CDD pour accroissement d’activité : décision du 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02712
CDD pour accroissement d’activité : décision du 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02712

20/01/2023

ARRÊT N°39/2023

N° RG 21/02712 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OHM6

CB/AR

Décision déférée du 11 Mai 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de TOULOUSE ( 19/01490)

BARDOUT JC

S.A.S. ICTS FRANCE

C/

[N] [P]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 20 01 23

à Me Michel JOLLY

Me Pauline LE BOURGEOIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. ICTS FRANCE

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant) et par Me CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON (plaidant)

INTIMEE

Madame [N] [P]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Pauline LE BOURGEOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. Brisset, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. Brisset, présidente

A. Pierre-Blanchard, conseillère

F. Croisille-Cabrol, conseillère

Greffier, lors des débats : A. Ravéane

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis des parties

– signé par C. Brisset, présidente et par A. Ravéane greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [N] [P], qui avait exécuté un premier contrat à durée déterminée du 1er au 31 mars 2014, a été embauchée selon différentes conventions (contrat de professionnalisation, contrats de travail à durée déterminée et saisonniers) sur la période du 1er avril 2016 au 30 septembre 2018 par la SAS ICTS France en qualité d’opératrice de sûreté aéroportuaire à l’aéroport de [Localité 4] [Localité 3].

La convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité est applicable.

Le 20 septembre 2019, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins de requalifier la relation de travail en un contrat à durée indéterminée et la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement de départition du 11 mai 2021, le conseil a :

– dit la requête recevable,

– dit les demandes non prescrites,

– dit que Mme [N] [P] a occupé un emploi permanent au sein de la société ICTS France du 1er avril 2016 au 30 septembre 2018,

– dit que les contrats de travail à durée déterminée et saisonniers s’analysent en un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 1er avril 2016,

– fixé le salaire mensuel de base à 2 803,66 euros,

– condamné la société ICTS France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [P] les sommes suivantes au titre de l’exécution du contrat de travail:

– 2 803,66 euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 53,50 euros à titre de rappel de salaire du 11 décembre 2016 au 8 janvier 2017 et de 5,35 euros pour les congés payés y afférents,

– dit que la fin de la relation de travail le 30 septembre 2018 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société ICTS France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [P] les sommes suivantes au titre de la rupture du contrat de travail:

– 1 752,28 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 5 607,32 euros au titre de l’indemnité de préavis et 560,73 euros au titre des congés payés afférents,

– 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale des contrats de travail et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [P] et la société ICTS France pour le surplus de leurs demandes,

– rappelé que les condamnations à paiement de créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil et que la condamnation à paiement d’une créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,

– condamné la société ICTS France aux dépens ainsi qu’à régler à la salariée la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 18 juin 2021, la société ICTS France a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.

Dans ses dernières écritures en date du 21 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, la société ICTS France demande à la cour de :

– juger l’appel interjeté par la société ICTS France fondé et justifié.

Y faire droit :

– réformer le jugement rendu le 11 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Toulouse en ce qu’il a :

– requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2016,

– condamné la société ICTS France à verser les sommes suivantes :

– indemnité de requalification …………………………………………. 2 803,66 euros,

– indemnité légale de licenciement …………………………………..1 752,28 euros,

– indemnité de préavis ………………………………………………….. 5 607,32 euros,

– congés payés afférents ………………………………………………….. 560,73 euros,

– dommages et intérêts pour exécution déloyale

et licenciement sans cause réelle et sérieuse ……………………10 000 euros,

– article 700 du code de procédure civile ……………………………… 1 200 euros,

– confirmer pour le surplus,

– juger irrecevables et en tout état de cause infondées les demandes présentées par Mme [P],

– débouter Mme [P] de l’intégralité de ses demandes.

Y ajoutant :

– condamner Mme [P] à payer à la Société ICTS France une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle soutient que les prétentions de Mme [P] sont partiellement prescrites alors en outre que le contrat de professionnalisation échappe à la question de la requalification. Sur le fond, elle fait valoir que chacun des contrats correspondait à un cas de recours autorisé et qu’il était justifié. Elle s’oppose à toutes les demandes. Subsidiairement, elle discute les indemnités et fait valoir que la salariée ne justifie pas s’être tenue à sa disposition pendant les périodes interstitielles.

Dans ses dernières écritures en date du 18 novembre 2022, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [P] demande à la cour de :

– juger recevable et bien fondée Mme [N] [P] en ses demandes et appel incident,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– jugé recevable la requête,

– jugé les demandes non prescrites,

– jugé que Mme [P] occupe un emploi permanent au sein de la SAS ICTS France du 1er avril 2016 au 30 septembre 2018,

– jugé que les contrats de travail à durée déterminée et saisonniers s’analysent en un contrat de travail à durée déterminée depuis le 1er avril 2016 ,

– fixé le salaire moyen à 2 308,66 euros.

En conséquence :

– condamné la société ICTS France au paiement des sommes suivantes :

– indemnité de requalification : 2 803,66 euros (1 mois de salaire),

– rappel de salaire sur la période du 11 décembre 2016 au 8 janvier 2017: 53,50 euros, s’y ajoutant 5,35 euros, dommages et intérêts pour exécution déloyale des contrats de travail : le réformer sur le quantum,

– jugé que l’absence de poursuite du contrat au-delà du 30 septembre 2018 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société ICTS France à payer à Mme [P] les sommes suivantes :

– indemnité légale de licenciement : 1 752,28 euros,

– indemnité de préavis : 5 607,32 euros (2 mois), et 560,73 euros au titre des congés payés afférents,

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : le réformer sur le quantum,

– condamné la société ICTS France au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile, s’y ajoutant les entiers dépens,

– infirmer le jugement entrepris pour le surplus.

Statuant à nouveau :

– condamner la société ICTS France au paiement des sommes suivantes :

– rappel de salaire sur les périodes interstitielles : 22 429,28 euros, et 2 242,92 euros au titre des congés payés y afférents,

– dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail : 8 410, 98 euros (3 mois de salaire),

– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 9 812, 81 euros (3,5 mois de salaire).

En outre :

– condamner la société ICTS France au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel, s’y ajoutant les entiers dépens.

Elle conteste toute prescription, la succession de contrats ayant pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Elle y inclut le contrat de professionnalisation et subsidiairement soutient que la requalification devrait produire effet à compter du 11 décembre 2016. Elle invoque une exécution fautive du contrat de travail par l’employeur qui l’a maintenue en précarité dans l’emploi. Elle considère que la rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 22 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour conclure à la réformation du jugement, l’appelante soutient en premier lieu que les prétentions de son adversaire seraient pour partie prescrites. Elle se prévaut des dispositions de l’article L. 1471-1 du code du travail et soutient que le point de départ de la prescription serait la date de conclusion de chaque contrat.

Il apparaît cependant que la salariée sollicitait la requalification en considérant que la succession de contrats avait pour objet de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et donc en violation des dispositions de l’article L. 1242-1 du code du travail. Dès lors, le point de départ de la prescription biennale était constitué par le terme du dernier contrat, soit le 30 septembre 2018. Aucune prescription ne peut donc être retenue au regard d’une saisine le 20 septembre 2019 et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le fond, il convient d’apprécier la succession des contrats et de déterminer s’il s’agissait pour l’employeur de pourvoir à un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.

Contrairement aux énonciations de l’appelante, il n’y a pas lieu d’exclure a priori le contrat de professionnalisation. En effet, par application des dispositions de l’article L. 6325-5 du code du travail un tel contrat peut être conclu tant à durée indéterminée qu’à durée déterminée. Toutefois, dans ce dernier cas le contrat est conclu en application non de l’article L. 1242-2 prévoyant les motifs généraux de recours mais en application de l’article L. 1242-3 prévoyant un cas de recours spécifique.

Il convient donc d’en tenir compte dans la succession des contrats laquelle se présente ainsi :

– contrat de professionnalisation du 1er avril au 30 septembre 2016,

– contrat à durée déterminée pour accroissement d’activité du 11 au 31 décembre 2016 renouvelé jusqu’au 8 janvier 2017,

– contrat à durée déterminée de remplacement du 1er au 31 mars 2017,

– contrat à durée déterminée saisonnier du 1er avril au 31 août 2017 renouvelé jusqu’au 31 octobre 2017,

– contrat à durée déterminée de remplacement du 1er au 18 mars 2018 renouvelé jusqu’au 31 mars 2018,

– contrat à durée déterminée saisonnier du 1er avril au 30 septembre 2018.

S’agissant du premier contrat, il obéissait ainsi que rappelé ci-dessus à un régime de recours spécifique et il n’est aucunement soutenu que la formation prévue ait été inexistante. S’il n’y a pas lieu de l’exclure a priori, il n’en demeure pas moins qu’il ne peut être considéré comme les autres et dans un ensemble.

C’est donc une période de 21 mois et 3 semaines qui doit être envisagée comprenant des périodes interstitielles de 5 mois et 3 semaines.

Le motif d’accroissement temporaire d’activité du premier contrat à durée déterminée relevant de l’article L. 1242-2 est justifié par le relevé des heures facturées pour l’aéroport faisant ressortir une augmentation sur décembre, augmentation cohérente avec la période de fin d’année et des vacances scolaires.

Le motif du deuxième contrat à durée déterminée dans ce cadre est justifié par l’absence d’une salariée en congé parental d’éducation. S’agissant du quatrième contrat, il est motivé par le remplacement d’une salariée absente pour maladie. Les absences des deux salariées visées au titre de ces deux contrats sont établies par la production de leurs bulletins de paie respectifs.

Enfin, les troisième et cinquième contrats correspondent à des contrats saisonniers. Il est visé la mise en place des vols touristiques durant la période IATA respectivement pour 2017 et 2018. Or, cette période est spécifique à l’activité aéroportuaire et entraîne bien une saisonnalité. La répétition sur deux saisons ne saurait en soi caractériser une relation à durée indéterminée.

Au regard de la confrontation de ces éléments, de l’existence de périodes interstitielles, de motifs de recours licites et justifiés c’est à tort que le premier juge a considéré que la succession des contrats, telle que rappelée ci-dessus, avait pour objet de pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il n’y a donc pas lieu à requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée. La rupture intervenue au terme de chaque contrat et plus particulièrement au titre du dernier d’entre eux ne peut donc être considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mme [P] ne peut donc prétendre à aucune indemnité à ce titre. Elle ne peut davantage prétendre à des salaires pendant les périodes interstitielles puisque chaque contrat a connu son terme à son échéance sans qu’ensuite elle demeure à la disposition de l’employeur avant la conclusion d’un autre contrat. Il n’y a pas davantage lieu à dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat. En effet, il ne saurait être considéré que l’employeur a maintenu Mme [P] en précarité dans l’emploi alors qu’il a eu recours de manière licite au travail à durée déterminée.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a prononcé la requalification et Mme [P] déboutée de toutes ses demandes, lesquelles constituaient la conséquence de cette requalification.

Au regard de la situation respective des parties il n’apparaît pas inéquitable que chacune d’elle conserve à sa charge les frais non compris dans les dépens par elle exposés.

Partie perdante, Mme [P] supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 11 mai 2021 en ce qu’il a dit les demandes non prescrites,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute Mme [P] de toutes ses demandes,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [P] aux dépens de première instance et d’appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.

La greffière La présidente

A. Raveane C. Brisset

.

 


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