ARRET N° 23/2
R.G : N° RG 20/00124 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CE6C
Du 20/01/2023
[V]
C/
S.C.P. [D]-RAVISE
S.A.S.RESTAURATION SCOLAIRE COMMUNAUTE D’AGGLOMERAT ION DE L’ESPACE SUD
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU 20 JANVIER 2023
Décision déférée à la cour : jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FORT DE FRANCE, du 21 Avril 2020, enregistrée sous le n° 14/00291
APPELANT :
Monsieur [R] [V]
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représenté par Me Alberte ROTSEN-MEYZINDI de la SELARL MATHURIN-BELIA & ROTSEN -MEYZINDI, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIMEES :
S.C.P. [D]-RAVISE la SCP [D]-RAVISE est mandataire liquidateur de la SAS SERVICHEF –
[Adresse 6]
[Localité 5]
S.A.S. RESTAURATION SCOLAIRE COMMUNAUTE
D’AGGLOMERAT ION DE L’ESPACE SUD
[Adresse 7]
[Localité 4]
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 1]
[Localité 2]/MARTINIQUE
Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 octobre 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente
– Madame Anne FOUSSE, Conseillère
– Monsieur Thierry PLUMENAIL, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame [L] [Z],
DEBATS : A l’audience publique du 14 octobre 2022,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 09 décembre 2022 par mise à disposition au greffe de la cour. Le délibéré a été prorogé aux 16 décembre 2022 et 20 janvier 2023.
ARRET : Contradictoire
****************
EXPOSE DU LITIGE :
Le 3 octobre 2021, Monsieur [R] [V] a été embauché en qualité d’agent de restauration temporaire au sein de Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique. La relation de travail entre les parties s’est opérée dans le cadre de plusieurs contrats à durée déterminée :
du 3 octobre 2011 au 31 décembre 2011,
du 3 janvier 2012 au 31 mars 2012,
du 1er avril 2012 au 30 juin 2012,
du 4 septembre 2012 au 26 octobre 2012,
du 12 novembre 2012 au 21 décembre 2012,
du 22 décembre 2012 au 22 mars 2013,
du 23 mars 2013 au 20 décembre 2013,
du 6 janvier 2014 au 31 janvier 2014,
Suite à un changement de délégation de service public, la production des repas scolaires des établissements scolaires de l’espace sud a été attribuée à la société SERVICHEF.
Monsieur [R] [V] a été engagé en qualité d’agent d’entretien par la société SERVICHEF selon contrat à durée déterminée à temps partiel du 1er février au 30 juin 2014 moyennant une rémunération de base de 9,58 euros par heure travaillée soit au total 1453 euros par mois, outre une indemnité de transport forfaitaire de 50 euros, une prime de salissures de 23, 10 euros par mois entièrement travaillé, une prime de panier de la ménagère d’un montant de 35 euros par mois entièrement travaillé, la prise en charge de ses repas, lorsque ceux-ci sont pris sur le lieu de travail.
Le 7 mars 2014, Monsieur [R] [V] recevait un chèque de son employeur de 1742,92 euros pour le paiement du salaire du mois de février 2014. L’employeur lui remettait sa fiche de salaire du mois de mars 2014 sur laquelle apparaissait un net à payer de 665,60 euros mentionnant un trop perçu de février 2014 de 540,16 euros.
S’estimant lésé, il saisissait le conseil de prud’hommes de Fort-de-France le 16 mai 2014 aux fins de solliciter la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, contester la rupture de son contrat de travail et de solliciter diverses indemnités de requalification, licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité légale de licenciement, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, rappel de salaire indûment prélevé sur le salaire du mois de mars 2014 et indûment retenu.
Par jugement du 21 avril 2020, le conseil de prud’hommes de Fort-de-France :
disait et jugeait :
infondées les demandes de Monsieur [R] [V],
la demande au titre de l’indemnité de requalification,
la demande au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
la demande au titre de l’indemnité de préavis,
la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
la demande au titre de restitution de la somme indûment prélevée sur le salaire du mois de mars 2014,
la demande au titre du salaire indûment retenu,
la demande au titre de dommages et intérêts,
en conséquence déboutait Monsieur [R] [V] de l’ensemble de ses demandes,
ordonnait la mise hors de cause de la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique,
dit que l’AGS ne doit pas sa garantie pour les créances postérieures au 4 juillet 2017,
déboutait les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamnait Monsieur [R] [V] au paiement des entiers dépens y compris aux éventuels frais et actes d’exécution.
Monsieur [R] [V] interjetait appel de ce jugement par déclaration du 7 juillet 2020 dans les délais impartis et faisait signifier sa déclaration à la SCP [D]-RAVISE es qualité de mandataire liquidateur de la SAS SERVICHEF, étant précisé que par jugement du 9 février 2021, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France avait prononcé la clôture pour insuffisance d’actifs de la société SERVICHEF, publié au BODACC le 26 février 2011.
Par arrêt en date du 29 avril 2022, la chambre sociale de la Cour d’appel a :
Ordonné la réouverture des débats afin de permettre à Monsieur [R] [V] de solliciter du Président du tribunal mixte de commerce, la désignation d’un mandataire ad hoc afin de représenter la société SERVICHEF dans le cadre de la présente procédure,
Renvoyé les parties à l’audience de mise en état virtuelle du 16 septembre 2022, pour fixation à l’audience de rapporteur du 14 octobre 2022,
Réservé l’ensemble des demandes et les dépens,
Par requête du 2 juin 2022, Monsieur [R] [V] a saisi le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc.
Par ordonnance du 29 juin 2022, le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a désigné Me [H] [D] mandataire judiciaire en représentation de la société SERVICHEF.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 8 février 2021 par le rpva, Monsieur [R] [V] demande à la Cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en date du 21 avril 2020 en ce qu’il a :
Dit infondées ses demandes,
Dit la demande de requalification infondée,
Dit la demande au titre de l’indemnité de licenciement, sans cause réelle et sérieuse,
Dit la demande au titre de l’indemnité de préavis, infondée,
Dit la demande au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, infondée,
En conséquence,
Débouté Monsieur [R] [V] de l’ensemble de ses demandes,
Ordonné la mise hors de cause de la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique,
Condamné Monsieur [R] [V] au paiement des entiers dépens, y compris aux éventuels frais et acte d’exécution,
Statuant à nouveau,
Le déclarer recevable et bien fondé en ses présentes demandes
Y faisant droit :
Ordonner la requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er février 2014, en contrat à durée indéterminée,
En conséquence,
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 1 453 euros au titre de l’indemnité de requalification,
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 8 718 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 1 453 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 2 906 euros au titre de l’indemnité de préavis,
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
Ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes, (Attestation ASSEDIC, Certificat de travail),
Condamner la société SERVICHEF au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Juger que la délégation AGS CGEA devra garantir le paiement de ces sommes à Monsieur [R] [V],
Juger que la délégation AGS CGEA devra procéder à l’avance des créances dues à Monsieur [R] [V], selon les termes de l’article L 3253-6 et suivants du code du travail.
Au soutien de ses prétentions, il rappelle qu’il a été engagé par la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique pour emploi de contractuel de catégorie C pour une durée de 11 mois. La reconduction expresse du contrat était prévue dans l’acte d’engagement. Il invoque les CDD successifs conclus par la CAESM avec lui pour remplacer un salarié absent, du fait d’un accroissement d’activité ou encore suite à une vavance d’emploi, mais en réalité pour pourvoir aux activités permanentes et normales de cet ancien employeur. Il critique donc les CDD successifs conclus avec la CAESM, sans respect du délai de carence entre les contrats, des conditions de renouvellement des contrats d’ailleurs non inscrites dans les conventions, ni avenant remis.
A ce titre selon lui, comme les salariés figurant dans la convention passée entre SERVICHEF et la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique, il aurait dû faire l’objet d’une reconduction de son contrat de travail d’autant que la convention a été passée au mépris des règles applicables. Il ajoute que c’est afin de contourner l’obligation de transfert que la société SERVICHEF a conclu un contrat de travail avec lui alors que ses liens de travail avec l’ ESPACE SUD étaient toujours en cours.
Il en déduit qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la demande de requalification du contrat. Il demande à la cour de faire droit à sa demande de requalication du contrat de travail à durée déterminée du 1er février 2014 en contrat à durée indéterminée et que cette demande de requalification relève bien de la compétence judiciaire.
Il maintient qu’il y a bien eu transfert de son contrat de travail en application de l’article L 1224-1 du code du travail et qu’ainsi c’est bien à la société SERVICHEF nouvel employeur qu’il appartient de régler l’indemnité de requalification du CDD conclu en méconnaissance des exigences légales.
Ensuite il soutient que le transfert de son contrat de travail a été réalisé au mépris des dispositions légales. Sur ce point il explique qu’il ne faisait pas partie du personnel repris par SERVICHEF alors que son CDD du 6 au 31 janvier 2014 était en cours lors de la mise en oeuvre de la délégation de service public au profit de cette dernière qui devait débuter à compter du 29 janvier 2014; Il considère que le transfert de son contrat aurait du être automatique. IL en déduit que la société SERVICHEF l’a employé le 1er février 2014 au mépris des dispositions légales pour éviter les conséquences d’un transfert impliquant une obligation de reprise de son ancienneté, de sa qualification et de sa rémunération.
Sur ce CDD conclu avec la société SERVICHEF, il fait remarquer qu’il avait en réalité pour but de pourvoir à une activité normale et permanente de l’entreprise. Il rappelle encore à ce stade qu’il a exercé en qualité d’agent d’entretien dans la restauration depuis trois années sans interruption au sein de la CAESM, que ces contrats ont été successifs donc sans respect de délais d’interruption entre chaque contrat.
Aux termes de ses conclusions notifiées par le rpva le 19 avril et signifiées le 27 avril 2021 à la SCP [D]-RAVISE liquidateur de la SAS SERVCHEF, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA demande à la Cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes dans toutes ses dispositions, et la recevoir en ses prétentions,
Y faisant droit :
Subsidiairement et en tout état de cause :
Juger que la garantie de la Délégation AGS UNEDIC ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L 3253-17 et D3253-5 du code du travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chomage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire, étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code de travail ;
Juger que le plafond de garantie applicable aux faits de l’espèce est le 4 ;
Juger que la Délégation AGS UNEDIC ne devra procéder à l’avances des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants L 3253-17 du code du travail ;
Juger que l’obligation de la Délégation AGS UNEDIC de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Sur la demande de requalification de la relation contractuelle à durée déterminée en contrat à durée indéterminée elle soutient que le conseil de prud’hommes et a fortiori la chambre sociale de la cour d’appel ne sont pas compétents pour statuer sur cette requalification concernant des contrats conclus avec une personne de droit public en l’espèce la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud Martinique, qui relèvent de la compétence du tribunal administratif.
En tout état de cause, elle considère que cette demande est infondée car ces contrats relèvent du droit public, et non les dispositions du code du travail.
Sur ce point, après avoir rappelé les dispositions de l’article 3 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, elle demande à la cour de constater que :
les contrats à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité peuvent être conclus pour une durée maximale de 12 mois pouvant aller jusqu’à 18 mois inclus,
ces contrats à durée déterminée conclus pour remplacer des fonctionnaires ou agents contractuels sont conclus pour une durée déterminée et renouvelés par décision expresse dans la limite de la durée de l’absence du fonctionnaire ou l’agent contractuel à remplacer,
aucun délai de carence n’est prévu par les dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale,
aucune durée n’est prévue pour le remplacement des fonctionnaires ou agents contractuels,
que le droit public ne prévoit pas la requalification des CDD en contrat à durée indéterminée,
que Monsieur [R] [V] ne peut donc solliciter la requalification de ses contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée aux motifs que le délai de carence n’a pas été respecté et que la durée maximale de renouvellement inclus par le code du travail n’a pas été respectée.
Elle ajoute que le contrat de travail de Monsieur [R] [V] n’a pas été transféré et que les dispositions de l’articlel L 1224-3-1 du code du travail institué par la loi du 3 aout 2009 qui prévoit des dispositions spécifiques lorsqu’il s’agit du transfert d’activité d’une personne morale de droit public à une personne de droit privé doivent s’appliquer lesquelles ne prévoient pas à proprement parler de transfert du contrat de travail.
Ainsi la personne morale de droit public doit proposer à l’agent non titulaire de droit public un contrat de travail reprenant les clauses substantielles du contrat de travail.
Elle en déduit que seul le contrat à durée déteminée conclu le 1er février 2014 avec la société SERVICHEF intéresse la présente procédure.
Sur le moyen opposé du contrat à durée déterminée qui aurait pour effet de pourvoir à l’activité normale et permanente de la société SERVICHEF, elle répond que le salarié a bien été embauché en raison de surcroît d’activité généré par la mise en place d’une organisation pour la production des repas scolaires dans les 12 communes membres de l’espace sud.
Elle soutient en conséquence que le contrat à durée déterminée a pris fin à son terme de plein droit et que les règles du licenciement applicables à la rupture du contrat à durée indéterminée ne trouvent pas à s’appliquer.
A titre subsidiaire, elle rappelle l’étendue de sa garantie et affirme que le plafond applicables aux faits de l’espèce serait le plafond 4.
La SCP [D] RAVISE es qualité de mandataire désigné par ordonnance du 29 juin 2022 du Président du Tribunal mixte de commerce pour représenter la SAS SERVICHEF et la Communauté d’agglomération de l’ESpace Sud de la Martinique dite CAESM n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de cloture a été prononcée le 16 septembre 2022.
MOTIFS
– Sur l’incompétence de la juridiction judiciaire pour statuer sur la demande de requalification des contrats conclus avec la CAESM
Sauf dispositions législatives contraires, les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif géré par une personne publique sont des agents contractuels de droit public, quel que soit leur emploi.
Les différends les opposant à leur employeur sont donc de la compétence de la juridiction administrative.
Tel est le cas de Monsieur [R] [V] agent contractuel non titulaire de la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud personne morale de droit public chargée de la restauration des établissements scolaires publics donc d’une mission de service public.
Les contrats de travail produits stipulent en outre qu’ils relèvent de la compétence du tribunal administratif.
En conséquence le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’appel ne sont pas compétents pour statuer sur la demande de requalification de la relation contractuelle entre la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud et Monsieur [R] [V]. En conséquence seul le contrat signé entre la société SERVICHEF et Monsieur [R] [V] en date du 1er février 2014 est concerné par le présent litige.
– Sur le moyen tiré du transfert du contrat de travail de Monsieur [R] [V] réalisé au mépris des dispositions légales
Monsieur [R] [V] soutient que l’article L 1224-1 du code du travail est applicable à la délégation de service public opérée de manière effective au bénéfice de la société SERVI CHEF, à compter du 29 janvier 2014.
Son dernier contrat avec la CAESM s’étant déroulé pour une durée déterminée du 6 janvier 2014 au 31 janvier 2024, il considère que celui-ci était toujours en cours lors de la mise en ‘uvre effective de cette délégation de service public au bénéfice de la société SERVI CHEF de sorte que le contrat a été transféré à cette dernière.
Il en déduit que le nouvel employeur l’a employé à compter du 1er février 2014 et jusqu’au 30 juin 2014 alors que son contrat de travail avec la CAESM était encore en cours juste pour éviter les conséquences d’un transfert impliquant notamment une obligation de reprise de l’ancienneté (3 ans pour avoir été embauché par la CAESM depuis 2011), de la qualification et de sa rémunération.
Aux termes de l’article L 1224-3-1 «Sous réserve de l’application de dispositions ou réglementaires spéciales lorsque l’activité d’une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une personne morale de droit privé ou par un organisme de droit public gérant un service public industriel et commerciale, cette personne morale ou cet organisme propose à ces agents un contrat régi par le présent code. Le contrat proposé reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.
En cas de refus des agents d’accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit la personne morale ou l’organisme qui reprend l’activité applique les dispositions de droit public relatives aux agents licenciés».
Or Monsieur [R] [V] était embauché par la CAESM du 6 au 31 janvier 2014 par contrat à durée déterminée. Il apparaît bien que la délégation du service public de la restauration scolaire a été attribuée à la société SERVI CHEF courant janvier 2014, selon une convention signée le 17 janvier 2014 (pièce 1 de l’AGS). Il n’est pas contesté que cette délégation devait être effective le 29 janvier 2014. A cette date, le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [R] [V] était toujours en cours.
Or en application de l’article L 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Il s’ensuit que le contrat de travail se terminant au 31 janvier 2014 a été transmis à la société SERVICHEF dans le cadre de la délégation de service public bien que son nom n’ait pas été mentionné dans la liste des 79 salariés dont le contrat a été transmis (pièce n° 2 de l’AGS).
Ensuite les dispositions précitées de l’article L1224-3 -1 précité s’appliquent, lesquelles prévoient la proposition par la personne morale de droit privé d’un contrat régi par le code du travail, reprenant les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires.
Il appartenait donc à la société SERVICHEF de reprendre les clauses substantielles du précédent contrat à durée déterminée du 6 au 31 janvier 2014 en terme de rémunération, voire d’ancienneté.
Elle pouvait donc conclure avec Monsieur [R] [V] un contrat à durée déterminée, sans préjudice pour lui en terme de rémunération, d’ancienneté et de qualification.
Monsieur [R] [V] qui ne produit que le contrat de travail à durée déterminée conclu avec la société SERVICHEF et les bulletins de salaire mentionnant une rémunération brute de 1625 euros, sans produire les bulletins de salaire remis par la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud, n’établit pas que sa rémunération était moindre que celle versée par l’ancien employeur.
En revanche force est de constater au regard des fiches de paie de la société SERVI CHEF produites aux débats que la reprise de son contrat s’est effectuée sans maintien de son ancienneté puisqu’il avait été embauché depuis le 3 octobre 2011 par la CAESM et bénéficiait d’une ancienneté de 2 ans et 3 mois à la date de son embauche par La société SERVI CHEF le 1er février 2014.
Force est de constater que la société SERVI CHEF n’a pas respecté les dispositions de l’article L 1224-3-1 précité comme le relève le salarié.
– Sur le moyen tiré du fait que le contrat à durée déterminée conclu entre Monsieur [R] [V] et la société SERVI CHEF a pour effet de pourvoir aux activités normales et permanentes de cette société
Aux termes de l’article L 1242-1 du code du travail, le contrat à durée déterminée quel qu’en soit le motif, ne peut avoir pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
En l’espèce, le contrat de travail signé entre Monsieur [R] [V] et la société SERVI CHEF le 1er février 2014 pour une durée allant du 1er février au 30 juin 2014 stipule qu’il est engagé à temps partiel en qualité d’agent d’entretien pour faire face à un accroissement temporaire d’activité lié à la mise en place d’une organisation transitoire du service de production des repas scolaires dans le cadre de la délégation de service public du service de la restauration scolaire des établissements scolaires de l’Espace sud.
La société SERVI CHEF dûment représentée par son mandataire désigné, à qui revient la charge de la preuve de l’accroissement temporaire d’activité lors de l’embauche de Monsieur [R] [V] n’a pas constitué avocat et n’a donc donné aucune explication en faveur de ce motif de contrat à durée déterminée.
Il s’ensuit que l’augmentation temporaire de la masse de travail, limitée dans le temps justifiant le recours au contrat à durée déterminée n’est pas établie.
C’est donc à bon droit que le salarié invoquant un emploi en réalité lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise sollicite la requalification de son contrat à durée déterminée en date du 1er février 2014 en contrat à durée indéterminée.
Il est fait droit à cette demande et le jugement est infirmé de ce chef.
– Sur les conséquences de la rupture du contrat à la date du 30 juin 2014
Le contrat de travail étant requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture des relations contractuelles entre la société SERVI CHEF et Monsieur [R] [V] le 30 juin 2014 sans respect d’une procédure ni notification de lettre de licenciement prend la forme d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les demandes indemnitaires
* l’indemnité de requalification
En application de l’article L 1245-2 du code du travail, il est du à Monsieur [R] [V] une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
L’indemnité de requalification est fixée à la somme de 1453 euros dans la limite de la demande du salarié.
* l’indemnité légale de licenciement
En application de l’article L 1234-9 du code du travail et eu égard à l’ancienneté accumulée de 2ans et 8 mois au moment de la rupture du contrat de travail, Monsieur [R] [V] est fondé à solliciter une indemnité légale de licenciement d’un montant de 1453 euros x 1/5 x 2 + 1453×1/5 x 8/12 = 290,6 + 193,73 =484,33 euros.
* l’indemnité de préavis
En application de l’article L 1234-1 et compte tenu de son ancienneté de plus de deux ans, il est alloué à Monsieur [R] [V] une indemnité de préavis de deux mois de salaire soit 2906 euros.
* les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Monsieur [R] [V] sollicite la somme de 8718 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Âgé de cinquante ans à la date de la rupture du contrat de travail, il justifie être demeuré sans emploi dans les suites de celle ci, inscrit au Pôle emploi depuis le 2 juillet 2014, selon attestation du Pôle emploi en date du 16 juillet 2020 et percevant à cette date une allocation de 506,70 euros.
En application de l’article L 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, il lui sera alloué la somme de 8718 euros comme demandé en réparation du préjudice découlant de la perte de son emploi compte tenu de son âge et de la difficulté de retrouver un emploi dans ce département au bassin d’emploi restreint.
* la demande de dommages et intérêts pour rupture abusive
Cette demande du salarié n’est pas motivée en fait et en droit et il n’est pas justifié en outre d’un préjudice distinct de celui découlant de la perte d’emploi. La demande est rejetée comme en première instance.
* la remise des documents conformes
Monsieur [R] [V] est par ailleurs fondé à solliciter du mandataire ad hoc la remise de documents de fin de contrat conformes, soit une attestation du Pôle emploi et un certificat de travail. Il est fait droit à cette demande.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France le 21 avril 2020 partiellement le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis, d’indemnité légale de licenciement, débouté Monsieur [R] [V] de l’ensemble de ses demandes, condamné ce dernier au paiement des entiers dépens y compris aux éventuels frais et actes d’exécution,
STATUANT à nouveau,
DIT que le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’appel ne sont pas compétents pour statuer sur la demande de requalification de la relation contractuelle entre la Communauté d’Agglomération de l’Espace Sud et Monsieur [R] [V],
En conséquence,
DIT que seul le contrat signé entre la société SERVICHEF et Monsieur [R] [V] en date du 1er février 2014 est concerné par le présent litige,
ORDONNE la requalification du contrat à durée déterminée conclu le 1er février 2014 entre la société SERVI CHEF et Monsieur [R] [V] en contrat à durée indéterminée,
DIT que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société SERVI CHEF les sommes suivantes :
*1453 euros à titre d’indemnité de requalification
*8718 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*484,33 euros à titre d’indemnité légale de licenciement;
*2906 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* les dépens de première instance et d’appel,
ORDONNE à Me [H] [D] es qualité de mandataire représentant la société SERVI CHEF de remettre à Monsieur [R] [V] une attestation du Pôle emploi et un certificat de travail,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT que la garantie de la délégation AGS UNEDIC ne s’exerce pas sur les dépens de la présente instance et de l’appel, et qu’elle ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L 3253-17 et D3253-5 du code du travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chomage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire, étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l’article D3253-5 du code de travail ;
DIT que le plafond de garantie applicable aux faits de l’espèce est le 4,
DIT que la Délégation AGS UNEDIC ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants L 3253-17 du code du travail ;
DIT que l’obligation de la Délégation AGS UNEDIC de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.
Et ont signé le présent arrêt Mme Emmanuelle TRIOL, Présidente et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,