CDD pour accroissement d’activité : décision du 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08877
CDD pour accroissement d’activité : décision du 18 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08877

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 18 OCTOBRE 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08877 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGRIB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 juillet 2017 rendu par le Conseil de Prud’hommes de Bobigny, confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 11 Septembre 2019 rendu par la Cour d’Appel de PARIS – pôle 6 chambre 11 – RG n° 17/11813 ; cassé et annulé en toutes ses dispositions par arrêt du 25 mai 2022 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation.

DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [P] [B] Demandeur à la saisine sur renvoi après cassation

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 07 Janvier 1988 à [Localité 6]

Représenté par Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188 ; (bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/021594 du 30/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

DEFENDEURS A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

SOCIETE POLYCEJA, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

S.A.S. DERICHEBOURG INTERIM, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 5]

N° SIRET : 602 044 638

Représentée par Me Céline FOURNIER-LEVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R163

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre

Mme Véronique MARMORAT, Présidente de chambre

Mme Anne MENARD, Présidente de chambre

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Fabienne ROUGE dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière présent lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [B] a été mis à la disposition de la Société POLYCEJA selon plusieurs contrats de mission conclus avec l’entreprise de travail temporaire entre le 17 décembre 2012 et le 15 septembre 2013 tel que versés aux débats par l’entreprise de travail temporaire, en qualité de Gardien de déchetterie et de chauffeur VL.

Monsieur [B] a exercé des missions en qualité d’agent de

nettoyage, ponctuellement à compter de mars 2011 et jusqu’au 27 décembre 2013.

Par contrats successifs, monsieur [B] a été engagé en tant qu’agent de propreté

à compter du 21 mars 2009 par la SAS Derichebourg Interim et mis par cette entreprise de travail temporaire à disposition de la SAS POLYCEJA, entreprise utilisatrice.

Entre le 21 mars 2009 et le 30 janvier 2010, monsieur [B] a effectué au moins

15 missions.

Puis, par contrats successifs, monsieur [B] a été engagé en tant que de gardien déchetterie à compter du 1er février 2010 par la SAS Derichebourg intérim et mis par cette entreprise de travail temporaire à disposition de la SAS POLYCEJA, entreprise utilisatrice.

Entre le 1er février 2010 et le 14 juin 2013, monsieur [B] a effectué au moins 71 missions.

Enfin, par contrats successifs, monsieur [B] a été engagé en tant que chauffeur véhicule léger à compter du 17 juin 2013 par la SAS Derichebourg et mis à disposition de la SAS POLYCEJA, entreprise utilisatrice.

Entre le 17 juin 2013 et le 26 mai 2014, monsieur [B] a effectué au moins 33

missions.

Par un jugement rendu en date du 11 juillet 2017, le Conseil de prud’hommes de Bobigny a débouté monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes.

Le 27 septembre 2017, monsieur [B] a relevé appel de la décision rendue.

Par un arrêt en date du 11 septembre 2019, la Cour d’appel de Paris a :

– confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné monsieur [B] aux dépens d’appel.

Monsieur [B] a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 25 mai 2022, la Cour de Cassation a cassé et annulé, en toutes ces

dispositions, l’arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la cour d’appel de Paris au motif que :

« 5. Pour débouter le salarié de sa demande de requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée, l’arrêt retient que le salarié, qui soutient l’absence de signature

sur les contrats de mission successifs lesquels, en outre ne lui auraient pas été remis, ne donne aucune date à partir de laquelle les entreprises de travail temporaire et utilisatrices

auraient manqué à leurs exigences légales et à compter de quelle date la requalification pourrait être, le cas échéant, encourue.

En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d’appel, le salarié sollicitait le prononcé

de la requalification des contrats de mission temporaire successifs en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2009, la cour d’appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé. »

– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Le 18 octobre 2022, monsieur [B] a saisi la Cour d’appel de renvoi.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 14 décembre 2022 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [B] demande à la cour d’infirmer le jugement et de requalifier ses contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 mars 2009, de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à tout le moins abusif et condamner in solidum la société Derichebourg Interim et la Société POLYCEJA au paiement des sommes suivantes :

– 1.445,41 € au titre de l’indemnité de requalification ;

– 4.336,24 € à titre de rappel de prime de 13 ème mois ;

– 2.890,83 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 289,08 € au titre des congés

payés y afférents ;

– 1.445,41 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

– 17.344,98 € au titre de l’indemnité pour licenciement.

Il sollicite également la remise des bulletins de paie de mars 2011 à juillet 2014, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir et de condamner les SAS Derichebourg Interim et POLYCEJA solidairement ou in solidum au paiement de la somme 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 22 juin 2023 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société POLYCEJA demande à la cour de

confirmer le jugement, de débouter monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

À titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait faire droit aux demandes de

monsieur [B] et requalifier les contrats de mission en contrat à durée

indéterminée et prononcer des condamnations au titre d’un licenciement sans cause réelle

et sérieuse de réduire les demandes de dommages et intérêts demonsieur [B] à plus juste proportions et de le condamner au paiement de la somme de 1.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 4 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Derichebourg Intérim demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes, fi ns et prétentions,de le condamner au paiement dela somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la requalification

Monsieur [B] soutient que pour être considéré comme ayant été établi par écrit, le contrat de mission temporaire doit impérativement être signé par les parties, que les contrats de missions ne lui auraient pas été remis en intégralité. Par ailleurs il soutient qu’il occupait un emploi permanent au sein de la Société POLYCEJA .Enfin il souligne que les respects de carence entre ses différents contrats n’ont pas été respectés.

La Société POLYCEJA soutient qu’elle n’était en aucun cas tenue de remettre à monsieur [B] le moindre contrat de mission, puisqu’une telle obligation repose sur l’entreprise de travail temporaire et non pas pour l’entreprise utilisatrice.

Elle rappelle que l’article L 1251-40 du code du travail prévoit de façon limitative les cas dans lesquels une requalification est possible et ne prévoit pas que le non respect du délai de carence permette cette requalification. Enfin elle estime qu’elle justifie des surcroît d’activité temporaire compte tenu de certaines prestations exceptionnelles qui lui sont confiées par la ville de [Localité 8] .

La société Derichbourg Intérim soutient qu’il n’est pas contestable que l’ensemble des contrats aient été fournis à monsieur [B], mais que celui-ci ne les a pas renvoyés

L’article L 1251-16 prévoit que le contrat de mission est établi par écrit .

Il comporte notamment :

1° la reproduction des clauses te mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l’article L1251-43,

2° la qualification professionnelle du salarié,

3°les modalités de la rémunération due au salarié y compris celles de la l’indemnité de fin de mission prévue à l’article L1251632,

4° la durée de la période d’essai éventuellement prévue,

… 6° le nom et l’adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l’organisme de prévoyance dont relève l’entreprise de travail temporaire,

7° la mention selon laquelle l’embauche du salarié par l’entreprise utilisatrice à l’issue de la mission n’est pas interdite.

L’article L1251-17 prévoit que le contrat de mission est transmis au salarié au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant la mise à disposition .

La société Derichebourg verse aux débats les contrats relatifs à la période du 23 août 2010 à septembre 2013 signés par le salarié, soit 29 contrats alors que monsieur [B] verse aux débats des bulletins de salaire émanant de Derichebourg Intérilm et recrutement dont le premier concerne la période du 21 mars 2009 et le dernier le mois de mai 2014.

La société qui prétend que le salarié ne lui a pas fait retour de tous les contrats signés ne démontrent pas qu’elle lui a transmis, ni qu’elle l’a relancé pour qu’il renvoie ou rapporte les contrats .Elle ne démontre pas que le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse.

Il résulte des textes susvisés que la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée. En l’espèce, il convient de constater que le défaut de production de ces contrats ne permet pas de s’assurer de leur régularité.

Il convient donc de constater que la société Derichebourg Intérim n’a pas respecté son obligation et la requalification des contrats à compter du premier contrat portant sur la période du 21 mars au 31 mars 2009 sera ordonnée à l’encontre de la société de travail temporaire .

L’article L 1251-40 du code du travail prévoit que :’Lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des dispositions des articles L 1251-5 à L1251-7, L1251-10, L1251-11, L1251-12-1, L1251-30 et L1251-35-1 et des stipulations des conventions ou des accords de branche conclus en application des articles L 1251- 12 et L1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission . …’

L’article L1251-5 prévoit que le contrat de mission quelque soit son motif ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice.

La société POLYCEJA conteste que monsieur [B] occupait un emploi permanents puisqu’elle soutient que ses missions dépendaient des besoins ponctuels de la ville de [Localité 8]

L’accroissement d’activité principalement invoquée par la société polycéa concerne l’attribution du marché de nettoyage des berges de la Seine, cependant les bons de commande relatifs à ce marché sont adressés à polyurbaine dont l’adresse est à [Localité 9] la garenne et non comme la société POLYCEJA à [Localité 7].

La société ne démontre pas qu’elle a dû faire face à un nouveau marché qui plus est n’a débuté qu’en juin 2013 alors que le salarié avait effectué de nombreuses missions à compter du mois de janvier 2013.

Celui-ci a effectué plus de 100 missions entre le 1er février 2010 et le 26 mai 2014, la durée des missions étant variables, allant de quelques jours à 15 jours voire quasiment un mois par exemple du 1er au 31 mars 2010,du 1er au 19 juillet 2013, pour le 1er septembre puis du 4 septembre au 15 septembre et du 16 au 30 septembre 2013.

Il résulte des bulletins de salaire du salarié que celui-ci cumulait des fonctions différentes selon les contrats soit rpeur soit gardien de déchèterie soit chauffeur, il se trouvait ainsi exercer des emplois permanents.

La requalification prononcée sera ainsi opposable à la société utilisatrice.

Les deux sociétés seront condamnées in solidum au paiement de l’indemnité de requalification de 1445,41€.

Sur la prime de 13ème mois

Monsieur [B] sollicite le paiement de la somme de 4336,24€ en se fondant sur l’article 3-16 de la convention collective du déchet à titre de prime de 13ème mois pour les années 2011, 2012 et 2013.

La société Polycea soutient que les conditions prévues pour percevoir cette prime sont : avoir au moins 6 mois consécutifs de présence au sein de l’entreprise et être présent dans les effectifs de l’entreprise au 31 décembre, conditions que monsieur [B] ne remplit pas.

La société Dericheborg indique uniquement que le montant des demandes du salarié est exorbitant.

La convention collective mentionne ‘une prime dite de 13ème mois est versée aux personnels de l’entreprise ayant au moins 6 mois d’ancienneté et étant présent dans l’entreprise au 31 décembre de l’année de référence’.

Monsieur [B] répond à ces conditions pour les anées 2011, 2012 et 2013 . Il sera en conséquence fait droit à sa demande .

Sur le licenciement

La fin des contrats de mission s’analyse en cas de requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée en un licenciement , licenciement qui est sans cause réelle et sérieuse puisque celui-ci est intervenu sans procédure et sans motifs.

Monsieur [B] sollicite une indemnité de préavis de deux mois soit la somme de 2890,83€ et les congés payés afférents, une indemnité de licenciement de 1445,41€.

Aux termes de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en l’espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse il est octroyé au salarié à la charge de l’employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Au vu des pièces et des explications fournies, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à monsieur [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 10117,87€ euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction alors applicable.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

REQUALIFIE les contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 21 mars 2009 ;

CONDAMNE les sociétés Polycea et Derichebourg Intérim in solidum à payer à monsieur [B] les sommes de :

– 1445,41€ au titre de l’indemnité de requalification,

-10117,87 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-2890,83 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 289 € au titre des congés payés y afférents,

– 1445,41 euros à titre d’indemnité de licenciement,

-336,24 euros à titre de rappel du 13ème mois ;

ORDONNE la remise par Derichebourg Intérim à monsieur [B] de bulletins de paye, d’une attestation Pôle Emploi et d’un certificat de travail conformes au présent arrêt;

Vu l’aide juridictionnelle,

CONDAMNE les sociétés Polycea et Derichebourg Intérim à payer à monsieur [B] en cause d’appel la somme de 2000 euros au titre de l’article 700-2° du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

LAISSE les dépens à la charge des sociétés Polycea et Derichebourg Intérim.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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