CDD pour accroissement d’activité : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03768
CDD pour accroissement d’activité : décision du 23 novembre 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/03768

N° RG 21/03768 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4O7

N° RG 22/00635 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JAKR

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 23 NOVEMBRE 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugements du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE des 27 Août 2021 et 11 Février 2022

APPELANTE :

Madame [F] [V]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Karim BERBRA de la SELARL LE CAAB, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Aurélia DOUTEAUX, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

S.A.S. TOTALENERGIES RAFFINAGE FRANCE anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Perrine PIAT, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. START PEOPLE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 04 Octobre 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame ROYAL, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

en présence de Mme JANCZIK, Greffière stagiaire

DEBATS :

A l’audience publique du 04 octobre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 novembre 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 23 Novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] a été engagée par la société Start people, entreprise de travail temporaire, pour être mise à disposition de la société TotalEnergies Raffinage France, et ce, pour des contrats conclus entre le 3 avril 2018 et le 17 septembre 2020.

Par requête reçue le 22 février 2021, Mme [V] a saisi le conseil de prud’hommes du Havre aux fins de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée tant à l’égard de la société Start people que de la société TotalEnergies Raffinage France, ainsi qu’en contestation de la rupture et paiement de rappel de salaires et indemnités.

Par jugement du 27 août 2021, le conseil de prud’hommes a dit que le recours par la société TotalEnergies Raffinage France était parfaitement licite pour l’ensemble des contrats, que le non-respect du délai de carence n’entraînait pas la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée à l’égard de la société TotalEnergies Raffinage France, a débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société TotalEnergies Raffinage France et, pour le surplus des demandes, s’est déclaré en partage de voix et a renvoyé l’affaire devant le conseil de prud’hommes, statuant en sa formation de départage.

Mme [V] a interjeté appel de cette décision le 29 septembre 2021.

Par conclusions remises le 26 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [V] demande à la cour d’ordonner la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 21/03768 et RG 22/00635, d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 27 août 2021, et statuant à nouveau, de :

– requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2018 à l’égard de la société TotalEnergies Raffinage France et à compter du 5 juillet 2018 à l’égard de la société Start people,

– juger que la rupture intervenue le 17 septembre 2020 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société TotalEnergies Raffinage France à lui payer la somme de 7 000 euros nets à titre d’indemnité de requalification,

– à titre principal, si la cour prononce la requalification des contrats à l’égard des deux sociétés, les condamner in solidum à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 222,50 euros nets

indemnité compensatrice de préavis : 7 905 euros bruts

congés payés afférents : 790,50 euros bruts

indemnité de licenciement : 1 427,29 euros nets

rappel de salaire pour la période comprise du 1er au 17 mars 2019 : 1 493,16 euros bruts

congés payés afférents : 149,31 euros bruts

dommages et intérêts pour non-perception des primes d’intéressement et de participation : 5 000 euros nets

– ordonner aux sociétés TotalEnergies Raffinage France et Start people le remboursement solidaire des indemnités versées par Pôle emploi,

– à titre subsidiaire, si la cour ne prononce la requalification des contrats de mission qu’à l’égard de l’une ou l’autre des sociétés, condamner l’une ou l’autre des sociétés à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 222,50 euros nets

indemnité compensatrice de préavis : 7 905 euros bruts

congés payés afférents : 790,50 euros bruts

indemnité de licenciement : 1 427,29 euros nets

rappel de salaire pour la période comprise du 1er au 17 mars 2019 : 1 493,16 euros bruts

congés payés afférents : 149,31 euros bruts

dommages et intérêts pour non-perception des primes d’intéressement et de participation : 5 000 euros nets

– ordonner à la société TotalEnergies Raffinage France ou à la société Start people le remboursement des indemnités versées par Pôle emploi,

– en tout état de cause, faire produire aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de jugement et aux créances indemnitaires à compter du jugement, débouter les sociétés TotalEnergies Raffinage France et Start people de leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 1 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, outre 2 000 euros pour ceux exposés en appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 22 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société TotalEnergies Raffinage France demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 27 août 2021 en ce qu’il a débouté Mme [V] de ses demandes à son encontre, en conséquence, dire le recours au travail temporaire parfaitement licite, débouter Mme [V] de l’ensemble de ses demandes, et en tout état de cause, condamner Mme [V] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 31 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la société Start people demande à la cour de confirmer le jugement du 27 août 2021 en ce qu’il a débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes et en tout état de cause, de débouter Mme [V] de l’intégralité de ses demandes et la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement du 11 février 2022, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :

– rappelé que toutes les demandes de Mme [V] à l’encontre de la société TotalEnergies Raffinage France avaient été traitées par un jugement distinct de départage partiel en date du 27 août 2021,

– requalifié le contrat de travail liant Mme [V] à la société Start people en un contrat à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2018,

– dit que le licenciement de Mme [V] par la société Start people intervenu le 17 septembre 2020 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société Start people à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

indemnité légale de licenciement : 1 423,26 euros

indemnité compensatrice de préavis : 7 905 euros bruts

congés payés afférents : 790,50 euros bruts

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 7 905 euros

– débouté Mme [V] de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-perception des primes d’intéressement et de participation, ainsi que de sa demande de rappel de salaire pour la période du 1er au 17 mars 2019,

– dit que les créances de nature salariale produiraient intérêts de retard au taux légal à compter du 22 février 2021 et les créances de nature indemnitaire à compter de la mise à disposition du jugement,

– ordonné à la société Start people de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, à hauteur de trois mois,

– condamné la société Start people à payer à Mme [V] la somme de 1 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure,

– rappelé que la moyenne des trois derniers mois de salaire était de 2 600 euros et dit n’y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de celle attachée de plein droit au jugement en vertu de l’article R. 1454-28 du code du travail,

– débouté les parties de leurs autres demandes.

La société Start people a interjeté appel de cette décision le 22 février 2022.

Par conclusions remises le 12 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Start people demande à la cour d’infirmer le jugement du 11 février 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la non-perception des primes d’intéressement et de participation, ainsi que de sa demande de rappel de salaire pour la période du 1er au 17 mars 2019, et, statuant à nouveau, de débouter Mme [V] de l’intégralité de ses demandes et de ses demandes identiques et la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions remises le 11 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [V] demande à la cour d’ordonner la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 21/03768 et RG 22/00635, et de :

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 11 février 2022 en ce qu’il a :

rappelé que toutes ses demandes à l’encontre de la société TotalEnergies Raffinage France avaient été traitées par un jugement distinct de départage partiel en date du 27 août 2021,

requalifié le contrat de travail la liant à la société Start people en un contrat à durée indéterminée,

dit que son licenciement par la société Start people intervenu le 17 septembre 2020 était dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamné la société Start people à lui payer les sommes suivantes :

indemnité compensatrice de préavis : 7 905 euros bruts

congés payés afférents : 790,50 euros bruts

dit que les créances de nature salariale produiraient intérêts de retard au taux légal à compter du 22 février 2021 et les créances de nature indemnitaire à compter de la mise à disposition du jugement,

condamné la société Start people à lui payer la somme de 1 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de la procédure,

– l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de :

– requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’égard de la société Start people à compter du 5 juillet 2018, juger que la rupture intervenue le 17 septembre 2020 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Start people à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 222,50 euros nets

indemnité compensatrice de préavis : 7 905 euros bruts

congés payés afférents : 790,50 euros bruts

indemnité de licenciement : 1 427,29 euros nets

rappel de salaire pour la période comprise du 1er au 17 mars 2019 : 1 493,16 euros bruts

congés payés afférents : 149,31 euros bruts

– ordonner à la société Start people de rembourser les indemnités versées par Pôle emploi,

– condamner la société TotalEnergies Raffinage France à lui verser la somme de 7 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– en tout état de cause, faire produire aux créances salariales des intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de jugement et aux créances indemnitaires à compter du jugement, débouter les sociétés TotalEnergies Raffinage France et Start people de leurs demandes et les condamner à lui payer la somme de 1 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance, outre 2 000 euros pour ceux exposés en appel, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 12 août 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société TotalEnergies Raffinage France demande à la cour de confirmer le jugement du 11 février 2022 en ce qu’il a rappelé que toutes les demandes de Mme [V] à son encontre avaient été traitées par un jugement distinct de départage partiel en date du 27 août 2021 et en ce qu’il a débouté Mme [V] de l’ensemble de ses demandes à son encontre.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 14 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il est d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des dossiers enregistrés sous les n° RG 21/03768 et 22/00635.

1. Sur la demande de requalification à l’égard de la société Total raffinage France

Mme [V] soutient que s’il est effectivement justifié de la réalité du remplacement de M. [G] pour la période du 5 juillet au 31 décembre 2018, tel n’est plus le cas postérieurement, sachant que ce dernier est décédé dans la nuit du 22 au 23 décembre et qu’au moment de la signature des avenants ayant pour objet de prolonger ses missions pour la période du 31 décembre 2018 au 15 janvier 2019, puis au 28 février 2019, la société TotalEnergies Raffinage France ne disposait d’aucun justificatif d’absence, le dernier arrêt de travail envoyé s’arrêtant au 31 décembre 2018.

Elle considère par ailleurs qu’il n’est pas justifié qu’à l’issue de son contrat, M. [G] a effectivement été remplacé par un autre salarié de la société, aussi, et alors que le contrat qui lui a été proposé pour accroissement temporaire d’activité à compter du 18 mars 2019, a été préparé alors qu’elle remplaçait encore M. [G], elle estime que cette chronologie est la démonstration de l’absence de réel motif d’accroissement temporaire d’activité.

A cet égard, rappelant que les contrats conclus pour accroissement temporaire d’activité visaient comme motif l’augmentation des flux de facturation liés à la fin des grands arrêts de la pétrochimie 2018 et à la préparation des grands arrêts du raffinage en 2019, elle relève qu’une grande partie de ses contrats concerne une période postérieure au grand arrêt du raffinage qui a eu lieu de la mi-septembre à début décembre 2019, de telle sorte, qu’étant engagée pour faire face à la phase de préparation, la société Total raffinage France ne peut valablement invoquer, a posteriori, et sans l’avoir mentionné dans les contrats, l’activité postérieure à décembre 2019, ni davantage le grand incendie qui a touché son unité D11 ce même mois, sachant qu’en tout état de cause, les très nombreuses factures produites par la société TotalEnergies Raffinage France ne permettent pas de justifier d’une augmentation temporaire des flux de facturation pour ne porter que sur sa période d’embauche sans autre comparatif.

En réponse, la société TotalEnergies Raffinage France relève que l’ensemble des contrats tendant au remplacement de M. [G] ont été signés antérieurement à son décès, à l’exception du dernier qui avait cependant pour seul objet de modifier le taux horaire qui avait changé en début d’année, aussi, et alors qu’ils étaient à terme précis, elle rappelle qu’elle ne pouvait y mettre fin de manière anticipée au moment du décès du salarié remplacé, sachant que le poste de ce dernier a été pourvu en interne dès le 1er mars 2019.

S’agissant des contrats pour accroissement temporaire d’activité, elle explique que les grands arrêts consistent, environ tous les sept ans, à stopper l’activité de chaque unité, l’une après l’autre, afin de procéder à une large opération de maintenance et de modernisation, ce qui, au regard de l’ampleur de la mise en oeuvre, nécessite une mobilisation de tous les services, y compris de la comptabilité fournisseurs compte tenu de l’augmentation des besoins de services ou matériels externes, provenant de prestataires ou fournisseurs, ce qui conduit à un accroissement temporaire d’activité, lequel s’étale néanmoins dans le temps, ce qui explique que la surcharge de travail du service comptabilité se soit poursuivie au-delà du redémarrage de l’activité.

Aussi, outre qu’elle considère qu’il importe peu qu’il ait été noté ‘préparation des grands arrêts en 2019″ dès lors qu’elle est en mesure de justifier de la réalité d’un motif d’accroissement temporaire d’activité, en tout état de cause, elle soutient que le motif est exact dans la mesure où, en raison notamment du délai d’établissement de la facture par le fournisseur, ajouté au temps d’acheminement de ladite facture, à la résolution des workflows potentiels et au délai de comptabilisation par TGFS, la clôture comptable d’un projet de grand arrêt a généralement lieu dans un délai d’environ douze mois postérieurement au redémarrage des unités, ce qui a encore été aggravé en 2019 à raison de l’incendie qui a touché l’unité D11 en décembre 2019.

1.1 Sur la requalification des contrats conclus en remplacement d’un salarié absent

Selon l’article L. 1251-6 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée  » mission  » et seulement dans des cas limitativement énumérés, comprenant notamment l’accroissement temporaire d’activité et le remplacement d’un salarié en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

Il appartient à l’entreprise utilisatrice de justifier de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

Par ailleurs, selon l’article L. 1251-11, le contrat de mission comporte un terme fixé avec précision dès la conclusion du contrat de mise à disposition même s’il peut ne pas comporter de terme précis lorsqu’il est conclu dans certains cas précis, en ce compris le remplacement d’un salarié absent ou d’un salarié dont le contrat de travail est suspendu, le contrat étant alors conclu pour une durée minimale ayant pour terme la fin de l’absence de la personne remplacée ou la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.

En l’espèce, Mme [V] a été engagée le 5 juillet 2018 en remplacement de M. [G], et ce, du 5 au 31 juillet 2018, cette période ayant été prolongée au 4 septembre, puis au 18 septembre 2018. Un nouveau contrat a été signé, toujours pour ce même motif le 17 septembre et ce, pour la période du 19 septembre au 2 novembre 2018, prolongée au 4 décembre, puis au 30 décembre 2018.

Enfin, le 18 décembre, les parties ont conclu un nouveau contrat, toujours pour le remplacement de M. [G] pour la période du 31 décembre au 15 janvier 2019, et le 20 décembre, ce contrat a été prolongé au 28 février 2019.

M. [G] est décédé dans la nuit du 22 au 23 décembre 2018, soit postérieurement à la signature de ces contrats, étant précisé que le contrat signé en janvier 2019 avait pour seul objet la modification du taux horaire et est sans incidence dans le débat.

Comme justement relevé par la société TotalEnergies Raffinage France, il résulte de l’article L. 1251-11 précité que malgré le décès du salarié remplacé, le contrat de mission conclu pour remplacer un salarié absent comportant un terme précis doit se poursuivre à son terme.

Néanmoins, Mme [V] ne soutient pas que son contrat aurait dû prendre fin au moment du décès de M. [G] mais que les avenants signés les 18 et 20 décembre 2018 qui ont eu pour objet de prolonger la durée de sa mission, préalablement fixée au 30 décembre 2018, jusqu’au 15 janvier 2019, puis jusqu’au 28 février 2019, n’avaient pas de cause certaine au moment de leur signature dans la mesure où la société TotalEnergies Raffinage France ne disposait pas d’arrêt de travail pour la période postérieure au 31 décembre 2018, et que, de fait, elle n’en a jamais eu puisque M. [G] est décédé dans la nuit du 22 au 23 décembre 2018.

Pour autant, et alors que la société TotalEnergies Raffinage France justifie que les arrêts de travail de M. [G] étaient renouvelés de mois en mois et qu’elle n’a ainsi qu’anticipé, comme elle l’a fait à chaque renouvellement, la prolongation d’un arrêt de travail qui se poursuivait depuis de nombreux mois, il convient de retenir la réalité du motif invoqué, la société TotalEnergies Raffinage France n’ayant pu avoir connaissance du décès imminent de M. [G], étant en outre relevé qu’elle justifie de l’affectation à compter du 1er mars 2019 d’un de ses salariés au poste de comptable au sein de la division PEC/FIN/GEN avec attribution du coefficient dont bénéficiait M. [G].

1.2. Sur la requalification des contrats pour accroissement temporaire d’activité

En ce qui concerne les contrats pour accroissement temporaire d’activité, tous conclus au motif d’une augmentation des flux de facturation suite à la fin des grands arrêts de la pétrochimie en 2018 et à la préparation des grands arrêts du raffinage en 2019, si, comme justement relevé par Mme [V], son premier contrat a été préparé le 22 février 2019 pour une période d’activité prévue du 18 mars au 17 septembre 2019, il ne peut cependant en être tiré argument dans la mesure où le motif invoqué était connu à l’avance par l’employeur et qu’il apparaît d’une bonne administration d’une entreprise de faire appel à un intérimaire ayant acquis une expérience en son sein.

Au-delà de cet argument qui ne peut être retenu, il convient néanmoins d’apprécier la réalité du caractère temporaire de l’accroissement d’activité invoqué.

Afin d’en justifier, la société TotalEnergies Raffinage France produit un document présenté comme étant un extrait du logiciel SAP du coût des grands arrêts 2018 et 2019 qui, outre le caractère très partiel et peu compréhensible des données qui y sont mentionnées, et ce, même à la lumière de l’attestation de M. [Y], ne permet en tout état de cause pas d’apprécier la réalité d’un accroissement temporaire d’activité, pour ne porter que sur les chiffres de 2018 et 2019, deux années concernées par des grands arrêts.

Au-delà de ce document non probant, la société TotalEnergies Raffinage France verse aux débats un extrait des feuilles de saisie des services (FSS) établies par le service comptabilité sur la période des contrats de mission de Mme [V] et joint une attestation de M. [Y], responsable finance, lequel décrit la méthodologie utilisée pour générer le tableau récapitulatif des FSS de 2018 à 2020 pour les catégories FSS normales, FSS grands arrêts (GA), FSS pré-facturables et FSS incendie D11.

Ainsi, il indique qu’une fois les 236 048 lignes exportées sous Excel, chaque ligne a été classée dans une des catégories évoquées ci-dessus en respectant l’ordre suivant :

1/ FSS pré-facturables qui sont soumises à un traitement de masse et ne génèrent pas de travail supplémentaire notable, sans distinction si la FSS est liée à un grand arrêt, à l’incendie D11 ou aux travaux courants.

Ensuite les FSS non pré-facturables ont été classées selon les étapes 2 et 3 :

2/ FSS incencie D11, grand arrêt de 2018 ou grand arrêt de 2019 : chaque FSS d’un des projets cités préalablement est relié à un élément d’OTP (organigramme technique de projet), ce qui permet de les identifier et de les classer (n° d’OTP : 443 : grand arrêt 2018, 440-441 et 459 : grand arrêt 2019, 1N1MB25 et P20 1N 002 : incendie D11).

3/ Tous les FSS qui restent ont été classées comme FSS normales ou courantes, la date d’approbation ayant servi à les classer par année et mois.

Enfin, elle produit un récapitulatif d’une quarantaine de factures relatives aux travaux liés au plan d’action post sinistre, ainsi que trois des factures ressortant de ce récapitulatif, qui permettent de relever qu’elles ont été effectivement éditées un an après le sinistre, ce qui, sans être particulièrement probant en ce qu’une des factures démontre que la commande n’avait été passée que deux mois avant, permet néanmoins de retenir qu’il peut exister un décalage entre un événement et la facturation.

En tout état de cause, s’il résulte de ces pièces et explications qu’un certain nombre de factures approuvées pendant la période d’embauche de Mme [V] sont en lien avec les grands arrêts 2018 et 2019, mais aussi que le travail de comptabilité peut être décalé dans le temps, pour autant, et alors que toutes les factures visées issues du logiciel SAP ont une date d’approbation comprise entre mars 2019 et septembre 2020, soit la période d’embauche de Mme [V], sans qu’aucun élément de comparaison ne soit apportée par rapport au flux habituel de facturation fournisseurs, il ne peut être considéré que la société Total raffinage France rapporterait la preuve d’un accroissement temporaire de l’activité, aucune donnée ne permettant de connaître le volume de facturation fournisseurs en dehors de ces grands arrêts.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement du 27 août 2021, de dire que la société TotalEnergies Raffinage France ne justifie pas d’un accroissement temporaire d’activité et de requalifier les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à son égard à compter du 18 mars 2019.

2. Sur la demande de requalification des contrats de mission à l’égard de la société Start people

Rappelant que l’absence de mention de qualification du salarié doit conduire à la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise de travail temporaire, Mme [V] soutient qu’en ne mentionnant pas la qualité de cadre et non-cadre, la société Start people a manqué à ses obligations, sans qu’elle puisse utilement faire valoir qu’elle aurait indiqué l’emploi occupé par le salarié remplacé, et ce, d’autant que la convention collective, au demeurant non visée dans les contrats, ne fait référence qu’à des employés comptables, agents comptables ou techniciens comptables.

Elle note encore que la société Start people n’a pas respecté le délai de carence qui s’imposait à elle entre le dernier contrat conclu pour remplacement d’un salarié absent et le premier contrat conclu pour accroissement temporaire d’activité puisque seuls 17 jours calendaires se sont écoulés alors qu’il fallait un minimum de 20 jours, et ce, sans qu’elle puisse valablement invoquer le fait qu’elle n’aurait pas la visibilité nécessaire pour apprécier le respect des exigences liées au délai de carence, ni davantage l’accomplissement de missions différentes alors qu’elle a toujours exercé les mêmes fonctions de comptable et qu’elle s’occupait des factures fournisseurs.

En réponse, tout en contestant un manquement dans la rédaction du contrat visant au remplacement de M. [G] dès lors qu’il était expressément indiqué sa qualification de comptable et le coefficient dont il bénéficiait, sans qu’il soit nécessaire de préciser le statut d’agent de maîtrise qui y était attaché, la société Start people relève que Mme [V] ne peut en tout état de cause plus invoquer ce manquement dès lors qu’elle en a eu connaissance plus de deux ans avant la saisine du conseil de prud’hommes, tous les contrats visant au remplacement de M. [G] ayant été signés antérieurement au 22 février 2019.

En ce qui concerne le délai de carence, elle note qu’aucun texte ne prévoit la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée en cas de violation de celui-ci, étant au surplus relevé que tous les textes en font reposer son respect sur l’entreprise utilisatrice qui peut d’ailleurs seule le calculer depuis la modification des textes issue de l’ordonnance de septembre 2017 qui a prévu de le calculer en fonction des jours d’ouverture de l’entreprise mais aussi de l’écarter ou d’en fixer les modalités de calcul par convention ou accord de branche étendue.

Elle rappelle encore que ce délai de carence ne s’applique que si les missions accomplies sont similaires, ce dont ne justifie pas Mme [V] dès lors que les premiers contrats visaient le poste de comptable fournisseur, lequel se focalise sur les achats faits par l’entreprise auprès des fournisseurs alors que les seconds visaient le poste de comptable, lequel modélise les flux et produits d’une part et les flux financiers d’autre part, afin de donner des informations sur la situation financière de l’entreprise vis-à-vis des partenaires extérieurs, avec pour mission principale la gestion de la paie et la facturation clients, sans que le coefficient ne permette de s’assurer de la similarité des fonctions.

2.1. Sur la requalification résultant de l’absence de mention de la qualification du salarié remplacé

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Il en résulte que si le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondé sur le caractère permanent et durable de l’emploi court à compter du terme du dernier contrat de mission, tel n’est pas le cas lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, celle-ci étant connue dès la date de signature du contrat.

Aussi, et alors que tous les contrats relatifs au remplacement de M. [G] ont été signés antérieurement au 22 février 2019, soit plus de deux ans avant la saisine du conseil de prud’hommes par Mme [V], elle ne peut plus valablement solliciter la requalification de ses contrats de mission à raison du défaut de mention de la qualification appliquée.

2.2. Sur la requalification résultant d’un non-respect du délai de carence

Selon l’article L. 1235-6 du code du travail, à l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de mission, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat de mission incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements. Les jours pris en compte sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs. Sans préjudice des dispositions de l’article L. 1251-5, la convention ou l’accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice peut fixer les modalités de calcul de ce délai de carence.

Par ailleurs, selon l’article L. 1251-36-1 du code du travail, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L. 1251-36, ce délai de carence est égal au tiers de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est de quatorze jours ou plus et à la moitié de la durée du contrat de mission venu à expiration si la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements, est inférieure à quatorze jours. Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs.

Il résulte encore de l’article L. 1251-37 que, sans préjudice des dispositions de l’article L. 1251-5, la convention ou l’accord de branche étendu de l’entreprise utilisatrice peut prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu à l’article L. 1251-36 n’est pas applicable.

Enfin, selon l’article L. 1251-37-1, à défaut de stipulation dans la convention ou l’accord de branche conclu en application de l’article L. 1251-37, le délai de carence n’est pas applicable à des cas limitativement énumérés, et notamment, lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé.

Les dispositions de l’article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui sanctionnent l’inobservation par l’entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L.1251-7, L. 1251-10, L. 1251-11 L. 1251-12-1, L. 1251-30 et L. 1251-35-1 du même code, n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’oeuvre est interdite n’ont pas été respectées.

Par ailleurs, il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37-1 du code du travail que, sauf à justifier de l’existence d’une convention ou accord de branche étendu à l’entreprise utilisatrice prévoyant des cas dans lesquels le délai de carence prévu à l’article L. 1251-36 du code du travail n’est pas applicable, l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité, quand bien même le contrat le précédant aurait été conclu pour remplacement d’un salarié absent.

Aussi, lorsque l’entreprise de travail temporaire conclut un contrat de mission au motif d’un accroissement temporaire d’activité suivant un contrat de mission pour remplacement d’un salarié absent sans respect du délai de carence, elle se place hors du champ d’application du travail temporaire et la relation contractuelle existant entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire doit être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée, peu important qu’aucun texte ne sanctionne par la requalification la violation de l’interdiction de recourir à un nouveau contrat de mission pendant le délai de carence.

Enfin, et s’il est exact qu’au regard des articles L. 1251-35 et suivant du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, il existe, lorsque la convention ou l’accord de branche étendu à l’entreprise utilisatrice le prévoit, des possibilités de dérogations aux conditions d’application et aux calculs des délais de carence tels que prévus par le code du travail, il appartient à l’entreprise de travail temporaire de s’assurer auprès de l’entreprise utilisatrice, préalablement à la rédaction du contrat, de l’existence de ces dérogations, sans qu’elle puisse se retrancher derrière ces nouvelles possibilités pour écarter sa propre responsabilité, sauf à démontrer l’existence d’une information erronée donnée par l’entreprise utilisatrice.

De même, alors qu’il résulte désormais de l’article L. 1251-36 que les jours pris en compte pour calculer le délai de carence sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement utilisateurs, là aussi, il lui appartient de solliciter les informations.

En l’espèce, il ne peut qu’être constaté qu’il n’est pas invoqué la moindre convention ou accord de branche étendue à l’entreprise utilisatrice qui aurait eu pour effet de déroger aux délais de carence prévus par le code du travail.

Par ailleurs, en ce qui concerne le calcul du délai de carence, si ce ne sont plus les jours calendaires qui doivent être retenus, il apparaît néanmoins que la société TotalEnergies Raffinage France était ouverte 7j/7 et qu’ainsi, le dernier contrat ayant été conclu, prolongations comprises, du 31 décembre 2018 au 28 février 2019, soit pour une durée de 59 jours, la société Start people aurait dû respecter un délai de carence de 19 jours, or, il ne s’est écoulé que 17 jours avant la signature du contrat pour accroissement temporaire d’activité le 18 mars 2019.

Aussi, et alors qu’il est suffisamment établi que Mme [V] a exercé les mêmes fonctions lorsqu’elle remplaçait M. [G] que lorsqu’elle a été embauchée pour accroissement temporaire d’activité dès lors qu’il résulte de l’ensemble des pièces versées aux débats par la société TotalEnergies Raffinage France qu’elle a continué à s’occuper de la comptabilité fournisseurs, il convient d’ordonner la requalification des contrats de mission à l’égard de la société Start people à compter du 18 mars 2019, premier contrat irrégulier, et non à compter du 31 décembre 2018, infirmant sur ce point le jugement du 11 février 2022.

3. Sur les conséquences financières de ces requalifications

Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l’entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission, cette dernière doit être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l’exception de l’indemnité de requalification, dont l’entreprise utilisatrice est seule redevable.

3.1. Sur le rappel de salaire pour la période comprise entre le 28 février et le 18 mars 2019

Alors que les contrats de mission n’ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée qu’à compter du 18 mars 2019, il convient de débouter Mme [V] de cette demande de rappel de salaire.

3.2. Sur les sommes réclamées au titre de la rupture

Alors que la rupture du contrat de travail intervenue le 17 septembre 2020 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que Mme [V] avait alors moins de deux ans d’ancienneté lui ouvrant droit à un préavis d’un mois et qu’elle justifie de son statut de travailleur handicapé au moment du licenciement, il convient, conformément à l’article L. 5213-9 du code du travail qui prévoit le doublement de la durée du préavis, de condamner in solidum les sociétés Start people et TotalEnergies Raffinage France à lui payer la somme de 5 201,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 520,12 euros au titre des congés payés afférents, et ce, sur la base du salaire qu’elle aurait perçu si elle avait travaillé, soit 2 600,60 euros.

Par ailleurs, au vu de l’ancienneté de Mme [V], à savoir 20 mois, préavis compris, et alors que la moyenne de la rémunération la plus favorable est celle des trois derniers mois, soit 2 635,66 euros, il convient de condamner in solidum les sociétés Start people et TotalEnergies Raffinage France à lui payer la somme de 1 097,75 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Il convient également en vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail qui prévoit une indemnisation comprise entre un et deux mois pour une année complète d’ancienneté de condamner in solidum les sociétés Start people et TotalEnergies Raffinage France à payer à Mme [V] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [V] justifiant de la poursuite de la précarité de sa situation.

Enfin, conformément à l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner aux sociétés Start people et TotalEnergies Raffinage France de rembourser in solidum à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [V] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois.

3.3. Sur l’indemnité de requalification

Alors qu’il n’est pas justifié d’un préjudice particulier résultant de la requalification, il convient de condamner la société TotalEnergies Raffinage France à payer à Mme [V] la somme de 2 650 euros à titre d’indemnité de requalification.

3.4. Sur la prime de participation et d’intéressement

Rappelant qu’il existe au sein de la société TotalEnergies Raffinage France des dispositifs d’intéressement et de participation, Mme [V] estime, à défaut d’en avoir bénéficié qu’elle a subi un préjudice financier évalué à 5 000 euros.

A l’appui de sa demande, elle produit aux débats les accords de participation et d’intéressement existant au sein de la société TotalEnergies Raffinage France pour les exercices 2018-2019-2020.

Par ailleurs, en raison de la requalification en contrat à durée indéterminée, Mme [V] est considérée comme salariée de l’entreprise utilisatrice depuis le premier contrat irrégulier, soit depuis le 18 mars 2019 et elle aurait donc dû bénéficier de l’intéressement et de la participation comme les autres salariés permanents de la société TotalEnergies Raffinage France, peu important à cet égard qu’elle ait éventuellement perçu une somme de même nature de la part de la société de travail temporaire.

Aussi, et alors que seule la société TotalEnergies Raffinage France dispose des éléments permettant de calculer lesdites primes et en conséquence d’évaluer le préjudice subi par Mme [V], il convient de faire droit à la demande de cette dernière, sauf à ne condamner que la seule société TotalEnergies Raffinage France à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

4. Sur les intérêts

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.

5. Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner les sociétés Start people et TotalEnergies Raffinage France aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de les débouter de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner in solidum à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement, cette somme comprenant les frais exposés tant en première instance qu’en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des dossiers enregistrés sous les n° RG 21/03768 et 22/00635 ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 27 août 2021 sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] [V] de sa demande de rappel de salaire à l’égard de la SAS TotalEnergies Raffinage France pour la période du 1er au 17 mars 2019 ;

Infirme le jugement rendu le 11 février 2022 par le conseil de prud’hommes, statuant en sa formation de départage, sauf en ce qu’il a dit que la rupture du 17 septembre 2020 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a débouté Mme [F] [V] de ses demandes relatives au préjudice subi du fait de la non-perception des primes d’intéressement et de participation et au rappel de salaire pour la période du 1er au 17 mars 2019 à l’encontre de la SAS Start people ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Ordonne la requalification des contrats de mission conclus avec Mme [F] [V] en un contrat à durée indéterminée tant à l’égard de la SAS TotalEnergies Raffinage France qu’à l’égard de la SAS Start people à compter du 18 mars 2019 ;

Condamne in solidum la SAS TotalEnergies Raffinage France et la SAS Start people à payer à Mme [F] [V] les sommes suivantes :

indemnité légale de licenciement : 1 097,75 euros

indemnité compensatrice de préavis : 5 201,20 euros

congés payés afférents : 520,12 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 4 000,00 euros

Condamne la SAS TotalEnergies Raffinage France à payer à Mme [F] [V] les sommes suivantes :

indemnité de requalification : 2 650,00 euros

dommages et intérêts pour non-perception

des primes d’intéressement et de participation : 5 000,00 euros

Ordonne aux SAS Start people et TotalEnergies Raffinage France de rembourser in solidum à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [F] [V] du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de six mois ;

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;

Condamne in solidum les SAS Start people et TotalEnergies Raffinage France aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Condamne in solidum les SAS Start people et TotalEnergies Raffinage France à payer à Mme [F] [V] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les SAS Start people et TotalEnergies raffinage France de leur demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente

 


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