CDD pour accroissement d’activité : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02729
CDD pour accroissement d’activité : décision du 16 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02729

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRET DU 16 NOVEMBRE 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02729 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDL24

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 20/03209

APPELANT

Monsieur [R] [K]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représenté par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMEE

S.A.S. MY OSMOSE (en liquidation)

[Adresse 3]

[Localité 8]

Me [M] [U] (SELAFA MJA) – Mandataire liquidateur de S.A.S. MY OSMOSE

[Adresse 1]

[Localité 5]

n’ayant constitué ni avocat ni défenseur syndical bien qu’ayant été assignée par voie d’huissier le 21/06/2023

Association AGS CGEA IDF EST UNEDIC

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Claude-Marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

– réputé contradictoire

– mis à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [R] [K] a été engagé par la société My Osmose, suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 3 décembre 2018, au motif d’un accroissement temporaire d’activité en qualité d’Account Manager. Le terme du contrat était prévu pour le 5 juin 2020.

Les parties étaient convenues d’une rémunération mensuelle forfaitaire de 2 800 euros bruts.

La société My Osmose était spécialisée dans le secteur d’activité de la fourniture de prestations de services d’électricité et de gaz naturel. M. [R] [K] avait pour tâche de faire de la prospection afin de proposer des contrats de fourniture d’électricité et de gaz aux professionnels.

Le 16 janvier 2019, M. [R] [K] a adressé un courrier à son employeur en ces termes :

« Je suis en poste au sein de My Osmose depuis le 3 décembre 2018 en tant qu’account manager, nous sommes le 16 janvier et je n’ai toujours pas reçu ma paie ainsi que ma fiche de poste, le remboursement de mon titre de transport et les documents à remplir pour souscrire la mutuelle obligatoire.

Cette lettre sera envoyée en recommandée au siège social au [Adresse 4] ainsi que sur votre boîte mail professionnelle ».

En l’absence de réponse, M. [R] [K] a réitéré ses demandes par courrier en date du 20 février 2019.

Par jugement en date du 5 mars 2019, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société My Osmose et désigné la SELARL MJA, prise en la qualité de Maître [U] [M], en qualité de mandataire liquidateur.

La liquidation judiciaire a été clôturée en date du 26 février 2021, la SELARL MJA a été désignée en qualité de mandataire ad’hoc pour représenter la société My Osmose dans le cadre de la poursuite de l’instance prud’homale.

Par courrier en date du 19 mars 2019, le mandataire liquidateur a notifié à M. [R] [K], la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée au motif suivant : « Votre entreprise n’ayant pas été autorisée à poursuivre son activité postérieurement à ce jugement, nous nous voyons dans l’obligation de supprimer l’ensemble des postes de travail dont le vôtre et de vous notifier, par la présente lettre recommandée avec AR, la rupture par anticipation de votre contrat à durée déterminée qui met fin à ce contrat ».

Par courrier du même jour, M. [R] [K] a indiqué au mandataire liquidateur qu’il demeurait toujours dans l’attente du paiement de ses salaires et accessoires ainsi que de la remise des fiches de paie afférente.

Par courrier en date du 25 mars 2019, le mandataire judiciaire a signifié à M. [R] [K] le refus de prise en charge de ces créances salariales en ces termes :

« Vous avez sollicité le règlement d’une créance salariale à la suite de la rupture par anticipation de votre contrat de travail à durée déterminée qui vous a été notifiée le 19 mars 2019.

En application des dispositions des articles L.625-1 du code de commerce et R.625-1 et R.625-3 du code de commerce, nous avons procédé à la vérification de votre créance.

Nous sommes conduits à contester vos demandes en raison des éléments ci-après :

– Vous êtes titulaire d’un contrat à durée déterminée conclu pour la période du 3 décembre 2018 au 5 juin 2020 pour accroissement d’activité.

– Aucun bulletin de salaire ne vous a été remis.

– Vous n’avez perçu aucun salaire depuis votre entrée dans l’entreprise, ni remboursement des frais de transport en commun.

En conséquence de ces contestations, nous sommes au regret de vous informer qu’aucune prise en charge ne pourra être effectuée par nos soins, et qu’aucun document ne pourra vous être remis ».

Le 17 mars 2020, M. [R] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour solliciter un rappel de salaire, une indemnité de précarité, des dommages-intérêts pour rupture abusive et préjudice moral et financier ainsi que le remboursement de frais de transport.

Le 26 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de Paris, dans sa section Activités diverses, a débouté M. [R] [K] de l’intégralité de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Par déclaration du 15 mars 2021, M. [R] [K] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification le 16 février 2021.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 13 juin 2023, aux termes desquelles M. [R] [K] demande à la cour d’appel de :

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 janvier 2021 par la formation paritaire de la section activités diverses, chambre 3, du conseil de prud’hommes de Paris, dans le cadre de la procédure enregistrée au répertoire général sous le numéro RG F 20/03209 au titre des chefs de jugements suivants :

 » – déboute Monsieur [K] [R] de l’ensemble de ses demandes

– Laisse les dépens à la charge de [H] [K] [R] »

Statuant à nouveau,

– juger que la rupture anticipée du contrat de travail de Monsieur [R] [K] est abusive

– inscrire au passif de la société My Osmose les sommes suivantes :

* 40 852 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive

* 5 059,60 euros à titre d’indemnité de précarité

En tout état de cause :

– inscrire au passif de la société My Osmose les sommes suivantes :

* 9 744 euros à titre de rappel de salaire au titre du mois de décembre 2018 au mois de mars 2019, outre 974,40 euros de congés payés afférents

* 150,40 euros à titre de remboursement de frais de transport

* 2 800 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier

– ordonner la remise d’une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision à intervenir

– déclarer la décision à intervenir opposable à l’AGS CGEA Ile-de-France.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 19 juin 2021, aux termes desquelles l’AGS-CGEA Ile-de-France Est demande à la cour d’appel de :

– prononcer la nullité du contrat de travail

– débouter [R] [K] de ses demandes liées aux frais professionnels et à la réparation du préjudice moral

– fixer au passif de la liquidation les créances retenues

– dire le jugement opposable à l’AGS dans les termes et conditions de l’article L. 3253-19 du code du travail

– dans la limite du plafond 5 toutes créances brutes confondues

– exclure de l’opposabilité à l’AGS la créance éventuellement fixée au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– exclure de l’opposabilité à l’AGS l’astreinte

– rejeter la demande d’intérêts légaux

– dire ce que de droit quant aux dépens sans qu’ils puissent être mis à la charge de l’AGS.

Le 15 juin 2021, M. [R] [K] a assigné la SELARL MJA, mandataire judiciaire de la société My Osmose en intervention forcée. Postérieurement, elle lui a signifié ses écritures.

Le 19 juillet 2021, la SELARL MJA a écrit au greffe de la cour d’appel qu’elle n’entendait pas constituer avocat dans le cadre de cette procédure en raison du caractère impécunieux de la liquidation judiciaire.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 28 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur la qualité de salarié

M. [R] [K] explique qu’il a signé un contrat de travail à durée déterminée, en date du 3 décembre 2018, avec la société My Osmose en qualité d’Account Manager. En exécution dudit contrat de travail, il a fait souscrire plusieurs contrats au nom de la société auprès de prospects et il justifie, notamment, de ses interventions auprès de M.[F] [W], professionnel libéral, le 7 décembre 2019 (pièce 7) ainsi qu’auprès de la société Stifis Phone, le 3 janvier 2019 (pièce 8). De nombreux autres prospects confirment avoir été contactés par l’intéressé en vue de la souscription d’un contrat de gaz et/ou électricité, en janvier et février 2019, même s’ils n’y ont pas donné de suite (pièces 10, 11, 12, 13).

N’ayant perçu aucune rémunération en contrepartie du travail accompli, M. [R] [K] sollicite un rappel de salaire de 9 744 euros pour la période du 3 décembre 2018 au 19 mars 2019, date à laquelle le mandataire liquidateur lui a signifié la rupture de son contrat de travail.

L’AGS-CGEA Ile-de-France Est s’oppose à cette demande en faisant valoir que le contrat n’a jamais connu de commencement d’exécution et que M. [R] [K] ne démontre pas qu’il aurait exécuté un travail quelconque sous la subordination de la société My Osmose. Elle ajoute que les attestations versées aux débats sont, selon toute vraisemblance, des témoignages de complaisance produits pour les besoins de la cause.

Mais, la cour rappelle qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. En l’espèce, il n’est pas contesté que la société My Osmose a signé un contrat de travail avec M. [R] [K] et rien ne permet d’établir que les attestations de prospects versées aux débats présenteraient un caractère mensonger. En conséquence, en l’absence de démonstration par l’AGS-CGEA Ile-de-France du caractère fictif du contrat de travail, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire de l’appelant et le jugement déféré, qui a débouté le salarié de sa demande, de ce chef sera infirmé.

2/ Sur la rupture du contrat à durée déterminée

Aux termes de l’article L. 1243-4 du code du travail « La rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail , ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-83 ».

M. [R] [K] réclame à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive l’équivalent des salaires qu’il aurait dû percevoir entre le 20 mars 2019 et le terme de son contrat de travail le 5 juin 2020, soit 444 jours représentant 14,59 mois de salaire, pour un montant total de 40 852 euros.

La cour retient que la liquidation judiciaire, quand bien même elle emporte la fermeture définitive de l’établissement ne constitue pas un cas de force majeure excluant le versement au salarié de dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, Il sera, donc, fait droit à la demande de l’appelant et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Il sera, également, ordonné au mandataire ad’hoc de la société My Osmose de délivrer à M. [R] [K], dans les deux mois suivants la notification de la présente décision, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

3/ Sur l’indemnité de précarité

Selon l’article L. 1243-8 du code du travail « Lorsque à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat de travail indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brte versée au salarié.

Elle s’ajoute à la rémunération totale brute due au salarié. Elle est versée à l’issue du contrat en même temps que le dernier salaire et figure sur le bulletin de salaire correspondant.

Dès lors que M. [R] [K] aurait dû percevoir une rémunération totale de 50 596 euros au titre de l’intégralité de la période contractuelle, il est légitime à prétendre à une somme de 5 059,60 euros à titre d’indemnité de précarité.

4/ Sur le remboursement des frais de transport engagés entre décembre 2018 et mars 2019

Selon l’article L. 3261-2 du code du travail « L’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos ». L’article R 3261-1 du code du travail précise : « La prise en charge par l’employeur des titres d’abonnement, prévue à l’article L. 3261-2, est égale à 50% du côut de ces titres ».

Le salarié justifiant avoir souscrit un forfait « Navigo » pour effectuer les déplacements entre son domicile et les clients prospectés pour le compte de la société My Osmose (pièce 15), il lui sera alloué une somme de 150,40 euros [(75,20 x4) / 2] en remboursement des frais engagés.

5/ Les dommages-intérêts pour préjudice moral et financier

M. [R] [K] rapporte que, par un courrier du 19 mars 2019, il a contesté le refus du mandataire liquidateur de prendre en charge les créances salariales précédemment évoquées. Il a joint à ce courrier l’ensemble des éléments attestant de la réalité du contrat de travail (pièce 5). Pour autant, le mandataire liquidateur a persisté dans son refus de lui verser ce qui lui était dû ce qui l’a privé de ressources alors que son épouse ne travaillait et qu’il avait deux enfants à charge. Il sollicite, en conséquence, une somme de 2 800 euros en réparation du préjudice subi.

Le salarié n’ayant pas perçu les indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail, après avoir été privé des rémunérations au titre du contrat de travail, il a subi un préjudice financier qui sera réparé à hauteur de 500 euros.

6/ Sur les autres demandes

La SELARL MJA, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société My Osmose supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe les créances de M. [R] [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société My Osmose, représentée par la SELARL MJA, mandataire ad hoc, aux sommes suivantes :

– 9 744 euros à titre de rappel de salaire au titre du mois de décembre 2018 au mois de mars 2019

– 974,40 euros au titre des congés payés afférents

– 150,40 euros à titre de remboursement de frais de transport

– 5 059,60 euros à titre d’indemnité de précarité

– 40 852 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive

– 500 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,

Ordonne à la SELARL MJA, mandataire ad hoc de la société My Osmose de délivrer à M. [R] [K] dans les deux mois suivants la notification de la présente décision une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte conformes à la présente décision,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS, CGEA Ile-de-France Est dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l’indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Condamne la SELARL MJA, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société My Osmose aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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