Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2023
(n° 401 , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/05659 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7472
Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er mars 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VILLENEUVE -SAINT- GEORGES – RG n° F16/00545
APPELANT
Monsieur [K] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Didier PETIT, avocat au barreau de PARIS, toque : E1447
INTIMÉE
SOCIÉTÉ D’AVITAILLEMENT ET DE STOCKAGE DE CARBURANTS D’AVIATION ‘SASCA’, société en nom collectif
Immatriculée au RCS de CRÉTEIL sous le numéro 535 236 681
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Eva BERDUGO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1569
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR
ARRET :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue le 06 juillet 2023 et prorogé au 14 septembre 2023, puis au 21 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROC »DURE ET PR »TENTIONS DES PARTIES
Le Groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (GAO) a été formé entre les sociétés BP France et Total raffinage marketing (filiale de Total) sous la forme d’un groupement d’intérêt économique (GIE). Les sociétés BP et Total ont créé et immatriculé en date du 10 février
2012 la société en nom collectif Société d’Avitaillement et de Stockage de Carburants Aviation (SASCA). Cette société a été constituée par apport partiel d’actif de la branche d’activité d’avitaillement respective des sociétés BP et TOTAL lequel a emporté transfert du personnel de ces branches d’activité à la société SASCA à effet du 1er janvier 2012.
Le GIE G.A.O a été dissous puis radié.
M. [H] a été embauché par la société de travail temporaire CRIT pour effectuer des missions d’intérim du 29 mars 2007 au 31 août 2008.
Le 1er août 2009, M. [H] a été embauché par contrat à durée indéterminée (conclu le 25 juin 2009) au sein de la société BP France avec une reprise d’ancienneté de trois mois au 1er mai 2009 pour un salaire de base brut au coefficient K 185 de 1.796,00 euros.
La société BP France ayant apporté à la société SASCA sa branche complète d’activité d’avitaillement à effet du 1er janvier 2012, cette dernière est donc devenue à cette date, par application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail, l’employeur de M. [H].
Par requête en date du 4 avril 2013, M. [K] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Villeneuve Saint-Georges afin que soient examinées diverses demandes à l’encontre de la société d’Avitaillement et de Stockage de Carburants d’Aviation, venant aux droits du G.I.E GAO dans le cadre de l’exécution de ses contrats de mission temporaire effectués du 29 mars 2007 jusqu’au 31 août 2008.
Par jugement du 1er mars 2019, le juge départiteur du Conseil de Prud’hommes de Villeneuve Saint-Georges a :
– requalifié la relation de travail entre M. [K] [H] et la S.N.C SASCA, société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation, venant aux droits du G.I.E GAO, en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 mars 2007,
– condamné la S.N.C SASCA, société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation, à payer à M. [K] [H] les sommes suivantes :
‘ 3.232,52 euros à titre d’indemnité de requalification,
‘ 4.480,32 euros à titre de rappel sur primes d’ancienneté,
‘ 448,03 euros au titre des congés payés afférents,
‘ 373,36 euros à titre de rappel sur primes de 13e mois afférentes,
– rejeté le surplus des demandes,
– condamné la S.N.C SASCA, société d’Avitaillement et de stockage de carburants d’aviation, à verser à M. [K] [H] une indemnité de 1.000 euros dans le cadre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,
– condamné la S.N.C SASCA, société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation aux entiers dépens.
M. [K] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration électronique en date du 25 avril 2019
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 6 mars 2023, M. [H] demande à la cour de :
Vu la Convention collective nationale de l’Industrie du Pétrole (IDCC 1388) du 3 septembre 1985, étendue par arrêté du 31 juillet 1986 – JORF 9 août 1986,
Vu l’article 1134 du Code civil, vu l’article L.1222-1 du Code du travail,
Vu les articles L.1221-2, L.1251-1 à L.1251-7, L.1251-40 et s. du Code du travail,
Vu les articles, L.3121-3, L. 4121-1, L.4121-2 et L.1251-21 du Code du travail
– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a :
‘ jugé que la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) vient aux droits du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O),
‘ requalifié les contrats de missions temporaires effectués par M. [K] [H] au sein du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O) du 29 mars 2007 jusqu’au 31 Août 2008 en une relation à durée indéterminée,
‘ fixé sa date d’ancienneté au sein de la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) à compter du 29 mars 2007,
‘ jugé que la succession de contrats de mission effectuée par M. [K] [H] au sein du G.A.O et couvrant la période du 29 mars 2007 jusqu’à sa titularisation au sein du GAO le 1er août 2009 s’analyse en une relation de travail à durée indéterminée,
‘ fixé son salaire mensuel de référence pour le calcul des préjudices à 3.232,52 euros brut,
Statuant à nouveau,
En conséquence,
– condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O) à payer à M. [K] [H] avec intérêt au taux légal au titre de :
* indemnité forfaitaire de requalification : 6.000 euros
* rappel de salaires sur prime d’ancienneté du 1er mai 2008 au 31 mars 2019 : 4 703,99 euros brut
*congés payés afférents : 470,39 euros brut
*treizième mois afférents : 391,99 euros brut
(En infirmant la décision de première instance sur ces chefs condamnant la S.A.S.C.A à payer à M. [K] [H]: 3.232,52 euros d’indemnité de requalification, et pour la période du 1er mai 2008 au 30 septembre 2018 : 4.480,32 euros brut de rappel de prime d’ancienneté, 448,03 euros brut de congés payés y afférents et 373,36 euros brut de prime de treizième mois afférente.)
Statuant à nouveau,
En conséquence,
‘ condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O) à payer à M. [K] [H] avec intérêt au taux légal au titre de :
*Rappel de Prime d’habillage et de déshabillage : 20.361,60 euros brut,
*Congés payés afférents : 2.036,16 euros brut,
* Dommages et intérêts pour manquements à une obligation de sécurité de résultat : 3 000 euros,
En tout état de cause,
– condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O) à payer à M. [K] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamner la société d’avitaillement et de stockage de carburants aviation (S.A.S.C.A) venant aux droits du groupement pour l’avitaillement d'[Localité 5] (G.A.O) aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 27 janvier 2023, la société S.A.S.C.A demande à la cour de:
Vu notamment les articles L 251-6 et L 221-1 du code de commerce,
Vu l’ancien article L212-4 du code du travail, les articles L.3121-3 (en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016 puis dans sa version actuelle) et suivants, L1251-41 du code du travail,
Vu la Convention collective nationale de l’industrie du Pétrole et notamment l’article 701 et le nouvel article 603 f,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
– recevoir la société SASCA en ses écritures et l’y dire bien fondée ;
– déclarer irrecevable et mal fondé M. [K] [H] en toutes ses demandes ;
– juger irrecevable la procédure engagée par M. [K] [H] à l’encontre de la société SASCA ;
A défaut :
– infirmer le jugement et ce faisant débouter M. [H] de sa demande de requalification des contrats d’intérim conclus du 29 mars 2007 au 31 août 2008 et de ses demandes liées d’indemnité de requalification et de rappel de prime d’ancienneté, congés payés y afférents et 13ème mois afférent ;
En conséquence,
– condamner M. [H] à restituer les sommes versées par SASCA au titre de l’exécution provisoire jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir ;
– dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
– débouter M. [K] [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la SNC SASCA ;
o A titre subsidiaire :
-confirmer le jugement en ce qu’il a limité à un mois de salaire le montant de l’indemnité de requalification ;
-fixer l’ancienneté de M. [H] au 1er mai 2009 (CDI 01.08.09 avec reprise d’ancienneté au 01.05.09) et non au 29 mars 2007 ;
– compte tenu de l’ancienneté du salarié fixée au 1er mai 2009 et de la prescription applicable dire qu’il n’y a pas lieu à rappel de prime d’ancienneté, M. [H] ayant perçu son dû ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de compensation aux temps d’habillage et de déshabillage ;
o A titre subsidiaire :
– fixer cette compensation en considération de la prescription admise par le salarié ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SASCA au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [K] [H] au paiement, au bénéfice de la société SASCA, de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– le condamner également aux entiers dépens.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été déclarée close le 22 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la S.A.S.C.A
Il ressort de la chronologie des faits visés en exorde de l’arrêt que les groupements d’intérêt
économique GAO ayant notamment pour objet pour l’aéroport d'[Localité 5] la gestion des opérations de stockage et de mises à bord des carburants et autres produits, et de toutes activités accessoires, l’entretien des bâtiments et véhicules, soit par l’intermédiaire du personnel de chaque société membre mis à la disposition du groupement, soit par l’intermédiaire du personnel embauché et géré directement par le groupement, a été créé entre les sociétés Total et Elf France puis BP France.
Suivant deux conventions d’apports partiel d’actifs en date du 25 novembre 2011, à effet au 1er janvier 2012, la société Total Raffinage Marketing (anciennement dénommée Total
raffinage distribution) et la société BP France ont procédé à un apport partiel d’actifs au bénéfice de la société d’avitaillement et de stockage de carburant aviation constituée sous la forme d’une société en nom collectif, la société SASCA .
Il y est spécifié que les sociétés BP et Total réalisent les opérations d’avitaillement aux compagnies aériennes au moyen de cinq GIE, dont le GIE GAO et le GAT, et ont ainsi décidé de réunir l’ensemble des moyens qu’ils mettent à la disposition des GIE dans une structure unique, la société SASCA bénéficiaire.
L’article 1.1 du traité d’apport de la société BP France prévoit : ‘Les parties conviennent
expressément en application de l’article L.236-22 du code de commerce de soumettre le
présent apport au régime juridique des scissions tel que défini aux articles L.236-16 à L.236-21 et R236-1 et suivants du code de commerce. Le présent apport étant soumis au
régime juridique des scissions, il emportera transmission universelle du patrimoine attaché à la branche d’activité apportée.’
Selon l’article 3.1, ‘le bénéficiaire se substituera à la société apporteuse dans toutes les
procédures en cours ou à naître amiables ou contentieuses auprès de toutes juridictions de
l’ordre judiciaire ou administratif ainsi que dans toute la procédure arbitral afférent aux
actifs et passifs apportés.’
L’article 4.1.10 précise que les salariés (…) affectés à l’exploitation de la branche d’activité
seront transférés à la société bénéficiaire en application de l’article L.1224-1 du code du
travail.
L’article 1.2 du traité de la société Total Raffinage Marketing indique pour sa part : ‘L’apport partiel d’actif de la branche d’activité est placée sous le régime juridique des scissions prévu aux articles L.236-16 à L.236-22 du code de commerce.
Conformément aux dispositions légales applicables, cette opération d’apport partiel d’actifs
soumise au régime juridique des scissions entraîne la transmission universelle du patrimoine qui s’opère sur la fraction du patrimoine de la société apporteuse correspondant à la branche d’activité apportée.’
L’article 1.5 prévoit que ‘comme conséquence de son admission dans les 5 (cinq) GIE ,
SASCA sera responsable des dettes de chacun des 5 (cinq) groupements qui naîtront postérieurement à son entrée mais aussi de celles qui existent à la date de son adhésion’.
Il en résulte que, par l’effet de ces traités qui ont opéré une transmission universelle de tous
les droits, biens et obligations concernant la branche apportée, la SASCA est venue aux droits des GIE et a repris son passif, y compris les contestations nées des contrats de travail conclus par le GIE GAO pour l’activité d’avitaillement.
L’action de M. [H] exercée à l’encontre de la société SASCA est recevable, et aucune mise en demeure préalable n’était nécessaire.
Sur la requalification des contrats de mission
Selon l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale permanente de l’entreprise utilisatrice.
Aux termes de l’article L. 1251-6 du même code dans sa version applicable au litige, sous réserve des dispositions de l’article L.1251-7 du même code, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire dénommée « mission » et seulement dans les cas qu’il prévoit, parmi lesquels, » le remplacement d’un salarié en cas d’absence » et « l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ».
Il résulte de l ‘article L. 1251-40 du code du travail que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions légales susvisées, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Il appartient à l’entreprise utilisatrice, et non au salarié, de justifier de la réalité du motif de
recours invoqué et de son caractère temporaire, le recours aux contrats précaires ne pouvant
s’inscrire ni dans un accroissement durable et constant d’activité, ni dans le cadre d’une gestion visant à faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.
En l’espèce, M. [H] a été mis à disposition permanente du GAO par de nombreux contrats de mission successifs conclus avec l’agence Intérim CRIT.
De l’examen de ses contrats il ressort que :
– M. [H] a occupé principalement un poste d’avitailleur sur le même site, l’aréoport d'[Localité 5] soit selon les 84 contrats de mission du 29 mars 2007 au 28 août 2007 et du mois de mars 2008 au mois d’août 2008 ;
– chacun des contrats porte la mention du GAO comme entreprise utilisatrice avec la mention de sa qualification en tant ‘qu’avitailleur Total ‘ ou ‘ avitailleur BP’ ou mention ‘client: Total’ ou ‘ client BP’ et du lieu de mission GAO [Localité 5] Aérogares ;
– les motifs du recours à l’intérim sont le remplacement de salariés pour absence ou suspension, en congés payés, en formation, en maladie, récupération d’heures ou journée, en absence autorisée, en réunion, en mission etc et quelques contrats pour accroissement d’activité (restructuration du GAO Total ou BP).
Les bulletins de salaire versés aux débats font état de ce que M. [H] a également travaillé en qualité de chauffeur livreur du mois d’octobre 2007 au mois de mars 2008, les mentions portées pour les mois correspondants faisant apparaître les numéros de contrat de mission de chauffeur livreur et d’avitailleur Total ou BP à raison de plusieurs journées. Le dernier contrat de mission est du mois d’août 2008.
M. [H] a été embauché à compter du 1er août 2009 par la société BP.
En synthèse de ce qui précède, la relation entre M. [H] et le GAO, conclue aux termes de plus de 80 contrats de mise à disposition, a duré 11 mois. Pour l’ensemble de la période, les interruptions auront représenté 5 mois. Les missions portaient sur le même poste d’avitailleur selon une qualification, une rémunération et des tâches identiques avec une affectation sur la même plate-forme aéroportuaire, que la majorité des contrats de mission reposant sur un motif de remplacement d’un salarié absent sont motivés pour des absences prévisibles.
Il s’ensuit que les affirmations générales de l’employeur sur les aléas de l’activité d’avitaillement ne peuvent justifier de la réalité du motif allégué qui doit s’apprécier sur la seule période des contrats de mission.
Il apparaît, dès lors, des éléments ci-dessus que le remplacement de salariés absents avait pour but de répondre à un besoin structurel en personnel de l’entreprise puisque la majorité des absences était prévisible et qu’il n’existait pas de période de carence entre les contrats de mission. L’interruption des contrats de mission confiés à M. [H] est sans influence sur ce constat.
Il s’évince de cette analyse que le salarié occupait durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Le GIE GAO, dont l’activité a été reprise par la SNC SASCA selon les conditions rappelées ci-dessus et dont l’objet social était notamment la gestion des opérations de stockage et de mise à bord de carburants pour ses membres les sociétés Total, Elf qui a été substituée par BP, a en conséquence conclu avec M.[H] des contrats de travail temporaire ayant pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, soit l’avitaillement de ses membres, Total, Elf puis BP.
En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l’indemnité de requalification
M. [H] se réfère à son salaire perçu avant la saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 4 avril 2013, soit un salaire de référence de 3.232, 52 euros brut.
La société S.A.S.C.A indique que le salaire à prendre en compte est le salaire perçu lors du premier contrat soit euros brut.
En vertu des dispositions de l’article L. 1251-41 du code du travail, M. [H] est en droit de prétendre à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
Le salaire de référence à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de requalification est le dernier salaire perçu avant la saisine du juge.
Compte tenu de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a fixé à la somme de 3.232, 52 euros l’indemnité de requalification.
Sur le rappel de prime d’ancienneté
Le contrat de travail étant requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, M. [H] est en droit de revendiquer l’application des dispositions de la convention collective nationale de l’industrie du pétrole dont il aurait dû bénéficier et, par conséquent d’une reprise d’ancienneté à compter de cette date.
En l’espèce, le contrat de travail de M. [H] étant requalifié, et ce à compter de la date du 29 mars 2007, l’ancienneté à la date d’embauche le 1er août 2009 était de 2 ans et le 4 avril 2008 mois à partir duquel le rappel est sollicité compte tenu de la prescription applicable, son ancienneté était de 1 an.
L’article 405 de la convention collective de l’industrie du pétrole prévoit le versement d’une prime d’ancienneté.
Si antérieurement au 1er janvier 2007, le paragraphe a) de l’article 405 de la convention collective conditionnait le versement de cette prime à une ancienneté de plus de trois ans, en cohérence avec le paragraphe c) du même texte qui fixait le premier taux de cette prime à 3 % après trois ans d’ancienneté, cette cohérence a disparu par l’ajout au paragraphe c), à compter du 1er janvier 2007, d’un taux de 1 % la première année puis, à compter du 1er janvier 2008, d’un taux de 2 % la deuxième année, ce qui implique que, selon la version de la convention collective nationale applicable depuis le 1er janvier 2008, la prime d’ancienneté est due au salarié justifiant d’une ancienneté de plus d’un an.
M. [H] est ainsi fondé, dans les limites de la prescription ayant saisi le conseil de prud’hommes le 4 avril 2013 et réclamant un rappel de prime à compter du 1er mai 2008 jusqu’au 31 mars 2019, à solliciter un rappel de prime sur la base de son ancienneté reconstituée par application des coefficients correspondants, les congés payés et le 13 ème mois, déduction faite des sommes versées par la société à ce titre.
Au vu du décompte établi par le salarié, la société SASCA devra régler à M. [H] les sommes de 4.703, 99 euros à titre de prime d’ancienneté, 470, 39 euros au titre des congés payés afférents et 392, 99 euros au titre de la prime 13 ème mois et ce avec intérêt au taux légal.
Le jugement sera infirmé sur les montants retenus.
Sur la prime d’habillage et de déshabillage
M. [H] fait valoir que les avitailleurs d’aéronefs sont astreints au port obligatoire d’une tenue de travail et qu’ils s’habillent et se déshabillent sur le lieu de travail, ce d’autant que le règlement intérieur et les notes de service rappellent que l’horaire de travail doit être strictement observé et s’entend en tenue de travail, aux heures fixées pour le début de l’activité. Il soutient que pour des raisons de sécurité, ces vêtements pouvant présenter des tâches d’hydrocarbures, doivent être déposés sur le lieu de travail et que l’entreprise elle même procède au lavage.
La société SASCA conteste l’existence de l’obligation pour les salariés de se vêtir sur le lieu u travail, soutenant que, contrairement à ce que prétendent les salariés, leur activité n’est pas salissante.
Aux termes des dispositions de l’article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage fait l’objet de contreparties accordées soit sous forme de repos soit sous forme financière lorsque le port d’une tenue de travail est obligatoire et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail.
Il résulte de ce texte qu’une contrepartie financière n’est accordée que si le port d’une tenue de travail est imposé et que les opérations d’habillage et de déshabillage s’effectuent sur le lieu de travail.
Si les parties s’accordent sur le fait que les avitailleurs sont tenus de porter une tenue de travail, aucune des pièces versées par M. [H] n’établit que les salariés sont tenus de procéder aux opérations d’habillage et de déshabillage sur leur lieu de travail, des photographies de vestiaires où des casiers sont mis à disposition s’avérant insuffisantes à le démontrer.
L’employeur produit plusieurs attestations de chefs et adjoints des différentes stations de Sasca, desquelles il résulte qu’il n’est pas imposé au salarié d’obligation de s’habiller ou de se déshabiller sur son lieu de travail dès lors que le salarié peut arriver au travail et repartir de son lieu de travail en tenue; sa seule obligation étant de rapporter la tenue à la station de lavage afin que celui-ci ne soit pas fait au domicile.
Par ailleurs, il ressort des pièces produites par la société SASCA que les salariés disposent de plusieurs tenues et qu’ainsi, même si une tenue doit être confiée à l’entreprise de nettoyage, le salarié dispose d’une tenue de rechange, le faible taux de nettoyage résultant du tableau établi par la société, qui confirme que les vêtements se salissent peu, n’étant pas sérieusement contesté par le salarié.
Au vu de ces éléments, M. [H] sera débouté de sa demande.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l’article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient à l’employeur dont le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité de démontrer que le fait reproché est étranger à tout manquement à son obligation de sécurité.
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir, d’une part, la réalité du manquement et, d’autre part, l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
M. [H] fait valoir que le temps d’attente de la navette situé dans la zone aréoportuaire peut devenir totalement aléatoire voire imprévisible, créant une contrainte supplémentaire qui leur est imposée sur leur temps de déplacement professionnel alors que les horaires d’embauche en tenue doivent être strictement respectés ainsi que le prévoit le règlement intérieur. Dès lors que la navette est dans l’impossibilité d’effectuer le ramassage du personnel pour des raisons diverses, les salariés sont contraints de se rendre à pied aux locaux de la société, effectuant une quinzaine de minutes de marche sur les routes intérieures de l’aéroport où la circulation est importante et les trottoirs inexistants. En contrepartie de cette contrainte, la société accorde aux avitailleurs utilisant la navette deux jours supplémentaires de congés.
La société SASCA répond que le salarié n’apporte aucun élément de preuve au soutien de sa réclamation.
Il ressort des explications des parties que le salarié doit, lorsqu’il arrive à l’aéroport pour prendre son poste après les contrôles de sécurité, emprunter une navette pour pouvoir rejoindre son poste, laquelle ne relève pas de l’intervention de l’employeur mais dépend des règles fixées à toutes les entreprises par la société ADP en charge de la gestion de la zone aéroportuaire.
Le salarié n’ apporte cependant pas d’éléments de nature à établir, d’une part, la réalité du manquement et, d’autre part, l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
Dans ces circonstances, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande relative à un manquement de l’obligation de l’employeur à son obligation de sécurité.
Sur les autres demandes
Eu égard à l’issue du litige, M. [H], qui succombe principalment en ses demandes, sera condamné aux dépens d’appel et à verser à la société SASCA la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dispositions du jugement sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉCLARE M. [K] [H] recevable en son action à l’encontre de la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) ;
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a condamné la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) à payer à M.[K] [H] 4.480,32 euros à titre de rappel sur primes d’ancienneté, 448,03 euros au titre des congés payés afférents, 373,36 euros à titre de rappel sur primes de 13e mois afférentes ;
L’INFIRMANT de ces chefs,
STATUANT à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) à payer à M. [K] [H] les sommes suivantes :
– 4.703, 99 euros brut à titre de rappel de prime d’ancienneté,
– 470, 39 euros brut à titre de congés payés afférents,
– 391, 99 euros brut à titre de rappel sur prime 13 ème mois.
DIT que ces sommes produiront intérêt au taux légal;
DIT que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
CONDAMNE M. [K] [H] à payer à la SNC société d’avitaillement et de stockage de carburants d’aviation (SASCA) la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [K] [H] aux dépens d’appel;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.