Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 22 JUIN 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/02887 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OEBJ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 MARS 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
N° RG F17/01126
APPELANT :
Monsieur [E] [U]
né le 13 Décembre 1986 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Maître Alexia ROLAND de la SCP VINSONNEAU PALIES,NOY, GAUER ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [O] [P] es qualité de mandataire liquidateur de l’EURL BRO
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Maître Christophe KALCZYNSKI de l’AARPI DABIENS, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER
Association CGEA DE TOULOUSE UNEDIC Délégation AGS CGEA de Toulouse,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Maître Pierre CHATEL de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 30 Mars 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 AVRIL 2022, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre
Madame Florence FERRANET, Conseiller
Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT
ARRET :
– Contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Madame Florence FERRANET, Conseiller, le Président étant empêché, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière
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EXPOSE DU LITIGE :
M. [U] a été embauché par la société Eurl Bro selon contrat de travail saisonnier à temps partiel de 20 heures hebdomadaires, en qualité d’employé polyvalent niveau I échelon 1, sur la période du 1er octobre 2015 au 31 décembre 2015 inclus.
La relation contractuelle est régie par la convention collective nationale des hôtels cafés restaurants.
La relation contractuelle s’est poursuivie postérieurement au 31 décembre 2015.
A été ultérieurement signé entre les parties un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel prenant effet le 1er avril 2016, M. [U] étant toujours embauché en qualité d’employé polyvalent niveau I échelon 1, pour une durée de travail de 20 heures hebdomadaires.
Était ensuite signé entre les parties un avenant au contrat de travail à durée indéterminée prévoyant qu’à compter du 1er octobre 2016, M. [U] exerce les fonctions de manager niveau III échelon 1, pour un horaire mensuel de 169 heures.
M. [U] était admis le 18 avril 2017 à l’hôpital [7] en vue d’une opération chirurgicale avec une date de sortie au 22 avril 2017.
Le salarié produit aux débats des avis d’arrêt maladie du 22 avril 2017 au 30 juin 2017.
Le 6 octobre 2017, M. [U] a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et le versement de diverses indemnités et dommages-intérêts.
Le 12 avril 2018, M. [U] était convoqué à un entretien préalable à licenciement.
Le 16 avril 2018, M. [U] était licencié pour faute grave.
Le 9 avril 2018 la société Eurl Bro a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire le 27 juillet 2018, Me [P] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
M. [U] sollicitait devant le conseil de prud’hommes la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la résiliation judiciaire du contrat à durée indéterminée aux torts exclusifs de l’employeur, et la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Eurl Bro de diverses sommes à titre d’indemnités, rappels de salaire, primes et dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 20 mars 2019 le conseil de prud’hommes de Montpellier a :
Dit qu’aucun manquement susceptible de fonder une demande de résiliation judiciaire ne peut être reproché à l’employeur ;
Dit que M. [U] a exercé les fonctions de manager niveau III depuis avril 2016 ;
Fixé les créances de M. [U] aux sommes suivantes :
– 4 429,29 € brut à titre de rappel de salaire en qualité de manager niveau III depuis avril 2016 et 442,92 € brut à titre de congés payés y afférents ;
– 5 000 € au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
Débouté M. [U] de ses autres demandes ;
Dit que les dépens seront inscrits à l’état des créances par Me [P] ès qualités.
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M. [U] a interjeté appel de cette décision le 25 avril 2019.
Dans ses dernières conclusions déposées par RPVA le 28 mars 2022, il demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail à hauteur de 5 000 € et de l’infirmer pour le surplus, en conséquence :
Dire que le contrat à durée déterminé saisonnier du 1er octobre 2015 au 1er avril 2016 est illicite ;
Dire que la société Eurl Bro est coupable de travail dissimulé ;
Dire que la société Eurl Bro a violé son obligation de sécurité de résultat ;
Dire que M. [U] a exercé les fonctions et les responsabilités de manager niveau V dès son embauche le 1er octobre 2015 ;
Dire que les manquements graves commis par la société Eurl Bro sont de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail ;
Dire le licenciement sans cause réelle sérieuse ;
Prononcer la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et à titre subsidiaire requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixer les créances de M. [U] à la liquidation judiciaire de la société Eurl Bro aux sommes suivantes :
– une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée égale à la somme suivante :
* 3 679,29 € net en cas de reclassification au niveau V échelon 3 :
* 2 610,50 € net en cas de reclassification au niveau V échelon 2 ;
* 2 246,90 € net en cas de reclassification au niveau V échelon 1 ;
* 1 919,45 € net en l’absence de reclassification au niveau V ;
– Un rappel de salaire sur la base d’un temps plein de 151,67 heures soit :
* 43 688,84 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 3 outre 4 368,88 € de congés payés :
* 24 225,69 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 2 outre 2 422,56 € de congés payés;
* 17 289,48 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 1 outre 1 728,94 € de congés payés ;
* 7 734,84 € brut en l’absence de reclassification au niveau V outre 773,48 € de congés payés ;
– Un rappel d’heures supplémentaires :
* 24 954,35 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 3 outre 2 495,43 € de congés payés ;
* 17 359,39 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 2 outre 1 735,93 € de congés payés ;
* 14 723,75 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 1 outre 1 472,37 € de congés payés ;
* 11 936,60 € brut en l’absence de reclassification au niveau V outre 1 193,66 € de congés payés ;
– Une indemnité de travail dissimulé :
* 22 075,74 € en cas de reclassification au niveau V échelon 3 :
* 15 663 € en cas de reclassification au niveau V échelon 2 ;
* 13 481,40 € en cas de reclassification au niveau V échelon 1 ;
* 11 516,70 € en l’absence de reclassification au niveau V ;
– Une prime de résultat :
* 23 158,40 € brut du 17 septembre 2015 au 17 septembre 2016 ;
* à défaut de production de l’imprimé de caisse du 30/9/2016 au 31/7/2017, du compte de résultat et de la liasse fiscale 2016 et 2017 et des soldes de gestion intermédiaires : 23 158,40 € brut ;
– 2 000 € de dommages et intérêts pour paiement tardif du complément d’indemnisation maladie ;
– 2 000 € de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité ;
– 5 000 € de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat ;
– 7 038,36 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 500 € d’indemnité pour irrégularité de procédure ;
– 1 131,17 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– A titre d’indemnité compensatrice de préavis :
* 11 037,87 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 3 outre 1 103,78 € de congés payés ;
* 7 831,50 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 2 outre 783,15 € de congés payés ;
* 6 740,70 € brut en cas de reclassification au niveau V échelon 1 outre 674,07 € de congés payés ;
* 6 032,88 brut en l’absence de reclassification au niveau V outre 603,29 € de congés payés ;
– A titre d’indemnité compensatrice de congés payés brut :
* 4 525,52 € en cas de reclassification au niveau V échelon 3 :
* 3 210,91 € en cas de reclassification au niveau V échelon 2 ;
* 2 763,68 € en cas de reclassification au niveau V échelon 1 ;
* 2 473,48 € en l’absence de reclassification au niveau V ;
– 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonner la délivrance des bulletins de paie rectificatifs sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement ;
Ordonner la délivrance des documents de fin de contrat rectificatifs sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement.
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Dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 4 septembre 2019, Me [P], ès qualités, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a alloué à M. [U] des rappels de salaires et une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail et le confirmer pour le surplus.
Très subsidiairement il demande à la cour de limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :
– Indemnité de préavis : 1 990,24 € brut ;
– Congés payés sur préavis 199,02 euro brut ;
– Indemnité de congés payés 2 454,62 € brut ;
– Indemnité de licenciement : 910,53 € ;
– Dommages-intérêts : 995,12 € ;
Et dire que Me [P], ès qualités, est dans l’incapacité d’établir des documents sociaux pour les périodes antérieures à sa désignation.
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L’Unedic AGS CGEA de Toulouse dans ses conclusions déposées au greffe par RPVA le 26 septembre 2019 demande à la cour de débouter M. [U] de toutes ses demandes et à titre subsidiaire de ramener le montant des dommages-intérêts à de plus justes proportions, en tout état de cause d’exclure de la garantie les sommes éventuellement dues au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et les sommes dues au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Pour l’exposé des moyens il est renvoyé aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 30 mars 2022, fixant la date d’audience au 20 avril 2022.
MOTIFS :
Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée du 1er octobre 2015 en contrat à durée indéterminée :
L’action en requalification d’un contrat à durée déterminée est une action relative à l’exécution du contrat soumise au délai de prescription prévu à l’article L 1471-1 du code du travail.
Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.
En l’espèce le contrat de travail saisonnier à temps partiel prenant effet au 1er octobre 2015 a comme terme le 31 décembre 2015, il en résulte que, contrairement à ce qui est développé par le mandataire judiciaire dans ses conclusions, M. [U] qui a saisi le conseil de prud’hommes le 6 octobre 2017, soit dans le délai de deux ans à compter du terme, n’est pas prescrit en sa demande.
Le contrat de travail intitulé « contrat de travail saisonnier à temps partiel » fait référence à un accroissement temporaire d’activité lié à la saison estivale or il a été conclu pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2015, en outre l’existence d’un marché de Noël qui débute au mois de novembre n’est pas de nature à justifier d’un accroissement d’activité sur la période considérée.
Ce contrat de travail ne respecte donc pas les dispositions des articles L 1242-1 et L 1242-2 du code du travail, il convient de faire droit à la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de dire que M.[U] est fondé à solliciter l’indemnité de requalification égale à un mois de salaire.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps complet :
M. [U] qui a travaillé dans le cadre de son contrat à durée déterminée irrégulier du 1er octobre au 31 décembre 2015 à temps partiel de 20 heures par semaine, a travaillé sans contrat de travail écrit sur la période du 1er janvier au 1er avril 2016 puis dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel sur la période du 1er avril au 1er octobre 2016.
Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit devant mentionner, notamment, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat et à défaut, il est présumé que l’emploi est à temps complet incombant à l’employeur, qui conteste cette présomption, de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
En l’espèce tant le contrat de travail saisonnier, que le contrat à durée indéterminée prenant effet au 1er avril 2016 ne font pas référence à la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, il en résulte que le contrat de travail de M. [U] est présumé à durée indéterminée.
Le mandataire judiciaire conclut au rejet de la demande de rappel de salaire résultant du travail à temps plein invoquant la fraude du salarié, toutefois la pièce numéro 10 à laquelle il se réfère ne concerne pas la durée de travail du salarié.
L’AGS CGEA de Toulouse ne fait valoir aucun argument permettant de contester la présomption.
Il en résulte que M. [U] a été engagé à compter du 1er octobre 2015 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et est donc fondé à solliciter un rappel de salaire à ce titre. Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de reclassification :
M. [U] soutient qu’à compter de septembre 2015 il a exercé les fonctions de manager relevant du niveau V.
Il produit pour en justifier les attestations de cinq salariés qui ont travaillé sur la même période que lui et qui déclarent qu’il effectuait les tâches administratives de l’entreprise : déclaration d’embauche, remise des contrats de travail, des plannings et direction du staff, gestion des stocks et approvisionnements.
Il justifie être titulaire d’une licence de la faculté des sciences et techniques des activités physiques et sportives, mention entraînement sportif.
Il produit des échanges de courriels sur la période du 29 octobre 2015 au 9 février 2017 qui témoignent non seulement de son autonomie mais des larges responsabilités qui lui étaient données dans la gestion de l’entreprise.
Pour s’opposer à la demande de reclassification au niveau V, le mandataire judiciaire fait valoir qu’en application de la convention collective M. [U] ne remplit pas les conditions pour être classé à ce niveau cadre car il ne justifie pas d’un diplôme bac+3 dans la filière d’activité et ne justifie pas d’une expérience confirmée et réussie en tant que cadre dans le secteur d’activité.
Toutefois il ressort des stipulations contractuelles que la référence à la filière d’activité du poste considéré se réfère à l’ expérience contrôlée et confirmée et non à l’acquis du niveau par voie scolaire du diplome de bac+3.
La licence de M. [U] est donc valable et correspond au premièrement de l’article de la convention collective qui décrit les postes relevant du niveau V.
M. [U] produit aux débats son bulletin de salaire du mois d’août 2015 qui démontre que depuis le 1er juillet 2013 il était employé sein de la société le Grand Zinc et qu’il bénéficie donc d’une expérience dans le domaine d’activité.
Il explique que le taux horaire qui lui a été appliqué à compter du 1er octobre 2016 (11,242 € brut) est supérieur, au regard de la grille de la classification conventionnelle, au taux horaire du niveau IV échelon 2.
Il est donc justifié que M. [U] avait une activité qui correspond au niveau V échelon 2 savoir : « assurer la réalisation, le suivi et le contrôle des résultats « mais aussi « la charge de proposer les moyens de mise en oeuvre et après décision d’un échelon supérieur, prendre les mesures d’application ».
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières de la reclassification :
L’indemnité de requalification due à M. [U] est donc égale à la somme de 2 610,50 € nets.
Le rappel de salaire de M. [U] du fait de la requalification du contrat en contrat à temps complet depuis le 1er octobre 2015 est donc égal à la somme de 24 225,69 € brut outre les congés payés correspondant soit 2 422,56 €.
Sur les heures supplémentaires :
Selon l’article L.3171-4 du code du travail, ‘en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable’.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce M. [U] produit aux débats les cinq attestations déjà cités qui font état de ce que celui-ci a effectué un horaire hebdomadaire de 53 heures.
Il produit des plannings sur la période postérieure au mois de juillet 2016 qui font état d’horaires hebdomadaires supérieurs à 35 heures, et un récapitulatif des heures supplémentaires qu’il déclare avoir réalisées sur la période du 2 mai 2016 au 30 juillet 2017.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le mandataire judiciaire soutient qu’eu égard aux contradictions dans les déclarations des témoins il n’est pas possible de connaître la réalité du travail de l’appelant, qu’en outre le témoignage des salariés qui déclarent travailler de nuit alors que M. [U] travaillait de jour ne peuvent être pris en compte, qu’enfin concernant les plannings informatiques ceux-ci ont été établis unilatéralement et n’ont pas de valeur probante qu’ont été incluses dans le tableau récapitulatif, les quatre heures supplémentaires qui correspondent de la 36e à la 39e heure alors que ces heures ont été payées à compter du mois d’octobre 2016.
L’AGS CGEA de Toulouse fait valoir de son côté que les plannings ne sont ni signés ni tamponnés et n’indiquent pas qu’il s’agit de ceux de M. [U] et que les attestations sont imprécises.
Toutefois M. [U] produit aux débats les courriels qui correspondent aux envois des plannings , adressés à M. [X] ou à M. [Y], où sont mentionnés sur les fichiers les prénoms des salariés ce qui permet d’individualiser les horaires de M. [U].
Il est exact que dans le tableau récapitulatif des plannings sont comptabilisés les heures supplémentaires de la 36e à la 39e heure pour la période du mois de novembre 2016 au mois de juillet 2017 et ce alors qu’il ressort des bulletins de paie de M. [U] que celui-ci a été rémunéré sur cette période à hauteur de 151h67 plus 17h33 d’heures supplémentaires, toutefois M. [U] a déduit de son décompte ces heures supplémentaires rémunérées ainsi que cela ressort de sa pièce 38-2.
Il convient donc de faire droit à la demande au titre des heures supplémentaires à hauteur de 17 359,39 € outre les congés payés correspondant soit 1735,93 €.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur le travail dissimulé :
Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur:
1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
La société Bro qui d’une part a embauché M. [U] dans le cadre d’un contrat à temps partiel alors que celui-ci a exécuté dès le mois d’octobre 2015 une activité à temps plein, et qui en outre n’a pas rémunéré toutes les heures supplémentaires effectuées par le salarié au delà du temps complet, s’est soustrait intentionnellement à ses obligations, il y a donc lieu de faire droit la demande d’indemnité pour travail dissimulé qui ne peut être inférieure à six mois de salaire, soit 15 663 €.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande de rappel de salaire correspondant à la prime variable sur chiffre d’affaires :
M. [U] soutient qu’au visa du SMS que lui adressé M. [Y] le 6 juillet 2017, de l’attestation de M. [M], du courriel du 25 mars 2016 et du compte rendu d’entretien préalable au licenciement qui s’est tenu le 12 avril 2018, il est fondé à percevoir une prime sur le chiffre d’affaires.
Toutefois l’attestation de M. [M] ne fait aucune référence à des primes, et la capture d’écran du SMS daté du 6 juillet 2016, soit antérieurement à l’avenant au contrat de travail du 1er octobre 2016, qui lui-même ne fait pas référence à l’existence de primes et prévoit une rémunération brute bien supérieure à celle mentionnée dans le message, ne peuvent être retenues comme élément probant de l’existence d’une prime.
En ce qui concerne le courriel du 25 mars 2016, si celui-ci fait référence à des objectifs à obtenir sur une année, il ne fait aucune référence à des primes pour les salariés.
Enfin ce qui concerne le compte rendu d’entretien préalable à licenciement, les propos tenus par M. [Y] à l’issue de cet entretien qui s’est déroulé en avril 2018 ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’une prime conventionnelle au sein de l’entreprise.
M. [U] sera donc débouté de ses demandes à ce titre, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour paiement tardif du complément d’indemnisation maladie :
M. [U] a été en arrêt maladie du 18 avril 2017 au 30 juin 2017 suite à une opération du genoux.
Il est exact que son bulletin de salaire du mois d’avril 2017 mentionne 70 heures non rémunérées à compter du 19 avril, et qu’il n’a perçu aucun salaire au mois de mai 2017.
Par contre son bulletin de salaire du mois de juin 2017 opére le rattrapage avec maintien du salaire à 90 % du 19 avril jusqu’au 19 mai puis à 66,66 % du 20 mai au 20 juin 2017, et il a perçu la totalité de son salaire en juillet 2017.
Si le salarié produit aux débats ses arrêts maladie pour la période du 22 avril au 30 juin 2017, il ne justifie pas avoir transmis ces pièces à son employeur et avoir fait lui-même des démarches auprès de la caisse primaire d’assurance-maladie pour percevoir ses indemnités journalières.
Il n’est donc justifié d’aucune faute de l’employeur à ce titre, la demande de dommages-intérêts sera rejetée, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité :
M. [U] soutient que, comme son employeur ne lui a pas versé le maintien de salaire pendant son arrêt maladie, il a été contraint de reprendre le travail le 1er juillet 2017 contre l’avis de son chirurgien et que son employeur n’a pas provoqué de visite de reprise de la médecine du travail.
Il ne peut être contesté que l’employeur n’a pas organisé de visite médicale au plus tard dans les huit jours de la reprise du 1er juillet 2017 et n’a donc pas respecté les dispositions de l’article R 6424-31 du code du travail.
Toutefois le salarié d’une part ne justifie pas avoir bénéficié d’un arrêt de travail postérieurement au 30 juin 2017 et avoir donc repris son travail contre l’avis de son médecin, en outre il a été statué précédemment sur le fait que, s’il y a eu retard sur le maintien du salaire, M. [U] a perçu dès le mois de juin la totalité de sa rémunération
Enfin le salarié ne justifie d’aucun préjudice résultant d’une reprise anticipée et de l’absence de visite médicale.
Il convient donc de débouter M. [U] de sa demande, le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
M. [U] soutient que les divers manquements de l’employeur: contrat à durée déterminée irrégulier, sous qualification, heures supplémentaires non rémunérées, travail dissimulé, non-respect des obligations liées à l’arrêt maladie, violation de l’obligation de sécurité, non versement des primes, caractérisent l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail.
Il ne peut être contesté que les agissements de la société Bro démontrent que celle-ci a exécuté le contrat de travail de façon déloyale, et que le salarié qui a supporté ces agissements, a subi du fait de cette mauvaise foi, un préjudice qui sera évalué à la somme de 1 000 €, le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la rupture de la relation contractuelle :
Lorsque le salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour inexécution par l’employeur de ses obligations, il appartient au juge de rechercher si les manquements allégués sont établis et d’une gravité suffisante rendant impossible la continuation du contrat de travail ; la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l’employeur et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce il a été statué sur les manquements de la société Bro qui a sous qualifié M. [U], ne lui a pas rémunéré la totalité des heures de travail effectuées et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail.
Ces manquements sont d’une gravité suffisante pour rendre impossible la continuation du contrat de travail, il convient donc de faire droit à la demande de résiliation judiciaire qui prendra effet au jour du licenciement prononcé par l’employeur le 16 avril 2018.
M. [U] est fondé à solliciter le versement des indemnités de rupture et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, calculée en application de l’article L 1235-3 du code du travail, toutefois l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement n’est pas due
M. [U] sera débouté de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure, le jugement sera confirmé de ce chef.
M. [U] bénéficiait au 16 avril 2018 d’une ancienneté de deux ans, six mois et 15 jours.
Il est fondé à solliciter à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur la base de l’article L 1235-3 du code du travail, une indemnité comprise entre 05 et 3,5 mois de salaire brut.
Il justifie avoir retrouvé un emploi le 18 décembre 2017, il lui sera alloué la somme qu’il sollicite soit 7 038,36 €.
En application de l’article R 1234-2 du même code, M. [U] est fondé à solliciter une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, il lui sera alloué la somme qu’il réclame soit 1 131,17 € à titre d’indemnité légale de licenciement.
En ce qui concerne l’indemnité de préavis, M. [U] est fondé à solliciter en application des dispositions de la convention collective applicable, une indemnité de trois mois, il lui sera alloué la somme sollicitée correspondant à la classification au niveau V échelon 2, soit 7 831,50 € et les congés payés y afférents.
En ce qui concerne la demande au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, il n’est pas contesté par l’employeur que M. [U] n’a pas été rémunéré pour 37 jours de congés payés, il sera alloué en raison de sa classification au niveau V échelon 2 la somme de 3 210,91 sollicitée.
Sur les autres demandes :
Il sera fait droit à la demande de délivrance des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés sans que cette condamnation ne soit assortie d’une astreinte.
Les dépens d’appel sont à la charge de l’employeur.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour ;
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Montpellier le 20 mars 2019, sauf ce qu’il a débouté M. [U] de sa demande au titre de la prime de résultat, de sa demande de dommages-intérêts pour paiement tardif du complément d’indemnisation maladie, de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, de la demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure et en ce qu’il a mis les dépens à la charge de la société Bro et dit qu’ils seront inscrits sur l’état des créances de Me [P] ès qualités et rejeté la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau ;
Dit que M. [U] a exercé à compter du 1er octobre 2015 les fonctions de manager niveau V échelon 2 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur avec effet au 16 avril 2018 ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Bro les sommes suivantes :
– 2 610,50 € à titre d’indemnité de requalification ;
– 24 225,69 € bruts à titre de rappel de salaire à temps plein outre les congés payés correspondant soit de 2 422,56 € ;
– 17 359,39 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires et les congés payés correspondant soit 1 735,93 ;
– 15 633 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
– 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– 7 038,36 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 1 131,17 € à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 7 831,50 € brut d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 3 210,91 € brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés
Ordonne la délivrance des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt ;
Constate qu’il y a lieu d’appliquer le plafond 6 visé à l’article D 3253-5 du code du travail ;
Donne acte à l’ AGS CGEA de Toulouse de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en ‘uvre du régime d’assurance de créances des salariés que de l’étendue de ladite garantie.
Y ajoutant :
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Fixe les dépens à l’état du passif de la liquidation judiciaire.
la greffière,le président,