CDD pour accroissement d’activité : décision du 24 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00326
CDD pour accroissement d’activité : décision du 24 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00326

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 24 JANVIER 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00326 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBHYK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BOBIGNY – RG n° 16/00411

APPELANT

Monsieur [E] [U]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Olivier SINELLE, avocat au barreau de TOULON, toque : 1016

INTIMEE

SA ASL AIRLINES FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0105

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Victoria RENARD, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [E] [U], né en 1969 a effectué un stage de formation et de perfectionnement professionnel du 16 au 26 mars 2009, puis du 3 au 7 avril 2009 au sein de la SA Europe Airpost devenue la SA ASL Airlines.

Il a ensuite été engagé par cette société par un contrat de travail à durée déterminée en qualité de pilote de ligne, du 14 avril au 31 octobre 2009 puis a signé deux nouveaux contrats de stage de formation et perfectionnement du 2 au 3 février 2010, puis du 17 au 18 février 2010.

Il a de nouveau été engagé par un contrat à durée déterminée du 1er mars au 30 septembre 2010 en qualité d’officier pilote de ligne puis il a signé deux nouveaux contrats de stage de formation et perfectionnement, pour les périodes du 15 au 17 février 2011, puis du 24 au 25 février 2011.

Il a enfin été engagé pour un contrat à durée déterminée 22 mars au 22 septembre 2011, dernier jour travaillé.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à l’accord collectif d’entreprise du personnel technique navigant.

Sollicitant la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et diverses indemnités consécutives à la rupture du contrat, M. [E] [U] a saisi le 02 février 2016 le conseil de prud’hommes de Bobigny, qui, par jugement rendu par sa formation de départage du 1er octobre 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– Requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus entre M. [E] [U] et la société ASL Airlines de contrat à durée indéterminée à compter du 14 avril 2009,

– Dit que la rupture de la relation contractuelle le 22 septembre 2011 a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamne en conséquence la société ASL Airlines à payer à M. [U] les sommes de:

avec intérêts à taux légal à compter du 05 février 2016 :

– 5.891,04 euros au titre d’indemnité de requalification,

– 17.673,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 2.229,14 euros à titre de congés payés afférents,

– 1.000 euros à titre d’indemnité pour procédure irrégulière,

– 14.380,59 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

avec intérêts à taux légal à compter du jugement :

– 35.346,24 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Ordonne la capitalisation des intérêts échus en application de l’article 1343-2 du Code civil,

– Ordonne la remise à M. [U] d’un bulletin de salaire récapitulatif, d’une attestation pôle emploi et d’un certificat de travail du 14 avril 2009 au 22 septembre 2011, conformes au présent jugement,

– Déboute M. [U] de ses demandes de rappel de salaire, de congés payés afférents et d’indemnité de reconstitution de carrière,

– Déboute les parties de toute autre demande, fin ou prétention plus ample ou contraire,

– Condamne la société ASL Airlines à régler la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la société ASL Airlines aux dépens,

– Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 09 janvier 2020, M. [U] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 17 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2021, M. [U] demande à la cour de :

– réformer le jugement déféré en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité de requalification à un mois de salaire, rejeté les demandes de rappel de salaire et congés payés afférents, et l’indemnité de reconstitution de carrière, ainsi que toutes autres demandes, fins prétentions plus amples ou contraires,

en conséquence :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation de travail de l’appelant et la société Europe airport, devenue la société ASL Airlines France, en une relation de travail à durée indéterminée du 14 avril 2009 au 22 septembre 2011,

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit et jugé que le terme du dernier contrat à durée déterminée emporte les conséquences d’une rupture sans motif d’un contrat à durée indéterminée et sans mise en ‘uvre de la procédure de licenciement,

à titre principal :

– condamner la société ASL Airlines France à payer :

– non respect de la procédure 5 891,04 euros 1 mois,

– indemnité compensatrice de préavis 17 673,11 euros brut 3 mois,

– indemnité de CPP sur préavis 2 209,14 euros brut 11,25 j,

– indemnité de licenciement 14 380,59 euros 2,44 mois,

– indemnité pour rupture injustifiée 35 346,22 euros 6 mois,

– rappel de salaires 56 941,31 euros brut 294 jours,

– CP sur rappel de salaires 7 020,16 euros brut 36,25 j,

– indemnité de reconstitution de carrière 29 455,19 euros 5 mois,

– indemnité de requalification 5 891,04 euros 1 mois,

total : 174 807,80 euros.

Subsidiairement :

– condamner la société ASL Airlines France à payer :

– non respect de la procédure 5 891,04 euros 1 mois,

– indemnité compensatrice de préavis 17 673,11 euros brut 3 mois,

– indemnité de CPP sur préavis 2 209,14 euros brut 11,25 j,

– indemnité de licenciement 14 380,59 euros 2,44 mois,

– indemnité pour rupture injustifiée 35 346,22 euros 6 mois,

– indemnité de requalification 93 416,66 euros,

total : 168 916,76 euros.

En tout état de cause :

– confirmer le jugement déféré concernant les intérêts et leur capitalisation annuelle,

– condamner la société ASL Airlines France à remettre les bulletins de salaire et documents de rupture rectifiés en fonction de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision de première instance,

– dire et juger la société ASL Airlines France irrecevable et pour le moins infondée en ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société ASL Airlines France à payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens, dont ceux d’appel distraits au profit de Maître Olivier Sinelle, avocat, sur son offre de droits, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 juin 2020, la société ASL Airlines France demande à la cour de :

– dire la société ASL Airlines recevable en ses écritures, la disant bien fondée,

à titre principal,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– requalifié les contrats à durée déterminée conclus avec M. [U] en contrats à durée indéterminée,

– condamné la société ASL Airlines au paiement de différentes sommes découlant de cette requalification,

et statuant à nouveau ,

– débouter M. [U] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [U] à payer à la société ASL Airlines la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [U] aux entiers dépens.

Subsidiairement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté M. [U] de ses demandes de rappels de salaires pour les périodes interstitielles et de congés payés afférents,

– débouté M. [U] de ses demandes indemnitaires au titre de la reconstitution de carrière ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– condamné la société ASL Airlines à payer à M. [U] la somme de 35. 346, 24 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et statuant nouveau :

– réduire les montants alloués à M. [U] de ce chef à un montant n’excédant pas 17.673, 12 euros,

– statuer sur ce que de droit quant aux frais et dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la requalification de la relation de travail

M. [U] expose que c’est à bon droit que les premiers juges ont requalifié sa relation de travail en raison du renouvellement irrégulier de son premier contrat à durée déterminée, de la régularisation de son dernier contrat de travail plus de deux jours après l’embauche et de l’absence de précision du motif de recours, la mention « afin d’assurer le surcroît d’activité lié à la réalisation de nouvelles lignes de transports de passagers » en l’absence de détail des lignes concernées, motif avancé trois années de suite. Il ajoute que l’employeur ne justifie pas de l’ouverture chaque année de nouvelles lignes de passagers ni qu’il y a été affecté, dénonçant la politique de ce dernier de recourir à des motifs aussi opaques qu’illégaux pour s’assurer de la libre disposition de pilotes en leur faisant miroiter un emploi stable avec une prise en charge par la collectivité des périodes inter contrats et en s’octroyant la possibilité de mettre un terme librement à la relation de travail.

Pour infirmation du jugement déféré, la société ASL Airlines réplique qu’aucune requalification n’est encourue puisqu’en 2015 la loi a autorisé deux renouvellements de contrats à durée déterminée à condition de ne pas dépasser la durée maximum autorisée, ce qui valide les contrats litigieux. Elle ajoute qu’en réalité, M. [U] a signé son contrat de travail le 11 mars 2011 soit 11 jours avant son embauche effective.Elle indique en outre que les contrats à durée déterminée avec M. [U] étaient justifiés par un accroissement temporaire d’activité, lié à la réalisation de nouvelles lignes provisoires de transport de passagers. Elle précise que le surcroît d’activité est attesté par l’effectif du personnel navigant technique (PNT) en augmentation importante de 2007 à 2010, par un nombre accru d’heures de vol (HDV) pendant la période de recours aux contrats à durée déterminée et l’augmentation cyclique du trafic aérien pendant les périodes estivales, depuis que son activité cargo est en recul par rapport à son activité transport de passagers, ce qui induit une fréquence accrue de rotation des appareils. En raison des variations importantes de son activité, et n’ayant pas en début d’année de visibilité précise sur le trafic annuel, elle se dit contrainte à ces recrutements précaires, M. [U] ayant eu des tâches ne correspondant pas à son activité permanente. Elle souligne qu’il n’y a pas eu de succession ininterrompue de contrats à durée déterminée, que la relation de travail a été discontinue, chaque contrat étant séparé de périodes non travaillées ne correspondant pas à des congés et que les missions étaient strictement temporaires. Elle rappelle enfin qu’un employeur peut recourir à des contrats à durée déterminée pour son activité habituelle, qu’il n’est pas nécessaire que l’accroissement d’activité soit exceptionnel et qu’il importe peu que la recrue accomplisse des tâches en lien direct avec l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En application des dispositions des articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour une tâche précise et temporaire et seulement pour l’un des motifs énumérés à l’article L. 1242-2, dans sa rédaction applicable au litige, ce motif devant être énoncé dans le contrat.

Aux termes de l’article L. 1245-1, dans sa rédaction applicable au litige, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions susvisées.

L’article L 1242-2 du même code dispose que ‘ sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise […]’

En l’espèce, les contrats de travail souscrits par M. [U] stipulent comme motif un ‘ surcroît d’activité lié à la réalisation de nouvelles lignes provisoires de transport de passagers’ pour les trois contrats ainsi que les avenants de renouvellement du premier contrat.

Il convient de relever que si la société ASL Airlines verse aux débats des tableaux d’effectifs du personnel navigant technique pour les exercices 2007 à 2010, montrant un accroissement important de leur nombre, des tableaux d’heures de vol pour la même période reflétant leur augmentation d’avril à octobre, ainsi que des tableaux de cycles et d’heures de vol dépendant de l’activité de transport de passagers, désormais dominante sur l’activité postale, et les variations considérables d’activité qu’elle induit, confirmant l’augmentation saisonnière (entre avril et septembre) du flux de passagers sur plusieurs années consécutives, comme l’a relevé le jugement de première instance, force est de constater qu’elle ne démontre pas, aux périodes d’emploi de M. [U], la ‘réalisation de nouvelles lignes provisoires de passagers’ pouvant justifier son recrutement et auxquelles il aurait été affecté.

En outre, le tableau des chiffres d’affaires des 20 principaux clients de la compagnie aérienne reste inopérant pour faire cette démonstration.

La preuve de la réalité du motif de recours aux contrats de travail à durée déterminée litigieux

– motif reproduit de façon strictement similaire sur les contrats concernés, sans aucune précision particulière – n’est donc pas rapportée, en l’espèce, pas plus que le caractère ‘temporaire’ du prétendu accroissement d’activité.

Par ailleurs, la société ASL Airlines ne saurait invoquer son activité saisonnière de transport de passagers, dans la mesure où elle a choisi de souscrire un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité et non un contrat saisonnier avec M. [U].

Au surplus, plusieurs attestations, conformes aux règles de forme prescrites par l’article 202 du code de procédure civile, émanant de salariés ou d’anciens salariés de la compagnie Europe Airpost, devenue ASL Airlines, produites aux débats par M. [U] et non utilement contredites, sont concordantes quant à la pratique de la société de recruter initialement en contrat à durée déterminée quelles que soient les affectations des pilotes sur des vols cargo ou sur des lignes passagers, pour le même motif que mentionné sur les contrats de l’appelant, puis de proposer à certains seulement un contrat à durée indéterminée.

Dans ces conditions, à défaut de démonstration de la réalité du motif de recours aux contrats litigieux, c’est à bon droit que la relation de travail a été requalifiée à compter du 14 avril 2009 en contrat à durée indéterminée sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, le jugement déféré est confirmé sur ce point

Sur les conséquences de la requalification

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] soutenant avoir été maintenu à la disposition de son employeur entre les trois contrats à durée déterminée couvrant une période de 2,44 ans, s’estime fondé à réclamer le paiement des périodes intercalaires séparant chaque contrat à durée déterminée à raison de 294 jours, au cours desquels il était tenu de suivre des stages moins longs et moins coûteux que les stages initiaux puisqu’ils avaient pour objet de maintenir les pilotes opérationnels, et qu’il était ainsi, comme ses collègues, dans ce secteur très concurrentiel, incité à ne pas travailler pour une autre compagnie, restant opérationnel ad nutum pour la société intimée et dépendant d’elle.

Enfin, l’appelant réclame une indemnité de reconstitution de carrière, invoquant le cas de deux collègues embauchés également en contrat à durée déterminée en 2009 et toujours salariés de la société ASL Airlines, en qualité de commandants de bord.

La société ASL Airlines conclut à la confirmation du jugement qui a relevé que le salarié ne rapportait pas la preuve de s’être tenu à la disposition de son employeur pendant les périodes interstitielles. Elle relève qu’il connaissait parfaitement les périodes pour lesquelles il était susceptible d’être sollicité pour travailler, souligne qu’il a perçu des indemnités notamment de chômage lesquelles devraient alors être retranchées.

Quant à l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en l’absence de toute précision sur les activités professionnelles actuelles du salarié ou d’éventuelles difficultés qu’il aurait rencontrées, elle demande à la cour de limiter l’indemnité à un montant n’excédant pas trois mois de salaire, par infirmation du jugement entrepris.

***

La société ASL Airlines a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à M. [U] à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée qui a été requalifié. Elle a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat, improprement qualifié par elle de contrat de travail à durée déterminée.

Cette rupture imputable à l’employeur s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de M. [U] au paiement des indemnités de rupture.

Sur les indemnités de rupture

C’est à bon droit que les premiers juges ont alloué à M. [U] les sommes suivantes :

-17.673,11 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis majorée de 2.209,14 euros (dans les limites de la demande) par application de l’article 7 de l’accord collectif d’entreprise.

-14.380,59 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement(article 7.2 de l’accord collectif d’entreprise).

En application de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance 2007-329 du 12 mars 2007, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Tenant compte de l’âge du salarié (42 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté ( deux et six mois), de ses fiches de paye et de l’absence de précision sur sa situation postérieure, son préjudice a été justement évalué par les premiers juges en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier sur le plan procédural. Ils seront confirmés.

L’application de l’article L.1235-3 du code du travail appelle celle de l’article L.1235-4 du même code qui prévoit d’ordonner à l’employeur fautif en cas de licenciement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le paiement à Pôle emploi les indemnités chômage éventuellement versées au salarié suite à son licenciement, dans la limite de 6 mois d’indemnité. Par ajout de la décision déférée, il sera ordonné à la société ASL Airlines cette prise en charge à hauteur de 6 mois d’indemnité.

Sur la demande de rappels de salaire concernant les périodes interstitielles

Le salarié engagé selon plusieurs contrats à durée déterminée et dont la relation contractuelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée qui réclame le paiement des salaires au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat doit rapporter la preuve de ce qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes interstitielles.

En l’espèce, faute pour M. [U] de rapporter la preuve de ce qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles, étant observé que c’est par son choix personnel et dans son propre intérêt pour sa propre employabilité qu’il a accepté de suivre des stages de maintien à niveau, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté sa demande de rappel de salaire pour les périodes interstitielles.

Sur l’indemnité de requalification

L’article L1245-2 alinéa 2 du code du travail prévoit une indemnité de requalification, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Pour infirmation du jugement déféré, M. [U] fait valoir que s’il devait être estimé que faute d’être demeuré « strictement » à la disposition de son employeur entre deux contrats à durée déterminée, il sollicite une indemnité de requalification égale à la rémunération inter-contrats ainsi perdue, aux congés payés y afférents et à une reconstitution de sa carrière, puisque cette indemnité a globalement pour objet de réparer le préjudice résultant de la mauvaise qualification du contrat, soit la somme de 93.416,66 euros.

La société ASL Airlines s’oppose à la demande concernant le préjudice de carrière.

Il est constant que la succession de contrats à durée déterminée, entrecoupée de périodes d’inactivité, a eu des conséquences sur le plan financier et sur l’avancement de la carrière de M. [U] ; toutefois, l’intéressé a bénéficié d’indemnités de précarité qui lui restent acquises, ainsi que d’allocations de chômage. En outre, il ne produit aucune donnée quant à sa situation professionnelle actuelle et il est constant que l’avancement des pilotes ne dépend pas que de leur ancienneté et de leur expérience, tous n’ayant pas vocation à devenir commandant de bord.

Pour tenir compte des différents préjudices invoqués et des éléments qui en sont vérifiables, il convient de fixer à 10.000 euros l’indemnité de requalification revenant à M. [U], par infirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur les autres dispositions

La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Il est ordonné la remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent arrêt sns que le prononcé d’une astreinte ne s’impose.

Partie qui succombe, la société ASL Airlines est condamnée aux dépens d’instance et d’appel, le jugement déféré étant confirmé sur ce point, dont ceux d’appel distraits au profit de Me Olivier Sinelle conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’équité commande de confirmer les dispositions du jugement déféré s’gissant de l’indemnité relevant de l’article 700 du code de procédure civile et d’allouer à ce titre à M. [U] à hauteur d’appel une somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum de l’indemnité de requalification.

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la SA ASL Airlines à payer à M. [E] [U] les sommes suivantes:

-10.000 euros à titre d’indemnité de requalification.

-2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

ORDONNE à la SA ASL Airlines le paiement à Pôle Emploi des indemnités éventuellement versées à M. [E] [U] suite à son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités.

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le conseil de prud’hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

DEBOUTE les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

CONDAMNE la SA ASL Airlines aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Olivier Sinelle, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.

 


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