COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80O
Chambre sociale 4-2
(Anciennement 6e chambre)
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 JANVIER 2024
N° RG 21/02865 –
N° Portalis DBV3-V-B7F-UYJ2
AFFAIRE :
[W] [K]
C/
ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET L’ACCES AUX SOINS DES SEVRANAIS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juillet 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : AD
N° RG : 20/00913
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Jordana ZAÏRE
Me Thileli ADLI-MILOUDI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant, devant initialement être rendu le 11 janvier 2024 et prorogé au 18 janvier 2024, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :
Madame [W] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Jordana ZAIRE de la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 112
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/15948 du 07/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE
****************
ASSOCIATION POUR LA PROMOTION ET L’ACCES AUX SOINS DES SEVRANAIS
Centre Commercial BEAU [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Thileli ADLI-MILOUDI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2513
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Octobre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
Rappel des faits constants
L’Association pour la Promotion et l’Accès au Soin des Sevranais (APASS), dont le siège social est situé à [Localité 5] en Seine-Saint-Denis, a pour activité la promotion de l’accès aux soins médicaux et dentaires pour les personnes les plus démunies depuis 2016. Elle emploie moins de 11 salariés et applique la convention collective des cabinets dentaires du 17 janvier 1992.
Mme [W] [K], née le 28 août 1980, a été engagée par cette association, selon contrat à durée déterminée (CDD) le 24 juin 2019 à effet au 1er juillet 2019 pour 4 mois, en qualité d’aide dentaire pour exercer au sein de l’établissement d'[Localité 3], motif pris d’un accroissement temporaire d’activité.
Auparavant, elle avait été engagée par l’association ADMV, selon CDD du 7 novembre 2017 puis par contrat de travail à durée indéterminée (CDI) à compter du 8 juillet 2018, en qualité d’assistante dentaire pour exercer à [Localité 6]. Mme [K], qui demeurait à [Localité 2], a démissionné de ses fonctions.
Sollicitant la requalification de son CDD en CDI, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre par requête reçue au greffe le 12 juin 2020.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 29 juillet 2021, la section activités diverses du conseil de prud’hommes de Nanterre a :
– dit que le CDD a été conclu dans des conditions pures et parfaites,
– débouté purement et simplement Mme [K] de sa demande de requalification de son CDD en CDI,
– débouté Mme [K] du surplus de ses demandes,
– débouté l’APASS de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– mis les éventuels dépens de l’instance à la charge de Mme [K].
Mme [K] avait présenté les demandes suivantes :
– requalifier le contrat de travail du 24 juin 2019 en un CDI,
– condamner l’APASS à lui verser les sommes suivantes :
. indemnité de requalification en CDI : 1 820 euros,
. indemnité pour non-respect de la procédure : 1 820 euros,
. dommages-intérêts pour rupture abusive : 10 920 euros,
. indemnité compensatrice de préavis : 1 820 euros,
. congés payés sur préavis : 182 euros,
. article 700 du code de procédure civile : 1 200 euros,
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
– condamner l’APASS aux entiers dépens.
L’APASS avait quant à elle conclu au débouté de la salariée et avait sollicité la condamnation de celle-ci à lui payer la somme d’un euro symbolique en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux entiers dépens.
La procédure d’appel
Mme [K] a interjeté appel du jugement par déclaration du 1er octobre 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/02865.
Par ordonnance rendue le 27 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries le 26 octobre 2023.
Prétentions de Mme [K], appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 23 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [K] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes,
– requalifier le CDD conclu le 24 juin 2019 pour une durée de quatre mois en CDI,
à titre principal,
– condamner l’APASS à lui payer les sommes suivantes :
. 1 820 euros à titre d’indemnité de requalification en CDI,
. 7 280 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 1 820 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 182 euros au titre des congés payés afférents,
à titre subsidiaire,
– condamner l’APASS à lui payer les sommes suivantes :
. 1 820 euros à titre d’indemnité de requalification en CDI,
. 1 820 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
. 1 820 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 182 euros au titre des congés payés afférents,
en tout état de cause,
– condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991,
– condamner l’association aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’exécution de la décision à intervenir.
Prétentions de l’association APASS, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 22 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’association APASS demande à la cour d’appel de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, y ajoutant :
statuant à nouveau,
– condamner Mme [K] au paiement d’une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur la requalification du CDD en CDI
Mme [K] sollicite la requalification de son CDD en CDI sur deux fondements. Elle fait valoir qu’elle occupait un poste lié à l’activité normale de l’entreprise d’une part et qu’elle n’occupait pas le poste visé dans le CDD d’autre part.
L’association APASS s’oppose à la demande. Elle soutient que le motif de recours au CDD est parfaitement justifié et que le motif tiré du poste est infondé.
Concernant le motif de recours au CDD
Mme [K] soutient qu’elle occupait un poste lié à l’activité normale de l’entreprise, que d’ailleurs, après son départ, l’association APASS a procédé à plusieurs embauches, ce qui démontre le caractère permanent de l’accroissement d’activité.
En application de l’article L. 1242-2 2° du code du travail, l’entreprise peut conclure un CDD pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.
Toutefois, l’article L. 1242-1 du même code dispose : » Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise « .
A l’appui de sa position, l’association APASS produit un extrait à peine lisible du registre du personnel couvrant la période allant du 1er novembre 2019 au 28 août 2020 (sa pièce 1).
Il y apparaît qu’après la date du 1er novembre 2019, fin du CDD de Mme [K], un chirurgien-dentiste a été engagé le 4 novembre 2019 et une secrétaire médicale le 12 novembre 2019, ces deux postes étant sans lien avec les fonctions d’aide dentaire.
Au vu de ce document, une seule aide dentaire a été engagée sur la période, le 1er juillet 2020 en CDD de trois mois, cette embauche isolée ne permettant pas de caractériser un besoin structurel de l’entreprise.
L’association APASS produit également un état récapitulatif de facturation correspondant aux honoraires facturés au titre de l’année 2019.
Ce document montre qu’au 1er juillet 2019, à l’embauche de Mme [K], le chiffre d’affaires de la société était de 101 886,82 euros pour le mois de juillet 2019 contre 43 614,63 euros pour le mois de juin 2019 et a marqué une baisse progressive à partir du mois de septembre 2019 (76 156,51 euros) pour connaître une nouvelle hausse (104 686,31 euros pour le mois de novembre 2019) et une nouvelle baisse (94 128,63 euros en décembre 2019).
L’importante variation d’activité ainsi mise en évidence conduit à retenir l’existence d’un accroissement temporaire d’activité justifiant le recours au CDD.
Le moyen sera écarté.
Concernant le poste occupé
Mme [K] prétend qu’elle aurait occupé au sein de l’APASS le même poste que celui qu’elle occupait auprès de son précédent employeur en dépit d’un intitulé différent d’ » assistante dentaire sans qualification » tandis qu’elle est » aide dentaire » auprès du nouvel employeur. Elle soutient que les fonctions d’assistante dentaire exigent des compétences techniques pour accompagner les actes des médecins, notamment en radiologie. Elle soutient que cette irrégularité démontre qu’en réalité, elle exerçait ses fonctions au service du même employeur. Elle en conclut que la régularisation d’un nouveau contrat de travail auprès d’un nouvel employeur caractériserait un comportement déloyal.
Il sera observé à titre liminaire que l’argumentation de Mme [K], à supposer la preuve de ses allégations rapportée, n’est pas de nature à entraîner la requalification du CDD en CDI, telle qu’elle est demandée, les conditions d’une telle sanction, spécifique, devant être expressément prévue par un texte.
Mme [K] fait état d’un comportement déloyal de son employeur. Elle expose qu’elle est rentrée initialement au service de l’association AMDV en qualité d’assistante dentaire selon CDD de 4 mois du 7 novembre 2017 au 7 mars 2018, que l’association dentaire se présente sous la forme d’un pôle dentaire, que son CDD a été renouvelé du 8 mars au 8 juillet 2018, puis que la relation contractuelle s’est poursuivie à durée indéterminée ensuite. Elle précise que l’AMDV est située à [Localité 6] dans le Val-de-Marne, qu’elle même résidant à [Localité 2] dans le Val-d’Oise était donc contrainte d’effectuer de longs trajets pour se rendre au travail, que ce rythme quotidien était difficilement compatible avec sa vie de famille, celle-ci élevant seule ses deux enfants mineurs. Elle expose que c’est dans ces conditions que l’ADMV lui a proposé un poste similaire plus proche de son domicile à [Localité 3] dans les Hauts-de-Seine au sein de l’association APASS, que pour ce faire, il lui était toutefois demandé de démissionner de son emploi au sein du cabinet dentaire de [Localité 6] pour poursuivre son activité à [Localité 3] dans des conditions contractuelles strictement identiques, qu’elle n’avait donc pas d’autre choix que de présenter sa démission pour préserver son emploi, qu’elle a signé un nouveau CDD avec l’association APASS à compter du 1er juillet 2019, aucun délai significatif ne séparant les deux contrats de travail et le salaire étant identique. Elle prétend que lors de son transfert, il lui a été clairement indiqué qu’à l’instar de son précédent contrat, la relation contractuelle se poursuivrait par la régularisation d’un nouveau CDI, qu’à l’issue du mois d’octobre 2019 cependant, elle a eu la désagréable surprise de découvrir que son contrat de travail n’était ni renouvelé ni poursuivi dans le cadre d’un CDI. Elle considère que la proposition de poste au sein du cabinet d'[Localité 3] n’avait en réalité d’autre but que de rompre son CDD à moindre coût.
De son côté, l’association APASS expose qu’en réalité, Mme [K] a souhaité tenter une nouvelle expérience avec un nouvel employeur parce que l’éloignement géographique de son précédent emploi lui était manifestement devenu pénible, que ce changement s’est fait à la seule initiative de la salariée, sans que rien ne lui ait jamais été imposé, qu’elle a démissionné de son précédent emploi et s’est fait régler l’intégralité de ses droits, qu’elle a signé un CDD suite à sa démission, sans exiger un CDI ni arguer d’avoir été trompée par qui que ce soit.
A l’appui de sa thèse, Mme [K] ne produit aucun élément utile de nature à établir la déloyauté qu’elle impute à l’association APASS, se limitant à des allégations. Elle ne donne notamment aucune explication, ni ne produit aucun justificatif sur les liens qui pourraient unir les deux structures qui l’ont employée alors qu’elle fonde sa demande sur cet élément.
Dans ces conditions, ce moyen sera écarté.
En conséquence, Mme [K] sera déboutée de sa demande tendant à la requalification du CDD en CDI et de l’ensemble des demandes subséquentes, par confirmation du jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de Mme [K] et qu’il a débouté l’association APASS de sa demande au titre des frais irrépétibles.
En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, Mme [K], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens tels qu’ils sont définis par l’article 695 du même code.
Mme [K] sera en outre condamnée à payer à l’association APASS une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que l’équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 250 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nanterre le 29 juillet 2021,
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [W] [K] au paiement des dépens d’appel,
CONDAMNE Mme [W] [K] à payer à l’Association pour la Promotion et l’Accès aux Soins des Sévranais une somme de 250 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Mme [W] [K] de sa demande présentée sur le même fondement.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,