Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 19 JUILLET 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00420 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OPSV
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 20 DECEMBRE 2019
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER N° RG 19/00422
APPELANTE :
S.A.S START PEOPLE INHOUSE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Yann GARRIGUE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMES :
Monsieur [H] [L]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A.S. SPIE FACILITIES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Gilles ARGELLIES de la SCP GILLES ARGELLIES, EMILY APOLLIS – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Représentée par Me VIAUD avocat pour Me David FONTENEAU avocat de la SELARL ELLIPSE AVOCATS PARIS, avocat au barreau de PARIS
Ordonnance de clôture du 02 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 MAI 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Philippe CLUZEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par M. Philippe CLUZEL, Greffier.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE :
[H] [L] a été engagé entre le 23 avril 2014 et le 27 avril 2018 par la société de travail temporaire Start People au moyen de divers contrats de mission à temps complet et mis à la disposition de la société Spie Facilities en qualité d’agent technicien de maintenance.
Reprochant à l’entreprise de travail temporaire et à l’entreprise utilisatrice divers manquements à leurs obligations, [H] [L] a saisi le conseil des prud’hommes de Montpellier le 10 avril 2019 pour voir requalifier ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée depuis l’origine, voir juger que la rupture intervenue au terme du dernier contrat doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la réparation de ses préjudices ainsi que l’application de ses droits.
Par jugement du 20 décembre 2019, ce conseil a :
– dit non prescrite la demande de requalification des contrats de mission ;
– dit non fondé le motif d’accroissement temporaire d’activité ayant généré les contrats de mission d'[H] [L] ;
– dit que les contrats de mission ne respectent pas les mentions réglementaires requises ;
– dit que le délai de carence entre les contrats ne respecte pas les dispositions légales requises ;
– dit qu'[H] [L] a occupé dès sa première embauche du 23 avril 2014 un emploi à durée indéterminée ;
– requalifié les contrats de mission en contrat unique à durée indéterminée prenant effet au 23 avril 2014 ;
– condamné in solidum la Sas Start People et la Sas Spie Facilities à verser à [H] [L] les sommes suivantes :
> 1.551,58 € à titre d’indemnité de requalification,
> 6.200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
> 1.551,58 € à titre d’indemnité légale de licenciement,
> 3.103,16 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
> 310,32 € bruts au titre des congés payés y afférents,
> 960 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné in solidum aux mêmes de remettre au salarié les documents de fin de contrat conformes au jugement et de régulariser la situation d'[H] [L] à l’égard des organismes sociaux, le tout sous astreinte de 30€ par jour de retard courant à compter du 30ème jour suivant la notification du jugement ;
– déboute la Sas Start People et la Sas Spie Facilities de toutes leurs demandes ;
– condamné in solidum la Sas Start People et la Sas Spie Facilities aux dépens.
Le 22 janvier 2020, la Sas Start People Inhouse a relevé appel de tous les chefs de ce jugement.
Vu les conclusions n°3 de l’appelante remises au greffe le 17 juillet 2020 ;
Vu les conclusions n°2 de la Sas Spie Facilities, appelante à titre incident, remises au greffe le 2 mai 2023 ;
Vu les conclusions récapitulatives d'[H] [L], appelant à titre incident, remises au greffe le 29 juin 2020;
Vu l’ordonnance du 9 mai 2023 ayant révoqué la clôture initiale du 2 mai 2023 et prononcé une nouvelle clôture le 23 mai 2023 ;
MOTIFS :
Sur la demande de requalification des contrats de mission en CDI :
Il convient de rappeler, à titre liminaire, que si les deux actions en requalification exercées, l’une contre l’entreprise de travail temporaire, sur le fondement des articles L. 1251-5, L. 1251-6, L. 1251-16 et L. 1251-17 du code du travail, l’autre contre l’entreprise utilisatrice, sur le fondement de l’article L. 1251-40 du même code, ont des fondements différents, elles peuvent cependant être exercées concurremment.
I) Sur la demande de requalification dirigée contre la société utilisatrice :
A) Sur la recevabilité de l’action :
La société Spie Facilities, formant appel incident et faisant siens les moyens de la société Start People, conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et demande à la cour de faire droit à sa prétention de ce chef et de dire prescrite l’action en requalification du salarié, celui-ci n’ayant pas agi dans les 2 années suivant la conclusion de chaque contrat dont l’irrégularité formelle est alléguée en application de l’article L.1471-1 alinéa 1 du code du travail.
[H] [L] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Contrairement à ce que soutient à tort la société Spie, la demande de requalification d'[H] [L] est fondée à son égard sur la fictivité du motif d’accroissement temporaire d’activité (celui-ci soutenant que son emploi était destiné à pourvoir à son besoin structurel de main d’oeuvre) et ne porte pas sur la régularité formelle du contrat.
Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Aux termes de l’article L. 1251-5 du code du travail, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Selon l’article L. 1251-40 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire, en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de prescription d’une action en requalification d’une succession de contrats de mission en contrat à durée indéterminée à l’égard de l’entreprise utilisatrice, fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat, a pour point de départ le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa première mission irrégulière.
La requalification en contrat à durée indéterminée pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d’inactivité, ces dernières n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription.
En l’espèce, la demande d'[H] [L] vise à requalifier en contrat à durée indéterminée les 11 contrats de mission successifs (séparés seulement de quelques jours) conclus entre le 23 avril 2014 et le 7 août 2017en fondant sa prétention sur le caractère fictif du motif du recours, son embauche ayant eu vocation, en réalité, à pourvoir durablement un emploi correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.
Le point de départ du délai de prescription est donc le terme du dernier contrat de mission soit, en l’espèce, le 27 avril 2018 (cf avenant n°3 du 6 avril 2018) et [H] [L] disposait d’un délai de deux ans, expirant le 28 avril 2020, pour saisir le conseil des prud’hommes.
A la date d’introduction de sa requête, soit le 10 avril 2019, son action n’était donc pas prescrite et la fin de non-recevoir sera rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
B) Sur le bien fondé de l’action :
Selon l’article L.1251-40 du code du travail dans sa version alors applicable: «Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ».
Il résulte des articles L.1251-5 et L.1251-6 du code du travail dans leur version alors applicable que la possibilité donnée à l’entreprise utilisatrice de recourir à des contrats de missions successifs avec le même salarié intérimaire pour remplacer un ou des salariés absents ou pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente.
Il en résulte que l’entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d’intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d’oeuvre.
En l’espèce, tous les contrats de mission à l’exception de ceux du 31 août 2015 (15 jours pour remplacement d’un salarié absent) et du 14 septembre 2015 (deux jours de formation), ainsi que leurs avenants, ont été conclus en raison d’un ‘accroissement temporaire d’activité’ lié à un ‘nouveau contrat de maintenance second oeuvre’ ou au ‘second oeuvre à terminer dans les délais’ ou au ‘rattrapage retard sur tranches de livraison’ ou encore ‘maintenance du chantier à livrer dans les délais’.
Pour justifier la réalité du motif du recours, contestée par [H] [L] et dont le conseil des prud’hommes a dit qu’elle n’était pas démontrée, la société Spie Facilities produit aux débats divers devis et bons de commandes de mars 2014 à janvier 2018 qui démontreraient, selon elle, que l’accroissement temporaire d’activité était justifié par la conclusion d’un nouveau contrat de maintenance second oeuvre, la nécessité de terminer le second oeuvre dans les délais, le retard pris sur les tranches de livraison et la maintenance du chantier à livrer dans les délais.
Cependant, aucun des travaux décrits dans les bons de commandes et devis produits (à savoir maintenance second oeuvre, remplacement de la fonte des eaux pluviales, remise à niveau des cuves et boîtes à ressort après inondation, renouvellement des sanitaires [5], rénovation des espaces [5] 1 et 2, remplacement du bandeau-câblage et remise en service, mesures provisoires après infiltrations dans un local, rénovation de l’office de réchauffage, mise en place de gouttières et autres travaux de maintenance) dans le cadre de contrats passés avec la société [Localité 4] Events (Corum de [Localité 4]) ne prouve l’existence d’un accroissement temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise Spie Facilities ni l’exécution d’une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ni la survenance d’une commande exceptionnelle dont l’importance nécessitait la mise en ‘uvre de moyens quantitativement ou qualitativement exorbitants par rapport à ceux habituellement utilisés.
Certes, la société Spie justifie de l’exécution ponctuelle de travaux urgents liés à la sécurité entre le 29 septembre 2014 et le 3 octobre 2014 pour remédier aux dégâts causés par les inondations survenues dans le Corum dans la nuit du 29 septembre 2014.
Cependant, elle ne justifie pas avoir embauché [H] [L] pour y faire face puisque ce dernier faisait déjà parti de ses effectifs d’intérimaires depuis le 4 août 2014 (contrat de mission du 4 août 2014 au 30 novembre 2014).
La preuve de la réalité du motif de recours n’est donc pas établie.
En outre dès lors qu'[H] [L] a été affecté entre le 23 avril 2014 et le 27 avril 2018, soit pendant plus de 4 années sur le même poste de ‘agent-technicien de maintenance’ au moyen de contrats successifs (espacés parfois de quelques jours à l’exception de la période estivale de 2017 où il a bénéficié d’un répit d’un mois), il est suffisamment démontré que la société Spie Facilities a eu recours au travail intérimaire pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente et faire face à un besoin structurel de main d’oeuvre, en violation des dispositions de l’article L.1251-40 précité.
La requalification en contrat à durée indéterminée doit donc être prononcée à l’égard de la société Spie à compter du premier contrat de mission irrégulier du 23 avril 2014, contrairement à ce qu’elle soutient, et le jugement sera confirmé sur ce point.
II) Sur la demande de requalification à l’égard de l’entreprise de travail temporaire:
[H] [L] fonde sa demande de requalification à l’encontre la société Start People sur l’absence d’une des mentions prévues à l’article L.1251-16 du code du travail, sur la fictivité du motif du recours et sur le non-respect du délai de carence.
Contrairement à ce que soutient à tort la société Start People, les dispositions de l’article L.1251-40 précité n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir en requalification à l’encontre de la société de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d »uvre est interdite n’ont pas été respectées, et le moyen tiré de l’absence de dispositions légales prévoyant une telle requalification sera par conséquent rejeté.
A) Sur la demande de requalification fondée sur les irrégularités formelles du contrat de mission (L.1251-16) :
1) Sur la recevabilité de la demande :
La société Start People conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et demande à la cour de dire la demande d'[H] [L] fondée sur une irrégularité formelle des contrats de mission prescrite, en application de l’article L.1471-1 du code du travail, en faisant valoir que le délai court, dans pareil cas, à la date de conclusion de chacun des contrats.
[H] [L] conclut à la confirmation du jugement sur ce point.
Selon l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, court à compter de la conclusion de ce contrat.
En l’espèce, l’action ayant été intentée par [H] [L] le 10 avril 2019, ce dernier ne peut solliciter la requalification que des contrats conclus postérieurement au 9 avril 2017, c’est à dire en l’espèce celui du 7 août 2017, sa demande concernant les contrats conclus antérieurement au 9 avril 2017 étant prescrite.
Le jugement sera infirmé partiellement sur ce point.
2) Sur le bien fondé de la demande :
Il résulte de l’examen du contrat de mission du 7 août 2017 et de ses trois avenants (27 octobre 2017, 29 décembre 2017 et 6 avril 2018) produits aux débats par la société Start People, dont l’authenticité et l’opposabilité ne sont pas discutées, que les mentions exigées par l’article L.1251-16-3° du code du travail relatives à l’indemnité de fin de mission figurent sur le recto de chaque contrat et avenant, dans le paragraphe relatif à la rémunération (IFM : 10% selon la loi en vigueur) ainsi que sur le verso, à l’article 3 des conditions générales.
Aucune irrégularité n’est donc établie de ce chef.
En revanche, et contrairement à ce que soutient la société Start People, ni le contrat du 7 août 2017 ni ses avenants ne contiennent la mention exigée par l’article L.1251-16-7° selon laquelle ‘l’embauche du salarié par l’entreprise utilisatrice à l’issue de la mission n’est pas interdite’ ; la clause invoquée par l’appelante, selon laquelle le contrat de mission ne peut être rompu avant son terme sauf si le salarié justifie d’une embauche à durée indéterminée, ne concernant nullement la possibilité d’embauche par l’entreprise utilisatrice à l’issue de la mission.
Cette irrégularité est donc établie pour le contrat du 7 août 2017 et ses avenants et la requalification de ce contrat de mission en contrat à durée indéterminée est encourue de ce chef ainsi que l’a justement décidé le conseil des prud’hommes.
B) Sur la demande de requalification fondée sur le motif du recours :
Ainsi que le soutient justement la société Start People, la preuve de la réalité du motif du recours n’incombe qu’à l’entreprise utilisatrice et ne peut être mise à la charge de l’entreprise de travail temporaire.
La demande de requalification ne peut donc prospérer à l’égard de la société Start People sur ce fondement.
C) Sur la demande de requalification fondée sur le non-respect du délai de carence:
Il résulte de l’article L. 1251-36 du code du travail et de l’article L. 1251-37 du même code, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, que l’entreprise de travail temporaire ne peut conclure avec un même salarié sur le même poste de travail, des contrats de missions successifs qu’à la condition que chaque contrat en cause soit conclu pour l’un des motifs limitativement énumérés par le second de ces textes, au nombre desquels ne figure pas l’accroissement temporaire d’activité.
Contrairement à ce que soutient à tort la société Start People, le respect du délai de carence incombe à l’entreprise de travail temporaire et le manquement à cette obligation autorise le salarié à solliciter à l’égard de cette dernière la requalification du contrat de mission en contrat à durée indéterminée.
En l’espèce, la société Start People a méconnu les dispositions précitées au terme des contrats signés pour accroissement d’activité suivants :
– le contrat du 4 août 2014 a été signé avec le salarié trois jours après le terme du contrat précédent (contrat du 23 avril 2014 arrivé à son terme le 1er août 2014) sur le même poste d’agent de maintenance pour accroissement temporaire d’activité alors qu’un délai de carence d’une durée minimale d’un mois, soit un tiers de la durée totale du contrat de mission et de ses renouvellements (3 mois et 8 jours entre le 23 avril 2014 et le 1er août 2014), aurait dû être respecté,
– le contrat du 4 mai 2015 a été signé avec le salarié trois jours après le terme du contrat précédent (contrat du 4 août 2014 arrivé à son terme le 1er mai 2015) sur le même poste de technicien de maintenance pour accroissement temporaire d’activité alors qu’un délai de carence d’une durée minimale de trois mois, soit un tiers de la durée totale du contrat de mission et de ses renouvellements (9 mois entre le 4 août 2014 et le 1er mai 2015), aurait dû être respecté,
– le contrat du 2 janvier 2017 a été signé avec le salarié le lendemain du terme du contrat précédent (contrat du 21 septembre 2015 arrivé à son terme le 31 décembre 2016) sur le même poste de technicien de maintenance pour accroissement temporaire d’activité alors qu’un délai de carence d’une durée minimale de quatre mois, soit un tiers de la durée totale du contrat de mission et de ses renouvellements (15 mois et 10 jours entre le 21 septembre 2015 et le 31 décembre 2016), aurait dû être respecté etc.
La société Start People ayant conclu, depuis l’origine de la relation contractuelle, plusieurs contrats de mission successifs pour accroissement temporaire d’activité sur le même poste et avec le même salarié sans respecter le délai de carence légal exigé, la relation contractuelle existant entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire doit être requalifiée en un contrat de travail à durée indéterminée depuis l’origine et le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les conséquences de la requalification :
[H] [L] demande à la cour de confirmer le jugement sur le montant de l’indemnité de licenciement et l’indemnité compensatrice de préavis mais, formant appel incident, de l’infirmer sur le surplus et de condamner in solidum les sociétés Start People Inhouse et Spie Facilities à lui payer les sommes suivantes:
– 10.000 € à titre d’indemnité de requalification,
– 20.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le non-respect du délai de carence caractérisant un manquement par l’entreprise de travail temporaire aux obligations qui lui sont propres dans l’établissement des contrats de mission, cette dernière sera condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l’exception de l’indemnité de requalification, dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice et qui sera fixée à la somme de 3.103 € en application de l’article L.1251-41 du code du travail et le jugement sera infirmé sur le quantum et en ce qu’il a mis cette indemnité à la charge de la société Start People.
Compte tenu de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, la rupture intervenue après le terme du dernier contrat, soit le 27 avril 2018, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
[H] [L], qui avait plus de deux ans d’ancienneté au jour de la rupture du contrat de travail, a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois d’un montant de 3.103,16 € bruts outre 310,32 € bruts au titre des congés payés y afférents et le jugement sera confirmé de ce chef.
Il a également droit à une indemnité légale de licenciement d’un montant non discuté de 1.551,58 €.
S’agissant du préjudice résultant de la perte de l’emploi, la cour décide que, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée (1.551,58 € bruts), de l’âge de l’intéressé (40 ans), de son ancienneté dans l’entreprise (4 ans, 2 mois et 5 jours en incluant le préavis) et des conséquences de la rupture ainsi que cela résulte des pièces produites (un enfant à charge né en 2015, compagne au chômage percevant l’allocation de retour à l’emploi depuis le 1er septembre 2017), les sociétés Start People et Spie Facilities seront condamnées in solidum à verser à [H] [L] la somme de 7.757,90 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017, l’article 24 de la Charte sociale européenne n’ayant pas d’effet direct dans l’ordonnancement interne français, contrairement à ce que soutient à tort [H] [L].
Lorsque le licenciement est indemnisé en application de l’article L.1235-3 du code du travail, comme c’est le cas en l’espèce, la juridiction ordonne d’office, même en l’absence de Pôle emploi à l’audience et sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-4 du même code, le remboursement par l’entreprise de travail temporaire de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, et ce dans la limite de six mois.
En l’espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner la sas Start People à rembourser les indemnités versées à [H] [L] à concurrence de 6 mois.
Sur les autres demandes :
Les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation), et les sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
Il sera fait droit à la demande de remise des documents sociaux et à la demande de régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux compétents, sans que l’astreinte soit nécessaire et le jugement sera infirmé sur ce point.
Les sociétés Start People et Spie Facilities qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel et à payer à [H] [L] la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement ;
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a dit non prescrite la demande de requalification fondée sur l’irrégularité formelle des contrats de mission et en ce qu’il a condamné in solidum la Sas Start People et la Sas Spie Facilities à verser à [H] [L] les sommes de 1.551,58 € à titre d’indemnité de requalification et de 6.200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et en ce qu’il a assorti d’une astreinte les injonctions de remettre les documents sociaux et de régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux ;
Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés et y ajoutant ;
Dit que la demande de requalification des contrats de mission pour irrégularité formelle fondée sur l’article L.1251-16 du code du travail est prescrite pour les contrats conclus antérieurement au 9 avril 2017 ;
Dit cette demande non prescrite et recevable pour le contrat de mission du 7 août 2017 et ses avenants ;
Condamne la société Spie Facilities à payer à [H] [L] la somme de 3.103€ à titre d’indemnité de requalification ;
Condamne in solidum la société Start People Inhouse et la Sas Spie Facilities à payer à [H] [L] la somme de 7.757,90 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement pour l’indemnité de licenciement et du présent arrêt pour l’indemnité de requalification et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne le remboursement par la société Start People au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à [H] [L] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 6 mois ;
Dit que le greffe adressera à la direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme de l’arrêt, en application de l’article R.1235-2 du code du travail;
Déboute [H] [L] de sa demande d’astreinte et du surplus de ses prétentions;
Condamne in solidum la société Start People et la Sas Spie Facilities aux dépens d’appel, et à payer à [H] [L] la somme de 2.500 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT