestations, puisqu’elle l’a réembauchée à trois reprises.
Or, après l’avoir embauchée par contrat du 7 avril 2017 pour une période du 9 avril au 2 septembre 2017, la société RTM a mis un terme à sa période d’essai le 14 avril 2017, soit 4 jours seulement après l’établissement par le médeccin du travail, d’une fiche d’aptitude lui imposant de fixer à Madame [D] des horaires le matin uniquement, en raison de l’allaitement de son enfant.
Alors, que Madame [D] explique qu’elle a travaillé les après-midi les journées des mardi 11 et jeudi 13 avril en contradiction avec les préconisations du médecin du travail, la Régie RTM ne justifie avoir positionnée la salariée le matin que pour la journée du 14 avril 2017 et n’est pas en mesure de justifier avoir respecté les horaires du matin les 11 et 13 avril 2017.
La RTM qui soutient que la salariée ne donnait pas satisfaction dans l’exercice de ses fonctions, n’apporte aucun élément objectif permettant de l’établir.
Il en résulte que la Régie RTM échoue à démontrer que les faits ainsi présentés par Madame [D] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La discrimination est établie.
En application de l’article L.1132-4 du code du travail, le licenciement intervenu dans ces circonstances est nul.
Sur les demandes indemnitaires
Madame [L] [D] est en droit de percevoir une indemnité de préavis d’un mois, soit la somme de 1912 euros, outre 191,20 euros au titre des congés payés y afférents.
En l’état de la requalification de la relation de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2015, Madame [D] avait au moment de la rupture de son contrat, une ancienneté d’1 an et 6 mois, de sorte qu’elle est en droit de solliciter le paiement de l’indemnité légale de licenciement correspondant à 1/5ème de mois de salaire par année d’ancienneté, ce qui correspond, pour un salaire moyen de 1.912 euros, à la somme de 701 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
Sur les dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat
La date de la rupture du contrat de travail de Madame [D] est le 14 avril 2017, soit antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 septembre 2017, instituant un barème obligatoire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Lorsqu’un licenciement est nul et que le salarié ne demande pas sa réintégration, il a droit à l’indemnisation de son préjudice par l’octroi d’une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire.
Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (29 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (1 an et 6 mois), de sa rémunération mensuelle moyenne (1.9120 euros bruts), des circonstances de la rupture mais également de l’absence de justification d’une situation de chômage, l’employeur versant aux débats le profil linkedin de la salariée montrant qu’elle occupe un poste de secrétaire médicale depuis le mois de septembre 2017, il convient d’accorder à Madame [D] la somme de 11.500 à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul fondé sur une discrimination en raison de la maternité.
Sur les intérêts
Il y a lieu de dire que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes.
Sur la production des documents
Il convient de dire que la Régie RTM devra transmettre à Madame [L] [D] une attestation pôle emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 2.000 euros à Madame [D].
L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement du Conseil des Prud’hommes de Marseille en date du 04 mars 2019 en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Requalifie la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 10 octobre 2015,
Condamne La Régie des Transports Métropolitains (RTM) à payer à Madame [L] [D] une indemnité de requalification d’un montant de 1.912 euros,
Dit que la rupture de la relation contractuelle s’analyse en un licenciement,
Dit que le licenciement est nul car fondé sur un motif discriminatoire,
Condamne La Régie des Transports Métropolitains (RTM) au paiement des sommes suivantes :
-1.912 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
-191,20 euros au titre des congés payés sur préavis
-701 euros au titre de l’indemnité de licenciement
-11.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes,
Ordonne la délivrance des bulletins de paie et de l’attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt et rejette la demande d’astreinte,
Condamne La Régie des Transports Métropolitains (RTM) à payer à Madame [L] [D] une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne La Régie des Transports Métropolitains (RTM) aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction