PC/LD
ARRET N° 674
N° RG 21/00456
N° Portalis DBV5-V-B7F-GGCP
[X]
C/
S.A.S INFINITY MOBILITE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2022
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 janvier 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de ROCHEFORT
APPELANT :
Monsieur [O] [X]
né le 21 Mai 1983 au [Localité 3] (76)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Ayant pour avocat plaidant Me Benoît LANGLAIS, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
INTIMÉE :
S.A.S INFINITY MOBILITE
N° SIRET : 833 487 986
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS
Et ayant pour avocat plaidant Me Laurent BELJEAN de L’AARPI AERYS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, devant :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président
Madame Valérie COLLET, Conseiller
Monsieur Jean-Michel AUGUSTIN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lionel DUCASSE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. [O] [X] a, au titre d’un accroissement temporaire d’activité lié à l’attribution d’un nouveau marché, été engagé par la S.A.S Infinity Mobilité en qualité de chauffeur, selon contrat à durée déterminée à temps partiel de trois mois (du 24 septembre au 24 décembre 2019), prévoyant une période d’essai d’un mois.
Par courrier du 21 octobre 2019, la S.A.S. Infinity Mobilité a notifié à M. [X] sa décision de rompre le contrat à compter du 24 octobre 2019, date d’expiration de la période d’essai.
Par acte du 26 février 2020, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Rochefort Sur Mer d’une action en nullité de la clause instituant une période d’essai, en dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, en requalification du contrat en contrat à durée indéterminée à temps complet et paiement de rappel de rémunération et diverses indemnités.
Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Rochefort Sur Mer a :
– débouté M. [X] de sa demande au titre de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive (3042,50 €), arriérés de salaire (1 319,40 €), dommages-intérêts pour rétention abusive des salaires (500 €), requalification du contrat en contrat à durée indéterminée et d’indemnité de requalification (1 521,25 €),
– jugé que la demande de M. [X] au titre de l’indemnité de précarité (150,10 €) est non fondée et débouté celui-ci de cette demande,
– débuté M. [X] de ses demandes de dommages-intérêts liés à la perte de l’indemnité de précarité complémentaire (304,25 €) et d’indemnité pour travail dissimulé (9 126,29 €),
– débouté M. [X] de sa demande d’indemnité au titre de travail dissimulé (9 126,29 €),
– débouté M. [X] de sa demande de l’article 700 du C.P.C. (1 500 €),
– laissé les dépens à la charge de chaque partie.
M. [X] a interjeté appel de cette décision selon déclaration transmise au greffe de la cour le 10 février 2021.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 22 août 2022.
Le 23 août 2022, la S.A.S. Infinity Mobilité a remis et notifié des conclusions et un bordereau de communication de pièces ‘n°3″ faisant état de nouvelles pièces numérotées 10-1 à 10-5 (actes d’engagement – accord-cadre de fournitures courantes et de services, lots 3, 4, 5, 8, 10).
A l’audience du 19 septembre 2022, la cour a soulevé d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées postérieurement à la clôture de l’instruction et invité les parties à présenter leurs observations sur ce point par notes en délibéré à transmettre avant le 10 octobre 2022.
MOTIFS
I – Sur la procédure d’appel :
Aucune partie n’a transmis de note en délibéré relativement à l’irrecevabilité des conclusions et pièces communiquées par S.A.S. Infinity Mobilité postérieurement à l’ordonnance de clôture, soulevée d’office par la cour à l’audience du 16 septembre 2022.
Il convient de déclarer irrecevables les conclusions et les pièces numérotées 10-1 à 10-5 remises et notifiées par la S.A.S. Infinity Mobilité le 23 août 2022 en violation des dispositions de l’article 802 du C.P.C., étant considéré qu’il n’est justifié, au sens de l’article 803 du C.P.C., d’aucune cause grave justifiant la révocation de l’ordonnance de clôture.
Il sera donc statué sur la base des seules conclusions et pièces régulièrement communiquées antérieurement à l’ordonnance de clôture, soit :
1 – les conclusions du 17 juillet 2022 au terme desquelles M. [X] demande à la cour, infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau :
– de juger que la clause instituant une période d’essai, telle que stipulée au contrat, doit être réputée nulle et non avenue et de condamner la S.A.S. Infinity Mobilité à lui payer la somme de 2 390,55 € à titre de dommages-intérêts, la rupture du contrat étant abusive,
– de requalifier le contrat de travail en contrat à temps complet et de condamner en conséquence la S.A.S. Infinity Mobilité à lui payer la somme de 1 319,30 € brut correspondant à l’arriéré de salaire normalement dûs (869,20 € + 450), outre la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts pour rétention abusive des salaires,
– de requalifier le contrat de travail en un contrat à durée indéterminée et de condamner en conséquence la S.A.S. Infinity Mobilité à lui payer les sommes de 1 521,25 € à titre d’indemnité de requalification, de 152,10 € à titre d’indemnité de précarité et de 304,20 € à titre de dommages-intérêts liés à la perte de l’indemnité de précarité complémentaire,
– de condamner la S.A.S. Infinity Mobilité à lui payer la somme de 9 126,29 € à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– de condamner la S.A.S. Infinity Mobilité à lui payer la somme de 1 500 € en application de l’article 700 du C.P.C. au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et celle de 2 000 € au titre des frais exposés en cause d’appel.
2 – les conclusions ‘n°2″(et les pièces 1 à 9) remises et notifiées le 12 août 2022 au terme desquelles la S.A.S. Infinity Mobilité demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et stade nouveau :
– de fixer la moyenne de salaire à 651,95 € brut,
– sur la rupture de la période d’essai : à titre principal, de la juger licite et de débouter M. [X] de ses demandes au titre de la rupture de la période d’essai et a fortiori au titre de la rupture de la relation de travail et, subsidiairement, de limiter le montant des dommages-intérêts pour rupture anticipée abusive à la somme de 1 303,90 €,
– sur la prime de précarité, à titre principal, de juger qu’en raison de la rupture de la période d’essai, aucune indemnité de précarité n’est due à M. [X] et subsidiairement d’en fixer le montant à la somme de 195,58 € brut,
– de débouter M. [X] du surplus de ses demandes,
– de condamner M. [X] au paiement d’une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du C.P.C., outre les entiers dépens.
Sur le fond :
1 – Sur la contestation relative à la période d’essai :
M. [X] expose en substance qu’en application de l’article L1242-10 du code du travail, son contrat de travail qui portait sur une durée définie de 4 mois, soit 12 semaines, ne pouvait prévoir une période d’essai d’une durée supérieure à 12 jours, de sorte que la clause fixant la durée de l’essai à un mois doit être réputée nulle et non écrite, que la rupture intervenue est injustifiée et ouvre droit à des dommages-intérêts d’un montant égal aux salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’au terme du contrat, sur la base d’un travail à temps complet.
La S.A.S. Infinity Mobilité soutient :
– à titre principal : qu’elle a mis un terme à la période d’essai avant le terme de celle-ci de sorte que M. [X] doit être débouté de l’ensemble des demandes qu’il formule au titre d’une rupture qui doit être jugée licite
– à titre subsidiaire : que l’indemnité due au titre de l’article L1243-4 du code du travail doit être fixée sur la base du salaire brut contractuel de 651,95 €, soit 1 303,90 € brut pour deux mois de rémunération.
Sur ce,
L’article L1242-10 du code du travail dispose que le contrat de travail à durée déterminée peut comporter une période d’essai mais que, sauf si des usages ou des stipulations conventionnelles prévoient des durées moindres, cette période d’essai ne peut excéder une durée calculée à raison d’un jour par semaine, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initialement prévue au contrat est au plus égale à six mois et d’un mois dans les autres cas.
En l’espèce, le contrat de travail, conclu pour une durée de trois mois, comporte une clause (3 ‘ durée – période d’essai’) stipulant qu’il ne deviendra définitif qu’à l’issue d’une période d’essai d’un mois.
Les dispositions de l’article 3 de la convention collective nationale des transports routiers et auxiliaires de transport prévoyant que la durée de la période d’essai est fixée à un mois pour le personnel de conduite n’instituent pas une période d’essai ‘d’une durée moindre’, au sens de l’article L1242-10 du code du travail.
La période d’essai stipulée au contrat de travail étant d’une durée supérieure à celle résultant de l’application des dispositions de l’article L1242-10 du code du travail (soit 13 jours, s’agissant d’un contrat conclu pour une durée effective de 13 semaines), il convient, réformant de ce chef le jugement entrepris :
– de juger nulle et non avenue la clause litigieuse,
– à défaut de justification d’un motif de rupture anticipée du contrat au sens de l’article L1243-1 du code du travail, de faire application des dispositions de l’article L1243-4 du code du travail aux termes desquelles la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de
l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.
Il sera statué sur les demandes indemnitaires formées à ce titre par M. [X] après examen des demandes de requalification du contrat sur la base desquelles l’appelant chiffre ses demandes.
2 – Sur la demande de requalification du contrat en contrat à temps complet :
Au soutien de ses prétentions et au visa de l’article L3123-6 du code du travail, M. [X] expose :
– que le contrat de travail stipule que l’employeur pourra procéder à des modifications de planning et d’amplitude horaire selon les aléas rencontrés, en fonction de l’activité et de la demande du client, par tous moyens en ne respectant qu’un délai réduit, limité à une heure avant la prise de service,
– qu’il était ainsi privé de la possibilité de prévoir à quel rythme de travail il travaillerait, ne pouvant cumuler son temps partiel avec un autre emploi à temps partiel, alors même qu’il a travaillé au-delà des heures contractuellement prévues, sur une amplitude quotidienne de 7 h 30 à 18 h 20, ainsi que l’établissent les feuilles de route versées aux débats (pièce 5)
– qu’il n’a débuté l’activité entrepreneuriale invoquée par l’employeur que postérieurement à la rupture du contrat (bulletin Bodacc et inscription INPI, pièces 6 et 7).
La S.A.S. Infinity Mobilité conclut au débouté de M. [X] en soutenant :
– que l’article L3123-14 du code du travail n’exige pas la mention dans le contrat de travail des horaires de travail et qu’il appartient au salarié qui prétend être à la disposition permanente de l’employeur d’en rapporter la preuve,
– que M. [X] avait une parfaite connaissance de la durée et de la répartition de son temps de travail et pouvait prévoir son rythme de travail, lui permettant de travailler en parallèle de son activité au sein de la société (article 6 du contrat de travail fixant les durées mensuelle (65h) et hebdomadaire (15h) de travail avec réserve de modification en respectant un délai de prévenance -article 7 – ),
– qu’ainsi M. [X] avait une parfaite connaissance du volume d’heures de travail à réaliser par mois et par semaines, intervenait sur une plage horaire fixe, avait connaissance des courses à réaliser tel qu’il résulte de sa propre pièce n°5, tickets de courses adressés suffisamment en avance et pour lesquels il devait confirmer sa disponibilité, de sorte qu’au cours de la plage horaire sur laquelle il était planifié, il pouvait, en dehors des courses planifiées, vaquer librement à ses occupations, comme l’établit le cumul d’un second emploi (pièce 7),
– que le temps de travail doit s’apprécier par mois civil et non globalement comme le prétend M. [X],
– que M. [X] qui ne forme aucune demande de paiement d’heures supplémentaires, se fonde sur un raisonnement basé sur une amplitude horaire incluant les temps de trajet domicile/entreprise AR, cumulant des heures non assimilables à du temps de travail effectif, dont les temps de coupure passés à son domicile et les temps d’attente entre deux courses.
Il doit être rappelé :
– que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf exceptions dont aucune ne correspond à la situation d’emploi de M. [X], la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié (article L3123-6 alinéa 1er du code du travail),
– que cette règle s’applique, que le contrat de travail à temps partiel soit à durée déterminée ou indéterminée et quelle que soit sa forme, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle,
– que si ces mentions sont portées sur le contrat, la requalification en contrat à temps plein n’est encourue que si le salarié démontre qu’il devait travailler selon des horaires dont il n’avait pas eu préalablement connaissance et qu’il s’était ainsi trouvé en situation de rester en permanence à la disposition de l’employeur.
En l’espèce, le contrat de travail stipule :
– article 6 : durée et horaires de travail :
> la durée hebdomadaire de travail est fixée à 15 h soit 65 h par mois réparties du lundi au dimanche à raison de 65 jours maximum de travail par semaine selon un planning défini, les horaires de travail sont variables,
> il sera remis au salarié un planning de travail, susceptible d’être modifié selon les dispositions conventionnelles et inhérentes à l’activité de transport à la demande, ce que le salarié accepte expressément,
> il pourra être demandé au salarié d’accomplir des heures supplémentaires ; seules les heures supplémentaires effectuées à la demande exprès et préalable de la société seront considérées comme telles et rémunérées conformément aux dispositions conventionnelles et légales en vigueur,
– article 7 : répartition des heures de travail :
> la durée mensuelle de travail est fixée à 65 h répartie comme suit : 1ère semaine 15 h, 2ème semaine 15 h, 3ème semaine 15 h, 4ème semaine 15 h,
> toutefois, la répartition de la durée mensuelle de travail entre les semaines du mois pourra être modifiée en fonction d’un planning établi par l’employeur et transmis au salarié,
> compte-tenu de l’activité spécifique de transport à la demande de la société, le planning prévisionnel de la répartition des heures de travail sur les jours de la semaine ou du mois fera l’objet d’une communication au salarié par tous moyens (SMS),
> ce délai peut être réduit en cas de circonstances exceptionnelles ce que reconnaît et accepte expressément le salarié, étant entendu que le planning pourra être modifié sur l’amplitude horaire attribuée, selon les aléas rencontrés, en fonction de l’activité et de la demande du client, cette modification sera notifiée au salarié à tout moment durant le service de celui-ci ou dans la limite d’une heure avant la prise de service lorsque la situation le permet,
> le salarié s’engage à accuser réception des modifications horaires qui lui seront de droit appliquées, par un retour au service concerné et par tous moyens (notamment SMS),
> le salarié s’engage à rester joignable durant son service afin de recevoir toutes éventuelles modifications de son planning.
M. [X] verse aux débats (pièce 9) des ‘feuilles de route’ constituées de messages SMS (25-09, 27-09, 21-10 2019) desquelles il résulte qu’il recevait ses instructions dans un délai de prévenance inférieur à 24 heures puisqu’il recevait après 18 heures pour le lendemain un planning dont le contrat réservait, en outre, à l’employeur une faculté de modification dans un délai réduit, limité à une heure avant la prise de service.
Ces éléments établissent que le salarié se trouvait en permanence dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme de travail il serait soumis, situation génératrice d’une incertitude avérée le contraignant à rester à la disposition permanente de l’employeur et exclusive de facto de la possibilité de cumuler son temps partiel avec une autre activité professionnelle, étant observé qu’aucun élément versé au dossier n’établit que M. [X] a commencé d’exercer l’activité de livraison coursier à vélo exploitée sous l’enseigne Greendelivery antérieurement au 10 juin 2020, date de début d’exploitation mentionné sur le registre INPI versé aux débats (pièce 7 de l’appelant).
Il convient dès lors, réformant le jugement entrepris, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein.
3 – Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
Au soutien de ce chef de demande, M. [X] expose en substance, au visa des articles L1221-2, L1242-1 et L1242-2 du code du travail :
– que le recours au contrat à durée déterminée dans l’hypothèse d’un accroissement temporaire de l’activité suppose que cet accroissement soit étranger à l’activité normale et permanente de l’entreprise et constitue un événement limité dans le temps, s’agissant notamment de l’obtention d’un nouveau marché qui s’inscrit dans le cadre de l’activité normale et permanente de toute entreprise,
– que la S.A.S. Infinity Mobilité a vocation, comme toute entreprise, à s’étendre en conquérant des marchés,
– que l’employeur ne démontre pas le caractère temporaire du marché qu’il s’est vu attribué pour l’embaucher.
La S.A.S. Infinity Mobilité conclut au débouté de M. [X] en soutenant :
– que la validité et la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée s’apprécient au jour de la conclusion du contrat de travail,
– que constitue un surcroît temporaire d’activité l’adjudication d’un nouveau marché se trouvant a fortiori sur un département au sein duquel l’employeur n’exerçait aucune activité auparavant,
– qu’en l’espèce, à la suite d’un appel d’offres, elle a été désignée adjudicataire d’un nouveau marché pour une période déterminée,
– que l’adjudication d’un nouveau marché ne s’inscrit pas dans l’activité normale de l’entreprise lorsque ce nouveau marché a été conclu pour une période déterminée, l’accroissement d’activité en résultant étant par définition limité dans le temps et donc temporaire.
Sur ce,
L’article L1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l’article L1242-3, un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu’il énumère, parmi lesquels figure l’accroissement temporaire d’activité de l’entreprise.
En l’espèce, le contrat de travail de M. [X] (article 2 : motif de recours et durée du contrat) précise que le contrat est conclu pour une durée déterminée dans le but de pourvoir à un accroissement temporaire d’activité de la S.A.S. Infinity Mobilité lié à l’attribution d’un nouveau marché dont l’importance nécessite la mise en oeuvre de moyens supplémentaires exceptionnels tant en personnel qu’en matériel et qu’il est conclu à terme précis, pour une durée de trois mois à compter du 24 septembre 2019 jusqu’au 24 décembre 2019 au soir.
Force est de constater que la S.A.S. Infinity Mobilité n’a pas versé aux débats la convention d’adjudication de marché pour une période déterminée visée dans le contrat de travail, alors même que M. [X] soutient expressément (page 8 de ses conclusions du 17 juillet 2022) que l’employeur ne fait pas la moindre démonstration du caractère temporaire du marché qu’il s’est vu attribuer pour l’embaucher en contrat à durée déterminée.
A défaut de justification d’un motif légitime de recours au contrat à durée déterminée, il convient, réformant la décision entreprise, de requalifier le contrat litigieux en contrat à durée indéterminée.
4 – Sur les demandes chiffrées formées par M. [X] :
Sur la demande en paiement d’indemnité pour rupture abusive du contrat :
L’article L1243-4 du code du travail dispose que la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, (soit en l’espèce deux mois de rémunération) sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.
Il sera fait droit à la demande de M. [X] expressément chiffrée, à concurrence de la somme mentionnée dans le dispositif de ses dernières conclusions (2 390,55 €).
Sur la demande en rappel de rémunération :
Les éléments versés aux débats (bulletin de salaire, attestation Unedic) établissent qu’au titre de la période effectivement travaillée par M. [X] pour le compte de la S.A.S. Infinity Mobilité, il a perçu la somme de 260,79 € brut en principal outre 26,08 € brut au titre des congés payés afférents, ce, pour la période comprise entre le 24 septembre et le 30 septembre 2019.
Il reste donc dû à M. [X] pour la période du 1er octobre au 24 octobre 2019, date de rupture du contrat, sur la base d’un salaire mensuel brut – temps complet – de 1521,25 €, la somme de 1 260,21 € brut, au titre du salaire de base, M. [X] ne formant pas de demande chiffrée au titre des congés payés.
Sur la demande indemnitaire pour rétention abusive de rémunération :
L’article L.1222-1 du code du travail impose aux parties une exécution loyale du contrat de travail et l’obligation de paiement du salaire est une obligation essentielle de l’employeur.
Il résulte de ce qui précède que M. [X] n’a été rémunéré que pour la période comprise entre le 24 septembre et le 30 septembre 2019 alors que le contrat s’est poursuivi jusqu’au 24 octobre 2019.
Cependant, M. [X] ne justifie d’aucun préjudice distinct de celui résultant du retard dans le paiement déjà indemnisé par les intérêts au taux légal qui courent de plein droit à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [X] de ce chef de demande.
Sur la demande en paiement d’indemnité de requalification :
La cour ayant ci-dessus ordonné la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il sera alloué à M. [X], en application de l’article L1245-1 du code du travail, compte-tenu de la requalification du contrat en contrat à temps plein, une indemnité de 1 521,25 €.
Sur la demande en paiement d’indemnité de précarité :
La rupture du contrat à durée déterminée ayant été déclarée ci-dessus abusive, il y a lieu de faire application de l’article L1243-8 du code du travail qui dispose que lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation, cette indemnité étant égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.
Sur la base du salaire mensuel brut ci-dessus retenu comme ayant dû être versé à M. [X] compte-tenu de la requalification du contrat en contrat de travail à temps plein, soit 1 521,25 €, il sera alloué à M. [X] la somme de 456,35 €.
Sur la demande en paiement d’indemnité pour travail dissimulé :
Sur le fondement de l’article L. 8221-5 dans ses versions en vigueur à compter du 18 janvier 2011 puis à compter du 10 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ou à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail ou aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
En vertu de l’article L. 8223-1 du code du travail dans sa version en vigueur depuis juillet 2014, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
M. [X] soutient que l’employeur a sciemment dissimulé la réalité des heures de travail effectuées en indiquant sur le seul et unique bulletin de paie qui lui a été adressé que le cumul d’heures travaillées serait de 23,5 heures alors qu’il a réalisé un mois de travail complet, que l’employeur a également manqué à son obligation de délivrance d’un bulletin de paie pour le mois d’octobre 2019, nonobstant ses relances.
L’employeur conclut au rejet de ce chef de demande en soutenant :
– qu’au cours du mois de septembre 2019, M. [X] n’a travaillé que 5 jours compte-tenu d’une prise de fonction en date du 24 septembre 2019,
– que dans un courrier du 6 novembre 2019, M. [X] ne s’est aucunement plaint de ne pas être en possession de ses bulletins de paie, preuve qu’il a bien réceptionné les bulletins de septembre et octobre 2019,
– que M. [X] ne justifie pas du caractère intentionnel de la prétendue infraction de travail dissimulé.
Sur ce,
M. [X] sera débouté de ce chef de demande étant considéré :
– que l’attestation Pôle Emploi a été régulièrement renseignée par la S.A.S. Infinity Mobilité, l’employeur ayant exactement énoncé que le dernier jour travaillé payé était le 14 octobre 2019 et que le salaire du seul mois civil complet l’ayant précédé (septembre 2019) s’élevait à 260,79 € brut,
– que la réalité et l’étendue de la période travaillée par M. [X] au service de l’entreprise ont bien été retranscrites sur ce document,
– que le seul défaut de paiement effectif du salaire d’octobre 2019 ne caractérise pas en soi et à défaut d’autre élément une volonté de dissimulation.
5 – Sur les demandes accessoires :
L’équité commande, réformant le jugement entrepris et y ajoutant, de condamner la S.A.S. Infinity Mobilité à payer à M. [X], en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.
La S.A.S. Infinity Mobilité sera condamnée aux entiers dépens d’appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du conseil de prud’hommes de Rochefort Sur Mer en date du 25 janvier 2021,
Déclare irrecevables, par application de l’article 802 du C.P.C., les conclusions et les pièces numérotées 10-1 à 10-5 remises et notifiées par la S.A.S. Infinity Mobilité le 23 août 2022,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [O] [X] de ses demandes en paiement d’indemnité pour travail dissimulé et en dommages-intérêts pour rétention abusive de rémunération,
Réformant la décision entreprise pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant :
– Juge nulle et non avenue la clause du contrat de travail prévoyant une période d’essai d’un mois,
– Juge que la rupture du contrat de travail notifiée le 21 octobre 2019 à effet du 24 octobre 2019 constitue une rupture injustifiée,
– Requalifie le contrat de travail du 24 septembre 2019 en contrat à durée indéterminée à temps plein,
– Condamne la S.A.S. Infinity Mobilité à payer à M. [O] [X] les sommes de :
> 2 390,55 € à titre d’indemnité pour rupture abusive du contrat,
> 1 260,21 € brut à titre de rappel de rémunération,
> 1 521,25 € à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée (article L1245-1 du code du travail),
> 456,35 € au titre de l’indemnité de précarité (article L1243-8 du code du travail),
– Condamne la S.A.S. Infinity Mobilité à payer à M. [X], en application de l’article 700 du C.P.C., la somme globale de 2 000 € au titre des frais irrépétibles par lui exposés tant en première instance qu’en cause d’appel,
– Condamne la S.A.S. Infinity Mobilité aux entiers dépens d’appel et de première instance.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,