Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2023
(n° 407, 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/06089 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B77OZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 avril 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT-GEORGES – RG n° F18/00021
APPELANT
Monsieur [R] [O]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Didier PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1447
INTIMÉE
SOCIÉTÉ D’AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS D’AVIATION ‘SASCA’, société en nom collectif
Immatriculée au RCS de CRÉTEIL sous le numéro 535 236 681
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Eva BERDUGO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1569
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 06 juillet 2023 et prorogé au 14 septembre 2023, puis au 21 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES
Le Groupement pour l’avitaillement de l’aéroport de [3] (GALYS) a été formé entre les sociétés BP France et Total raffinage marketing (filiale de Total) sous la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE).
Les sociétés BP et Total ont créé et immatriculé en date du 10 février 2012 la société en nom collectif d’avitaillement et de stockage de carburants Aviation (SASCA).
M. [R] [O] a été embauché par la société Manpower pour effectuer des missions d’intérim du 1er août 2000 au 29 juillet 2001 puis par la société Adia pour occuper un poste de « chauffeur avitailleur » jusqu’au 30 juin 2004.
Il a effectué une formation au sein de la société ELF Antar France du 1er au 14 août 2000.
Par contrat à durée indéterminée en date du 14 juin 2004, M. [R] [O] a été embauché par la société BP France.
Son contrat a été ensuite transféré à la société SASCA à compter du 1er janvier 2012 dans le cadre du transfert partiel d’actif des sociétés BP et Total Raffinage Marketing. La société SASCA est donc devenue par application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail le 1er janvier 2012 l’employeur de M. [O] en lieu et place de la société BP France.
Le GIE GALYS était transformé en SAS en date du 23 mai 2012 puis radié le 3 octobre 2017.
Par requête reçue au greffe le 25 avril 2013, M. [R] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges afin que soient examinées diverses demandes à l’encontre de la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) et le groupement pour l’avitaillement de [3] (GALYS) SAS dans le cadre de l’exécution de ses contrats de mission temporaire effectués du 1er août 2000 jusqu’au 30 juin 2004.
Par jugement en date du 11 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint Georges a:
– dit que la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) vient aux droits de la SAS Groupement pour l’avitaillement de [3] (SAS GALYS);
– requalifié la relation de travail entre les salariés et la société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) venant aux droits de la SAS Groupement pour l’avitaillement de [3] (SAS GALYS) en contrat de travail à durée indéterminée;
– fixé le salaire de M. [R] [O] à la somme de 3 013,63 euros (trois mille treize euros et soixante’trois centimes) et une ancienneté au 1er août 2000.
– condamné la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) venant aux droits de la SAS Groupement pour l’avitaillement de [3] (SAS GALYS) à payer à M. [R] [O] les sommes suivantes :
‘ 3 013,63 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 10 261,48 euros à titre de rappel de salaires sur primes d’ancienneté,
‘ 1 026,14 euros au titre des congés payés incidents,
‘ 855,12 euros à titre de13e mois incident,
– rejeté le surplus des demandes; ,
– condamné la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) venant aux droits de la SAS Groupement pour l’avitaillement de [3] (SAS GALYS) à payer à chacun des salariés 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) venant aux droits de la SAS Groupement pour l’avitaillement de [3] (SAS GALYS) aux dépens,
M. [O] a interjeté appel de la décision par déclaration adressée par la voie électronique le 28 mai 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 6 mars 2023, M. [R] [O] demande à la cour de:
Vu la Convention collective nationale de l’Industrie du Pétrole (IDCC 1388) du 3 septembre 1985, étendue par arrêté du 31 juillet 1986 – JORF 9 août 1986,
Vu les articles 1134 et 1315 du Code civil, vu l’article L.1222-1 du Code du travail,
Vu les articles L.1221-2, L.1251-1 à L.1251-7, L.1251-40 et s. du Code du travail,
Vu les articles L.2254-1, L.2262-12 du Code du travail,
– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a :
‘ jugé que la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) vient aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S),
‘ requalifié les contrats de missions temporaires effectués par M. [R] [O] au sein du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S), du 1er août 2000 jusqu’au 30 juin 2004 en une relation à durée indéterminée,
‘ fixé sa date d’ancienneté reconstituée au 1er août 2000,
‘fixé son salaire mensuel de référence pour le calcul des préjudices à 3 013,63 euros brut,
‘ condamné la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) à payer à M. [R] [O] avec intérêt au taux légal au titre de :
‘ Rappel de salaires sur prime d’ancienneté : 10 261,48 euros
Congés payés afférents : 1 026,14 euros
Treizième mois afférent : 855,12 euros
Statuant à nouveau,
En conséquence,
– condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) vient aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S), à payer à M. [R] [O] avec intérêt au taux légal au titre de :
indemnité forfaitaire de requalification : 9 000 euros
(En infirmant la décision de première instance sur ce chef condamnant la S.A.S.C.A à payer à M. [R] [O] la somme de 3 013,63 euros pour l’indemnité de requalification)
-condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) – condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) à payer à M. [R] [O] avec intérêt au taux légal au titre de :
‘ rappel Prime d’habillage et de déshabillage : 12 577,30 euros brut
Congés payés y afférent : 1 257,73 euros brut
‘ dommages et intérêts pour absence de respect des dispositions de la convention collective concernant l’attribution de primes de poste : 5 000 euros
‘ dommages et intérêts pour les manquements de l’employeur liés aux règles d’attribution du nombre de jours de congés payés de mai 2008 au 31 Décembre 2011 : 3 000 euros
En tout état de cause,
– condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) à payer à M. [R] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
-condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A)
venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) à
payer à M. [R] [O] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile.
-condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A)
venant aux droits du groupement pour l’avitaillement de [3] (G.A.L.Y.S) aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 24 janvier 2023, la société SASCA demande à la cour de:
Vu les articles L 251-6 et L 221-1 du code de commerce et tous autres à suppléer même d’office,
Vu l’ancien article L212-4 du code du travail, les articles L.3121-3 (en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016 puis dans sa version actuelle) et suivants, L1251-41 du code du travail,
Vu la Convention collective nationale de l’industrie du Pétrole et notamment l’article 701 et le nouvel article 603 f,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
– recevoir la société SASCA en ses écritures et l’y dire bien fondée,
– juger irrecevable la procédure engagée par M. [R] [O] à l’encontre de la société SASCA,
A défaut :
– infirmer le jugement et ce faisant débouter M. [O] de sa demande de requalification des contrats d’intérim conclus du 1er août 2000 au 29 juin 2004 et de ses demandes liées d’indemnité de requalification et de rappel de prime d’ancienneté, congés payés y afférents et 13ème mois afférent ;
– En conséquence, condamner M. [O] à restituer les sommes versées par SASCA au titre de l’exécution provisoire jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir ; dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
– débouter M. [R] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– réformer le jugement en ce qu’il condamne la société SASCA.
o A titre subsidiaire :
‘ infirmer le jugement et ce faisant fixer le salaire de référence à la somme de 1.666,04 euros bruts et à défaut confirmer le jugement en ce qu’il a fixé le salaire de référence à la somme de 3.013,63 euros bruts ;
‘ confirmer le jugement en ce qu’il a limité à un mois de salaire le montant de l’indemnité de requalification
‘fixer l’ancienneté de M. [O] au 1er février 2004 (CDI 01.07.04 avec reprise d’ancienneté au 01.02.04) et non au 1er août 2000;
‘ compte tenu de l’ancienneté du salarié fixée au 1er février 2004 et de la prescription applicable dire qu’il n’y a pas lieu à rappel de prime d’ancienneté, M. [O] ayant perçu son dû.
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de compensation aux temps d’habillage et de déshabillage ;
o A titre subsidiaire :
– fixer cette compensation en considération de la prescription admise par le salarié et en retenant pour salaire de référence la somme de 1.666,04 euros bruts sans que cette somme puisse excéder 3.013,63 euros bruts
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de rappel de prime de poste, de congés payés afférents et de 13ème mois afférent ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement aux règles de décompte des congés payés ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SASCA au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [R] [O] au bénéfice de la société SASCA, au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure pénale.
L’instruction a été déclarée close le 22 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la S.A.S.C.A
Il ressort de la chronologie des faits visés en exorde de l’arrêt que le groupement d’intérêt
économique G.A.L.Y.S, ayant notamment pour objet pour l’aéroport de [3] la gestion des opérations de stockage et de mises à bord des carburants et autres produits, et de toutes activités accessoires, l’entretien des bâtiments et véhicules, soit par l’intermédiaire du personnel de chaque société membre mis à la disposition du groupement, soit par l’intermédiaire du personnel embauché et géré directement par le groupement, a été créé entre les sociétés Total et Elf France, à laquelle la société BP France s’est substituée en tant que membre du GIE.
Suivant deux conventions d’apports partiel d’actifs en date du 25 novembre 2011, à effet au 1er janvier 2012, la société Total Raffinage Marketing ( anciennement dénommée Total raffinage distribution) et la société BP France ont procédé à un apport partiel d’actifs au bénéfice de la société d’avitaillement et de stockage de carburant aviation constituée sous la forme d’une société en nom collectif, la société SASCA. Il y est spécifié que les sociétés BP et Total, deux seuls membres du GIE, réalisent les opérations d’avitaillement aux compagnies aériennes au moyen de cinq GIE, dont le GIE GALYS et ont ainsi décidé de réunir l’ensemble des moyens qu’ils mettent à la disposition des GIE dans une structure unique, la société SASCA bénéficiaire.
Il en ressort que les deux sociétés ont apporté à cette fin à la société SASCA l’activité de mise à bord de carburant aviation, sur différents sites, dont celui de [3], laquelle était assumée à la date du traité, par les sociétés regroupées au sein de GIE, dont le G.A.L.Y.S.
L’article 1.1 du traité d’apport de la société BP France prévoit : « Les parties conviennent
expressément en application de l’article L.236-22 du code de commerce de soumettre le
présent apport au régime juridique des scissions tel que défini aux articles L.236-16 à
L.236-21 et R236-1 et suivants du code de commerce. Le présent apport étant soumis au
régime juridique des scissions, il emportera transmission universelle du patrimoine attaché à la branche d’activité apportée. »
Selon l’article 3.1, ‘ le bénéficiaire se substituera à la société apporteuse dans toutes les
procédures en cours ou à naître amiables ou contentieuses auprès de toutes juridictions de
l’ordre judiciaire ou administratif ainsi que dans toute la procédure arbitral afférent aux
actifs et passifs apportés’.
L’article 4.1.10 précise que les salariés (…) affectés à l’exploitation de la branche d’activité
seront transférés à la société bénéficiaire en application de l’article L.1224-1 du code du
travail.
L’article 1.2 du traité de la société Total Raffinage Marketing indique pour sa part : « l’apport partiel d’actif de la branche d’activité est placée sous le régime juridique des scissions prévu aux articles L.236-16 à L.236-22 du code de commerce’.
‘Conformément aux dispositions légales applicables, cette opération d’apport partiel d’actifs soumise au régime juridique des scissions entraîne la transmission universelle du patrimoine qui s’opère sur la fraction du patrimoine de la société apporteuse correspondant à la branche d’activité apportée.’
L’article 1.5 prévoit que ‘ comme conséquence de son admission dans les 5 (cinq) GIE , SASCA sera responsable des dettes de chacun des 5 (cinq) groupements qui naîtront postérieurement à son entrée mais aussi de celles qui existent à la date de son adhésion’.
Il en résulte que, par l’effet de ces traités qui ont opéré une transmission universelle de tous
les droits, biens et obligations concernant la branche apportée, la SASCA est venue aux droits des GIE et a repris leur passif, y compris les contestations nées des contrats de travail conclus par le GIE GALYS pour l’activité d’avitaillement.
Au regard d le’emploi occupé par M. [O], l’action qu’il exerce à l’encontre de la société SASCA est recevable, et aucune mise en demeure préalable n’était nécessaire, ce d’autant que le GIE G.A.L.Y.S a été radié par suite de la transmission de l’activité à la société SASCA.
Sur la requalification des contrats de mission
Selon l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité
normale permanente de l’entreprise utilisatrice.
Aux termes de l’article L. 1251-6 du même code dans sa version applicable au litige, sous
réserve des dispositions de l’article L.1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un
salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée
« mission » et seulement dans les cas qu’il prévoit, parmi lesquels, » le remplacement d’un
salarié en cas d’absence » et « l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ».
Il résulte de l’application de ces textes que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de mission successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ou pour répondre à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.
Enfin, en application de l ‘article L. 1251-40 du code du travail, lorsqu’une
entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en
méconnaissance des dispositions légales susvisées, ce salarié peut faire valoir auprès de
l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée
prenant effet au premier jour de sa mission.
Il appartient à l’entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de
recours invoqué et de son caractère temporaire, le recours aux contrats précaires ne pouvant
s’inscrire ni dans un accroissement durable et constant d’activité, ni dans le cadre d’une
gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.
Il ressort de l’examen des contrats de mission de M. [O] et de l’attestation établie par le chef d’établissement du GALYS qu’il a été affecté entre le 14 août 2000 et 1er juillet 2004 au sein du GIE GALYS en exécution de 485 contrats de mission temporaire par l’intermédiaire des sociétés de travail intérimaire, Manpower puis Adia, principalement pour remplacer des salariés absents et à quelques reprises au motif d’un accroissement d’activité.
De l’examen de ses contrats il ressort que:
– M. [O] a occupé principalement un poste de chauffeur avitailleur sur le même site, l’aéroport de [4] devenu [3];
– l’entreprise utilisatrice est le groupement d’avitaillement, le groupement avec référence accolée ‘TRS’ ou le groupement avec pour référence ‘BP’ ou ‘Total’;
– les motifs du recours à l’intérim sont le remplacement de salariés absents, en congés payés, en mission, en stage, en attente de mutation interne, en délégation, en RTT;
– s’agissant de l’accroissement d’activité, il y est mentionné en attente de mutation interne ou formation ou surcroît d’activité nécessitant un renfort d’effectifs, les motifs de surcroît d’activité et de remplacement de salarié pouvant se chevaucher.
Il résulte ainsi des pièces produites que M. [O] a bénéficié de contrats de mission sur les périodes s’étendant du 14 août 2000 au 30 juin 2004, que les missions portaient principalement sur le même poste selon une qualification, une rémunération et des tâches identiques avec une affectation sur la même plate-forme aéroportuaire, que les périodes d’embauche sont majoritairement très peu espacées entre elles, que, sur les contrats de mission reposant sur un motif de remplacement d’un salarié absent sont motivés dans leur grande majorité pour des absences prévisibles comme des congés payés ou en attente d’un recrutement. Le motif lié à un accroissement temporaire d’activité n’est par ailleurs pas justifié.
En outre, la succession sans période de carence de contrats motivés par le remplacement d’un salarié absent et de contrats motivés par un accroissement temporaire d’activité , démontre une permanence dans le recours à des missions d’intérim confiées à M. [O] indépendamment du motif de celles-ci.
Il s’ensuit que les affirmations générales de l’employeur sur les aléas de l’activité d’avitaillement au regard du trafic aérien ne peuvent justifier de la réalité du motif allégué et dispenser la société de son obligation d’en prouver la réalité, ce d’autant que le service continu en avitaillement correspond à l’activité de la société.
Il apparaît, dès lors, des éléments ci-dessus, d’une part, que le motif lié à l’accroissement temporaire d’activité n’est pas justifié et, d’autre part, que le remplacement de salariés absents était organisé pour permettre au personnel de l’entreprise de poser des jours de congé, de suivre des formations, de prendre des RTT etc, lesquels ne sont pas des événements conjoncturels mais au contraire structurels.
Il en ressort que l’engagement du salarié pendant près de 4 ans par l’intermédiaire de sociétés intérimaire au même poste, sur le même site aéroportuaire avec la même qualification quel que soit le remplacement effectué avait pour but de répondre à un besoin structurel en personnel de l’entreprise puisque la majorité des absences était prévisible et qu’il n’existait pas de période de carence entre les contrats de mission, y compris lorsqu’ils reposaient sur des motifs différents, une telle circonstance établissant que le salarié occupait durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Le GIE GALYS, dont l’activité a été reprise par la SNC SASCA selon les conditions rappelées ci-dessus et dont l’objet social était notamment la gestion des opérations de stockage et de mise à bord de carburants pour ses membres les sociétés Total, Elf qui a été substituée par BP, a en conséquence conclu avec M. [O] des contrats de travail temporaire ayant pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, soit l’avitaillement de ses membres, Total et BP.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée. Toutefois le jugement sera infirmé en ce qu’il a fixé l’ancienneté au 1er août 2000 compte tenu de la période de formation effectuée du 1Er août au 11 août 2000. La date d’ancienneté sera en conséquence fixée au 12 août 2000.
Sur l’indemnité de requalification
M. [O] se réfère à son salaire perçu avant la saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 4 avril 2013, soit un salaire de référence de 3013, 63 euros brut.
La société S.A.S.C.A indique que le salaire à prendre en compte est le salaire perçu lors du
premier contrat soit 1666, 04 euros brut.
En vertu des dispositions de l’article L. 1251-41 du code du travail, M. [O] est en droit de prétendre à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de
salaire.
Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de requalification
est le dernier salaire perçu avant la saisine du juge.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité de requalification à la somme de 3013, 63 euros, le préjudice allégué au delà n’étant pas justifié.
Sur le rappel de prime d’ancienneté
Le contrat de travail étant requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, M. [O] est en droit de revendiquer l’application des dispositions de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole dont il aurait dû bénéficier et, par conséquent d’une reprise d’ancienneté à compter de cette date.
L’article 405 de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole du 3 septembre 1985 en vigueur, applicable à la relation contractuelle requalifiée dispose : ‘Il est attribué aux ouvriers, employés, agents de maîtrise ou assimilés, ayant plus de 3 ans d’ancienneté, une prime d’ancienneté déterminée en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. Les taux de la prime sont les suivants … ‘
En l’espèce, le contrat de travail de M. [O] étant requalifié, et ce à compter de la date du 1er août 2000, l’ancienneté à la date d’embauche le 1er juillet 2004 était de plus de 3 ans et au mois de mai 2008 à partir duquel le rappel est sollicité compte tenu de la prescription applicable, son ancienneté était de 7 ans et au 1Er août 2008 de 8 ans.
M. [O] est ainsi fondé, dans les limites de la prescription quinquennale ayant saisi le conseil de prud’hommes le 4 avril 2013 de réclamer une prime sur la base de son ancienneté reconstituée par application des coefficients correspondants, les congés payés et le 13 ème mois et ce à compter du mois de mai 2008 jusqu’au 30 juin 2018, date de son départ à la retraite, déduction faite des sommes versées par la société à ce titre depuis son entrée dans ses effectifs.
Au vu du décompte établi par le salarié qui n’est pas sérieusement critiqué par la société, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné cette dernière à verser à M. [O] et ce avec intérêt au taux légal les sommes de 10 261, 48 euros à titre de rappel de salaire sur prime d’ancienneté, 1026, 14 euros au titre des congés payés afférents et 855, 12 euros au titre du treizième mois afférents.
Sur la prime d’habillage et de déshabillage
M. [O] fait valoir que les avitailleurs d’aéronefs sont astreints au port obligatoire d’une tenue de travail et qu’ils s’habillent et se déshabillent sur le lieu de travail, ce d’autant que le règlement intérieur et les notes de service rappellent que l’horaire de travail doit être
strictement observé et s’entend en tenue de travail, aux heures fixées pour le début de
l’activité. Il soutient que pour des raisons de sécurité, ces vêtements pouvant présenter des
tâches d’hydrocarbures, doivent être déposés sur le lieu de travail et que l’entreprise elle même procède au lavage.
La société SASCA conteste l’existence de l’obligation pour les salariés de se vêtir sur le lieu
du travail, soutenant que, contrairement à ce que prétendent les salariés, leur activité n’est pas salissante.
Aux termes des dispositions de l’article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière lorsque le port d’une tenue de travail est obligatoire et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.
Il résulte de ce texte qu’une contrepartie financière n’est accordée que si le port d’une tenue
de travail est imposé et que les opérations d’habillage et de déshabillage s’effectuent sur le
lieu de travail.
Si les parties s’accordent sur le fait que les avitailleurs sont tenus de porter une tenue de
travail, aucune des pièces versées par M. [O] n’établit qu’il était effectivement tenu de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur son lieu de travail.
L’employeur produit plusieurs attestations de chefs et adjoints des différentes stations de
Sasca, desquelles il résulte qu’il n’est pas imposé au salarié d’obligation de s’habiller ou de se déshabiller sur son lieu de travail dès lors que le salarié peut arriver au travail et repartir de son lieu de travail en tenue; sa seule obligation étant de rapporter la tenue à la station de lavage afin que celui-ci ne soit pas fait au domicile.
Par ailleurs, il ressort des pièces produites par la société SASCA que les salariés disposent de plusieurs tenues et qu’ainsi, même si une tenue doit être confiée à l’entreprise de nettoyage, le salarié dispose d’une tenue de rechange, le faible taux de nettoyage résultant du tableau établi par la société qui confirme que les vêtements se salissent peu, n’étant pas sérieusement contesté par le salarié.
Au vu de ces éléments, M. [O] sera débouté de sa demande.
Sur la demande au titre de la prime de poste
M. [O] sollicite le versement de dommages et intérêts au titre de l’attribution d’une prime de poste sur le fondement de l’article701, notamment les alinéas a) e) et f) de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole. En vertu de cet article, l’attribution de cette prime est subordonnée à un horaire habituel de travail encadrant minuit.
Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. [O] remplissait cette condition, ce d’autant que la grille des horaires des avitailleurs ne met pas en évidence un horaire habituel dépassant minuit.
Dès lors, et conformément à l’article 701 d-1 applicable aux travailleurs postés en équipes successives, M. [O] a perçu des primes d’un montant de 13% du salaire de base.
Par suite, la demande de M. [O] tendant au rappel de primes de poste doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande.
Sur la demande au titre du nombre de jours de congés
M. [O] sollicite la somme de 3000 euros de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive par l’employeur du contrat de travail en raison de sa volontaire inapplication des dispositions d’ordre public quant aux règles d’attribution des journées de congés payés.
Le salarié soutient que lors des comités d’entreprise du 24 novembre 2011 et 22 décembre 2011, l’employeur a expressément reconnu que son calcul, notamment pour la période du 1er mai 2008 au 31 décembre 2011 relatif au nombre annuel de journées de congés acquise par chaque salarié, n’était pas conforme. Alors que le salarié bénéficiait de 32 jours ouvrables de congés annuels conventionnellement définis, la direction multipliait par 7 heures ce nombre de 32 jours, puis divisait le chiffre obtenu par 8 heures, ce qui aboutissait à un nombre réduit de 28 jours de congés payés annuels.
La société SASCA réplique que le salarié évoque un texte non signé à priori établi par le comité d’entreprise de la société BP qui fait référence à une discussion sur la quantité de jours de congés payés, la convention collective prévoyant en tout état de cause 2 jours et demi ouvrables de congés par mois.
Aux termes de l’article 502 de la convention collective applicable, les congés payés sont fixés à deux jours et demi ouvrables par mois et après un an d’ancienneté.
Le salarié ne démontre pas en l’espèce avoir été privé de jours de congés au regard des dispositions conventionnelles, étant observé que l’examen des bulletins de salaire ne fait apparaître aucune anomalie au titre du décompte des jours de congé.
Il sera en conséquence débouté de sa demande par voie de confirmation du jugement.
Sur les autres demandes
Eu égard à l’issue du litige, M. [O] qui succombe principalement sera condamné aux dépens d’appel et à verser à la SNC SASCA la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE l’action engagée par M.[R] [O] recevable,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a fixé l’ancienneté à la date du 1er août 2000;
L’INFIRMANT de ce chef,
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
FIXE la date d’ancienneté de M. [R] [O] au 12 août 2000,
CONDAMNE M. [R] [O] à verser à la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (SASCA) la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
CONDAMNE M. [R] [O] aux dépens d’appel;
DEBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.