CDD pour accroissement d’activité : décision du 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00244
CDD pour accroissement d’activité : décision du 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00244

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00244 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHFA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – Section Encadrement – RG n° F16/00415

APPELANT

Monsieur [U] [N]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON, toque : 1016

INTIMÉE

SA ASL AIRLINES FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0105

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [U] [N] a intégré la compagnie aérienne Europe Airpost, aux droits de laquelle la société ASL Airlines se trouve actuellement, par contrats de stage de formation et de perfectionnement à compter du 9 avril 2009 ; il a ensuite alterné trois contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité en qualité de pilote de ligne et des contrats de stage de formation et de perfectionnement, jusqu’au 31 octobre 2011.

La relation de travail est régie par un accord d’entreprise du personnel technique navigant.

Le 2 février 2016, Monsieur [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny et formé une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée et des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail. L’affaire a été radiée puis rétablie.

Par jugement du 1er octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny statuant en formation de départage, a fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée, a dit que la rupture du 31 octobre 2011 constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la société ASL Airlines à payer à Monsieur [N] les sommes suivantes et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

– indemnité de requalification : 6.013,83 € ;

– indemnité compensatrice de préavis : 18 041,50 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 2 255,19 € ;

– indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 000 € ;

– indemnité conventionnelle de licenciement : 15 034,57 € ;

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 36.082,99 € ;

– les intérêts au taux légal avec capitalisation ;

– indemnité pour frais de procédure : 1 000 € ;

– les dépens ;

– le conseil a également ordonné la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes.

Monsieur [N] a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 janvier 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 octobre 2020, Monsieur [N] demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité de requalification à un mois de salaire, rejeté les demandes de rappel de salaire et congés payés afférents, et l’indemnité de reconstitution de carrière, ainsi que ses autres demandes, la confirmation du jugement en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée du 9 avril 2009 au 11 octobre 2011, en ce qu’il a jugé que le terme du dernier contrat à durée déterminée emporte les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il demande la condamnation de la société ASL Airlines à lui payer les sommes suivantes :

A TITRE PRINCIPAL :

– indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 6 013,83 € ;

– indemnité compensatrice de préavis : 18 041,50 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 2 255,19 € ;

– indemnité conventionnelle de licenciement : 15 075,77 € ;

– indemnité pour rupture injustifiée : 36 082,99 € ;

– rappel de salaires : 69 200,26 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 8 765,16€ ;

– indemnité de reconstitution de carrière : 30 069,16 € ;

– indemnité de requalification : 6 013,83 € ;

SUBSIDIAIREMENT :

– indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 6 013,83 € ;

– indemnité compensatrice de préavis : 18 041,50 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 2 255,19 € ;

– indemnité conventionnelle de licenciement : 15 075,77 € ;

– indemnité pour rupture injustifiée : 36 082,99 € ;

– indemnité de requalification 108 034,58 € brut ;

En tout état de cause, il demande :

– la confirmation du jugement concernant les intérêts et leur capitalisation ;

– la condamnation de l’entreprise à lui remettre les bulletins de salaire et documents de rupture rectifiés en fonction de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision de première instance ;

– ainsi qu’à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 8 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l’argumentation adverse, Monsieur [N] expose que :

– les contrats à durée déterminée ne précisent pas suffisamment leurs motifs de recours et la société ASL Airlines ne rapporte pas la preuve de la réalité de ces motifs ; contrairement à ce qu’elle soutient, il n’a pas été embauché dans le cadre d’une activité saisonnière ; en réalité, la conclusion de contrats à durée déterminée constitue le mode de recrutement habituel de la compagnie ;

– il a été maintenu à la disposition de son employeur entre deux contrats à durée déterminée, les stages effectués pendant ces périodes intercalaires étant en réalité destinés à le maintenir à disposition ;

– il est fondé à demander la reconstitution de sa carrière depuis le début de son embauche, et notamment d’être indemnisé pour n’avoir pu, pendant les périodes séparant chaque contrat de travail à durée déterminée, progresser, et devenir notamment commandant de bord au sein de la Compagnie ;

– à titre subsidiaire, s’il devait être estimé qu’il n’est pas resté à disposition de l’employeur entre deux contrats à durée déterminée, l’indemnité de requalification doit l’indemniser du préjudice résultant de la mauvaise qualification initiale de son contrat.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 29 juin 2020, la société ASL Airlines demande l’infirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la requalification de la relation contractuelle et en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de ses autres demandes, et la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €.

A titre subsidiaire, elle demande la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de ses demandes de rappels de salaires pour les périodes interstitielles et de congés payés afférents, de ses demandes indemnitaires au titre de la reconstitution de carrière, ainsi que la réduction du montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant n’excédant pas 18 041,50 €. Elle fait valoir que :

– le recours aux contrats à durée déterminée était justifié par un accroissement temporaire d’activité, dont elle rapporte la preuve, alors que les tâches de Monsieur [N] ne correspondaient pas à une activité permanente ; elle a respecté les périodes de carence entre contrats à durée déterminée, pendant lesquelles Monsieur [N] accomplissait des stages obligatoires ;

– à titre subsidiaire, Monsieur [N] n’est pas fondé à obtenir paiement de ses salaires pendant les périodes interstitielles car il ne rapporte pas la preuve de s’être tenu à disposition de son employeur durant ces périodes, ayant parfaitement connaissance des périodes pour lesquelles la compagnie était susceptible de faire appel à lui et ayant perçu des indemnités de chômage pendant ces périodes ;

– pour les mêmes raisons, Monsieur [N] ne peut solliciter l’indemnisation d’un préjudice de reconstitution de carrière ;

– il ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé le licenciement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS

Sur la demande de requalification de la relation contractuelle

Aux termes de l’article L. 1221-2 du code du travail, le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail.

Aux termes de l’article L. 1242-12 du même code, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.

Aux termes de l’article L. 1242-2 du code du travail, un contrat à durée déterminée peut être conclu pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.

Aux termes de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Aux termes de l’article L.1245-1 du même code, est réputé contrat à durée indéterminée, tout contrat de travail conclu en méconnaissance de ces dispositions.

Il résulte des dispositions de l’article 1315 alinéa 2 du code civil qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.

En l’espèce, Monsieur [N] soutient que les motifs de recours aux contrats à durée déterminée qu’il a signés (à savoir un « surcroît d’activité lié à la réalisation de nouvelles lignes provisoires de transport de passagers ») ne sont pas précisément définis, puisqu’ils ne détaillent pas lesdites lignes provisoires ayant déterminé son embauche à titre précaire, relevant que ce même motif a été avancé deux années de suite. Il estime que l’employeur ne démontre pas l’existence chaque année de nouvelles lignes provisoires de passagers, pas plus que son affectation sur lesdites lignes, et souligne la politique de la société intimée, recourant à des motifs aussi opaques qu’illégaux pour s’assurer de sa « libre disposition» de pilotes à qui elle faisait miroiter un emploi stable, en faisant payer les périodes entre deux contrats par la collectivité et en s’octroyant toute latitude pour mettre fin à la relation de travail en fonction des fluctuations du marché. Il sollicite donc la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

La société ASL Airlines réplique qu’aucune requalification n’est encourue en l’espèce, les contrats à durée déterminée avec Monsieur [N] étant justifiés par un accroissement temporaire d’activité, lié à la réalisation de nouvelles lignes provisoires de transport de passagers. Elle indique que le surcroît d’activité est attesté par l’effectif du personnel navigant technique en augmentation importante de 2007 à 2010, par un nombre accru d’heures de vol pendant la période de recours aux contrats à durée déterminée et l’augmentation cyclique du trafic aérien pendant les périodes estivales, depuis que son activité cargo est en recul par rapport à son activité transport de passagers, ce qui induit une fréquence accrue de rotation des appareils. En raison des variations importantes de son activité, et n’ayant pas en début d’année de visibilité précise sur le trafic annuel, elle se dit contrainte à ces recrutements précaires, Monsieur [N] ayant eu des tâches ne correspondant pas à son activité permanente. Elle souligne qu’il n’y a pas eu de succession ininterrompue de contrats à durée déterminée, que la relation de travail a été discontinue, chaque contrat étant séparé de périodes non travaillées ne correspondant pas à des congés et que les missions étaient strictement temporaires. Pour conclure à l’infirmation du jugement entrepris, la société intimée rappelle qu’un employeur peut recourir à des contrats à durée déterminée pour son activité habituelle, qu’il n’est pas nécessaire que l’accroissement d’activité soit exceptionnel et qu’il importe peu que la recrue accomplisse des tâches en lien direct avec l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Les contrats de travail souscrits par Monsieur [N] stipulent comme motif un « surcroît d’activité lié à la réalisation de nouvelles lignes provisoires de transport de passagers ».

La société ASL Airlines verse aux débats des tableaux d’effectifs du personnel navigant technique, montrant un accroissement important de leur nombre, des tableaux d’heures de vol reflétant leur augmentation, ainsi que des tableaux de cycles et d’heures de vol dépendant de l’activité de transport de passagers, désormais dominante sur l’activité postale, et les variations considérables d’activité qu’elle induit, confirmant l’augmentation saisonnière (entre avril et septembre) du flux de passagers sur plusieurs années consécutives, comme l’a relevé le jugement de première instance,

Cependant, elle ne démontre pas, aux périodes d’emploi de Monsieur [N], la « réalisation de nouvelles lignes provisoires de passagers » pouvant justifier son recrutement.

En outre, le tableau des chiffres d’affaires des 20 principaux clients de la compagnie aérienne reste inopérant pour faire cette démonstration.

La preuve de la réalité du motif de recours aux contrats de travail à durée déterminée litigieux – motif reproduit de façon strictement similaire sur les contrats concernés, sans aucune précision particulière – n’est donc pas rapportée, en l’espèce, pas plus que le caractère « temporaire » du prétendu accroissement d’activité.

Par ailleurs, la société ASL Airlines ne saurait invoquer son activité saisonnière de transport de passagers, dans la mesure où elle a choisi de souscrire un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité et non un contrat saisonnier avec Monsieur [N].

Au surplus, plusieurs attestations émanant de salariés ou d’anciens salariés de la compagnie Europe Airpost, devenue ASL Airlines, produites aux débats par Monsieur [N], sont concordantes quant à la pratique de la société de recruter initialement en contrat à durée déterminée, quelles que soient les affectations des pilotes sur des vols cargo ou sur des lignes passagers, pour le même motif que mentionné sur les contrats de l’appelant, puis de proposer à certains seulement un contrat à durée indéterminée.

Dans ces conditions, à défaut de démonstration de la réalité du motif de recours aux contrats litigieux, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 9 avril 2009.

Sur les demandes afférentes à la rupture de la relation contractuelle

Du fait de la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations constitue un licenciement, qui est dépourvu de cause réelle et sérieuse faute de lettre de licenciement conforme aux dispositions de l’article L. 1232-1 du code du travail.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qui concerne l’indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement, dont les montants ne sont pas contestés, en application des dispositions des articles 7.1.1et 7.2 du titre VIII de l’accord d’entreprise.

L’entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur [N], qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur [N], âgé de 45 ans, comptait environ 2 ans et demi d’ancienneté. Il ne produit aucun élément relatif à sa situation à la suite de la rupture du contrat de travail.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 6 013,83 euros.

Le conseil de prud’hommes, au vu des éléments de la cause, (ancienneté du salarié, âge, perspectives pour retrouver un emploi, niveau de rémunération), a procédé à une exacte appréciation du préjudice de Monsieur [N] en fixant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 36 082,99 euros.

Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, l’indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement n’est due que lorsque le licenciement comporte une cause réelle et sérieuse. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande

Enfin, sur le fondement de l’article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l’employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.

Sur la demande de rappel de salaires relative aux périodes interstitielles

La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, ce dont il résulte que le salarié engagé par plusieurs contrats à durées déterminées non successifs faisant l’objet d’une requalification en contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il établit s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’espèce, ayant conclu trois contrats à durée déterminée non successifs pendant 2 ans et demi, soit 915 jours, Monsieur [N] réclame paiement de la rémunération qu’il n’a pas perçue pour les périodes interstitielles, au cours desquelles il était contraint de suivre des stages satisfaisant aux exigences réglementaires mais également aux règles internes de la compagnie, sous peine de devoir reprendre la formation initiale. L’appelant souligne que les stages suivis entre deux contrats étaient moins longs et moins coûteux que les stages initiaux puisqu’ils avaient pour objet de maintenir les pilotes opérationnels, et qu’il était ainsi, comme ses collègues, dans ce secteur très concurrentiel, incité à ne pas travailler pour une autre compagnie, restant indéfiniment opérationnel pour la société intimée et dépendant d’elle.

La société ASL Airlines conclut à la confirmation du jugement qui a relevé que le salarié ne rapportait pas la preuve de s’être tenu à la disposition de son employeur pendant les périodes interstitielles et, à supposer acquise la requalification, souligne que l’appelant ne peut prétendre à la requalification des contrats conclus en remplacement de salariés, dont la validité n’est pas contestée. Elle relève qu’il connaissait parfaitement les périodes pour lesquelles il était susceptible d’être sollicité pour travailler, souligne qu’il a perçu des indemnités notamment de chômage lesquelles devraient alors être retranchées.

Monsieur [N] produit un courrier de la direction des ressources humaines de la société Europe Airpost du 27 janvier 2012 lui indiquant que son activité pour la saison 2012 ne lui permettait pas de l’intégrer dans ses effectifs, mais lui proposant un stage pour « proroger/renouveler son LPC » et « garantir son employabilité ».

Ce document ne saurait démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes inter-contrats. Au surplus, la lecture de ce courrier permet de retenir que, corrélativement à son possible assujettissement aux desiderata de la société devenue ASL Airlines par le biais de stages de formation plus ou moins longs, l’intéressé a manifestement tiré parti de la politique de cette compagnie, en bénéficiant de simples remises à niveau et en se trouvant de fait plus rapidement « employable ».

La situation dans laquelle se trouvait Monsieur [N], choisie et non subie, ne saurait être considérée comme équivalente à son maintien à la disposition de la société intimée.

Le jugement de première instance, qui a rejeté la demande de rappel de salaire et les congés payés afférents, doit donc être confirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de requalification

Monsieur [N] est fondé à percevoir l’indemnité de requalification prévue par l’article L. 1245-2 du code de travail, au moins égale à un mois de salaire, soit en l’espèce la somme de 6 013,83 euros.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

Sur l’indemnité de reconstitution de carrière

La succession de contrats à durée déterminée, entrecoupée de périodes d’inactivité, a eu des conséquences sur le plan financier et sur l’avancement de la carrière de Monsieur [N] et lui a causé un préjudice qu’il convient d’évaluer à 10 000 euros, en l’absence de pièces produites relatives à sa situation actuelle.

Sur les autres demandes

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes à la décision, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société ASL Airlines à payer à Monsieur [N] une indemnité de 1 000 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de la condamner au paiement d’une indemnité de 1 500 euros en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a ordonné la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 9 avril 2009, en ce qu’il a dit que la rupture du 31 octobre 2011 constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la société ASL Airlines à payer à Monsieur [U] [N] les sommes suivantes :

– indemnité de requalification : 6.013,83 € ;

– indemnité compensatrice de préavis : 18 041,50 € ;

– indemnité de congés payés afférente : 2 255,19 € ;

– indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement : 1 000 € ;

– indemnité conventionnelle de licenciement : 15 034,57 € ;

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 36.082,99 € ;

– les intérêts au taux légal avec capitalisation ;

– indemnité pour frais de procédure : 1 000 € ;

– les dépens ;

Confirme également le jugement en ce qu’il a ordonné la remise d’un bulletin de salaire récapitulatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle Emploi, conformes ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Condamne la société ASL Airlines à payer à Monsieur [U] [N] une indemnité de reconstitution de carrière de 10 000 € ;

Y ajoutant ;

Condamne la société ASL Airlines à payer à Monsieur [U] [N] une indemnité pour frais de procédure de 1 500 € ;

Ordonne le remboursement par la société ASL Airlines des indemnités de chômage versées à Monsieur [U] [N] dans la limite de six mois d’indemnités ;

Rappelle qu’une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle Emploi ;

Déboute Monsieur [U] [N] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société ASL Airlines de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel ;

Condamne la société ASL Airlines aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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