CDD pour accroissement d’activité : décision du 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11714
CDD pour accroissement d’activité : décision du 17 novembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/11714

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11714 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAUC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/01362

APPELANTE

Madame [P] [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Coline GRUAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SARL SOGEREP

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme [P] [U] a été embauchée sous contrat à durée déterminée à temps partiel de trois mois le 1er octobre 2015 par la société Sogerep, laquelle compte plus de 11 salariés et relève de la convention collective régionale du bâtiment en région parisienne. La durée hebdomadaire du travail était fixée à 20 heures pour un horaire mensualisé de 86,67 heures.

Le 27 décembre 2015, Mme [U] a signé un avenant au contrat de travail à durée déterminée pour une durée de 3 mois, soit jusqu’au 31 mars 2016.

A compter du 31 mars 2016, le contrat s’est poursuivi sans qu’aucun écrit ne soit régularisé.

Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [U] exerçait les fonctions de commercial, statut cadre, position C, échelon 1, coefficient 130 de la convention collective du bâtiment de la région parisienne et percevait une rémunération de 1310 euros bruts.

Le 5 octobre 2017, Mme [U] a remis à l’employeur en main propre sa lettre de démission qui a été acceptée par la société Sogerep.

Elle a été en arrêt maladie à compter du 6 octobre 2017 et ce jusqu’au 6 novembre suivant.

Par courrier du 18 octobre 2017 reçu le 26 octobre 2017, Mme [U] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Saisi par requête déposée le 3 mai 2018, le conseil de prud’hommes de Bobigny a par jugement en date du 26 septembre 2019 débouté Mme [U] de ses demandes de requalification de son contrat de travail, de requalification de la prise d’acte de la rupture en rupture abusive et de ses demandes indemnitaires.

Mme [U] a relevé appel de cette décision par déclaration du 22 novembre 2019 enregistrée le 27 novembre 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées par la voie électronique le 20 février 2020, Mme [U] demande à la Cour de :

– fixer la moyenne des salaires à 2292,49 euros bruts ;

– requalifier le CDD du 1er octobre 2015 en CDI sur le fondement de l’article L 1243-11 du code du travail et condamner en conséquence la SARL Sogerep au paiement de la somme suivante :

Indemnité de requalification : 2292,49 euros bruts (un mois) ;

-requalifier le contrat à temps partiel en temps plein sur le fondement de l’article L.3123-6 du code du travail et condamner en conséquence la Sarl Sogerep au paiement des sommes suivantes :

Rappel de salaires : 23 579,40 euros bruts ;

Congés payés afférents : 2357,94 euros bruts ;

Indemnité travail dissimulé : 13 754,94 euros bruts.

-requalifier la prise d’acte de rupture du contrat de travail du 18 octobre 2017 en rupture abusive -condamner en conséquence la SARL Sogerep à verser à Mme [U] les sommes suivantes :

Indemnité conventionnelle de licenciement : 1375,50 euros bruts ;

Indemnité compensatrice de préavis : 6877,47 euros bruts ;

Congés payés afférents : 687,75 euros bruts ;

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 8000 euros (3,5 mois) ;

– ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes à savoir une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et son solde de tout compte ;

-condamner la Sarl Sogerep à verser à Mme [U] la somme de 3500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal à compter selon leur nature, soit de la saisine du conseil de prud’hommes, soit de l’arrêt à intervenir ;

– condamner la SARL Sogerep aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées par la voie électronique le 12 mai 2020, la société Sogerep demande à la Cour de :

-confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny le 26 septembre 2019 en ce qu’il déboute Mme [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Reconventionnellement,

-condamner la salariée au versement de la somme de 1 euro à la société Sogerep pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– condamner la salariée au versement de la somme de 2620 euros à la société Sogerep au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– prononcer le paiement des intérêts légaux sur les demandes financières à compter de la saisine de la juridiction prud’homale ;

En tout état de cause,

-condamner la salariée à rembourser à la société Sogerep les frais irrépétibles engagés par elle à hauteur de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la salariée aux entiers dépens dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions susvisées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de requalification du contrat de travail

Mme [U] soutient en premier lieu qu’elle est fondée à demander la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en ce qu’elle a continué à travailler au sein de la société sans qu’aucun contrat écrit ne soit régularisé. Elle relève que son contrat à durée déterminée a été motivé par un « accroissement temporaire d’activité » sans plus de précisions et sans autre justification de la réalité de ce motif.

La société Sogerep réplique que la relation contractuelle s’est poursuivie d’un commun accord entre les parties sous contrat à durée indéterminée aux mêmes conditions que celles initialement prévues.

Selon les dispositions de l’article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. L’article L 1242-2-2° du même code mentionne qu’un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Par application des dispositions de l’article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. Il résulte par ailleurs de l’article L. 1243-11 du Code du travail que lorsque la relation contractuelle se poursuit après l’échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient à durée indéterminée.

Mme [U] produit le contrat à durée déterminée signé le 1er octobre 2015 à temps partiel, aux termes duquel elle a été engagée pour exercer les fonctions de commercial pour trois mois au motif d’un « accroissement temporaire de son activité dans le cadre de l’exécution de tâches justifiant un renfort supplémentaire et temporaire en effectif salarié ». Par avenant signé le 27 décembre 2015, ce contrat a été renouvelé aux mêmes conditions et pour le même motif pour trois mois.

En l’espèce, la société Sogerep soutient qu’en l’absence de préjudice subi par Mme [U] compte tenu de la prolongation de la relation contractuelle, celle-ci n’est pas fondée à solliciter le versement de l’indemnité de requalification. Toutefois, le fait que la relation contractuelle se soit poursuivie en contrat à durée indéterminée à l’issue du contrat à durée déterminée ne prive pas la salariée du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial qu’elle estime irrégulier sans qu’elle ait besoin de justifier d’un préjudice.

Si la mention dans le contrat litigieux qu’il a été conclu pour faire face à un accroissement d’activité constitue le motif précis requis par les articles L. 1242- 2 et L.1242- 12 du code du travail, il appartient cependant à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.

Or, la société Sogerep qui se prévaut d’un accroissement temporaire d’activité n’en fait aucun état et n’en rapporte pas la preuve.

En outre, le contrat à durée déterminée a été renouvelé du 27 décembre au 31 mars 2015. A son terme, la salariée a continué à travailler sans contrat toujours sur le même emploi, ce qui permet de conclure qu’elle a été engagée pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La requalification du contrat en contrat à durée indéterminée est donc acquise à compter du 1er octobre 2015 et la salariée a droit à une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire en application de l’article L1245-2 du code du travail.

Mme [U] fait également valoir que son contrat de travail à temps partiel, irrégulier en la forme en l’absence de mention de la répartition de l’horaire de travail, doit être requalifié en un contrat à temps complet.

La société Sogerep réplique que le contrat de travail porte mention que la « durée hebdomadaire de Mme [U] sera de 20 heures pour un horaire mensualisé de 86,67 heures ». La seule absence d’horaires, voulue par la salariée, n’entraîne pas une présomption de temps plein, ce d’autant que le gérant n’a jamais sollicité la salariée pour un présentiel constant, ne lui a jamais demandé de « reporting » d’heures ou de jours de travail.

Aux termes de l’article L3123-6 du code du travail, le contrat à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne « la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et (..) la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ».

L’absence d’écrit ou de conformité aux exigences légales pose une présomption simple de travail à temps complet que l’employeur peut renverser en démontrant, d’une part, la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue et d’autre part que le salarié avait connaissance des rythmes de travail et ne devait pas rester à la disposition permanente de l’employeur.

En l’espèce, les parties ne contestent pas qu’elles avaient entendu initialement conclure un contrat à durée déterminée à temps partiel. Toutefois, le contrat de travail à durée déterminée, s’il prévoit la durée hebdomadaire de 20 heures, ne mentionne aucunement la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit à la salariée. Par ailleurs, la relation contractuelle s’est poursuivie sans contrat écrit faisant naître une présomption de contrat à temps complet.

L’employeur, qui conteste cette présomption, indique que Mme [U] en qualité de cadre était autonome dans la gestion de son temps et fixait elle-même ses horaires. Il produit les attestations de Mesdames [Y] et [V], et M. [S], salariés au sein de l’entreprise, qui témoignent que Mme [U] disposait d’horaires très flexibles, « qu’elle n’a jamais travaillé à temps plein », qu’elle « assurait une permanence parfois le matin parfois l’après-midi », « n’était pas souvent présente au bureau » et ne se tenait ainsi pas à la disposition de son employeur en dehors des heures qu’elle avait elle-même préalablement déterminées. M. [I], chargé d’affaires au sein de l’entreprise, atteste que Mme [U] a travaillé en qualité de commercial à mi-temps depuis son arrivée au sein de la société le 4 octobre 2016. L’employeur précise également que les captures d’écran de la messagerie professionnelle ne démontrent pas plus l’amplitude horaire réclamée, ni le fait qu’elle était présente chaque jour à son poste de travail.

Pour autant, il ne se déduit pas de ces pièces un décompte précis du temps de travail de la salariée incombant à l’employeur ni une réponse probante de ce dernier aux réclamations de la salariée qui avait formulé par mail dès mai 2016 une demande de contrat à durée indéterminée puis en juin 2016 à temps complet. Si le contrat initial fixe une durée de travail, il n’en fixe pas la répartition et aucun planning n’est produit par l’employeur. Ce n’est qu’en réponse à la lettre de démission que l’employeur précise les heures de travail de « 11h -13 h -14 h 18 h ». Le fait que la salariée aurait bénéficié d’une « flexibilité organisationnelle » en tant que cadre ou se connecterait à sa messagerie sur des périodes espacées ou encore aurait obtenu des résultats peu en adéquation avec les heures réclamées s’avère inopérant pour établir qu’elle connaissait ses rythmes de travail et qu’elle ne devait pas rester en permanence à la disposition de son employeur. Il en est de même des attestations des autres salariés indiquant de façon peu circonstanciée que la salariée ne travaillait pas à temps complet ou n’était pas présente au sein de la société.

Le contrat de travail de Mme [U] doit donc être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, ce qui emporte obligation pour l’employeur de s’acquitter des rappels de salaires et congés payés y afférents, déduction faite des sommes déjà versées au titre du temps partiel, soit la somme de 23 579,40 euros, outre 2357,94 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur le travail dissimulé

Mme [U] fait valoir qu’elle ne s’est jamais vu remettre un contrat de travail à durée indéterminée et que l’ensemble des heures n’ont jamais été déclarées ni soumises à cotisations. Elle en déduit qu’il ne fait aucun doute que la société a omis de déclarer 65 heures par mois de travail et n’a donc payé à ce titre aucune cotisation sociale aux organismes compétents.

La société se prévaut de ce que les fiches de paie sont parfaitement conformes avec la réalité de la durée du travail et ce qui a été convenu en vertu du contrat de travail.

Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail est caractérisée lorsqu’il est établi que l’employeur s’est de manière intentionnelle, soustrait à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche, à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent, aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale.

Au cas d’espèce, eu égard à la requalification du contrat pour absence des mentions prescrites, l’absence de mention d’un temps complet ne suffit pas à caractériser l’élément intentionnel de l’infraction.

Il y a donc lieu de rejeter par voie de confirmation du jugement déféré la demande formulée de ce chef.

Sur la demande de requalification de la prise d’acte en licenciement

La prise d’acte s’analyse comme un mode de rupture du contrat de travail, à l’initiative du salarié, qui se fonde sur des manquements imputés à son employeur dans l’exécution de ses obligations. Elle ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements reprochés sont actuels et d’une gravité incompatible avec la poursuite du contrat de travail. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission.

Il incombe au salarié d’établir la matérialité et la gravité des faits qu’il invoque.

Mme [U] a pris acte de la rupture du contrat de travail le 18 octobre 2017 reprochant à son employeur les manquements suivants:

non-paiement de l’ensemble des heures travaillées ;

l’absence de déclaration et de versement des cotisations pour l’ensemble des heures travaillées ;

l’absence de proposition de CDI malgré ses demandes ;

le non-respect de l’obligation de bonne foi, notamment en ne lui donnant pas les moyens pour mener sa mission, en ne réagissant pas face aux insultes proférées à son encontre sur le lieu de travail en dépit des alertes adressées.

et sollicite que celle-ci s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Elle avait à plusieurs reprises depuis 2016 mis en demeure son employeur de transformer son contrat en contrat à temps complet. En janvier 2017, septembre 2017 et octobre 2017, elle réitérait sa demande.

Il ressort du courrier en réponse à la lettre de démission que l’employeur a refusé d’accéder à ces demandes en objectant notamment malgré ses absences « non justifiées et les divers avertissements » que la salariée n’avait pas changé de comportement.

Il est donc démontré qu’un différend antérieur et contemporain de la « démission » l’a opposée à son employeur de sorte qu’elle trouve sa cause dans les manquements reprochés à l’employeur.

Or, le non-respect des règles relatives à l’exécution du contrat de travail constaté par la cour, ayant entrainé la requalification du contrat à temps complet, et le non-paiement des salaires constituent des manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour justifier que la prise d’acte de la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En infirmant le jugement entrepris, il convient de dire que la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [U] selon courrier du 18 octobre 2017 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version modifiée par ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 dispose que lorsque le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, et que si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de

l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau reproduit dans l’article.

Mme [U] avait deux ans d’ancienneté et était âgée de cinquante et un ans au moment de la prise d’acte. Elle a retrouvé du travail le 30 novembre 2017.

Au regard de ces éléments, de la date de la rupture, du nombre de salariés et par application des dispositions susvisées, il convient de lui allouer en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de 6877, 47 euros (3 mois de salaire bruts).

Mme [U] bénéficiant du statut cadre, le préavis est d’une durée de 3 mois selon la convention collective applicable. En conséquence, et au vu d’un salaire mensuel brut de référence de 2 292, 49 euros, il sera fait droit à la demande de Mme [U] de condamnation de la société Sogerep à lui verser la somme de 6877, 47 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 687,75 euros bruts au titre des congés payés afférents. La société appelante sera en conséquence déboutée de sa demande de remboursement de l’indemnité de préavis.

L’indemnité conventionnelle de licenciement sera également fixée à la somme de 1146, 25 euros nets.

Enfin, la société Sogerep devra remettre à la salariée les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

La société Sogerep soutient que Mme [U] a manqué à l’exécution loyale du contrat de travail en :

– utilisant sa messagerie personnelle après sa démission ;

– démarchant des nouveaux clients concurrents de Sogerep ;

-tenant des propos préjudiciables à la société en dehors de son lieu de travail.

Elle rappelle à cet égard que l’article 14 de son contrat de travail faisait interdiction à Madame [U] « de faire usage de tous documents qui lui seront confiés par la société, autres que ceux autorisés par la société, y compris des informations disponibles ou accessibles dans les systèmes informatiques de la société » et « de prendre des copies ou de reproductions de tous documents, matériel appartenant à la société sans autorisation expresse de la hiérarchie, notamment pour un usage personnel ».

En réponse, Madame [U] fait valoir que contrairement à ce que soutient l’employeur, elle n’a pas utilisé sa messagerie personnelle après sa démission. Elle souligne à juste titre que la pièce produite à cet égard fait apparaître qu’elle a envoyé un mail de son adresse personnelle à son ancienne adresse à la Sogerep et non de son ancien compte professionnel.

Par ailleurs, il ne saurait se déduire de l’examen du seul extrait K-bis de la société DW Renov ou du nouvel emploi de Mme [U] au sein de cette entreprise exerçant dans le même domaine que la salariée aurait démarché de nouveaux clients concurrents de la société Sogerep, ce d’autant que l’employeur reconnaît avoir omis d’insérer dans le contrat de travail une clause de non-concurrence.

Monsieur [Z] atteste cependant que Mme [U] se rendait dans son entreprise pour

appeler des concurrents. Toutefois, les termes de l’attestation sont peu précis et circonstanciés pour retenir les agissements reprochés.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il débouté la SARL Sogerep de sa demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Sogerep succombant sera condamnée aux dépens et à verser à Mme [P] [U] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile. Elle sera pour sa part déboutée de ses demandes formulées au titre des dépens et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté la demande formée par Madame [P] [U] au titre du travail dissimulé et débouté la SARL Sogerep de ses demandes reconventionnelles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ORDONNE la requalification du contrat de travail à durée déterminée en date du 1er octobre 2015 en contrat à durée indéterminée à temps plein,

CONDAMNE la SARL Sogerep à payer à Mme [P] [U] les sommes suivantes :

2292,49 euros bruts au titre de l’indemnité de requalification ;

23 579, 40 euros bruts au titre du rappel de salaire ;

2357,94 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

ORDONNE la requalification de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL Sogerep à payer à Mme [P] [U] les sommes suivantes :

1146, 25 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

6877,47 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

687,75 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

6877,47 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation, et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à la SARL Sogerep de remettre à Mme [P] [U] les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, attestation de travail, solde de tout compte) conformes à la présente décision,

CONDAMNE la SARL Sogerep à payer à Mme [P] [U] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL Sogerep aux dépens,

DEBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La présidente.

 


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