CDD pour accroissement d’activité : décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02069
CDD pour accroissement d’activité : décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02069

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/02069 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IB4T

MS/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES

03 mai 2021

RG :F 20/00626

S.A.S. SYSCO

C/

[O]

Grosse délivrée le 16 janvier 2024 à :

– Me

– Me

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 16 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 03 Mai 2021, N°F 20/00626

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Leila REMILI, Conseillère

M. Michel SORIANO, Conseiller

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Juin 2023 prorogé à ce jour

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. SYSCO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-michel DIVISIA de la SCP COULOMB DIVISIA CHIARINI, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Madame [D] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Février 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 16 janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [D] [O] a été engagée à compter du 14 avril 2014, suivant contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 26 septembre 2014, en qualité de télécommerciale par la société Brake France, devenue la SAS Sysco.

Le 7 janvier 2019, suite à plusieurs contrats à durée déterminée et contrats de mission, Mme [D] [O] et la SAS Sysco ont conclu un nouveau contrat à durée déterminée, dont le terme était fixé au 31 décembre 2019, prolongé par avenant du 16 décembre 2019, jusqu’au 6 juillet 2020.

Par courrier du 20 mars 2020, suite à l’épidémie de Coronavirus, le contrat de travail de Mme [D] [O] a été rompu de manière anticipée dans les termes suivants :

‘Suite à l’arrêt partiel de l’activité que subit notre entreprise, en lien avec la situation exceptionnelle d’épidémie du Coronavirus, nous sommes au regret de devoir anticiper la rupture de votre contrat à durée déterminée ayant débuté le 7 janvier 2019, qui devait se terminer le 6 juillet 2020.

Cet événement extérieur à notre entreprise, imprévisible, irrésistible et insurmontable, rend impossible la poursuite de l’exécution de votre contrat de travail.

En effet, le 14 mars dernier, le Premier Ministre Français annonçait le passage au stade 3 de l’épidémie de Coronavirus en France, impliquant le respect de nouvelles mesures strictes à appliquer à l’échelle nationale à partir du dimanche 15 mars 2020, afin d’endiguer la progression de l’épidémie.

L’une de ces mesures de précaution entraîne la fermeture jusqu’à nouvel ordre de tous les « lieux recevant du public, non indispensables à la vie du pays », ce qui concernent notamment les restaurants, bars et cafés. Cette mesure s’ajoute à la fermeture de tous les établissements scolaires à compter du lundi 16 mars, et donc des cantines scolaires.

En tant qu’acteur du marché de la restauration hors foyer, notre activité se trouve par conséquent directement et considérablement impactée, ce qui nous empêche de poursuivre notre relation contractuelle dans les conditions d’emploi qui étaient convenues.

En conséquence, votre contrat de travail sera rompu dès le 20 mars 2020.

L’indemnité compensatrice de congés payés vous sera versée avec votre solde de tout compte.

En revanche, du fait de la rupture de votre contrat de manière anticipée pour force majeure, l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due.

Votre solde de tout compte, le certificat de travail ainsi que l’attestation Pôle Emploi seront adressés à votre domicile’.

Par requête du 5 octobre 2020, Mme [D] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de constater que sur la période du 14 avril 2014 au 20 mars 2020, elle a été placée dans un emploi permanent, d’ordonner la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et ce depuis le 14 avril 2014, jusqu’à la date de la rupture de la relation de travail, le 20 mars 2020 et de condamner la SAS Sysco au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 3 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :

– condamné la SAS Sysco France à payer à Mme [D] [O] les sommes suivantes :

– 1.929,43 euros nets à titre d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

– 13.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.858,87 euros d’indemnité de préavis outre 385,88 euros de congés payés y afférent,

– 2.853,96 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 13.506,04 euros bruts de rappel de salaire,

– 2500 euros net de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier,

– 1560 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformément à la décision, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard après 15 jours de notification,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– mis les dépens à la charge de la SAS Sysco.

Par acte du 28 mai 2021, la SAS Sysco a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 février 2023, la SAS Sysco demande à la cour de :

– déclarer l’appel de la SAS Sysco France bien fondé et, y faisant droit, infirmer le jugement rendu le 3 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a condamné la société Sysco France au paiement des sommes de 1.929,43 euros nets à titre d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, 13.500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.858,87 euros d’indemnité de préavis, outre 385,88 euros de congés payés y afférent, 2.853,96 euros d’indemnité légale de licenciement, 13.506,04 euros bruts de rappel de salaire, 2.500 euros nets de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier et 1.560 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformément à la décision, et ce, sous astreinte de 100€ par jour de retard après 15 jours de notification, ordonné l’exécution provisoire de la décision et mis les dépens à la charge de la société Sysco France,

En statuant à nouveau sur ces points,

– déclarer irrecevable l’action en requalification des contrats à durée déterminée dont

le terme est antérieur au 5 octobre 2018,

– débouter Mme [D] [O] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [D] [O] au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de

l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– déclarer l’appel incident de Mme [D] [O] irrecevable, à défaut de mention, dans le dispositif de ses conclusions, de prétention tendant à l’infirmation du jugement entrepris.

La SAS Sysco soutient que :

– sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

– l’action en requalification des contrats à durée déterminée dont le terme est antérieur au 5 octobre 2018 est prescrite

– l’action en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée se prescrit par deux ans à compter du terme dudit contrat ou du premier jour d’exécution du second contrat en cas de non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs

– la salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes le 5 octobre 2020.

Son action est donc prescrite pour les contrats dont le terme est antérieur au 5 octobre 2018, sauf à démontrer qu’un délai de carence n’aurait pas été respecté

– Mme [O] a ratifié un contrat de travail à durée déterminée pour une période allant du 29 janvier au 28 septembre 2018, soit pour une durée de huit mois

– elle a ensuite signé un nouveau contrat de travail à durée déterminée pour une période allant du 7 janvier au 31 décembre 2019, lequel a été renouvelé jusqu’au 6 juillet 2020

– le délai de carence entre ces deux contats ayant bien été respecté (3 mois), la prescription biennale court à compter du 28 septembre 2018, terme du précédent contrat

– la salariée ne démontre pas une succession ininterrompue de ses contrats de travail à durée déterminée, démontrant ainsi qu’elle n’a pas occupé un emploi permanent de l’entreprise

– l’action en requalification de Mme [O] fondée sur un prétendu défaut de signature du contrat à durée déterminée du 29 janvier 2018 est prescrite en application de l’article L. 1471-1 du Code du travail

– à titre surabondant, elle démontre qu’elle a été de bonne foi dans le recours aux contrats de travail à durée déterminée

– à l’exception de la période de remplacement de Mme [K] [S] au cours des années 2014 et 2015, les contrats à durée déterminée conclus avant le 7 janvier 2019 avec Mme [O] l’ont été pour un motif d’accroissement d’activité découlant de l’activité saisonnière d’été

– elle approvisionne en produits frais et surgelés une clientèle de restaurants, laquelle connaît chaque année, a fortiori dans le Gard et le sud de la France (région sur laquelle intervenait la salariée), un pic d’activité résultant de l’affluence des touristes, ce qui a motivé l’embauche de Mme [O] sous contrat à durée déterminée pendant les périodes cycliques d’accroissement d’activité liées à la saison estivale

– le dernier contrat vise la fonction de télé-commerciale pendant l’accroissement temporaire d’activité résultant de la mise en place de la nouvelle organisation de la société

– les sociétés BRAKE FRANCE SERVICE et DAVIGEL ont fusionné au mois de mai 2018, pour donner naissance à la société SYSCO.

Elle a, dès lors, entrepris une réorganisation en vue d’unifier les modes de gestion et d’exploitation des deux entreprises ainsi fusionnées, laquelle a débuté, en février 2019, par la mise en place d’une « tournée unique »

– cette réorganisation a donc généré un surcroît d’activité exceptionnel justifiant le recours au contrat à durée déterminée litigieux

– sur la rupture anticipée du contrat à durée déterminée

– la pandémie liée à la Covid-19, mais également et surtout les mesures prises par les autorités (interdiction des rassemblements, fermeture des magasins non indispensables à la vie de la Nation, confinement ‘ etc.), juridiquement qualifiées de « fait du prince » ont justifié la rupture anticipée du contrat litigieux

– il s’agit d’événements totalement indépendants de la volonté de la société et qui ont rendu impossible l’exécution du contrat de travail

– les caractères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’extériorité desdits événements sont présents en l’espèce et justifient l’application de la force majeure au litige.

En l’état de ses dernières écritures en date du 26 novembre 2021, contenant appel incident, Mme [D] [O] a demandé de :

A titre principal,

– de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nîmes, en date du 3 mai 2021 ayant fait droit aux demandes de Mme [D] [O],

En ce qu’il a,

– constaté sur la période allant du 14 avril 2014 au 20 mars 2020, que Mme [D] [O] a été placée sur un emploi permanent,

– constaté le non-respect des délais de carence,

En conséquence,

– ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Mme [D] [O] en contrat à durée indéterminée sur la période allant du 14 avril 2014 au 20 mars 2020,

– condamné par conséquent la SAS Sysco au paiement des sommes suivantes :

– 1 929,43 euros nets à titre d’indemnité de requalification des contrats de mission en CDI (1 mois),

– 13500,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 858,87 euros bruts à titre de d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois) outre le paiement de la somme de 385,88 euros au titre des congés payés y afférents,

– 2 853,96 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 13 506,04 euros bruts à titre de rappels de salaire sur la période allant du mois d’octobre 2017 au mois de janvier 2018 et d’octobre 2018 au mois de décembre 2018,

– 2 500,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,

– 1560,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (première instance),

– condamner la SAS Sysco à délivrer à Mme [D] [O] des documents

de fin de contrat rectifiés conformément à la décision, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard après 15 jours de notification,

– mis les dépens à la charge de la SAS Sysco,

A titre subsidiaire,

– constater sur la période allant du 29 janvier 2018 au 28 septembre 2018, l’absence de contrat de mission écrit,

En conséquence,

– ordonner la requalification des contrats de mission de Mme [D] [O] en contrat à durée indéterminée à compter du 29 janvier 2018, pour défaut de contrat écrit,

– condamner la SAS Sysco au paiement des sommes suivantes :

– 1 929,43 euros nets à titre d’indemnité de requalification des contrats de

mission en CDI (1 mois),

– 11 576,61 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse (6 mois), à titre subsidiaire 6 753,02 euros nets, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3,5 mois),

– 3 858,87 euros bruts à titre de d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois) outre le paiement de la somme de 385,88 euros au titre des congés payés y afférents,

– 1 004,91 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 5 788,30 euros bruts à titre de rappels de salaire sur la période allant du mois

d’octobre 2018 au mois de décembre 2018,

– 2 500,00 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et

financier,

– 1560,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile (première

instance),

À titre infiniment subsidiaire,

– constater que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Mme [D] [O] intervenue en dehors des cas prévus par le législateur est dès lors abusive,

En conséquence,

– condamner la SAS Sysco au paiement des sommes suivantes :

– 6 881,65 euros nets à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail à durée déterminée,

– 1 929,43 euros nets à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure (1 mois de salaire),

– 2 674,73 euros nets à titre d’indemnité de précarité,

En outre,

– faire produire à la décision à intervenir les intérêts légaux,

– condamner la SAS Sysco au paiement de la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

Mme [D] [O] fait valoir que :

– sur la prescription

– la demande de requalification est fondée sur l’erreur quant au motif du recours au CDD

énoncé au contrat

– si l’action est fondée sur le motif de recours énoncé au contrat, le délai de prescription a pour point de départ le terme du CDD ou, en cas de CDD successifs, le terme du dernier contrat

– lorsque l’action en requalification est fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux CDD successifs, le délai de prescription de cette action en requalification court à compter du premier jour d’exécution du second contrat et non pas à compter du jour de la signature du contrat

– elle a conclu 11 contrats du 14 avril 2014 jusqu’au 20 mars 2020, et a été engagée pour occuper un emploi participant de l’activité normale de la société

– dans le cadre de l’erreur sur le motif de recours au CDD, le délai de prescription a pour point

de départ le terme du dernier contrat et le salarié est en droit de se prévaloir de son ancienneté jusqu’au premier contrat irrégulier

– son dernier contrat ayant débuté le 07 janvier 2019 et devant prendre fin, après renouvellement le 06 juillet 2020, mais ayant pris fin le 20 mars 2020, son action aurait dû être prescrite le 06 juillet 2022, ou, si la suspension de son contrat est jugée légale, le 20 mars 2022 : sa saisine du 05 octobre 2020 est parfaitement fondée

– sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

– elle est entrée au sein de la société Sysco le 14 avril 2014 en tant que « télé-commerciale »

– elle conclura en tout 11 contrats à durée déterminée pour exercer toujours en qualité de « télé-commerciale », sur la période allant du 14 avril 2014 au 06 juillet 2020

– les contrats étaient destinés à pourvoir un emploi permanent et durable lié à une activité

normale de l’entreprise

– le contrat du 29 janvier 2018 au 28 septembre 2018 n’a pas été signé et elle en droit de solliciter la requalification en contrat à durée indéterminée à ce titre à compter du 29 janvier 2018

– elle a pallié les conséquences d’un déficit de main-d’oeuvre prévisible, systématique et normale dans l’entreprise

– tout au long de cette relation contractuelle, elle est restée à la disposition permanente de la société, dans l’attente de pouvoir enfin conclure un contrat à durée indéterminée

– elle est en droit de prétendre à des rappels de salaire sur les périodes d’inactivité et une indemnité de requalification du contrat de travail à durée indéterminée

– son licenciement devant être considéré comme étant dénué de toute cause réelle et sérieuse, la salariée sera en droit de prétendre à :

– Des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

– Une indemnité de préavis

– Une indemnité légale de licenciement

– étant restée à la disposition permanente de la société, dans l’attente de pouvoir enfin conclure un contrat à durée indéterminée, elle sollicite le paiement des salaires sur les périodes

d’inactivité portant sur les 3 dernières années

– sur le non respect du délai de carence

– le premier contrat à durée déterminée prenait fin le 26 septembre. Sa durée était de 119 jours ouvrés, soit 23 semaines complètes. La société aurait dû respecter un délai de carence de 39 jours

– or, la société l’a sollicitée une nouvelle fois pour conclure un nouveau contrat de travail débutant le 27 septembre 2014

– le second contrat à durée déterminée prenait fin le 10 octobre. Sa durée était de 10 jours ouvrés, soit 2 semaines complètes. La société aurait dû respecter un délai de carence de 5 jours.

Or, la direction l’a sollicitée une nouvelle fois pour conclure un nouveau contrat de travail débutant le 13 octobre 2014, soit 3 jours après le terme du précédent

– à titre infiniment subsidiaire : sur la rupture du contrat de travail

– en usant de l’excuse de la crise sanitaire, la société tente purement de se dédouaner de la rupture abusive mise en oeuvre

– pour les contrats signés à compter du mois de janvier 2020, l’on peut considérer que l’épidémie était prévisible au regard de son arrivée en Italie puis en Chine

– la seule circonstance de la « fermeture forcée » ne saurait en soi constituer un cas de force majeure.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 février 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 23 mars 2023.

MOTIFS

La SAS Sysco sollicite de voir ‘déclarer l’appel incident de Mme [D] [O] irrecevable, à défaut de mention, dans le dispositif de ses conclusions, de prétention tendant à l’infirmation du jugement entrepris.’

Or, la lecture des conclusions de l’intimée comporte une demande de confirmation à titre principal de l’intégralité du jugement déféré, puis des demandes subsidiaires de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par l’appelante sur ce point.

Sur la prescription

L’employeur soulève la prescription biennale de l’action en requalification.

En application des dispostions de l’article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Le point de départ du délai de prescription de deux ans diffère selon le fondement de l’action en requalification.

Si l’action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

Si est invoqué le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs, le

point de départ de l’action est le premier jour d’exécution du second de ces contrats.

Si l’action est fondée sur la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée indiqué sur le contrat, le point de départ du délai de prescription est le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

Il est en effet acquis que la requalification en CDI pouvant porter sur une succession de contrats séparés par des périodes d’inactivité, ces dernières n’ont pas d’effet sur le point de départ du délai de prescription. Il en résulte qu’en cas de succession de contrats temporaires ou de contrats à durée déterminée séparés par des périodes intercalaires, il n’y a pas lieu d’appliquer la prescription contrat par contrat. Le délai de prescription court à compter du terme du dernier contrat, pour l’ensemble de la relation de travail.

En l’espèce, le salarié conteste la réalité des motifs de recours aux contrats à durée déterminée, et ce pour l’ensemble de la relation de travail, mais soulève également le non respect du délai de carence également sur l’ensemble de la relation de travail.

En l’espèce, le dernier contrat s’est achevé le 20 mars 2020 dans le cadre d’une rupture avant le terme prévu le 6 juillet 2020 de sorte que Mme [O] disposait d’un délai expirant le 20 mars 2022 pour saisir le conseil de prud’hommes d’une action en requalification.

La salariée ayant saisi le conseil de prud’hommes de Nîmes le 5 octobre 2020, son action fondée sur les motifs de recours et/ou le non respect du délai de carence est parfaitement recevable.

Sur le fond

Le premier contrat à durée déterminée a été conclu le 21 mars 2014 à effet du 14 avril 2014 jusqu’au 26 septembre 2014.

L’article L.1242-1 du code du travail dispose que « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

Aux termes de l’article L. 1242-2 dans sa version en vigueur du 08 mai 2010 au 22 décembre 2014 :

« Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d’un salarié en cas :

a) D’absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’il en existe ;

e) D’attente de l’entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; (…)’.

En cas de litige sur le motif du recours à un contrat de travail à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

Le contrat de travail conclu entre les parties par lequel Mme [O] a été engagée en qualité de télé-commerciale indique : ‘Nous avons le plaisir de vous confirmer par la présente votre engagement dans le cadre d’un contrat à durée déterminée en qualité de Télé-commerciale pour nous apporter votre concours pendant la saison d’été 2014.’

L’employeur soutient à ce titre que ‘à l’exception de la période de remplacement de Madame [K] [S] au cours des années 2014-2015, les contrats à durée déterminée conclus avant le 7 janvier 2019 avec Madame [O] l’ont été pour un motif d’accroissement d’activité découlant de l’activité saisonnière d’été.’

Il ajoute qu’il approvisionne en produits frais et surgelés une clientèle de restaurants, qui connaît chaque année, a fortiori dans le sud, un pic d’activité résultant de l’affluence de touristes.

Cependant, aucun élément n’est produit par l’employeur pour démontrer le pic d’activité invoqué, alors que le premier contrat conclu avec la salariée débute le 14 avril 2014, à une période qui ne peut être assimilée à la saison estivale.

Le dossier de l’appelante ne comporte aucune pièce faisant apparaître l’activité de la société avant, pendant et après la période estivale, et qui démontrerait ‘les périodes cycliques d’accroissement d’activité liées à la saison estivale’.

En effet, l’employeur doit être en mesure d’apporter une double preuve concernant d’une part la réalité de l’accroissement et, d’autre part, son caractère temporaire.

La réalité du motif énoncé dans le contrat de travail à durée déterminée de la salariée n’est donc pas rapportée.

Le jugement querellé sera dans ces circonstances confirmé sur ce point, les motifs de la cour se substituant à ceux des premiers juges.

Il y a lieu, tirant les conséquences juridiques de la requalification ainsi ordonnée, de faire droit aux réclamations de Mme [O] au titre de l’indemnité de requalification dont les modalités de calcul n’ont pas été querellées.

Sur la rupture du contrat de travail

Il n’est pas contestable que le dernier contrat de travail à durée déterminée n’est pas arrivé à son terme et a fait l’objet d’une rupture par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 mars 2020 ainsi libellé :

‘Objet : Rupture de votre contrat à durée déterminée pour force majeure

Madame,

Suite à l’arrêt de l’activité que subi notre entreprise, en lien avec la situation exceptionnelle d’épidémie de Coronavirus, nous sommes au regret de devoir anticiper la rupture de votre contrat à durée déterminée ayant débuté le 7 janvier 2019, qui devait se terminer le 6 juillet 2020.

Cet événement, extérieur à notre entreprise, imprévisible, irrésistible et insurmontable, rend impossible la poursuite de l’exécution de votre contrat de travail.

En effet, le 14 mars dernier, le Premier Ministre Français, annonçait le passage au stade 3 de l’épidémie de Coronavirus en France, impliquant le respect de nouvelles mesures strictes à appliquer à l’échelle nationale à partir du dimanche 15 mars 2020, afin d’endiguer la progression de l’épidémie.

L’une de ces mesures de précautions entraîne la fermeture jusqu’à nouvel ordre de tous les ‘lieux recevant du public, non indispensables à la vie du pays’, ce qui concernent les restaurants, bars et cafés. Cette mesure s’ajoute à la fermeture de toutes les établissements scolaires à compter du lundi 16 mars, et donc toutes les cantines scolaires.

En tant qu’acteur du marché de la restauration hors foyer, notre activité se trouve par conséquent directement et considérablement impactée, ce qui nous empêche de poursuivre notre relation contractuelle dans les conditions d’emploi qui étaient convenues.

En conséquence, votre contrat de travail sera rompu dès le 20 mars 2020 au soir.

L’indemnité compensatrice de congés payés vous sera versée avec votre solde de tout compte.

En revanche, du fait de la rupture de votre contrat de manière anticipée pour force majeure, l’indemnité de fin de contrat ne sera pas due.

…’

La requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement. Il appartient donc au juge d’apprécier la légitimité de la rupture c’est-à-dire son caractère réel et sérieux.

En cas de requalification ultérieure en contrat à durée indéterminée, le juge recherchera si la lettre de rupture vaut lettre de licenciement, c’est-à-dire si les motifs de rupture qui y sont énoncés constituent des griefs justifiant le licenciement.

En effet, la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse n’est pas automatique.

Tout écrit reçu par le salarié mettant fin au contrat à durée déterminée peut être invoqué par l’employeur comme justifiant que le salarié a eu connaissance du motif de la rupture.

Ainsi, lorsque le salarié a reçu un écrit lui notifiant la fin de la relation de travail et les raisons pour lesquelles celle-ci intervenait, le juge est fondé à se référer à cet écrit pour déterminer si le licenciement a un caractère réel et sérieux.

En l’espèce, la rupture du contrat à durée déterminée avant son terme est fondée sur la force majeure suite à la pandémie de Coronavirus et les mesures gouvernementales pour enrayer la propagation de l’épidémie en France.

L’article L.1243-1, 1er alinéa, du code du travail permet, sur le fondement de la force majeure, la rupture avant terme d’un contrat à durée déterminée.

L’article 1218 du code civil dispose : Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire l’exécution de l’ obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement et définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

Il appartient à celui qui s’en prévaut de rapporter la preuve des critères imposés ci-dessus pour qualifier l’événement de force majeure.

A ce titre, la réunion des conditions de la force majeure concernera non pas nécessairement le caractère imprévisible, hors de contrôle et inévitable de l’épidémie elle-même, mais de l’événement supposé faire obstacle à l’exécution du contrat.

La force majeure emporte la cessation immédiate sans préavis ni indemnité.

Le fait du prince est une intervention ou un acte de l’administration qui rend impossible, pour l’un ou pour l’autre contractant, l’exécution du contrat de travail. C’est donc une cause étrangère aux parties qui exonère le débiteur de ses obligations.

Le fait du prince entraîne la rupture du contrat de travail sans préavis, ni indemnité lorsqu’il est imprévisible.

Aux termes des dispositions de l’article 8 du Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire :

‘Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent plus accueillir du public jusqu’au 15 avril 2020 :

– au titre de la catégorie N : Restaurants et débits de boissons, sauf pour leurs activités de livraison et de vente à emporter, le « room service » des restaurants et bars d’hôtels et la restauration collective sous contrat ;

– au titre de la catégorie R : Etablissements d’éveil, d’enseignement, de formation, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement, sauf ceux relevant des articles 9 et 10.

…’

Sur son site internet, Sysco se présente comme ‘le leader mondial de la commercialisation et de la distribution de produits alimentaires et non alimentaires pour les professionnels de la restauration’, ‘notamment les restaurants, les établissements de santé, d’enseignement et d’hébergement.’

La fermeture administrative des établissements clients de l’employeur, fondée sur le décret précité du 23 mars 2020, lui-même justifié par la crise sanitaire d’une ampleur alors inédite, a été, en application des articles 8 et 9 de ce texte, décidée, d’abord jusqu’au 15 avril 2020, puis, en application de l’arrêté complémentaire du 14 avril 2020 afférent au décret, jusqu’au 11 mai 2020.

En l’espèce, si ne sont pas contestables l’extériorité et l’imprévisibilité, lors de la signature de l’avenant de prolongation du contrat à durée déterminée, le 16 décembre 2019 à effet du 1er janvier 2020, de l’événement de situation sanitaire exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19 et des décisions gouvernementales consécutives, avec une décision de fermeture, par arrêté du 14 mars 2020, complété par un arrêté du 15 mars 2020, jusqu’à nouvel ordre de tous les lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays, l’employeur ne démontre pas de l’existence d’événement irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite du contrat de travail à durée déterminée courant jusqu’au 6 juillet 2020.

En effet, le dispositif du chômage partiel, annoncé dès le 12 mars 2020, avait précisément pour objet d’empêcher la rupture des contrats de travail des salariés mis dans l’impossibilité de travailler par l’effet de la crise sanitaire, tel que résultant du décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 permettant à toutes entreprises qui ont vu leur activité stoppée ou leur établissement fermé de recourir au dispositif d’activité partielle pour le maintien du personnel dans leur emploi et la poursuite des contrats de travail à durée déterminée de caractère saisonnier.

S’il s’agit d’un événement imprévisible, indépendant de la volonté des parties, l’employeur doit être en mesure de justifier que des mesures appropriées ne pouvaient pas empêcher l’exécution de ses obligations.

Sur ce point, il ne produit aucune pièce établissant que toute activité de l’entreprise avait cessé.

Au contraire, l’employeur reconnaît dans ses écritures que les mesures gouvernementales ont ‘entraîné brutalement l’arrêt de la quasi-totalité de l’activité de la société SYSCO’, ce qui implique qu’il persistait une activité pour laquelle il n’est donné aucune précision, ni aucune justification.

Il ajoute que la salariée ‘n’était plus en mesure de remplir ses obligations nées du contrat à durée déterminée conclu avec Madame [O], ses clients n’ayant plus commandé de produits alimentaires frais, surgelés et d’épicerie du jour au lendemain et ne générant donc plus de commandes vidant ainsi les fonctions confiées à la salariée de leur substance’, allégation non démontrée eu égard à l’activité résiduelle existante et reconnue par celui-là.

Enfin, la société Sysco a publié une offre d’emploi le 6 mai 2020 pour un poste de télé-commercial H/F pour le site de [Localité 4], soit avant l’expiration du délai de fermeture prévu supra au 11 mai 2020.

La rupture pour force majeure est intervenue très rapidement sans que l’employeur puisse apprécier si des mesures comme l’activité partielle étaient possibles ou non, les mesures d’aide aux entreprises ayant été annoncées dès le 12 mars 2020, soit antérieurement à la rupture du contrat de travail.

Le recours au cas de force majeure pour rompre le contrat n’était donc pas justifié.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée peut ainsi prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d’un montant non contesté de 3858,87 euros bruts, outre celle de 385,88 euros bruts pour les congés payés afférents.

L’employeur ne conteste pas plus le mode de calcul opéré par la salariée au titre de l’indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 2853,96 euros qu’il conviendra de lui attribuer.

La cour entrera en voie de confirmation du jugement querellé au titre desdites sommes.

La rupture étant survenue le 20 mars 2020, l’indemnité à laquelle peut prétendre Mme [O] répond aux exigences de l’article 1235-3 dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018.

Le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée sont dépourvues d’effet direct en droit interne.

La salariée présentait une ancienneté de six ans, délai de préavis compris, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est dès lors comprise entre 3 et 7 mois de salaire.

Mme [O] indique avoir été placée dans une situation financière complexe à la suite de la rupture du contrat de travail, n’ayant pu poursuivre ses projets de location immobilière, l’obligeant à demeurer chez ses parents, la ‘situation actuelle sanitaire’ ne pouvant que produire des effets néfastes sur ses recherches d’emploi.

La cour relève que la salariée ne produit aucun élément permettant de justifier ses allégations, ni aucune pièce sur sa situation financière, personnelle et professionnelle depuis la rupture du contrat de travail, pas plus que le moindre justificatif de recherche d’emploi.

Elle ne saurait dès lors prétendre au maximum prévu par l’article L 1235-3 susvisé, son préjudice devant être indemnisé par l’allocation de la somme de 5788,29 euros correspondant à trois mois de salaire, justifiant la réformation du jugement sur le montant accordé à ce titre.

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme [O] à compter du jour de son licenciement, jusqu’au jour du présent arrêt et ce à concurrence de six mois.

Sur le rappel de salaire

Mme [O] sollicite le paiement des salaires entre les mois d’octobre 2017 et janvier 2018, et les mois d’octobre 2018 à décembre 2018, soutenant s’être tenue à la disposition de son employeur pendant cette période.

Un salarié dont les contrats à durées déterminées ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée peut obtenir un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées entre les contrats s’il établit s’être tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes dites interstitielles.

Il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant des contrats à durée déterminée.

En l’espèce, aucun élément n’est produit par la salariée pour démontrer qu’elle est restée à la disposition de l’employeur sur les périodes par elle invoquées.

En conséquence, la cour réforme le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur au paiement de la somme de 13506,04 euros à titre de rappel de salaire à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme [O] soutient avoir subi un préjudice moral et financier dont il lui appartient de rapporter la preuve qu’il est différent de celui réclamé et indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Force est de constater qu’aucun élément n’est produit par la salariée à ce titre, les arguments par elle avancés étant identiques à ceux formulés dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi, elle ne justifie pas qu’elle aurait subi un préjudice distinct de celui déjà réparé par les indemnités allouées supra.

Elle sera dès lors déboutée de cette prétention par réformation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La délivrance des documents de fin de contrat sera ordonnée selon les termes du dispositif. Il n’y a pas lieu de prononcer une astreinte et le jugement rera réformé sur ce point.

Chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Confirme le jugement rendu le 3 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a condamné la SAS Sysco à payer à Mme [D] [O] les sommes suivantes :

– 1.929,43 euros nets à titre d’indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

– 3.858,87 euros d’indemnité de préavis outre 385,88 euros de congés payés y afférent,

– 2.853,96 euros d’indemnité légale de licenciement,

– 1560 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Et en ce qu’il a :

– mis les dépens à la charge de la SAS Sysco.

Le réforme pour le surplus

Et statuant à nouveau

Condamne la SAS Sysco à payer à Mme [D] [O] la somme de 5788,29 euros de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Ordonne la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt, dans les deux mois de sa notification,

Déboute Mme [D] [O] du surplus de ses demandes,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elles exposés en cause d’appel,

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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