CDD pour accroissement d’activité : décision du 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00913
CDD pour accroissement d’activité : décision du 21 février 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 21/00913

ARRÊT DU

21 FEVRIER 2023

PF/CO*

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N° RG 21/00913 –

N° Portalis DBVO-V-B7F-C56I

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[I] [K]

C/

SASU PLD ATLANTIQUE

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Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le vingt et un février deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller, assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[I] [K]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d’AGEN

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – formation paritaire d’AGEN en date du 06 septembre 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 20/00193

d’une part,

ET :

LA SAS PLD ATLANTIQUE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Rachel LEFEVRE substituant à l’audience Me Gregory VEIGA, avocat inscrit au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 06 décembre 2022 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chrystelle BORIN, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée du 4 janvier 2016 jusqu’au 12 février 2016, Mme [I] [K] a été embauchée par la société PLD atlantique, en qualité d’agent de service coefficient AS1, pour une durée de travail de 62,83 heures par mois.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été signé pour une période allant du 15 au 29 février 2016, et pour une durée de travail de 43,33 heures par mois.

A compter du 1er mars 2016, la relation contractuelle s’est transformée en contrat de travail à durée indéterminée, pour un même temps de travail mensuel. Sa rémunération était de 430,70 euros.

Par la suite, trente-trois avenants au contrat de travail se sont succédés à compter du 1er mars 2016 jusqu’en novembre 2018.

La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.

Par courrier recommandé du 12 décembre 2016, Mme [I] [K] a reçu un premier avertissement de son employeur pour ne pas avoir réalisé le nettoyage du centre de loisirs « [9] » le 8 décembre 2016.

Le 17 février 2017, l’employeur a signifié un rappel à l’ordre à Mme [I] [K] pour avoir modifié ses horaires de travail de sa propre initiative, et sans prévenir, sur le chantier de l’école primaire « [5] ».

Le 22 mars 2017, un nouveau rappel à l’ordre a été signifié, pour les mêmes raisons, concernant une mission sur le centre de loisirs « [9] ».

Le 28 janvier 2019, la société PLD atlantique a adressé un second avertissement pour non-respect des horaires et pour non respect des tâches sur les sites du centre de loisirs « [9] », l’école maternelle « [6] » et « [8] ».

Par courrier recommandé du 15 février 2019, la société PLD Atlantique a convoqué Mme [I] [K] à un entretien préalable pour une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 2 avril 2019.

Par courrier du 12 avril 2019, la société PLD Atlantique a notifié à Mme [I] [K] son licenciement pour faute grave, aux motifs suivants :

« Au cours de l’entretien préalable, nous avons entendu vos explications. Celles-ci ne nous ont pas permis de remettre en cause notre appréciation des faits qui vous sont reprochés :

– Non-respect de votre contrat de travail avec absence totale de réalisation de vos prestations de nettoyage depuis JANVIER 2019 sur votre site d’affectation Résidence GAMOT à [Localité 10] et ce sans aucune information préalable auprès de votre hiérarchie.

– Notre clientèle CILIOPEE gestionnaire de cette résidence a pu lui-même constater cette absence totale de prestations confirmée par l’ensemble des locataires sur place. Suite à ces réclamations clients, j’ai pu constater par moi-même l’absence totale de vos prestations lors de mon passage sur site le jeudi 7 mars 2019 et que vous avez reconnue lors de notre entretien.

Votre attitude nuit gravement à l’image de marque de notre société et porte préjudice aux relations commerciales que nous entretenons avec notre principal client.

L’ensemble de ces faits constitue des faits fautifs graves justifiant la rupture de votre contrat de travail avec effet immédiat c’est-à-dire excluant le moindre préavis.

Par voie de conséquence et pour l’ensemble des raisons susvisées, je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave. »

Mme [I] [K] a saisi le conseil de prud’hommes d’Agen le 18 août 2020.

Par jugement du 6 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Agen, section Commerce, a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [I] [K] reposait sur une faute grave,

– dit et jugé que la société PLD atlantique avait exécuté loyalement le contrat de travail,

– condamné la société PLD atlantique à verser à Mme [I] [K] la somme de 2 243,18 euros au titre des congés payés pour l’année 2017-2018,

– condamné la société PLD atlantique au paiement de la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– ordonné la remise des documents de fin de contrat ainsi qu’un bulletin de salaire mentionnant les sommes versées au titre des condamnations prononcées,

– débouté Mme [I] [K] du surplus de ses demandes,

– débouté la société PLD atlantique du surplus de ses demandes,

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 29 septembre 2021, Mme [I] [K] a régulièrement déclaré former appel limité du jugement, en désignant la société PLD atlantique en qualité de partie intimée et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont dit et jugé que son licenciement reposait sur une faute grave, dit et jugé que la société PLD atlantique avait exécuté loyalement le contrat de travail, limité les rappels de salaire sollicités à la somme de 2 243,18 euros, limité la condamnation à 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’ont déboutée du surplus de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022 et l’affaire fixée pour plaider à l’audience du 6 décembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

I. Moyens et prétentions de Mme [I] [K] appelante principale

Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 14 avril 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelant, Mme [I] [K] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Agen du 6 septembre 2020 en ce qu’il a :

– dit et jugé que son licenciement reposait sur une faute grave,

– dit et jugé que la société PLD atlantique avait exécuté loyalement le contrat de travail,

– limité les rappels de salaire sollicités à la somme de 2 243,18 euros,

– limité la condamnation à 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a déboutée du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

– requalifier, le licenciement notifié le 12 avril 2019, en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– écarter, le montant maximal d’indemnisation prévu par l’article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et le droit au procès équitable ou à défaut faire une appréciation « in concreto » du préjudice subi par le salarié,

– condamner en conséquence la société PLD Atlantique à lui verser la somme de 10 123,33 euros net, correspondant à sept mois de salaire, en réparation de l’ensemble des préjudices professionnels, financiers et moraux subis dans le cadre de son licenciement.

A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas l’inopposabilité du plafonnement :

– condamner la société PLD Atlantique à lui verser la somme de 5 784,76 euros net, correspondant à quatre mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3.

A titre infiniment subsidiaire, requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

– condamner la société PLD atlantique à lui verser les sommes suivantes :

– 2 892,38 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 289,24 euros au titre des congés payés afférents,

– 1 775,04 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 3 568,23 euros au titre des rappels de salaire, outre 356,82 euros de congés payés afférents,

– 2 243,18 euros au titre des congés payés pour l’année 2017-2018,

– 5 000 euros au titre des dommages-intérêts en réparation de l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

– ordonner la remise des documents de fin de contrat ainsi que d’un bulletin de salaire mentionnant les sommes versées au titre des condamnations prononcées,

– débouter la société PLD atlantique de sa demande en condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société PLD Atlantique au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure prud’homale et 2 000 euros pour la procédure en appel ainsi qu’aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Mme [I] [K] fait valoir que :

I. Sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

– L’employeur n’a jamais expliqué le délai anormalement long entre la convocation et la tenue de l’entretien.

– L’employeur prétend qu’elle n’aurait pas effectué ses prestations sur le chantier de la résidence Gamot depuis janvier 2019. Il est incompréhensible qu’il l’ait laissée à son poste durant près de trois mois après la découverte des faits. En s’abstenant de la sanctionner de façon immédiate, et en la laissant exercer ses fonctions, l’employeur démontre l’absence de gravité de la faute.

– Elle avait en charge d’effectuer le ménage du rez-de-chaussée des cinq bâtiments de la résidence Gamot, mais ne disposait que de la clé du dernier bâtiment et le digicode des autres ne fonctionnait pas. Elle l’a indiqué à son supérieur hiérarchique, en vain.

– Selon le mode de calcul le plus favorable, le salaire brut moyen concernant les douze derniers mois est de 1 446,19 euros. A la date de la rupture, elle cumulait trois ans et trois mois d’ancienneté. Elle est fondée à demander une indemnité compensatrice de préavis, une somme au titre des congés payés sur préavis et une indemnité légale de licenciement, calculées sur ce salaire moyen.

II. Sur le droit à une indemnité adéquate, en contradiction avec le plafond prévu par l’article L.1235-3 du code du travail

– Deux textes internationaux, d’invocabilité directe, garantissent aux salariés licenciés sans motif valable de recevoir une indemnité adéquate :

– l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT sur le licenciement : le Conseil d’État a confirmé son effet direct. La Cour de cassation a également établi qu’il était directement applicable par le juge français

– et l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 : le Conseil d’État a estimé qu’il était directement invocable devant le juge français

– Le contrôle de conventionnalité du plafonnement mis en place par le nouvel article L.1235-3 du code du travail revient au seul juge prud’homal. Ce contrôle peut conduire à écarter la loi française pour faire prévaloir la convention internationale dans le litige. La Cour de cassation a rendu un avis estimant que l’office du juge du fond doit au préalable intervenir pour statuer sur la compatibilité des dispositions internes aux textes internationaux.

– La chambre sociale a publié une note explicative énonçant que « il y a effet direct (‘) dès lors que ces dispositions internationales de fond attribuent des droits subjectifs aux particuliers que ceux-ci peuvent faire valoir devant le juge judiciaire ». Le droit à une indemnité adéquate est un droit subjectif qui produit des effets directs à l’égard des salariés privés d’emploi sans motif valable.

– Afin de garantir une indemnisation adéquate, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a énoncé que « les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient », notamment, « des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime ». Le mécanisme de plafonnement instauré par le droit français ne respecte pas ces exigences. L’article L.1235-3 du code du travail ne permet plus de couvrir l’ensemble des préjudices et de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice. Et l’indemnité plafonnée perd son caractère dissuasif et prive d’effectivité l’interdiction de licencier sans motif valable.

– Cet article ne pose que la condition d’ancienneté pour fixer un plafond, alors que ce seul critère est insuffisant et inadapté pour apprécier du préjudice du salarié licencié sans motif valable. Ce mécanisme forfaitaire d’un barème calculé sur le seul critère de l’ancienneté a été censuré par la Cour constitutionnelle italienne, notamment au visa de l’article 24 de la Charte sociale européenne.

– En droit français, il n’existe aucune voie de droit alternative pour que le salarié obtienne une indemnisation complémentaire ou déplafonnée dans le cadre de son licenciement injustifié, alors que le CEDS a précisé que cela devait être le cas pour que le plafonnement soit jugé conforme à la charte sociale européenne. La Cour de cassation a marqué sa volonté d’inclure dans l’indemnité plafonnée l’ensemble des éléments concourant à la conclusion d’une absence de cause réelle et sérieuse. Les recours concernant des situations spécifiques (licenciement discriminatoire, ou harcèlement) ne constituent pas cette voie de droit alternative.

– L’instauration de tels barèmes verrouille le pouvoir d’appréciation des juges et décourage les salariés d’agir en justice pour faire valoir leurs droits. De nombreux conseils de prud’hommes ont reconnu l’inconventionnalité des plafonds et ont écarté leur application.

– Si la cour retient la conventionnalité de ces dispositions légales, il lui est demandé d’effectuer un contrôle in concreto, et d’écarter le barème afin d’indemniser de manière adéquate le licenciement subi. Elle demande ainsi la somme de 10 123,33 euros nets, équivalente à 7 mois de salaire.

– Elle justifie de sa situation depuis la rupture et ainsi de l’impact sur son niveau de vie.

III. Sur les rappels de salaires

Sur les congés payés :

– Elle sollicite des rappels sur congés payés non pris. Par courrier du 6 mars 2019, elle a informé son employeur qu’elle souhaitait prendre des congés. Elle modifiait ses dates pour la deuxième fois. Elle précisait ne jamais avoir pris de congés depuis sa prise de poste. L’employeur lui a répondu en proposant une autre période de prise de congés. Il lui imposait des dates de façon totalement déloyale, ce qui la privait de congés. Par la faute de son employeur, elle a perdu le bénéfice de ses droits à congés payés de l’année 2017, soit 38 jours.

Sur les heures indûment déduites :

– Elle sollicite des rappels en raison d’heures. Sur ses fiches de paie apparaissaient des retenues pour « convenance personnelle », alors que l’employeur aurait dû déduire ces jours des congés payés, sachant qu’elle n’avait pris que six jours de congés payés en trois ans et trois mois de relation contractuelle. Des retenues de salaire ont été faites lorsque les sites sur lesquels elle devait intervenir étaient fermés de manière ponctuelle.

– L’employeur a prétendu à des absences, notamment les 21, 24, 28 et 31 décembre. Cette retenue est incompréhensible. D’une part, l’employeur a retiré 23 heures de salaire, alors que le planning prévoyait 14,5 heures de travail effectif pour ces jours. D’autre part, le bulletin de salaire fait état d’heures complémentaires, pour remplacement et accroissement d’activité, à ces mêmes dates.

– Elle détaille les différentes retenues sur salaire opérées, avec les périodes concernées.

– Le conseil de prud’hommes a écarté sa demande, au motif que « en ce qui concerne les différentes absences non rémunérées à compter de juin 2018 (‘) celles-ci sont compensées par le règlement des congés payés sur le bulletin de salaire d’avril 2019 ». Or aucune compensation ne peut être faite entre ces deux éléments. Elle disposait de 26 congés payés sur N-1 et 25 sur N, de sorte que c’est bien des congés payés acquis qui lui ont été réglés.

IV. Sur la demande en paiement en dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

– L’employeur a fait preuve d’une particulière déloyauté dès la conclusion du contrat de travail. De nombreuses anomalies sont de nature à caractériser une déloyauté certaine de l’employeur : non effectivité du droit à congés payés, non-respect de la base de salaire contractuelle, non-respect des repos, non-respect du paiement de l’ensemble des éléments de salaire.

– Le long délai entre la convocation à l’entretien préalable et la tenue de l’entretien ne permet pas de prétendre au respect de Mme [I] [K]. Celle-ci a écrit un courrier le 9 avril 2019 afin de connaître la décision de l’employeur concernant son éventuel licenciement, car aucune suite n’avait été donnée une semaine après l’entretien. Pendant ce temps, elle a vu ses heures diminuer sans pouvoir prendre d’autres engagements. Cela lui a causé préjudice.

V. Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– Elle a subi pendant plusieurs mois des préjudices financiers et moraux. Elle a dû engager des frais afin d’assurer sa défense. Elle demande la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre du jugement de première instance et la somme de 2 000 euros en cause d’appel, outre les dépens.

II. Moyens et prétentions de la société PLD Atlantique intimée sur appel principal

Dans ses uniques conclusions enregistrées au greffe le 9 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour une parfaite connaissance des moyens et prétentions, la société PLD atlantique demande à la cour de :

– confirmant le jugement attaqué,

– dire et juger que la société PLD atlantique a exécuté loyalement le contrat de travail,

– subsidiairement, dire et juger que Mme [I] [K] n’établit aucun préjudice au titre de l’exécution du contrat de travail,

– débouter en conséquence Mme [I] [K] de l’intégralité de ses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail,

– dire et juger que le licenciement de Mme [I] [K] repose sur une faute grave,

– débouter en conséquence Mme [I] [K] de l’intégralité de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail,

– réformant le jugement attaqué, dire et juger que Mme [I] [K] a été intégralement remplie de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail,

– débouter en conséquence Mme [I] [K] de l’intégralité de ses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail, notamment au titre des congés payés qu’elle s’est abstenue de prendre et qui sont en conséquence perdus,

– subsidiairement, dire et juger que le licenciement de Mme [I] [K] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– à titre infiniment subsidiaire, dire et juger que Mme [I] [K] ne peut prétendre écarter au barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 du code du travail et qu’elle ne justifie pas du préjudice invoqué,

– en toute hypothèse, condamner Mme [I] [K] à verser à la société PLD atlantique une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [I] [K] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société PLD atlantique fait valoir que :

I. Sur l’exécution du contrat de travail

– elle a loyalement exécuté le contrat de travail. La salariée ne s’est jamais plainte des conditions d’exécution du contrat de travail avant de faire l’objet d’une procédure de licenciement. Elle n’a pas non plus contesté les avertissements et rappels à l’ordre. La salariée a toujours accepté les différents avenants qui n’ont rien d’exceptionnel compte tenu du domaine d’activité. Elle a toujours souhaité travailler à temps partiel.

– les retenues invoquées par Mme [I] [K] correspondent aux périodes de fermeture des écoles sur lesquelles elle intervenait pendant les vacances scolaires. Elles étaient le plus souvent compensées avec des réaffectations sur d’autres sites, avec paiement en heures complémentaires.

– elle n’a jamais fait obstacle à ce que Mme [I] [K] prenne ses congés. La salariée a posé très peu de congés, car elle travaillait pour d’autres employeurs afin d’optimiser sa rémunération. Il s’agissait donc d’un choix de la salariée. Elle a toujours été informée que les congés non posés au terme de la période concernée étaient perdus. Aucun refus ne lui a été opposé avant le mois de mars 2019, refus justifié par des contraintes internes et par la prévenance tardive de la salariée. A la date de son licenciement, il lui restait 28 jours de congés payés qui lui ont été réglés, soit 2 794,64 euros.

– subsidiairement, il convient de ramener l’indemnisation de Mme [I] [K] à de plus justes proportions. Elle n’apporte pas la preuve d’un préjudice né d’un prétendu manquement.

II. Sur la rupture du contrat de travail

Sur la faute grave :

– Le licenciement de Mme [I] [K] repose sur une faute grave, il est intervenu dans un contexte de réitération caractérisé. Malgré plusieurs sanctions disciplinaires, elle a persisté à ne pas exécuter convenablement ses obligations contractuelles.

– La lettre de licenciement explique que Mme [I] [K] a cessé d’accomplir ses prestations sur le site de la résidence Gamot à compter de janvier 2019, sans en informer sa hiérarchie. Celle-ci ne conteste pas les faits. Cet abandon de chantier constitue un manquement grave.

– La date de l’entretien préalable a été fixée quelques temps après l’envoi de la convocation, afin de laisser le temps à l’employeur de procéder à des vérifications sur les différents sites qui avaient été confiés à la salariée. Il n’a appris l’abandon de ce chantier que lorsqu’il a été informé par des locataires de l’absence de prestations sur site.

– Une mise à pied conservatoire ne s’imposait pas, dans la mesure où il était peu probable que Mme [I] [K] abandonne à nouveau l’un de ses chantiers.

Subsidiairement, sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :

– L’abandon de chantier injustifié constitue une faute contractuelle de la salariée de nature à justifier son licenciement.

A titre infiniment subsidiaire, sur une indemnisation ramenée à de plus justes proportions :

– En application de l’article 1235-3 du code du travail, avec une ancienneté de trois ans, Mme [I] [K] ne peut prétendre qu’à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire.

– La salariée demande que ce barème ne soit pas appliqué, en formulant des arguments qui ont été écartés par la Cour de cassation. Il a été considéré que les dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne n’étaient pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. Et que les dispositions de l’article 1235-3 du code du travail étaient compatibles avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT.

III. Sur les demandes annexes

– elle demande la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que la condamnation de la salariée aux entiers dépens.

MOTIVATION

I. Sur l’exécution du contrat de travail

Sur les rappels de salaires

1. Sur congés payés

Selon l »article L.3141-1 du code du travail, « tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur. »

En l’espèce, la salariée fait valoir qu’elle n’a pu tout au long de la relation contractuelle faire valoir son droit à congés payés, que malgré ses demandes, l’employeur les a systématiquement rejetées, qu’elle l’a alerté de cette difficulté par courrier du 6 mars 2019 et qu’il lui imposait de modifier ses dates aboutissant à la priver de congés.

Elle a ainsi perdu au mois de juin 2018 le bénéfice de ses droits pour l’année 2017 , soit 38 jours de congés payés. En conséquence, elle sollicite la somme de 2 243,18 euros au titre des congés payés pour l’année 2017-2018.

Il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

L’employeur allègue qu’aucun refus n’a été opposé à la salariée avant mars 2019, qu’elle travaillait pour d’autres employeurs, ce qu’elle conteste, et souhaitait effectuer un maximum d’heures pour optimiser sa rémunération, qu’elle ne s’est jamais plainte avant mars 2019 et qu’en conclusion, l’absence de congés résulte exclusivement du choix de la salariée.

Force est de constater que, pas plus qu’en première instance, l’employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe tenant au droit à congés payés de la salariée.

En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société PLD atlantique à verser à Mme [I] [K] la somme de 2 243,18 euros au titre des congés payés pour l’année 2017-2018.

2. Sur les heures indûment déduites

La salariée sollicite la somme de 3 568,23 euros et les congés payés afférents au titre d’un rappel de salaires pour la période de mai 2016 à avril 2019 en raison d’heures de travail qu’elle considère indûment déduites.

L’employeur rétorque que les retenues contestées correspondent à des fermetures de sites lors des vacances scolaires, qu’elles étaient compensées par des réaffectations sur d’autres sites avec paiement d’heures complémentaires et que la salariée ne s’était jamais plainte.

La cour constate d’une part que l’employeur ne produit aucun justificatif démontrant la réalité des motifs qu’il allègue et d’autre part, qu’il existe de nombreuses incohérences comme l’a relevé la salariée.

De plus, les absences non rémunérées à compter de juin 2018 ne peuvent donner lieu à compensation par le règlement d’une indemnité compensatrice de congés payés sur le bulletin d’avril 2019, au terme de la relation contractuelle, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes.

La somme réclamée s’élevant à 3 568,23 euros se décompose ainsi :

– la somme totale de 2024,94 euros au titre de retenues de mai 2016 à avril 2019 pour : « jour férié, convenance personnelle, absences pour fermeture du site et absences non rémunérées » est effectivement due. D’une part, les bulletins de salaire indiquent un nombre d’heures de base qui ne correspond pas à celle prévues aux avenants comme l’a détaillé la salariée dans ses écritures et d’autre part, la salariée doit être rémunérée pour les heures de base indiquées comme constituant du travail effectif

– la somme de 1344,94 euros au titre du mois de juin, juillet et août 2018 est due car l’avenant n°8 prévoit 182 heures mensuelles alors qu’apparaissent sur les bulletins correspondant : 151,66 heures mensuelles, 129,99 heures et 129,99 heures (soit 30.34 et 2 x 52.01 heures déduites au taux horaire de 10.12€)

– la somme de 127,51 euros au titre des mois de novembre et décembre 2018, janvier, février et mars 2019 est due car l’avenant n°11 prévoit 97,85 heures mensuelles alors qu’apparaissent sur les bulletins correspondant : 95,33 heures mensuelles (soit 2.52 heures déduites au taux horaire de 10.12€)

– la somme de 70,84 euros pour absences non rémunérées de 7 heures au taux horaire de 10,12 € alors que l’horaire de base retenu est de 44 heures

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande au titre des rappels de salaire et congés payés afférents et condamne la société PLD atlantique à lui payer la somme de 3 568,23 euros au titre des rappels de salaire outre la somme de 356, 82 euros de congés payés afférents.

La cour ordonne à la société PLD atlantique de remettre à la salariée les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire rectifiés.

3. Sur la demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail

L’article L.1222-1 du code du travail dispose que : « Le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

Mme [K] démontre que le non paiement des congés payés 2017 et des heures indûment déduites lui a créé un préjudice économique en la privant d’une partie de la rémunération à laquelle elle avait droit.

La cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [I] [K] de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat et condamne l’employeur à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

II. Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte des dispositions des articles L.1232-1 et L.1235-1 du code du travail, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, auquel il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Toutefois, s’il invoque une faute grave pour justifier le licenciement, l’employeur doit en rapporter la preuve, étant rappelé que la faute grave, privative de préavis et d’indemnité de licenciement, est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pour la durée limitée du délai-congé.

Aux termes de la lettre de licenciement du 12 avril 2019, qui fixe les limites du litiges, l’employeur fait grief à la salariée Mme [I] [K]  de ne pas avoir réalisé ses prestations de nettoyage depuis janvier 2019 sur le site de la résidence Gamot à [Localité 11].

Pour retenir l’existence d’une faute grave, le conseil de prud’hommes d’Agen a considéré que :

– la salariée avait fait précédemment l’objet de deux avertissements les 12 décembre 2016 et 28 janvier 2019 pour les mêmes faits

– elle a reconnu lors de l’entretien sur site le 7 mars 2019 avoir cessé d’accomplir ses prestations sur le site Gamot au mois de janvier 2019 sans prévenir son employeur

– ces fautes prises isolément présentent une gravité mineure mais sont devenues graves en raison de leur caractère répétitif

La cour observe que les premiers juges ont ainsi fait une juste appréciation des éléments de faits soumis aux débats et il suffira de rajouter que :

– le licenciement est intervenu dans un contexte de réitération caractérisé

– la salariée ne justifie pas avoir averti son employeur des difficultés d’accès qu’elle prétend avoir rencontrées

– elle n’a pas contesté ne pas être entrée dans les lieux depuis le mois de janvier 2019

– l’employeur a pris le soin de vérifier lui-même la réalité de la non-exécution des tâches par la salariée qui lui avait été rapportée par le service gestionnaire de la résidence

– une mise à pied conservatoire n’est pas une sanction mais une mesure que l’employeur peut adopter lorsque l’agissement du salarié la rend indispensable et qui reste à son appréciation. Elle n’est pas obligatoire lors d’un licenciement pour faute grave

Il ressort de ces éléments que Mme [I] [K] a gravement manqué à ses obligations contractuelles. Le comportement de la salariée a nécessairement provoqué une perte de confiance de son employeur rendant ainsi impossible la poursuite du contrat de travail pendant la période limitée du préavis. Il constitue une faute grave justifiant le licenciement prononcé par l’employeur.

La cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a jugé le licenciement pour faute grave justifié et a débouté Mme [I] [K] de ses demandes indemnitaires.

III. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société PLD atlantique, dont la succombance est prédominante, ne peut prétendre à des frais irrépétibles et doit être condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu’il a condamné la société PLD atlantique à payer la somme de 300 euros à Mme [K] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La cour condamne la société PLD atlantique à payer à Mme [K] la somme de 400 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 600 euros sur ce même fondement en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

– dit et jugé que le licenciement de Mme [I] [K] reposait sur une faute grave,

– condamné la société PLD atlantique à verser à Mme [I] [K] la somme de 2 243,18 euros au titre des congés payés pour l’année 2017-2018,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a :

– débouté Mme [K] de sa demande au titre des rappels de salaire et congés payés afférents,

– dit et jugé que la société PLD Atlantique avait exécuté loyalement le contrat de travail,

– condamné la société PLD atlantique au paiement de la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société PLD atlantique à payer à Mme [I] [K] la somme de 3 568,23 euros au titre des rappels de salaire outre la somme de 356, 82 euros de congés payés afférents,

CONDAMNE la société PLD atlantique à payer à Mme [I] [K] la somme de 500 euros au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

ORDONNE à la société PLD atlantique à remettre à Mme [I] [K] les documents de fin de contrat et un bulletin de salaire rectifiés,

CONDAMNE la société PLD atlantique à payer à Mme [I] [K] la somme de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 600 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel,

CONDAMNE la société PLD atlantique aux entiers dépens de la procédure d’appel,

DÉBOUTE la société PLD atlantique de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller, en l’absence du président empêché et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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